L’impact de la société civile sur le développement : l’exemple du Cameroun

De nombreux pays africains ont eu des difficultés à atteindre leurs Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). L’amélioration de la gestion de l’aide internationale, passant par une participation accrue de la société civile, était alors au cœur des débats.

Alors que les gouvernements du monde entier se sont engagés à atteindre les nouveaux Objectifs du Développement Durable avant 2030, la société civile pourrait jouer un rôle décisif dans leur réussite. L’ampleur de ce rôle et ses conditions d’effectivité sont analysées dans cette étude qui aboutit sur des recommandations concrètes en matière de politiques publiques. Lisez l’intégralité de ce Policy Brief.

Is financial aid helping Africa?

“Give a man a fish and you feed him for a day ; teach a man how to fish and you feed him for a lifetime”. In simple words this saying explains the complexity that lies behind financial aid. Back in 1970, the United Nations General Assembly adopted resolution 2626, it was agreed that: “Financial aid will, in principle, be untied […] Developed countries will provide, to the greatest extent possible, an increased flow of aid on a long-term and continuing basis.”

Half a century later, hundreds of billions of dollars have been transferred from rich countries to Africa, yet as the percentage of its population living under the poverty threshold ($1.90/day) has decreased, the total number of people living under this same threshold has increased ; a real paradox. An explanation alone will not do, there is a need to find a solution as well. The Organization for Economic Co-operation and Development (OECD) in its 2015 edition report recorded that $55 billion were given by its member to Africa. Contrary to popular belief, the biggest receivers are not African countries but Asian countries. Afghanistan, Myanmar and Vietnam are the top receivers of financial aid in the world, whereas in Africa the biggest receivers are Egypt ($5.5 billion), Ethiopia ($3.8 billion) and Tanzania ($3.4 billion).

 

Of the $55 billion given to the continent, the biggest donators are the United States ($8.9 billion), the International Development Association (IDA) ($6 billion) and the European Union ($5.9 billion). Almost half of these $55 billion were allocated to the social sector which includes education, health and water treatment. This choice is not random, focusing on such a crucial sector facilitates the development of a country through the expansion of its production function which is allowed by improving the available factors of production. Furthermore, it can be argued that the Millennium Development Goals (MDGs) were directly targeted through such policies. Surprisingly, the economic sector accounts for only one fifth of the $55 billion given. This raises many questions especially when considering that under this category fall transport, communications, energy and banking. By leaving aside such important components, economic growth is hindered and development is in harm’s way.

Usually, the receivers are blamed first when there is a lack of effectiveness from financial aid. Bad governance is pointed out; it is true that some leaders did not hesitate to embezzle financial aid. No one really knows how much wealth Mobutu Sese Seko gathered (even though some claim it to be $13 billion) while his country was running at the time with a debt of no less than $13 billion… Although, even when good intentions are present, mismanagement is another problem. Sadly, the white elephant (Expensive investments that serve no purpose) has become the most widely observed animal in Africa as financial aid is spent on non-essential sectors, due to a lack of expertise. Yet, this should not mean that the responsibility falls solely on the receivers.

The roles of the donators can also be questioned. 46 years ago it was agreed between the UN and the donating countries that each year, they would donate 0.7% of their gross national product (GNP) to developing countries. As of today, only five countries meet this criteria: Denmark, Luxembourg, Norway, Sweden and the United Kingdom… Then again, giving too much money can also be a problem as it causes a dependency on financial aid. Even more troubling is tied aid, its consequences are gruesome as entire populations are deprived because their governments do not satisfy the political criteria established by the community of donators.

Last but not least, the arrival of new donators should be welcomed cautiously. Even though most of the donators are western countries, new ones are emerging. The BRICS (Brazil, Russia, India, China and South Africa) as well as Turkey are more and more contributing. Furthermore, with economic downturns for the western economies, their donations has substantially decreased. This has allowed these new actors to rise, China for instance has pledged to donate $60 billion to Africa during the last China-Africa summit. However, the arrival of new donators does not necessarily lead to a more favorable situation for the receivers ; in the end good governance and inclusive growth are both the reactants and the products in this equation.  

 

Meanwhile, Africans living outside the continent send more and more money home to their families. It is only a question of time before remittances outweigh financial aid given to the continent… A strong reminder that Africans have the power to change Africa foremost.

 

Riad KAID SLIMANE

 

REFERENCES

OECD, Development Aid at A glance, Statistics by region, Africa, 2015 edition. http://www.oecd.org/dac/stats/documentupload/2%20Africa%20-%20Development%20Aid%20at%20a%20Glance%202015.pdf

MOYO Dambisa, Dead Aid: Why aid is not working and how there is a better way for Africa, 2009, p.208

Objectifs du Millénaire pour le Développement : l’Afrique à l’heure du bilan

omd78I« L'élimination de l'extrême pauvreté demeure l'un des grands défis de notre temps et constitue l'une des principales préoccupations de la communauté internationale.» tels sont les mots prononcés par le Secrétaire Général des Nations Unies, M. Ban Ki Moon, en Juillet 2008, à mi-parcours de l’échéance des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Picture1Adoptée en Septembre 2000, lors du Sommet du Millénaire qui s’est tenu au Siège de l’ONU, la Déclaration du Millénaire est une grande première dans les relations Nord-Sud. Vaste programme en faveur du développement, elle vise à favoriser l’éducation, la santé et à réduire la pauvreté dans les pays en développement. En ce sens, la Déclaration du Millénaire énonce huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) (voir image ci-contre). Alors que les Nations Unies ont récemment publié leur rapport 2015 sur les OMD, les pays signataires, aussi bien développés qu’en cours de développement, se lancent déjà dans l’après 2015 avec 17 nouveaux Objectifs de Développement Durable (ODD), prolongeant et complétant les OMD. Ainsi, il semble incontournable de dresser le bilan des OMD, afin de pouvoir en tirer des leçons, notamment en ce qui concerne le développement et l’atteinte de ces objectifs sur le continent africain.

Les OMD sont une initiative des pays développées vers les pays en développement, incluant des zones très hétérogènes économiquement et socialement (Afrique, Asie, Amérique Latine ou encore le Moyen-Orient). Adoptés par 189 États, ils sont définis par des objectifs chiffrés permettant de mesurer le progrès vers l’atteinte des 8 objectifs, sur un horizon de 15 ans.

  1. Éliminer l’extrême pauvreté

L’extrême pauvreté, fléau qui touche près de 47% de la population des pays en développement en 1990, s’est vue réduite de manière conséquente au cours des dernières décennies. En effet, en 2015, le pourcentage atteint 14% dans l’ensemble des pays en développement.

Néanmoins, ces progrès considérables cachent des disparités entre les régions. En effet, cette forte baisse est principalement due à la croissance de certains pays émergents, comme l’Inde ou la Chine. Le continent africain, en particulier, reste très touché par la pauvreté, et ce, malgré des progrès conséquents pour certains pays (Niger, Burkina Faso ou encore Swaziland). Son taux a reculé de 56,5% à 48,4% entre 1990 et  2010 (hors Afrique du Nord).

Sur la même période, la proportion de personnes sous-alimentées est passée de 23% à 13% entre les années 90 et aujourd’hui. Et sur la réduction de la faim, le constat reste le même : ce sont les pays ayant connu une grande croissance qui tirent les taux à la baisse.

Ainsi, afin de réduire durablement la pauvreté, la croissance en Afrique doit se poursuivre dans les prochaines années.

  1. Assurer l’éducation primaire pour tous

L’éducation primaire pour tous, mesurée par le taux de scolarisation à l’école primaire, a également progressé de 83% à 91% entre 1990 et 2015, mais derrière ce taux qui peut paraître élevé, se cachent près de 57 millions d’enfants non scolarisés.

Encore une fois, les résultats positifs globaux ne reflètent qu’en partie la situation sur le continent. En effet, sur les 25 pays pour lesquels des données étaient disponibles en 2012, 17 pays ont atteint un taux de scolarisation au primaire d’au moins 75%, un taux plus faible que le taux de départ de la moyenne des pays en développement.

Cette dernière décennie, les pays africains ont mis l’éducation au centre de leur politique, lui allouant des ressources considérables. Ceci est permis notamment par l’allégement de la dette et l’aide publique au développement (APD) en provenance de pays développés.

Néanmoins, les cibles telles que définies dans l’OMD 2 ont pu pousser certains Etats à favoriser le quantitatif au qualitatif, en augmentant le nombre d’écoles ou d’enseignants, sans assurer au préalable que les programmes soient adaptés et que la continuité soit assurée au-delà des classes primaires. En effet, les taux d'achèvement du cycle primaire ou de scolarisation au collège ou lycée sont nettement plus faibles.

  1. Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes

Outre le taux de scolarisation, l’accès à l’enseignement dans les pays en développement se concentre également sur la réduction de l’inégalité entre les sexes. En effet, en 1990, seulement 84 filles pour 100 sont scolarisées à l’école primaire pour 100 garçons.

Aujourd’hui, les filles sont davantage présentes dans les salles de classe : en Asie du Sud-Est, la parité est atteinte dans les classes primaires (1990: 74 filles pour 100 garçons), et en Afrique (hors Afrique du Nord) des progrès ont été constatés de 83 à 92 filles pour 100 garçons entre 1990 et 2015.

Par ailleurs, la représentation des femmes dans la société a progressé en Afrique, comme en témoigne le taux de représentation parlementaire passé de 14 à 22% entre 2000 et 2014.

  1. Réduire la mortalité infantile et post-infantile

L’OMD 4 visait la réduction de deux tiers du taux de mortalité infantile. En 1990, on dénombre près de 12,6 millions de décès d’enfants de moins de cinq ans. En 2015, ce chiffre est passé à 6 millions, soit une baisse d’environ 50%.

Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans s’est réduit de la même proportion sur le continent africain, mais avec un chiffre de 3,2 millions, l’Afrique représente 50% des décès d’enfants de moins de cinq ans survenus dans le monde en 2015.

Ces chiffres élevés s’expliquent notamment par des taux de mortalité néonatale encore très élevés du fait d’un accès aux soins (personnel médical qualifié et soins de base) encore limités.

  1. Améliorer la santé maternelle

Parallèlement, l’OMD 5 visait la réduction des trois quarts du taux de mortalité maternelle. Le taux de mortalité maternelle a diminué de 45 % dans le monde depuis 1990, grâce notamment à l’augmentation du nombre de femmes enceintes suivies.

L’Afrique reste la région du monde  où le taux de mortalité maternelle est le plus élevé, avec en 2013, une moyenne de 289  décès maternels pour 100 000 naissances vivantes (moyenne mondiale : 210  décès maternels pour 100 000  naissances vivantes).

En 2013, selon les données des Nations Unies datant, seuls quatre pays africains avaient atteint la cible de l’OMD 5 : le Cap Vert, l’Érythrée, la Guinée équatoriale et le Rwanda.

Encore une fois, c’est l’accès aux soins qui est en cause : non seulement, les femmes enceintes n’ont recours que très tardivement aux soins médicaux de base, mais la rapidité et la qualité de la prise en charge n’est pas toujours adaptée.

  1. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies

Le combat contre le VIH/Sida porte sur deux dimensions : réduire le nombre de nouvelles infections et augmenter l’accès aux soins des personnes atteintes. Sur ces deux dimensions, des avancées considérables ont été faites. En effet, le nombre de nouvelles infections au VIH a baissé d’environ 40 % entre 2000 et 2013. Et, le nombre de personnes recevant un traitement antirétroviral est passé de 800.000 en 2003 à plus de 13,6 millions de personnes en 2014.

Grâce aux nombreux programmes de prévention (l’usage de préservatifs ou d’antiviraux contre le VIH/Sida ou usage de moustiquaires contre le paludisme, par exemple), de détection et de traitements mis en place, les taux d’incidence, de prévalence et de mortalité du VIH/Sida, du paludisme et de la tuberculose ont fortement baissés sur le continent africain.

  1. Préserver l’environnement

L’OMD 7 sur la préservation de l’environnement vise, entre autres, à ce que toutes les populations aient accès à l’eau potable. En effet, en 1990, le taux de personnes dans le monde ayant accès à l’eau potable s’élevait à 76 %. En 2015, le taux s’élève à 91 % dans le monde, mais reste faible en Afrique avec un taux de 64%, concentré dans les zones urbaines.

  1. Mettre en place un partenariat pour le développement

Qui dit programme de développement, dit nécessairement financement. De ce fait, l’aide publique au développement en provenance des pays développés s’est accru de 66 % entre 2000 et 2014, atteignant ainsi 135 milliards de dollars, et ceci malgré une baisse au moment de la crise.

Malgré les dispositifs de réduction de la dette mis en place, celle-ci reste encore très élevée en Afrique : la dette extérieure totale de l’Afrique s’élève à 30% de son PIB en 2010.

Ces données reflètent les progrès majeurs réalisés en Afrique afin de favoriser le développement, mais, force est de constater que les objectifs n’ont pas été atteints. En effet, l’inégalité des progrès, et notamment le retard de certains pays africains, indiquent que les objectifs doivent être poursuivis.
Néanmoins, il est important que ceux-ci soient adaptés afin de répondre aux besoins des différents pays, mais surtout afin que les progrès soient durables et profitables à tous.

Il est important, comme souligné dans le rapport 2015 sur l’Afrique[1], que soient “abordées les causes profondes du sous-développement, pas seulement les symptômes”.

C’est dans ce sens que les Objectifs de Développement Durable, ont été définis. En effet, ce nouvel accord, permettrait de prolonger et de compléter les objectifs du millénaire (OMD) jusqu’en 2030. Il se décline, dans cette nouvelle version, en 17 Objectifs qui visent aussi bien l'éradication complète de la faim et de la pauvreté avant 2030, mais également une croissance inclusive et créatrice d'emplois, des modes de production et de consommation durables, l'accès à la justice et à la démocratie…

Mais l’Afrique est-elle prête à relever ce défi de taille et saura-t-elle atteindre les nouveaux objectifs pour 2030 ?

Avoir une réponse exhaustive et réaliste à cette question est un exercice difficile. En effet, il y a de réponses que d’analyses différentes, selon les actions, les acteurs et les objectifs privilégiés. Mais, comme souligné précédemment, un axe de réponse reste l’importance du rôle des gouvernements des pays concernés dans les processus de développement et de réduction de pauvreté. En effet, il est important que soient mises en place des politiques et alloués des budgets permettant de renforcer l’économie, réduire le chômage, offrir les infrastructures et les moyens nécessaires à l’amélioration de la santé et de l’éducation.

Par exemple, en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, comme indiqué précédemment, il est important qu’elle se fasse dans un contexte de croissance constante pour être durable. En effet, qui dit réduction de la pauvreté et développement s’attend à de potentiels changements structurels, aussi bien positifs que négatifs, de l’économie et de la société. Malgré la réduction de la pauvreté, les inégalités persistent dans les sociétés africaines. A cela s’ajoute des taux de chômage élevés notamment chez les jeunes et les femmes. Ainsi la réduction de la pauvreté requiert des politiques la mise en place de mesure permettant de réduire les inégalités de richesse, de réduire le chômage et d’améliorer la productivité, et cela passe par la transformation industrielle et la diversification de l’économie. Ces politiques en faveur de l’emploi doivent notamment favoriser l’accès des femmes aux secteurs non agricoles. En effet, la transformation de l’économie favorise l’industrie et les services au détriment du secteur agricole, mais le transfert de la main d’œuvre vers les secteurs non agricole accroit le chômage des femmes.

Par ailleurs, le constat des analystes aussi bien des Nations Unis qu’externes, est que les économies africaines restent fragiles face à des chocs externes, comme cela a pu être constaté lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’ouest. Et, ceci est sans compter sur les chocs récurrents que connaissent bon nombre de pays africains, comme la sécheresse ou encore les conflits armés.

L’éducation et la santé sont des secteurs qui se sont fortement développés ces dernières années en Afrique, mais il reste encore des progrès à faire notamment en ce qui concerne les infrastructures, l’accès à tous aux services offerts et la formation d’une main d’œuvre qualifiée.

Dans un premier temps, prenons le cas de l’éducation, les OMD 2 et 3 traitent de l’accès à l’école primaire pour tous et de réduction des inégalités de genre. Les objectifs chiffrés qui leur sont associés ont bien souvent favorisés des actions axées sur le quantitatif : des taux de scolarisation élevés, sans se préoccuper du qualitatif : l’adéquation des programmes scolaires, des enseignants qualifiés, des infrastructures suffisantes et adaptées, et l’accès aux systèmes scolaires aux populations les plus démunies ou les plus excentrées. De plus, il est constaté que seul un tiers des enfants scolaires dans en première année de cycle primaire finissent le cycle, et le taux de scolarisation dans les classes supérieurs va en décroissant. Enfin, pour faire le lien avec la question du chômage, n’est-il pas pertinent de se demander si l’offre d’enseignement correspond aux besoins du marché de l’emploi ?

En ce qui concerne le secteur de la santé, malgré de belles avancées, l’accès aux soins tardifs ou le manque de personnels qualifiés dans certaines zones sont décriés. En effet, il existe une inégalité de soins dans les pays africains pour les soins médicaux de base. L’inégalité est géographique : les infrastructures et le personnel qualifié est plus présent dans les villes, que dans les zones rurales, mais également financière : l’accès à des soins de qualité et dans les délais impartis requiert une certaine aisance financière.

Enfin, les progrès avancés fait en matière de planification familiale et d’informations aux femmes sur les questions de santé doivent être, à minima, maintenus.

Education, santé, chômage, croissance, pauvreté, inégalités, corruption… autant de maux que les pays africains doivent combattre de front, tout en faisant face à de nouveaux défis, tels que la croissance démographique forte et ses impacts sur l’urbanisation et l’environnement.

« Les Objectifs de développement durables permettront d’achever la tâche commencée avec les OMD et ne laisseront personne à la traîne[2] » : l’objectif est ambitieux, mais espérons que l’Afrique sera au rendez-vous.

Ndeye Fatou Sene

Sources :

Objectifs du Millénaire pour le développement : Rapport 2015 : http://www.un.org/fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/rapport_2015.pdf

Rapports de progrès sur les OMD en Afrique : http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/mdg/mdg-reports/africa-collection.html

Articles faisant le bilan des OMD au niveau global :

http://www.carefrance.org/actualite/communique-presse-news/2014-12-31,OMD-objectifs-millenaire-developpement-bilan.htm

http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Le-bilan-des-objectifs-du-millenaire-2015-08-04-1341290

http://www.alternatives-economiques.fr/objectifs-du-millenaire–tout-reste-a-faire_fr_art_946_50210.html

http://www.alternatives-economiques.fr/retards-de-developpement_fr_art_1334_70682.html

En savoir plus:

http://www.un.org/fr/millenniumgoals/news.shtml

https://sustainabledevelopment.un.org/post2015

http://www.agencemicroprojets.org/wp-content/uploads/etudes40834/omd-2015-le-mirage.pdf

http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/MDG_Report_2015.pdf


[2] http://www.undp.org/content/undp/fr/home/mdgoverview/post-2015-development-agenda.html

 

 

OMD1 : Quel bilan pour l’Afrique Sub Saharienne ?

Afrique_rueDans le souci de mettre en place un véritable partenariat pour le développement mondial, 189 pays ont Adopté lors du sommet du millénaire des Nations Unies en Septembre 2000 ce qu’il était convenu d’appeler « Objectifs du Millénaire pour le Développement ». Réduire l’extrême pauvreté et la faim, avec en ligne de fond la logique selon laquelle « Tout être humain où qu’il soit aspire à de meilleures conditions de vie et y a droit », constitue le premier défi de ces temps.

Définie comme « la résultante de processus économique, politique et sociaux qui interagissent entre eux dans un sens qui exacerbe l’état d’indigence des populations pauvres » (BM, 2000, 1), la notion de la pauvreté interpelle d’avantage la responsabilité des sociétés ; tant pour créer les opportunités, réduire les inégalités et les discriminations (dans une approche socialiste) que pour doter les individus des moyens nécessaires à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux (approche libérale). Ainsi, l’action concertée des Nations Unies s’agissant de la réduction de l’extrême pauvreté se déclinait ainsi en trois points essentiels:

  • Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population dont le revenu est inférieur à 1$
  • Assurer le plein emploi et la possibilité pour chacun y compris les femmes et les jeunes de trouver un travail décent et productif
  • Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la population de pauvre qui souffre de la faim

A ce jour, plusieurs rapports ont été dressés avec plus ou moins des perspectives favorables.  Toutefois, si l’intuition du 2ème bilan sur l’état d’avancement des OMD de Septembre 2010 affirmait sans ambages que tous les objectifs seront réalisés d’ici 2015, l’instabilité socio économique dont est tributaire le monde depuis quelques années peut inquiéter à plus d’un titre. Ce d’autant plus que ces aléas peuvent avoir de graves incidences sur les populations vulnérables, ralentir le rythme de réduction de la pauvreté et accentuer sa persistance notamment en Afrique Sub Saharienne qui en est la région la plus exposée.

La dernière décennie a été marquée par des progrès économiques impressionnants en ASS. Grâce à l’amélioration des perspectives dans un grand nombre de pays de la région, dont la plupart des pays exportateurs de pétrole et plusieurs pays à faible revenu et États fragiles, la  zone connait une croissance rapide et soutenue. L’activité économique de la région continue de s’appuyer sur des investissements de grande ampleur dans les infrastructures et le secteur minier ; ce qui lui vaut, selon les données du FMI, une croissance de 5,26% en moyenne au cours des trois dernières années. Théoriquement, la croissance serait positivement corrélée à la réduction de la pauvreté qu’elle favorise même s’il est reconnu que son effet reste marginal.

Cette croissance économique clairement anti-pauvre a-t-elle favorisée la réalisation de l’OMD1 ?

Cette question sera analysée sous le prisme des trois cibles subsidiaires qui lui sont associées.

1. Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour

Paradoxalement, l’ASS reste l’une des zones les plus pauvres du monde malgré l’étendue de ses ressources. Selon les données du PIB par tête du FMI en 2015, parmi les 25 pays les plus pauvres du monde, 22 se situent en ASS et, elle concentre désormais 49,4% des pauvres du monde.

Néanmoins, comme dans toutes les régions du monde, la part de la population concernée par la pauvreté en ASS a baissé au cours des trois dernières décennies. Si à l’échelle mondiale, le nombre de pauvres a baissé de façon marquée[1], en ASS par contre, il recule plus timidement. Mesuré au seuil de 1,25$/jour, la pauvreté en ASS s’établit à 43% en 2013. Une avancée tout de même par rapport aux 56,8% de 1990 ou aux 57% de pauvres enregistré en 1999. Ainsi, sur la période 1990-2013, elle a été réduite de 13,8% et de 4,5% entre 2008, année de la crise financière et 2013.

Cette évolution a été soutenue par l’amélioration des indicateurs sociaux faisant référence au développement. Bien que les Indices de Développement Humain des pays d’ASS restent les plus faibles du monde (inférieurs à 0,5), en valeur l’IDH de la zone a évolué de 0,115 (0,093) passant de 0,387 à 0,502 entre 1990 (2013 et de 0,405 à 0,502 entre 2000 et 2013). Selon les données de la Banque mondiale et du PNUD, l’espérance de vie aussi s’est améliorée dans la zone au cours des 15 dernières années passant de 50 à 57 ans.

2. Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif

L’ASS est la région du monde ou le plus d’efforts a été consentis pour améliorer le PIB par habitant. Mais, bien que la croissance de l’Afrique ait été relativement forte, elle a été insuffisamment rapide ou inclusive pour créer des opportunités d’emplois décents par rapport à la taille de  population du continent. Les taux de chômage les plus élevés en 2013 ont été observés en Afrique ; 21,6 % en Afrique australe, 13,2 % en l’Afrique du Nord, 8,5 % en Afrique centrale, l’Afrique de l’Est (7,9 %), et 6 % en Afrique de l’Ouest qui a connu les taux de chômage les plus faibles. Bien plus, les disparités de genre demeurent persistantes. En effet, le chômage des jeunes et des femmes reste supérieur à celui des hommes, toutes régions confondues.

3. Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim

Pressenti comme l’objectif le plus accessible aux pays africains, La proportion de la population exposée à la faim diminue lentement, mais les catastrophes et les conflits persistants freinent la progression vers la sécurité alimentaire.

Depuis 1990 des progrès ont été accomplis au niveau de la réduction de la faim dans le monde, mais 805 millions d’êtres humains souffraient toujours de sous-alimentation chronique à la fin de l’année 2014.

En ASS, La prévalence de la malnutrition aussi a évolué, de 28% en 2000 pour 23% en 2011. Le nombre de personnes exposé à la faim et à la malnutrition est tombé de 33% entre 1990 et 1992 à25% entre 2011 et 2013. Malgré cette amélioration de 8% par rapport aux chiffres de 1990-1992, L’ASS demeure la région du monde affichant le plus fort déficit alimentaire.

Ces évolutions sont complétées par la nouvelle actualité sur la question qui de part les nouvelles estimations et prévisions qu’elle autorise permet d’étendre les analyses jusqu’à l’année 2015, date butoir des OMD.

En effet, à quelques jours du bilan des OMD, la Banque Mondiale relève le seuil de pauvreté[2] de 1,25% à 1,90%. Le nouveau seuil représente le seuil moyen de pauvreté des 10 à 20 pays les plus pauvres du monde. Selon Jim Yong Kim c’est une décision nécessaire compte tenu de l’évolution de l’inflation, des prix des matières premières et des taux de change entre 2005 et 2011.

A ce nouveau seuil, les taux de pauvreté continuent de fléchir. Selon les prévisions de la Banque mondiale  le nombre de personne vivant dans l’extrême pauvreté passerait de 902 millions (12,8%) en 2012 à 702 millions (9,6%) en 2015. Le pourcentage d’africains au Sud du Sahara vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2015 serait de 35,2%. Soit une réduction significative de 17,5% par rapport à l’année 2012.

Toutes ces statistiques et dynamiques traduisent le fait que les populations au cours des deux dernières ont bénéficié de meilleurs soins et d’un suivi meilleur. Les efforts déployés par la communauté internationale et les stratégies nationales de réduction de la pauvreté ont permis à ce jour de réaliser les efforts significatifs en ASS.

Toutefois, en dépit de la baisse de ses taux de pauvreté, l’ASS est la seule région du monde où le nombre de pauvres a augmenté de façon régulière et prononcée. Elle est d’ailleurs passée devant l’Asie qui abritait en 1990 la moitié des pauvres de la planète. Pour ce qu’il en est, la zone est passée de 284 millions de pauvres en 1990 à 388 millions en 2012. Soit 144 millions de pauvres en plus en 22 ans. En 2012, le nombre de personnes extrêmement pauvres représente donc près de 1,4 fois ce qu’il était en 1990.

En réalité, la pauvreté en ASS se perpétue par le biais de l’organisation sociale en lien avec les politiques pro-pauvres, du boom démographique qui a un impact négatif sur le développement économique et contribue durablement à la faire augmenter ; et par les crises sociaux politiques, alimentaire, énergétique le chômage, l’insécurité transfrontalière, les épidémies, les catastrophes naturelles, les migrations clandestines etc. qui continuent de peser sur la région. A cause de cela, plusieurs pays d’ASS (Madagascar, Nigéria, RDC, Zimbabwe, Kenya, Burundi) n’ont pu véritablement améliorer la qualité de vie des populations[3] entretenant ainsi le cercle vicieux[4] de la pauvreté.

Bien plus, les indicateurs agrégés de croissance, les statistiques sur la pauvreté et le développement humain masquent les écarts et les inégalités persistantes entre pays et même entre régions d’un même pays. La pauvreté peut reculer (pauvreté absolue) alors que l’écart entre le niveau de vie des plus pauvres et la classe moyenne s’accroit (pauvreté relative). Selon le rapport « Perspectives Economiques Régionales » du FMI  (2015), l’ASS reste la région où les inégalités de revenu sont les  plus accentuées bien que son indice de Gini[5] ait baissées d’environ 5% depuis 1990. Le Rapport sur le Développement de l’Afrique de la BAD atteste qu’en 2012, sur les 10 pays les plus inégalitaires du monde, 6 se trouvaient en ASS. A titre illustratif, le total du PIB par habitant des 10 pays les plus riches d’ASS représente 25,2 fois celui des 10 pays les plus pauvres. Les écarts de revenu mesurés par l’indice de Gini en 2012 oscillent entre 30% en Ethiopie et 68% aux Seychelles (BAfD,  2012) avec 46% en moyenne régionale.

A coté de ces inégalités de revenu, on note également la prédominance des inégalités en termes d’opportunités (Assiga, 2010) – aussi bien sur les plans foncier et financier ; qu'en ce qui concerne l’accès aux services sociaux essentiels et au marché de l’emploi – qui affectent la réalisation du potentiel humain et la productivité. 

L’Afrique demeure la région du monde la plus touchée par la crise de l’emploi. Sur les 75 millions de jeunes au chômage que comptait le monde en 2013, 38 millions vivait en Afrique. L’inégalité est fondamentalement considérée comme une injustice sociale. Elle engendre les problèmes sociaux et l’instabilité[6]. Elle accentue donc la pauvreté et, il serait incohérent de prétendre réduire la pauvreté sans résoudre parallèlement ou en amont le problème des inégalités. Si la croissance économique en permettant d’améliorer même marginalement la qualité de vie des populations est indispensable pour réduire la pauvreté, elle n’a pas réduit de façon significative les inégalités.

Réduire de moitié l’extrême pauvreté en ASS entre 1990 et 2015 engageait la région à passer de 56,8% de pauvres en 1990 à environ 29% à l’horizon 2015. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le nombre de pauvres à certes baissé mais l’objectif est loin d’être atteint. La pauvreté en ASS correspond à 35% de la population en 2015 ; soit une baisse effective de 21,8% seulement par rapport à l’année 1990.

En définitive, la dernière décennie a ainsi été marquée par les progrès considérables et par l’amélioration des indicateurs de bien être en ASS. L’engagement historique pris par les dirigeants du monde en 2000 a permis de réduire le taux de pauvreté dans la région même si en termes absolu, le nombre de pauvres augmente. Ainsi, l’Afrique Sub Saharienne compte encore plus du tiers des pauvres du monde. Cette dynamique de la pauvreté traduit donc en réalité une augmentation mais à un rythme moins prononcé que celui de l’évolution de la population.

La croissance économique forte nécessaire pour réduire la pauvreté n’a pas été suffisante pour que l’OMD1 soit réalisé. D’ailleurs, le poids des inégalités socioéconomiques et les discriminations soutenu par celui de la pression démographique continuent de peser lourd sur le développement humain de la région. Somme toutes, le défi de la réduction de pauvreté reste d’actualité. Ce d’autant plus qu’aux réalités sociales que subit la zone, s’ajoutent les risques liés au réchauffement climatique qui peuvent nuire aux récoltes, réduire les revenus des populations rurales, contraindre d’avantage la sécurité alimentaire et donc aggraver la pauvreté. 

On peut donc admettre avec Makhtar Diop, Vice Président du Groupe BM pour l’Afrique, que  « Le coût humain de la pauvreté est bien trop élevé en Afrique ». Les personnes pauvres n’ayant pas les moyens de sortir de la pauvreté, il convient d’accroître leur productivité en investissant d’avantage dans leur éducation et leur santé et en assainissant leurs milieux de vie. Parallèlement, il est tout aussi impératif de promouvoir l’intégration ou l’inclusion sociale et l’équité, base d’une croissance nécessairement pro-pauvre ; de réduire les vulnérabilités, de favoriser une meilleure redistribution des ressources et des richesses selon les critères relevant du contrat social ou de la constitution (Weber, 1997 cite par Assiga, 2010); et enfin, intégrer les aspects climatiques dans les actions menées en faveur du développement. Une autre porte de sortie de la pauvreté est l’emploi ; la création d’emplois décents étant primordiale pour mettre fin à la pauvreté et promouvoir une prospérité partagée de manière durable. Telle sont les responsabilités des autorités dont l’engagement est tout aussi déterminant dans la réduction de la pauvreté. C’est dans cette optique que le nouvel agenda post 2015 invite les dirigeants à redoubler d’effort pour atteindre les nouveaux objectifs de développement durable et éliminer la pauvreté extrême  à l’horizon 2030.

Claude Aline ZOBO et Ivan MEBODO

Référence :

ASSIGA E. Modeste (2010) : « Croissance Économique et Réduction de la Pauvreté au Cameroun » , Édition Harmattan. 

BAD (2012) : « Les principaux facteurs de la performance économique de l’Afrique », Rapport sur le développement en Afrique – Vers une croissance verte en Afrique.

FMI (2015) : « Afrique Sub Saharienne pour une croissance durable et plus solidaire », Etudes Economiques et Financières, Perspectives Economiques Régionales.

PNUD (2014) : « Pérenniser le Développement Humain : Réduire les Vulnérabilités et renforcer la résilience », Rapport sur le Développement Humain. 

Rapport des Nations Unies (2014) : « Objectifs du Millénaire pour le Développement ».


[1]Passant de 2 milliards en 1990 à 902 millions en 2012. Les prévisions de la Banque Mondiale anticipent que le monde ne comptera plus que 702 millions de pauvres en 2015.

[2] Niveau de revenu en deçà duquel un individu est considéré comme pauvre. Ce seuil est fixé depuis les travaux de Benjamin Seebohm Rowntree en 1901 en fonction d’un panier de biens alimentaires et non alimentaires nécessaire à la survie quotidienne.

 

 

[3]A titre illustratif, on note la prévalence des meurtres et des tueries en RDC, l’accroissement de la pauvreté de près de 50% au Zimbabwe, la mortalité infantile qui croit de 105 à 108 pour 1000 au Kenya.

 

 

[4]La faiblesse des revenus oblige à se loger à bas prix dans les quartiers ayant une mauvaise réputation, où il y a peu de travail et une éducation dégradée, une criminalité élevée et une prévention médicale moins active.

[5] Mesure statistique de la dispersion d’une distribution de revenu au sein d’une population.

[6]Selon une enquête de la Banque mondiale, environ 40% de ceux qui rejoignent les mouvements terroristes seraient motivés par le manque d’emploi.

 

 

La redevabilité des acteurs, une priorité pour une lutte efficace et durable contre la malnutrition.

arton15640En 2000 s’est tenu un rassemblement historique des chefs d’État et de gouvernement au siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York. A l’issue de cette rencontre cent quatre-vingt-neuf (189) pays ont adopté la déclaration du millénaire, dans laquelle les huit (8) objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ont été annoncés. Quinze (15) ans plus tard, le résultat de l’objectif huit (8) concernant « le partenariat mondial pour le développement » indique que « L’aide publique au développement des pays développés a augmenté de 66 % en valeur réelle entre 2000 et 2014 ». En mettant en parallèle celui-là avec le résultat du premier objectif des OMD qui avait pour but de réduire l’extrême pauvreté et la faim montrant que « la proportion des personnes sous-alimentées dans les pays en développement a diminué de près de moitié depuis 1990. »,  il devient pertinent de s’interroger sur ce que ces avancements impliquent dans une dimension plus ciblée à savoir la lutte contre la malnutrition en Afrique Subsaharienne. 

Malgré les a priori sur le sujet, la malnutrition n’est pas liée simplement à des apports d’aliments en excès ou insuffisants ; elle est principalement causée par une absence de nutriments essentiels affaiblissants les défenses du sujet contre les maladies courantes tout en pesant sur sa croissance. En Afrique , même si l’on constate une augmentation de la visibilité des cas d’obésités  et de surpoids -qui sont un autre type de malnutrition- accompagnés par des cas de maladies liées à l’alimentation et à la nutrition comme les maladies cardiovasculaires, les diabètes etc.,  le type de malnutrition le plus connu par l’inconscient collectif, et attribué au continent africain, est celui lié aux carences qui touche généralement les enfants de moins de cinq (5) ans , dont les deux (2) principales formes sont définies ci-dessous :

  • la malnutrition chronique ou retard de croissance est le résultat d’une alimentation et/ou d’une hygiène inadéquate, de l’insuffisance des soins sur une longue période. Le retard de croissance est un indicateur de la pauvreté et de la vulnérabilité. Ses conséquences se mesurent sur le long terme.
  • la malnutrition aigüe résultant d’un apport énergétique insuffisante, des pratiques d’allaitement et d’alimentation inadéquate et des maladies récurrents. Ses conséquences sont immédiates et peuvent conduire à des risques de mortalité.

Le nombre de personnes touchées par la malnutrition est assez conséquent tant au niveau planétaire qu’au niveau du continent africain, d’où l’importance d’élaborer des stratégies de réponses harmonieuses, cohérentes et rationnelles nécessitant d’important flux financiers et de compétences diverses faisant appel aux Etats, aux bailleurs, aux agences onusiennes, à la société civile, au secteur privé et au secteur académique. Cela peut être expliqué par différents facteurs et en particulier par les multiples engagements pris par les acteurs de la nutrition présents en Afrique subsaharienne. En guise d’exemple on peut citer le cas du Burkina Faso qui, bien que les derniers événements socio-politiques aient ralenti l’avancement de sa feuille de route, est en cours d’élaborer son Plan Stratégique Multisectoriel. Ceci explique sans nul doute le fait que le gouvernement burkinabé a érigé au rang de priorité nationale : la lutte contre le retard de croissance, en signant le pacte mondial de nutrition pour la croissance économique et sociale.

Cette note introductive rend compte de l’importance des investissements pour soutenir les pays en voies de développement  dans leur lutte contre la pauvreté et les problématiques de santé publique à l’image de la malnutrition. Pour faire face à cette problématique de santé publique frappant de plein fouet le continent, des investissements sont attribués à l’ensemble des interventions destinées à lutter contre.

Ceux-ci sont généralement attribués à deux grands types d’intervention : d’une part les interventions directes ou spécifiques, autrement dit celles qui s’adressent aux déterminants immédiats de la nutrition et du développement fœtal et infantile (Ruel et al, 2013). D’autre part les interventions indirectes, c’est-à-dire celles qui attaquent les déterminants sous-jacents de la nutrition et du développement fœtal et infantile – sécurité alimentaire, pratiques de soins adéquats au niveau maternel, familial et communautaire, accès à des services de santé et à un environnement sain et hygiénique- en intégrant des objectifs et actions spécifique à la nutrition (Ruel et al, 2013) communément appelés interventions « sensibles ». Si ces deux premiers types d’interventions catalysent une grande partie des investissements de la nutrition, nous pouvons noter tout de même l’existence d’investissements destinés à un troisième type d’intervention pour faire face à la malnutrition: la construction d’un environnement favorable. Ce dernier type d’intervention renvoie à des évaluations rigoureuses, à des stratégies de plaidoyer adaptés et efficaces, à la coordination des actions à tous les niveaux, à un engagement de redevabilité, à la régulation des motivations et de la législation, à un développement des capacités d’investissements et à la mobilisation des ressources intérieures.

Ces faits montrent de part et d’autre l’importance de la lutte contre la malnutrition et des investissements mobilisés par les différents secteurs. Par contre si l’on tient compte du suivi des investissements réalisé dans les financements des activités de santé à travers les Comptes Nationaux de la Santé, des investissements publics pour les infrastructures, des audits auprès des entreprises privées et publiques etc., il devient tout à fait légitime de s’interroger sur le suivi des investissements en nutrition dans les pays en développement. Qui finance la nutrition dans ces pays, principalement en Afrique subsaharienne ? Quelles sont les interventions les plus financées ? Ces interventions ont-elles des impacts positifs ? Peut-on mesurer le coût-efficacité des interventions de la nutrition ? 

Pour répondre à ces différentes questions, une méthodologie ne concernant que les investissements publics  a été proposée par le mouvement Scaling Up Nutrition (SUN) «fondé sur le principe du droit à l’alimentation et une bonne nutrition à tous » regroupant les six secteurs (évoqués en haut) pour renforcer la nutrition. La méthodologie proposée consiste à :

  • identifier les  allocations budgétaires pertinentes pour la nutrition via une recherche par mot-clé ;
  • évaluer clairement les allocations budgétaires spécifiques et sensibles à la nutrition;
  • attribuer des ratios aux spécifiques (100 %), tel qu’un programme national de nutrition; et une allocation raisonnable pour les programmes contribuant à la nutrition (e.x 25 %), tels que les programmes de protection sociale et les programmes de développement de la petite enfance.

L’atelier SUN tenu dans la capitale ivoirienne du 27 au 29 avril 2015 avec la présence de quatorze (14) pays dont sept (7) pays – Benin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Cote d’Ivoire, République Démocratique du Congo, Madagascar- ont réalisé et présenté l’analyse des budgets de la nutrition. Les résultats de l’analyse soulignent la quasi-absence d’interventions spécifiques à la nutrition pour le Cameroun ainsi qu’une grande partie des sept (7) pays, comme en témoigne la remarque d’un représentant de la société civile camerounaise : « il n’y a presque pas de budget pour les interventions spécifiques à la nutrition » concluant qu’ils vont se servir des résultats de l’atelier pour attirer l’attention du gouvernement afin qu’il soit pris en compte dans le prochain plan budgétaire.  Cet exercice  a permis également aux pays présents à l’atelier de connaître les secteurs qui contribuent à la nutrition et où trouver les allocations de la nutrition. 

Dans le même sens des ateliers SUN sur les investissements en nutrition on peut citer la rencontre des pays anglophones d’Afrique en Ouganda du 21 au 22 avril 2015 avec la participation de l’Ouganda, du Kenya, du Lesotho, de la Gambie, du Ghana, du Soudan du Sud et de la Zambie. Les faits saillants de l’atelier recommandèrent d’intégrer les allocations de la nutrition dans les différents secteurs du gouvernement zambien et la multisectorialité de la nutrition a refait surface ainsi que la nécessité d’adapter le jargon de la nutrition afin de la rendre accessible.

En sommes ce que l’on peut dire à l’issu des ateliers SUN sur le suivi des investissements en nutrition est que « disposer de données fiables est essentiel pour permettre aux décideurs de procéder à la définition des priorités, à la planification et à la prise de décisions éclairées sur l’allocation des ressources pour la nutrition dans les budgets nationaux. C’est à ce point que les gouvernements opèrent des choix fondamentaux de dépense pour améliorer la nutrition, lesquels choix peuvent jeter les bases pour l’avenir de la nation ». En d’autre terme la redevabilité des acteurs des différents secteurs de la nutrition est primordiale pour la mise en place des Plans Nationaux de Nutrition. L’engagement des acteurs d’être comptable de la nutrition permettrait non seulement aux pays de disposer de données concernant les allocations et les dépenses pour la nutrition, mieux cet engagement serait aussi un baromètre pour mesurer le coût-efficacité des interventions. De plus si les données sont renseignées de manière transparente l’outil peut servir de comparaison entre les pays ayant suivi les investissements en nutrition, ce qui serait un moyen pour mesurer l’efficacité ou non des interventions financées dans différents pays et différents contextes.

Le Guatemala a compris cela en élaborant son propre système de suivi des investissements en nutrition. Il a mis en place un système de surveillance des investissements en faveur de la nutrition, dans l’optique de déterminer l’adéquation des ressources par rapport aux investissements. Depuis la mise en place de ce système le pays a maintenant à sa disposition (Bulux J. et al., 2014) :

  • un budget de sécurité alimentaire et nutritionnelle ventilé par Institution, Programmes et Activités ;
  • des responsabilités claires, avec des fonctionnaires désignés responsables des différentes étapes du système de mise en place ;
  • un outil simple de mise en œuvre, facilitant la compréhension des dépenses publiques à différents niveaux ;
  • une bonne coordination entre les institutions.

En dehors de cet exemple, l’Afrique subsaharienne pourrait disposer de son propre système de suivi des investissements en tenant compte par exemple aux amendements du dernier rapport d’Unicef sur le suivi des investissements en nutrition au Burkina Faso entre 2011 et 2014.  Ces amendements peuvent être améliorés en cherchant du côté des travaux réalisés par le mouvement SUN, même si sa méthodologie mérite d’être affiner, du côté des récents travaux académiques sur le sujet et du côté du SPRING qui envisage de continuer à suivre les investissements de la nutrition pour l’Ouganda et le Népal.

Cette démarche responsable, de qualité et d’engagement à la transparence, base d’un « contrat moral » à la redevabilité serait un premier pas pour « éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable » comme souhaité par le deuxième objectif, des Objectifs du Développement Durable (ODD) qui sont une nouvelle série d’objectifs, cibles et indicateurs rentrés en vigueur cette année pour une durée de quinze (15) ans sur lesquels les États membres de l’ONU devraient baser leur programmes et politiques.

Ibrahima-Ndary GUEYE

Références :

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : http://www.un.org/fr/millenniumgoals/reports/2015/pdf/MDG%202015%20pressreleasemessage_fr.pdf

Malnutrition MSF : http://www.msf.fr/activites/malnutrition

Malnutrition FAO: http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/eufao-fsi4dm/doc-training/bk_1b.pdf

Mouvement SUN : http://scalingupnutrition.org/fr/ressources/suivi-financier-et-mobilisation-des-ressources/analyse-de-budget

Global SUN Gathering 2015 https://www.youtube.com/watch?v=MHp2B0NmjLs

Atelier SUN Ouganda: http://scalingupnutrition.org/fr/news/les-pays-sun-dafrique-demontrent-le-bien-fonde-de-linvestissement-pour-la-nutrition-a-travers-lanalyse-de-budget#.VkuJBvkve01

Atelier SUN Abidjan: http://www.euractiv.fr/sections/aide-au-developpement/les-odd-cest-quoi-315654

Les Objectifs du Développement Durable (ODD) : http://www.euractiv.fr/sections/aide-au-developpement/les-odd-cest-quoi-315654

Picanyol C., Financial Resource Tracking for Nutrition: Current State of the Art and Recommendations for Moving Forward, Global Nutrition Report, disponible sur: http://globalnutritionreport.org/files/2014/11/gnr14_pn4g_11picanyol.pdf

The Lancet, Maternal and child Nutrition, Executif summary of the Lancet Maternel and children nutrition series, 2013. Disponible sur http://thousanddays.org/wp-content/uploads/2013/06/Nutrition_exec_summ_final.pdf

Bulux J. et al ., Suivi des crédits financiers en faveur de la nutrition : l’expérience du Guatemala. Nutrition Mondiale, Rapport 2014 disponible sur : http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/gnr14fr.pdf

Des OMD aux ODD : un simple jeu de mots ?

OMD-petite-fille2Ce billet se propose de revenir sur les OMD dont l’échéance est 2015 et de mettre en exergue les ODD qui seront au cœur de l’agenda post 2015.

L’année 2015 devait être une année de référence, l’aboutissement de quinze années de lutte contre la pauvreté avec le soutien des institutions internationales. Si 2015 restera une année de référence, elle constituera aussi un point de départ vers, cette fois-ci, un monde meilleur où les conditions de vie en termes économiques et sociaux seront meilleures. C’est en tout cas l’objectif que s’est fixé la communauté internationale à travers les Objectifs de Développement Durable (ODD) qui prendront le relais des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et qui constituent le point focal de l’agenda post 2015.

Au début des années 2000, la Communauté Internationale avait adopté les OMD, réparti en 8 objectifs à atteindre au plus tard en 2015 : (i) Éliminer l’extrême pauvreté et la faim, (ii) Assurer l’éducation primaire pour tous, (iii) Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, (iv) Réduire la mortalité des enfants, (v) Améliorer la santé maternelle, (vi) Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, (vii) Assurer un environnement durable, (viii) Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Bilan des OMD : des objectifs trop ambitieux ?!

Près de 15 ans après le lancement des OMD, le bilan reste mitigé. Tous les objectifs n’ont pas été atteints et ceux pour lesquels c’est le cas au niveau mondial, il subsiste des disparités, parfois énormes, entre les régions.

Si le premier objectif des OMD, qui est la réduction de l’extrême pauvreté de moitié dans le monde entre 1990 et 2015, a été atteint (36% en 1990 contre 18% en 2010), en Afrique Subsaharienne, la proportion d’individus vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 56% en 1990 à 48% en 2010 alors que cette proportion a largement baissé de 45% à 14% sur la même période en Asie du Sud Est, selon le PNUD (2014).

Concernant l’éducation primaire pour tous, le taux brut de scolarisation est passé de 52% à 78% entre 1990 et 2012 en Afrique Subsaharienne alors que dans le monde en développement en général, ce taux est passé de 80% à 90% sur la même période. La bataille pour donner avant 2015 à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens de terminer un cycle complet d’études primaires n’est pas encore gagnée. En 1990, en Asie du Sud, seulement 74 filles étaient inscrites à l’école primaire pour 100 garçons. Fin 2012, les taux de scolarisation étaient les mêmes pour les filles et les garçons.  En Afrique subsaharienne, en Océanie et en Asie de l’Ouest, les filles sont toujours confrontées à des obstacles aussi bien pour l’entrée dans l’enseignement primaire que secondaire. Les disparités sont donc persistantes contrairement à la cible qui était d’éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire dès 2005 si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard. Pourtant, le statut des femmes occupant un emploi salarié non agricole est en augmentation, 23% à 33% en Afrique Subsaharienne entre 1990 et 2012, 38% à 44% en Amérique latine et Caraïbes sur la même période. En janvier 2014, 46 pays se targuaient d’avoir plus de 30 % de femmes parlementaires dans au moins une des chambres des représentants.

La mortalité infantile quant à elle est passée de 177 à 98 décès pour 1000 naissances vivantes entre 1990 et 2012. Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était la cible de cet objectif et seules l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Est y sont parvenues entre 1990 et 2012. Les décès maternels ont diminué, passant de 990 à 510 décès pour 100 000 naissances vivantes de femmes dont l’âge est compris entre 15 et 49 ans. Ce chiffre est passé de 380 à 210 dans le monde entre 1990 et 2013 alors que la cible était une réduction de trois quarts de décès maternels. Entre 2001 et 2012, le taux d’incidence du VIH  (nombre estimé de nouvelles infections par an pour 100 personnes âgées de 15 à 49 ans) reste élevé en Afrique Australe même s’il est passé de 1,98 à 1,02 alors qu’il est de 0,03 en Amérique Latine et de 0.01 en Afrique du Nord sur la même période alors que l’objectif était d’enrayer et commencer à inverser la propagation du VIH/SIDA.

La dégradation de l’environnement se poursuit dans le monde : 13 millions d’hectares de forêts ont disparu, la faute aux ravages naturels, à l’urbanisation et à l’expansion de l’agriculture à grande échelle. Les émissions mondiales de CO2 ont atteint 32,2 milliards de tonnes métriques en 2011, soit une augmentation de 48,9% par rapport à leur niveau en 1990. Dans le même temps, la consommation mondiale de substances appauvrissant la couche d’ozone a diminué de plus de 98% entre 1986 et 2013.

Enfin, l’aide publique au développement s’est élevée à 134,8 milliards de dollars en 2013, son niveau le plus élevé jamais enregistré, après deux années de baisse des montants. Toutefois, l’aide va de moins en moins aux pays les plus pauvres. Ainsi ces dernières années, près d’un tiers du flux de l’aide totale des donateurs était destiné aux pays les moins avancés (PMA). En 2012, l’aide des donateurs du Comité d’Aide au Développement (CAD) aux PMA se montait à 0,09 % de leur revenu national brut cumulé, son ratio le plus bas depuis 2008. L’aide bilatérale nette à l’Afrique (où se trouvent 34 des 48 PMA) a baissé de 5,6% en 2013, passant à 28,9 milliards en termes réels.

Pour autant, la Communauté Internationale ne s’avoue pas vaincu et reste déterminé à faire mieux. Pour ce faire, elle propose une nouvelle palette d’objectifs, sous le nom d’Objectifs de Développement Durable (ODD) pour remplacer les OMD afin de lutter contre la pauvreté et les inégalités et réduire les disparités entre les pays développés et les pays en développement.

Les Objectifs de Développement Durable: quelles différences par rapport aux OMD ?

La première différence notable entre les OMD et les ODD est le nombre d’objectifs. En effet, on passe de 8 objectifs avec les OMD à 17 objectifs avec les ODD décrits comme suit :

  1. Mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes et partout
  2. Mettre fin à la faim, assurer la sécurité alimentaire et une nutrition adéquate à tous et promouvoir l’agriculture durable
  3. Atteindre une vie saine pour tous à tous les âges
  4. Fournir un enseignement de qualité équitable et inclusif et des opportunités de formation tout au long de la vie
  5. Parvenir à l’égalité des sexes, autonomiser les femmes et les filles partout
  6. Assurer l’eau et l’assainissement pour tous pour un monde durable
  7. Assurer l’accès à des services énergétiques pour tous, modernes, abordables, durables et fiables
  8. Promouvoir une croissance économique inclusive et soutenable et le travail décent pour tous
  9. Promouvoir une industrialisation soutenable
  10. Réduire les inégalités entre et à l’intérieur des pays
  11. Construire des villes et établissements humains inclusifs, sûrs et soutenables
  12. Promouvoir des modes de consommation et de production soutenables
  13. Promouvoir des actions à tous les niveaux pour lutter contre le changement climatique
  14. Parvenir à une conservation et un usage soutenable des ressources marines, des océans et des mers
  15. Protéger et restaurer les écosystèmes terrestres et mettre fin à toute perte de biodiversité
  16. Parvenir à des sociétés, des systèmes juridiques, des institutions efficaces, en paix et inclusives
  17. Renforcer et améliorer les moyens de mise en œuvre et le partenariat mondial pour le développement soutenable.

Les ODD sont très ambitieux comme objectifs et se différencient des OMD par l’intégration pleine et entière des trois volets (social, économique et environnemental) du développement durable. Ensuite, la mise en place d’autres indicateurs que le PIB pour mesurer correctement le bien-être et les progrès humains, l’élimination des inégalités et l’accent sur une gouvernance efficace ont été identifiés au nombre des priorités clés des ODD. Et cette fois-ci, les objectifs sont universellement applicables à tous les pays. Leur adoption est prévue en 2015 durant l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Quelles implications pour lAfrique ?

L’Afrique reste à ce jour le continent le plus pauvre de la planète. Les défis à relever en matière de développement restent de premier plan. Le bilan des OMD a, certes, montré que des progrès ont été réalisés entre 1990 et 2015 mais l’écart avec les autres régions du monde est très grand. Les ODD tout comme les OMD se focalisent sur les questions de pauvreté, de santé, d’éducation, d’inégalités entre pays et d’environnement.

Si les pays développés prévoient de continuer d’aider les pays en développement, notamment africains, avec les ODD au travers de l’APD, il faut que ces derniers s’approprient le discours sur leur développement et oeuvrent dans ce sens. Ce qui implique pour les pays africains qu’en plus de l’assistance de la communauté internationale, il faut faudra fournir un gros effort au niveau des pays. Ainsi, des programmes ambitieux en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures et d’emplois doivent être élaborés avec des plans de financement cohérents et soutenables sur le long terme. L’amélioration de la sécurité, de la gouvernance politique et économique, l’optimisation du système fiscal afin que les pays puissent dégager plus de ressources internes sont autant d’aspect à prioriser également sur le continent Africain.

Koffi Zougbédè

Référence :

Rapport 2014 du PNUD sur les objectifs du millénaire pour le développement

Rapport 2012 des OMD : de nombreux défis pour l’Afrique

Tous les peuples aspirent à un développement économique et social. Cette aspiration légitime est confiée à un pouvoir exécutif dont la première mission est la concrétisation de la volonté populaire. 
En Afrique, les vents de la démocratie qui soufflent combinés aux situations catastrophiques dans certains pays (Mali, Congo, Somalie etc.) reposent la lancinante question de la place des pouvoirs publics au cœur du développement. Depuis les indépendances, l’Afrique traîne les pieds malgré une richesse naturelle abondante. L’état des lieux de la situation économique et sociale de l’Afrique montre un continent riche en potentialités mais qui tarde à amorcer une véritable émergence à cause des conflits armés et de l’instabilité sociale dans beaucoup de pays. Cette situation alarmante cache néanmoins des progrès importants réalisés au cours des dernières années.
En effet, même si l’atteinte des objectifs pour le développement d’ici à 2015 reste difficilement atteignable, le rapport de l’ONU sur la question note des avancées significatives et des efforts considérables à réaliser.

La pauvreté : un combat de tous les jours

L’effort consenti dans la réduction des inégalités s’est fait ressentir pendant des années par la baisse de la pauvreté et de la vulnérabilité des populations. Les différents rapports publiés ces cinq dernières montrent des baisses considérables, de 56,5% à 47,5 entre 1990 et 2009, pour l’Afrique subsaharienne. La pauvreté est cependant plus accentuée chez les femmes et les jeunes.
Cette baisse cache mal une certaine vulnérabilité des populations les plus fragiles avec notamment. :

– la fragilité de l’économie dépendant des matières premières et des fluctuations des cours mondiaux ;

– une démographie galopante dans la plupart des pays sans une réelle anticipation sur les politiques d’aménagement de territoires ;

– des emplois précaires occupés dans le secteur informel dont la majorité sont des femmes, avec un risque de basculement dans la pauvreté du jour au lendemain par la perte d’activité ;

– une large majorité de la population composée de jeunes sans emploi, soit 74, 8 millions en 2011, soit plus de 4 millions de nouveaux primo demandeurs d’emploi qu’en 2007 ;

– une protection sociale inadéquate : on note une faiblesse des prestations fournies pour les bénéficiaires et une absence de l’assurance-chômage ;

– un déséquilibre entre les territoires ruraux et les centres urbains. Cette désertification humaine est due à l’absence de structures socio-économiques capables d’offrir de l’emploi ou des opportunités pour l’écoulement des produits agricoles pour une population tributaire de la pluviométrie. Cela précarise davantage les femmes, les enfants et les personnes agées dans le monde rural sans pour autant occulter l’effet pervers sur les villes avec la prolifération du phénomene de ghettoisation.

Si l’analyse de la pauvreté prend en compte beaucoup de paramètres comme l’accessibilité aux infrastructures sociaux de base comme la santé et l’éducation, des efforts considérables restent à faire dans ces domaines.

L’éducation : un défi majeur

Le défi de la scolarisation reste important pour l’Afrique du fait du besoin en ressources humaines de qualité pour booster sa croissance. Le taux de scolarisation brut a atteint les 90% selon le rapport de l’ONU sur les OMD. Cependant, le taux d’achèvement demeure en deçà des objectifs fixés malgré la gratuité et le caractère obligatoire de l’enseignement primaire. Cette contre-performance résulte, d’une part d’une difficulté à garder les filles à l’école avec les phénomènes des mariages forcés qui, même s’ils ont baissé continuent d’éloigner les filles de l’école, d’autre part des maux qui gangrenent le systeme éducatif (absence d’investissements, programmes souvent inadaptés, enseignants peu ou mal formés…) et qui le rendent inefficace.
Cependant des pays comme, l’Algérie, le Burundi, l’Égypte, Sao Tomé et principe, la Tanzanie, le Togo et la Tunisie ont atteint ou dépassé les objectifs fixés pour le taux minimum de scolarisation. Les performances des pays (Madagascar, Sao Tomé et principe, le Rwanda et la Tanzanie) sans aucune ressource naturelle, sont encourageantes et constituent des exemples pour les pays en retard dans la scolarisation universelle. Les retards constatés dans les autres pays (le Cap Vert, le Malawi, l’Afrique du Sud et la Gambie) sont dus à l’absentéisme des enseignants ou à leur manque de qualification ou encore un manque d’investissement dans les infrastructures scolaires créant ainsi un déséquilibre entre les grandes villes et le milieu rural.

La capitalisation des acquis passera aussi nécessairement par l’adaptation des programmes scolaires aux réalités socio-économiques et culturelles africaines avec notamment :

– une formation des enseignants pour rehausser la qualité de l’éducation ;

– une meilleure prise en charge de la dimension sanitaire dans les programmes scolaires pour combattre le VIH et le paludisme qui font encore des ravages sur le continent ;

– un investissement suffisant dans la construction d’infrastructures scolaires ;

– une prise en compte de la dimension environnementale en faisant de la lutte contre le réchauffement climatique et de la préservation de la biodiversité une cause nationale.

Le genre : mettre la femme au cœur du développement économique et social

L'Afrique est un continent ancré dans ses traditions. Le renversement de la tendance en faveur d’une meilleure considération des femmes reste un enjeu de taille. Les femmes constituent la moitié de la population africaine et contribuent d’une manière non négligeable à l’activité économique et sociale pour la plupart dans le secteur de l’informel. Cette situation est due en général à un abandon précoce de l’enseignement à cause de la résistance des mariages précoces. Malgré les efforts fournis pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes en termes de formation professionnelle, la situation des femmes n’a pas considérablement évolué ces dernières années. En effet, le rapport sur l’état d’évolution des OMD montre une faible progression de manière générale de la parité dans le domaine scolaire. La parité régresse même dans certains pays (Cap Vert et Erythrée) depuis des années.

Cependant, certains pays connaissent des résultats prometteurs dans l’enseignement primaire avec une réduction importante de l’écart entre filles et garçons. C’est le cas du Sénégal, du Mali et du Togo où l’indice de parité a augmenté de 30 à 49 %. Hormis l’Afrique du Sud qui ne connaît pas d’évolution depuis 2003 ainsi que le Cap Vert et l’Erythree, la situation de la parité dans l’enseignement primaire reste positive même si elle connaît un retard pour l’atteinte des objectifs pour 2015. En revanche, des pays comme la Guinée, le Tchad et le Bénin connaissent des avancées significatives dans la parité filles/garçons aussi bien dans les milieux urbains qu’en zone rural avec une progression de 79,2% à 55,6%.
Ces résultats satisfaisants pour la plupart des pays, ont été obtenus grâce à un engagement politique fort des pouvoirs publics par l’augmentation considérable des budgets de l’éducation nationale, la construction de salles classes dans les milieux les plus défavorisés, la formation des enseignants et les nombreuses campagnes de sensibilisations en partenariat avec les acteurs pour promouvoir la parité et le maintien des filles à l’école.

L’intégration par l’emploi constitue tout aussi un enjeu de taille pour les femmes africaines. Elle reste, cependant difficilement atteignable du fait d’une présence importante des femmes dans le travail agricole et dans le secteur informel. En effet, elles éprouvent plus de difficultés à trouver des emplois salariés même à diplôme égal ou elles sont sous employées et mal rémunérées. Cette discrimination pousse les femmes à évoluer plutôt dans les activités commerciales, qui représentent 60% des activités non agricoles (ONU Femmes 2010) L’importance de l’activité commerciale est encouragée par le développement de la micro finance pour aider les femmes à monter des activités créatrices de revenu. La place de la micro finance a pris sans nul doute des proportions satisfaisantes au Madagascar avec le passage des femmes adhérentes aux réseaux de micro financement de 15% à 45% entre 1999 à 2006.
D’autres activités comme la sylviculture sont pratiquées par les femmes et constituent une source de revenu considérable. C’est le cas du Sénégal, ou sur les 12,5 millions de Dollars, générés par la sylviculture, le tiers a été l’œuvre des femmes.

Dans les emplois salariés, les femmes sont majoritairement localisées dans le secteur des services ou elles dépassent largement la présence des hommes, qui sont plus représentés dans le secteur industriel. Les données disponibles sur 31 pays révèlent des situations différentes pour des pays comme l’Afrique du Sud, le Botswana, la RCA et l’Ethiopie avec des tendances positives tandis que le Sénégal, la Libye, l’Algérie et le Libéria sont très loin des objectifs fixés.

Sur le plan de la démocratie représentative, les femmes connaissent des fortunes diverses selon les pays. Sept pays dépassent la barre de représentation des 30% au parlement tandis que 8 pays ont dépassé les 20% de représentation. Des régressions fortes ont été notées sur les pays comme le Ghana, le Cameroun, le Congo, les Comores, etc.
En termes d’autonomisation des femmes en politiques cinq pays (l’Afrique du Sud, l’Ouganda, la Tanzanie, l’Angola et le Mozambique) demeurent parmi les 30 meilleurs au monde.

L’évaluation des trois OMD en Afrique subsaharienne renseigne sur l’état d’évolution des politiques et programmes mis en œuvre pour l’atteinte des objectifs en 2015.
La place prépondérant de la lutte contre la pauvreté, la promotion de l’accès à l’éducation pour tous et la promotion du genre sont des signes d’un continent en mouvement. En faisant de ces OMD des priorités du millénaire, les nations ont remis au cœur de la gouvernance mondiale toute la place de l’humain dans le développement économique et social. Ce recentrage de l’humain au cœur du système de gouvernance constitue pour l’Afrique une immense chance de combler le retard mais aussi de participer plus efficacement à la gouvernance mondiale.

 

Alassane Diallo

Lien vers le rapport sur les OMD: http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/mdg/the-millennium-development-goals-report-2012/