Les entreprises des pays membres de l’UEMOA sont majoritairement des PME, PMI ayant très peu accès aux marchés financiers pour le financement de leurs activités économiques[1]. De ce fait, une alternative de financement pour ces entreprises est le recours au crédit bancaire. Pourtant on constate une importance structurelle des conditions d’accès au crédit et notamment des taux d’intérêts élevés. Le taux d'intérêt directeur de la BCEAO qui représente le taux auquel les banques se refinancent auprès de la banque centrale est passé de 4,5% en 2005 à 3,5% en 2013, tandis que le taux d'intérêt débiteur moyen des banques de l'UEMOA qui est le loyer du crédit bancaire pour les ménages et les entreprises est lui passé de 7,5% à 7,56% sur la même période. Globalement, les baisses du taux directeur n'ifluencerait pas les taux débiteur au sein de l'UEMOA. A la suite de Ouattara (29 mai 2015), cet article explique les raisons de l’importance du coût du crédit bancaire en zone UEMOA. Pour ce faire, la transmission monétaire c’est-à-dire les mécanismes par lesquels les décisions de politique monétaire agissent sur le niveau de l’activité économique et les prix et ses obstacles sont particulièrement explorés. Quelques propositions sont effectuées en vue d'une amélioration de la situation.
L’analyse des évolutions des deux taux d’intérêts procure des résultats surprenants. Une bonne transmission monétaire suppose que les deux taux doivent évoluer dans le même sens. Si le taux auquel les banques se refinancent baisse, on devrait observer aussi une baisse du taux auquel elles prêtent aux agents économiques. Ce dernier taux de prêt appelé taux débiteur est fixé sur la base du taux de refinancement, des anticipations d’inflation de la banque et de sa marge bénéficiaire attendue. Pourtant, entre 2006 et 2007, alors que le taux directeur est passé de 4.5% à 4.75% ; le taux débiteur s'est accru de 7.8% à 7.62% sur la même période. De même entre 2008 et 2009, une baisse du taux directeur de 6.75% à 6.25% était suivie du taux débiteur 7.87% à 8.27%. Les années 2007-2008 ont été marquées par une crise amorcée aux Etats-Unis. Tous les pays du monde, y compris ceux de la zone UEMOA ont été touchés par cette crise. L’élément déclencheur de la crise était les pertes en capital des banques dues au défaut de leurs emprunteurs. La conséquence immédiate a été la rareté du crédit et la hausse du taux débiteur. Toutefois, en réponse à cette crise les banques centrales ont toutes adoptées des politiques visant à injecter massivement de la liquidité dans l’économie via les banques. C’est, entre autres, la raison pour laquelle l’on peut constater une baisse du taux directeur de la BCEAO à partir de 2009. En dépit de cette baisse tendancielle du taux de refinancement, l’on observe tout de même une évolution curieuse du taux débiteur entre 2009 et 2011. En réalité, en marge des effets de cette crise mondiale, la transmission monétaire a des spécificités en zone UEMOA que nous abordons à présent à travers les principaux canaux de la transmission monétaire.
Une politique monétaire expansionniste, soit l’ensemble des mesures prises par les autorités monétaires (injection de liquidité, baisse des taux d’intérêt, effets d’annonce, …) a pour objectif de relancer l'activité économique, en facilitant l’accès au capital. Ceci peut intervenir à travers plusieurs mécanismes :
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le canal du taux d’intérêt : ces mesures peuvent entrainer une baisse des taux d’intérêts réels, et par voie de conséquence favoriser l’investissement et donc la production. Ce canal connaît des dysfonctionnements en sein de l’UEMOA du fait de la structure de financement des économies de cette zone. En effet, selon des rapports de la Commission de l’UEMOA et de la Banque de France, le financement marchand et l’apport extérieur constituent les sources majoritaires des principales activités économiques que sont le commerce et l’agriculture du fait de l’importance du secteur. Le rôle primordial que devrait jouer le financement intermédié n’est donc pas assuré. C’est l’une des raisons pour lesquelles ces économies sont très vulnérables aux chocs exogènes qui contribuent à réduire le volume de financement principal (marchand et extérieur). En effet, une crise financière internationale peut entraîner la réduction du financement extérieur. De même, une mauvaise pluviométrie, par exemple, réduira le volume de financement marchand dans le secteur agricole.
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le canal du crédit bancaire : la politique monétaire expansionniste permet d’une part aux banques commerciales d’avoir accès à la liquidité plus facilement. D’autre part, les banques commerciales améliorent les conditions de rémunération des dépôts afin de pouvoir faire face à la croissance des demandes de prêt. Toutes choses conduisant à une hausse de l’offre de liquidité des banques, facilitant ainsi le financement des prêts et par ricochet la hausse de l’investissement et celle de la production. Ce canal prouve que la politique monétaire influence principalement les PME PMI qui dépendent davantage des prêts bancaires. L’importance du secteur informel conduit à une hausse des asymétries d’informations entre les banques commerciales et les détenteurs de projets. Cette situation entraîne une rigidité inouïe des conditions de crédit, en particulier, en matière d’exigence de collatéraux.
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le canal du bilan : la politique monétaire expansionniste conduit à une hausse des cours des actions du fait de la hausse de la demande car les agents disposent plus facilement de crédit d’investissement. La rationalité de ces agents les conduira à acheter les actions des entreprises les plus performantes, toutes choses conduisant à la réduction des asymétries d’information entre les banques et les entreprises et par suite à la hausse des prêts, des investissements et de la production. Cela renforce la situation nette des entreprises. L’augmentation de la trésorerie des entreprises à la suite d’une politique monétaire expansionniste peut être freinée du fait même de la composition du portefeuille de titres financiers de celles-ci (à prédominance d’actifs étrangers). Le rendement de ces actifs est donc ancré sur des économies étrangères. Ainsi même si les activités des entreprises domestiques sont rentables et qu’à la suite d’une crise financière l’on assiste à une dépréciation de la devise de financement de ces entreprises domestiques, cela entraînera une baisse du niveau de la trésorerie et des investissements ceteris paribus. Une politique monétaire expansionniste aura une influence marginale sur l’activité économique dans la mesure où les titres détenus en monnaie nationale par les entreprises domestiques restent faibles.
Au sein de l’UEMOA, la situation est telle que les actions de la Banque centrale ne pourrait lever les contraintes d’accès au financement bancaire pour les PME/PMI. En marge des efforts effectués par les autorités monétaires, d’autres actions sont à mener afin de permettre aux PME et PMI de la région d’avoir accès à leur principale source de financement. Ceci nécessitera une implication de chaque acteur :
- Les Etats : pour réduire l’asymétrie d’information entre les banques et autres établissements de crédit et les détenteurs de projet, il faut promouvoir le développement des agences d’information sur le crédit. Pour réduire les risques, il faut améliorer le climat des affaires et le cadre juridique pour faciliter la réalisation des garanties bancaires. La création ou le renforcement des fonds de garantie pour alléger le coût du crédit, avec des conditions particulièrement favorables pour les agents économiques vulnérables (PME, PMI, entreprises individuelles, …) est aussi primordial. En outre, il faudra mettre en place des structures d’encadrement et d’accompagnement des PME, PMI.
- Les banques : elles doivent indexer l’évolution de leur taux débiteur sur les taux du marché monétaire. Pour renforcer leur crédibilité et attirer plus de clients, elles doivent œuvrer à améliorer la transparence de leurs activités, en particulier en ce qui les conditions de crédit mais aussi promouvoir l’accroissement de l’épargne en créant des comptes d’investissement ciblés par activité pour les agents qui veulent participer à des opérations de financement par le biais de la banque.
- Les opérateurs économiques : ils doivent développer des projets innovants avec des perspectives de remboursement clairement définies et œuvrer à une gestion efficiente des crédits reçues et à la transparence de leurs activités.
L’importance du coût du crédit bancaire a conduit plusieurs entreprises (PME, PMI, entreprises individuelles) à se détourner des sources de financement traditionnel (bancaire, marchés). Cela contribue fortement à réduire l’efficacité de la politique monétaire. Cette situation mérite l’attention particulière de tous les acteurs (BCEAO, gouvernements, banques, agents économiques) pour une meilleure coordination des politiques économiques. En effet, l’inefficacité d’une politique monétaire centralisée est source de plusieurs difficultés, notamment la hausse de la tentation de free-riding via les politiques budgétaires nationales dont les conséquences peuvent conduire à l’éclatement de l’union monétaire.
Daniel Ouedraogo
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" Excellent article toujours sur les questions monétaire dans notre d'integration qui nous passionne tous"
Besoin d'avoir des conseils sur mon thème de recherche Master politique économique et modélisation intitulé : la politique monétaire et les inégalités de revenus :cas de la zone UEMOA.
MERCI !!
Tout à fait !
Il ne faut pas oublier les états et les banques qui ont une grande part de responsabilité