Rapport 2012 des OMD : de nombreux défis pour l’Afrique

Tous les peuples aspirent à un développement économique et social. Cette aspiration légitime est confiée à un pouvoir exécutif dont la première mission est la concrétisation de la volonté populaire. 
En Afrique, les vents de la démocratie qui soufflent combinés aux situations catastrophiques dans certains pays (Mali, Congo, Somalie etc.) reposent la lancinante question de la place des pouvoirs publics au cœur du développement. Depuis les indépendances, l’Afrique traîne les pieds malgré une richesse naturelle abondante. L’état des lieux de la situation économique et sociale de l’Afrique montre un continent riche en potentialités mais qui tarde à amorcer une véritable émergence à cause des conflits armés et de l’instabilité sociale dans beaucoup de pays. Cette situation alarmante cache néanmoins des progrès importants réalisés au cours des dernières années.
En effet, même si l’atteinte des objectifs pour le développement d’ici à 2015 reste difficilement atteignable, le rapport de l’ONU sur la question note des avancées significatives et des efforts considérables à réaliser.

La pauvreté : un combat de tous les jours

L’effort consenti dans la réduction des inégalités s’est fait ressentir pendant des années par la baisse de la pauvreté et de la vulnérabilité des populations. Les différents rapports publiés ces cinq dernières montrent des baisses considérables, de 56,5% à 47,5 entre 1990 et 2009, pour l’Afrique subsaharienne. La pauvreté est cependant plus accentuée chez les femmes et les jeunes.
Cette baisse cache mal une certaine vulnérabilité des populations les plus fragiles avec notamment. :

– la fragilité de l’économie dépendant des matières premières et des fluctuations des cours mondiaux ;

– une démographie galopante dans la plupart des pays sans une réelle anticipation sur les politiques d’aménagement de territoires ;

– des emplois précaires occupés dans le secteur informel dont la majorité sont des femmes, avec un risque de basculement dans la pauvreté du jour au lendemain par la perte d’activité ;

– une large majorité de la population composée de jeunes sans emploi, soit 74, 8 millions en 2011, soit plus de 4 millions de nouveaux primo demandeurs d’emploi qu’en 2007 ;

– une protection sociale inadéquate : on note une faiblesse des prestations fournies pour les bénéficiaires et une absence de l’assurance-chômage ;

– un déséquilibre entre les territoires ruraux et les centres urbains. Cette désertification humaine est due à l’absence de structures socio-économiques capables d’offrir de l’emploi ou des opportunités pour l’écoulement des produits agricoles pour une population tributaire de la pluviométrie. Cela précarise davantage les femmes, les enfants et les personnes agées dans le monde rural sans pour autant occulter l’effet pervers sur les villes avec la prolifération du phénomene de ghettoisation.

Si l’analyse de la pauvreté prend en compte beaucoup de paramètres comme l’accessibilité aux infrastructures sociaux de base comme la santé et l’éducation, des efforts considérables restent à faire dans ces domaines.

L’éducation : un défi majeur

Le défi de la scolarisation reste important pour l’Afrique du fait du besoin en ressources humaines de qualité pour booster sa croissance. Le taux de scolarisation brut a atteint les 90% selon le rapport de l’ONU sur les OMD. Cependant, le taux d’achèvement demeure en deçà des objectifs fixés malgré la gratuité et le caractère obligatoire de l’enseignement primaire. Cette contre-performance résulte, d’une part d’une difficulté à garder les filles à l’école avec les phénomènes des mariages forcés qui, même s’ils ont baissé continuent d’éloigner les filles de l’école, d’autre part des maux qui gangrenent le systeme éducatif (absence d’investissements, programmes souvent inadaptés, enseignants peu ou mal formés…) et qui le rendent inefficace.
Cependant des pays comme, l’Algérie, le Burundi, l’Égypte, Sao Tomé et principe, la Tanzanie, le Togo et la Tunisie ont atteint ou dépassé les objectifs fixés pour le taux minimum de scolarisation. Les performances des pays (Madagascar, Sao Tomé et principe, le Rwanda et la Tanzanie) sans aucune ressource naturelle, sont encourageantes et constituent des exemples pour les pays en retard dans la scolarisation universelle. Les retards constatés dans les autres pays (le Cap Vert, le Malawi, l’Afrique du Sud et la Gambie) sont dus à l’absentéisme des enseignants ou à leur manque de qualification ou encore un manque d’investissement dans les infrastructures scolaires créant ainsi un déséquilibre entre les grandes villes et le milieu rural.

La capitalisation des acquis passera aussi nécessairement par l’adaptation des programmes scolaires aux réalités socio-économiques et culturelles africaines avec notamment :

– une formation des enseignants pour rehausser la qualité de l’éducation ;

– une meilleure prise en charge de la dimension sanitaire dans les programmes scolaires pour combattre le VIH et le paludisme qui font encore des ravages sur le continent ;

– un investissement suffisant dans la construction d’infrastructures scolaires ;

– une prise en compte de la dimension environnementale en faisant de la lutte contre le réchauffement climatique et de la préservation de la biodiversité une cause nationale.

Le genre : mettre la femme au cœur du développement économique et social

L'Afrique est un continent ancré dans ses traditions. Le renversement de la tendance en faveur d’une meilleure considération des femmes reste un enjeu de taille. Les femmes constituent la moitié de la population africaine et contribuent d’une manière non négligeable à l’activité économique et sociale pour la plupart dans le secteur de l’informel. Cette situation est due en général à un abandon précoce de l’enseignement à cause de la résistance des mariages précoces. Malgré les efforts fournis pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes en termes de formation professionnelle, la situation des femmes n’a pas considérablement évolué ces dernières années. En effet, le rapport sur l’état d’évolution des OMD montre une faible progression de manière générale de la parité dans le domaine scolaire. La parité régresse même dans certains pays (Cap Vert et Erythrée) depuis des années.

Cependant, certains pays connaissent des résultats prometteurs dans l’enseignement primaire avec une réduction importante de l’écart entre filles et garçons. C’est le cas du Sénégal, du Mali et du Togo où l’indice de parité a augmenté de 30 à 49 %. Hormis l’Afrique du Sud qui ne connaît pas d’évolution depuis 2003 ainsi que le Cap Vert et l’Erythree, la situation de la parité dans l’enseignement primaire reste positive même si elle connaît un retard pour l’atteinte des objectifs pour 2015. En revanche, des pays comme la Guinée, le Tchad et le Bénin connaissent des avancées significatives dans la parité filles/garçons aussi bien dans les milieux urbains qu’en zone rural avec une progression de 79,2% à 55,6%.
Ces résultats satisfaisants pour la plupart des pays, ont été obtenus grâce à un engagement politique fort des pouvoirs publics par l’augmentation considérable des budgets de l’éducation nationale, la construction de salles classes dans les milieux les plus défavorisés, la formation des enseignants et les nombreuses campagnes de sensibilisations en partenariat avec les acteurs pour promouvoir la parité et le maintien des filles à l’école.

L’intégration par l’emploi constitue tout aussi un enjeu de taille pour les femmes africaines. Elle reste, cependant difficilement atteignable du fait d’une présence importante des femmes dans le travail agricole et dans le secteur informel. En effet, elles éprouvent plus de difficultés à trouver des emplois salariés même à diplôme égal ou elles sont sous employées et mal rémunérées. Cette discrimination pousse les femmes à évoluer plutôt dans les activités commerciales, qui représentent 60% des activités non agricoles (ONU Femmes 2010) L’importance de l’activité commerciale est encouragée par le développement de la micro finance pour aider les femmes à monter des activités créatrices de revenu. La place de la micro finance a pris sans nul doute des proportions satisfaisantes au Madagascar avec le passage des femmes adhérentes aux réseaux de micro financement de 15% à 45% entre 1999 à 2006.
D’autres activités comme la sylviculture sont pratiquées par les femmes et constituent une source de revenu considérable. C’est le cas du Sénégal, ou sur les 12,5 millions de Dollars, générés par la sylviculture, le tiers a été l’œuvre des femmes.

Dans les emplois salariés, les femmes sont majoritairement localisées dans le secteur des services ou elles dépassent largement la présence des hommes, qui sont plus représentés dans le secteur industriel. Les données disponibles sur 31 pays révèlent des situations différentes pour des pays comme l’Afrique du Sud, le Botswana, la RCA et l’Ethiopie avec des tendances positives tandis que le Sénégal, la Libye, l’Algérie et le Libéria sont très loin des objectifs fixés.

Sur le plan de la démocratie représentative, les femmes connaissent des fortunes diverses selon les pays. Sept pays dépassent la barre de représentation des 30% au parlement tandis que 8 pays ont dépassé les 20% de représentation. Des régressions fortes ont été notées sur les pays comme le Ghana, le Cameroun, le Congo, les Comores, etc.
En termes d’autonomisation des femmes en politiques cinq pays (l’Afrique du Sud, l’Ouganda, la Tanzanie, l’Angola et le Mozambique) demeurent parmi les 30 meilleurs au monde.

L’évaluation des trois OMD en Afrique subsaharienne renseigne sur l’état d’évolution des politiques et programmes mis en œuvre pour l’atteinte des objectifs en 2015.
La place prépondérant de la lutte contre la pauvreté, la promotion de l’accès à l’éducation pour tous et la promotion du genre sont des signes d’un continent en mouvement. En faisant de ces OMD des priorités du millénaire, les nations ont remis au cœur de la gouvernance mondiale toute la place de l’humain dans le développement économique et social. Ce recentrage de l’humain au cœur du système de gouvernance constitue pour l’Afrique une immense chance de combler le retard mais aussi de participer plus efficacement à la gouvernance mondiale.

 

Alassane Diallo

Lien vers le rapport sur les OMD: http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/mdg/the-millennium-development-goals-report-2012/

L’éducation sénégalaise en crise

L'éducation est l'un des principaux défis du nouveau gouvernement sénégalais, qui a hérité d'un système éducatif qui coûte cher à l'Etat sans que la qualité de service soit au rendez-vous. La question est importante. Une jeunesse mal formée est un risque de basculement dans le chaos. Toute la société est responsable de cet état de fait et l’Etat en premier lieu. Les causes de ces défaillances du système éducatif sont nombreuses. Une école publique malade de ses enseignants chasseurs de prime dans le privé, un programme d'enseignement archaïque, le désengagement de l’Etat expliquent en partie le problème. Le temps est loin où le Sénégal se vantait d’avoir des ressources humaines de qualité. Le niveau de l’enseignement baisse d’années en années sous la surveillance coupable d’un Etat défaillant dans le recrutement des enseignants, dans le traitement de ses citoyens. Le parachutage de jeunes sans aucune formation dans les classes est un problème récurrent et inextricable du système éducatif .S’y ajoute le déclin des valeurs qui fondaient notre société. La réussite par l’éducation n’est plus citée comme exemple. Une nouvelle forme de réussite est mise en avant avec à la clé la promotion des lutteurs, de danseurs, de musiciens, qui se glorifient de n’avoir jamais fréquenté les bancs. 

Du fait de l'absence de formations adéquates et d’un accompagnement approprié à l'emploi, les jeunes Sénégalais souffrent gravement du chômage ou de sous-emploi. Un pays qui aspire à l’émergence et qui connaît un taux de chômage estimé à 49% avec plus de 100 000 nouveaux diplômés qui arrivent chaque année sur le marché du travail, ne peut espérer un décollage économique rapide.Touchée par la dureté de la vie, la jeunesse est abandonnée à elle-même sans accompagnement. Après plusieurs programmes gouvernementaux coûteux qui ne semblent pas avoir eu un grand impact, il devient urgent que le gouvernement sénégalais repense sa politique de l’emploi en commençant d’abord par adapter la formation aux besoins sociaux-économiques du pays. En toute lucidité, il est impossible de faire l’état des lieux du chômage au Sénégal, l’Etat manquant de moyens statistiques de contrôle précis. 

Sans formation, sans emploi, la voie du fanatisme est toute tracée pour des jeunes qui sont exploités par des pseudo- marabouts. La faillite est d’abord religieuse avant d’être sociale et politique. Sur le plan religieux, il y a un échec de l’enseignement religieux traditionnel dont la responsabilité incombe aux marabouts et chefs religieux. Sur l'autel du prestige et de la richesse, certains guides ont failli à une mission d’éducation des Sénégalais dans les valeurs de respect, de l’amour du travail. Les voies tracées sont loin de celles recommandées originellement par l'islam. C’est ensuite l’échec d’un Etat complaisant et faible, incapable d’assurer une éducation de base à sa jeunesse. Cette carence est accentuée par une démission totale sur le plan sécuritaire dans les quartiers de la banlieue ou les pseudo-marabouts ont pris le relais. Enfin, l’absence d’autorité parentale est un facteur important du recul de l'éducation. Beaucoup d' enfants sont abandonnés dans la rue, jetés à la merci de vendeurs d’illusion qui en font un fond de commerce auprès de politiciens véreux. 

Dans l'état actuel de la situation, cette pensée de François Guizot semble adéquate à la réalité sénégalaise : « Le mépris du travail, l’orgueil de l’oisiveté sont des signes certains, ou que la société est sous l’emprise de la force brutale, ou qu’elle marche à la décadence ».

Il y a lieu et moyen d’arrêter cette marche vers la décadence. Inverser la tendance de l’échec scolaire passera nécessaire par un recrutement sérieux des enseignants et une formation adaptée à leurs missions. Il faudra aussi avoir le courage de combattre le clientélisme politique de circonstance dans le syndicalisme de l’enseignement. La politique du nombre ne rend pas toujours compte toujours de l’efficacité de notre système éducatif : le montant du budget alloué à l'éducation et le nombre de classes ouvertes ne sont pas des indicateurs de qualité de l'enseignement dispensé ni de ses résultats en termes d'insertion et d'employabilité. S'il certaines réclamations salariales des syndicats sont légitimes, de même que leur combat pour l'amélioration de leurs conditions de travail, il est tout à fait inacceptable de faire de la grève un moyen de pression qui prive les jeunes Sénégalais d’une éducation de qualité. 

Avoir le courage des actes c’est aussi promouvoir une formation professionnelle de qualité pour tous les jeunes en rupture scolaire par l’adaption des programmes aux besoins des entreprises. Enfin, une révolution culturelle et sociétale s'impose : rompre avec la facilité par la récompense de l’effort, l’encouragement des initiatives, la promotion des valeurs du mérite. Réprimer sans faiblir mais sans abus, juger sans sentiment dans l’équité et l’application du droit. Combattre ces marabouts véreux qui sont une maladie pour notre société par la dissolution de tous les groupes ou milices à caractère religieux. Assurer comme il se doit la sécurité des personnes et biens est un impératif pour un Etat qui se respecte en mettant nos forces de l’ordre dans les conditions d’assurer cette mission régalienne.

Ce changement de comportement est valable pour les hommes politiques et pour les agents de l’Etat. Pour cela nos hommes politiques doivent méditer cette pensée d’Emile Durkheim « Le devoir de l’homme d’État n’est plus de pousser violemment les sociétés vers un idéal qui lui paraît séduisant, mais son rôle est celui du médecin ; il prévient l’éclosion des maladies par une bonne hygiène et, quand elles sont déclarées, il cherche à les guérir. »

 

Alassane Diallo