Cet article soutient que la lutte pour l’indépendance monétaire des pays de la zone franc devrait encourager la création de nouvelles zones monétaires plus larges et qui par construction ne peuvent plus être liées à une ex-puissance coloniale.
Beaucoup d’encres ont coulé pour critiquer ou pour louer le fonctionnement de la zone franc. Pour les uns, la gestion du franc CFA doit être intégralement confiée aux Etats africains et le compte des opérations à la Banque de France doit être fermé. Pour les autres, tout cela est neutre par rapport à l’impact de la politique monétaire sur la performance économique de la zone franc. Dans tous les cas, le constat partagé par tous est que les pays membres de la zone franc n’ont pas une indépendance monétaire vis-à-vis de la France. En tant que l’un des piliers centraux de la souveraineté nationale, l’indépendance monétaire suffit à justifier le point de vue de ceux qui demande la fin du régime du Franc CFA.
Cependant, la stratégie de dénonciation utilisée par ces derniers depuis des décennies ne donne aucun résultat tangible. Pour preuve, la question n’a jamais été officiellement débattue dans les banques centrales de la zone franc. De plus, nous n’apercevons aucune indication de la fin du régime du Franc CFA. Tant de conférences ont été organisées, tant de livres ont été écrits ; mais rien ne bouge. On se demande bien à quoi devrait penser le Professeur Agbohou, fin défenseur de l’indépendance monétaire des pays de la zone franc.
Il serait illusoire de penser que des preuves scientifiques suffiraient à fléchir les positions des banques centrales sur la question. Les évaluations d’impact de l’appréciation du taux de change sur la productivité et la compétitivité des entreprises de la zone ne suffisent pas pour convaincre. De plus, on ne saurait pas dire exactement comment l’inflation qui accompagnerait la fin du régime actuel du franc CFA affectera l’épargne des plus riches et la consommation des plus pauvres.
Si les gouvernants ne réagissent ni aux dénonciations ni aux preuves scientifiques, c’est peut-être parce qu’ils ont été convaincu par les preuves théoriques et empiriques qui indiquent que le franc CFA aurait permis la stabilité des prix. C’est aussi parce qu’ils en savent très peu sur les coûts que cela impliquent. A cet égard, les seuls travaux des économistes ne permettront pas de faire le bilan global des coûts engendrés par le maintien d’un système qui fixe le taux de change sur une longue période et qui confie la gestion des devises issues des exportations des pays de la zone à une banque étrangère. Il faut aussi évaluer les implications d’un tel système sur le fonctionnement des institutions politiques. Pour toutes ces raisons, la fin du régime actuel du franc CFA intéressera très peu de dirigeants politiques. Et pourtant cette fin est nécessaire.
Faudrait-il attendre un soulèvement populaire contre le CFA ? Les connaissances techniques requises pour comprendre ses implications et susciter un tel soulèvement sont hors de la portée de la majorité des populations. Par conséquent, l’une des options, la plus prometteuse à notre avis, est la promotion de nouvelles zones d’intégration monétaire plus larges recouvrant à la fois les pays de la zone franc et d’autres pays non-francophones. Cette option a le double avantage d’augmenter les bénéfices liés à l’intégration et de garantir l’indépendance monétaire de la zone compte tenu de l’hétérogénéité de l’histoire coloniale des pays membres. En plus, en terme de stratégie, il n’est point besoin de dénoncer le système actuel du franc CFA puisque dans tous les cas, il sera voué à disparaître.
Par ailleurs, cette option est plus favorable aux preuves scientifiques. Il suffira tout simplement de prouver que les facteurs qui ont conduit à la stabilité des prix dans la zone franc sont ou peuvent être présents dans la nouvelle zone monétaire. Actuellement, la mise en circulation de l’Eco, monnaie unique de la CEDEAO, est l’exemple type d’une telle stratégie. Cependant, elle a déjà été repoussée à plusieurs reprises pour des raisons moins claires les unes que les autres. Ici, les défenseurs de l’indépendance monétaire ont un rôle à jouer en apportant les preuves qu’il faut y aller maintenant ou jamais. Vivement que l’exemple de la CEDEAO soit suivi par les pays de la CEMAC en partenariat avec la RDC et l’Angola !!
Georges Vivien HOUNGBONON
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