Les marchés publics et les concessions ont été pendant les dernières décennies les deux principaux modes de financement des infrastructures de transport en Afrique de l’Ouest. Ils ont cependant montré de sérieuses limites dans leur capacité à faire face au déficit d’infrastructures de transport. Pour relever les défis de financement, on assiste aujourd’hui à l’émergence d’un autre mode de financement : le partenariat public privé à travers lequel l’Etat confie à un opérateur privé une mission globale de financement, de construction et d’exploitation des infrastructures.
Entre le PFI britannique et le PPP à la française, quelle voie pour l’Afrique ?
Le contrat de partenariat public privé comme nouveau mode de financement des infrastructures publiques est issu du Private Finance Initiative (PFI) britannique. Initié à partir de 1992 par le Trésor britannique, « la PFI est née dans un contexte de sous investissement public et de mauvaise qualité des infrastructures comme du service rendu »(1). La PFI transfère à un opérateur privé le soin de prendre à sa charge le cycle d’investissement et les risques qui lui sont associés, en échange d’un contrat de longue durée durant lequel l’Etat lui versera une redevance. Ce transfert de responsabilité permet de lisser le cycle budgétaire, les pics d’investissement étant plus difficiles à financer pour un Etat qu’un versement annuel et régulier.
Contrairement au PFI britannique qui a cherché à s’inscrire dans le cadre d’une politique publique globale, en France le PPP est venu s’ajouter en 2004 (2) aux deux grands outils juridiques de la commande publique que sont les marchés publics et les délégations de service public. En Afrique de l’ouest, le recours au PPP comme nouveau mode de financement des infrastructures de transport date de la dernière décennie. Au Sénégal par exemple, ce recours intervient à partir du milieu des années 2000. En Côte d’Ivoire, il a été particulièrement encouragé à partir de 2009/2010 pour faire face aux besoins considérables de financement des infrastructures liés aux conséquences à la crise politique et militaire. Même si, lato sensu, le partenariat public-privé peut être une notion générique qui rassemble toutes les formes de coopération de l'Administration avec le secteur privé, stricto sensu le PPP consiste principalement à confier à un tiers, par un contrat de longue durée, une mission globale relative au financement, à la construction, à la maintenance, à l'exploitation ou à la gestion de biens nécessaires au service public.
Quels sont les principaux avantages des PPP en matière d’infrastructures de transport ? L’exemple de l’autoroute à péage de Dakar
Dans un rapport de 2010 pour la Banque Mondiale (3), Jeffrey Delmon met en lumière plusieurs avantages du recours aux PPP dont quatre semblent particulièrement pertinents dans le cas des pays d’Afrique de l’ouest. En matière de sources de financement, les PPP favorisent la mobilisation de nouvelles ressources pour les infrastructures et stimulent le développement de marchés financiers locaux. Dans les cas du Sénégal et de la Côte d’Ivoire par exemple, il semble clair, lorsqu’on regarde la part significative des infrastructures dans la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES) et dans le Programme National de Développement (PND), que l’Etat a besoin de ressources financières supplémentaires pour financer ses infrastructures.
Alléger le déficit budgétaire et l'endettement
En outre, dans un contexte de contrainte budgétaire et de tensions sur les finances publiques, la mise à contribution des capacités des bilans du secteur privé permet à l’Etat d’alléger son déficit budgétaire et par ricochet son niveau d’endettement. Concernant la durée de vie des actifs, les PPP offrent l’opportunité de pallier un entretien déficient des infrastructures de transport par le secteur public qui accroit mécaniquement les besoins en investissement. Les PPP présentent en effet l’avantage d’allouer, dès le lancement des projets, des ressources financières suffisantes à l’entretien et à la maintenance des infrastructures de transport. Ainsi, lorsqu’un PPP est mis en place pour une durée de 30 ans comme c’est le cas de l’Autoroute Dakar-Diamniadio, le partenaire privé est de fait obligé d’entretenir convenablement les actifs et d’en assurer une bonne gestion ne serait-ce que pour obtenir des résultats satisfaisants.
Partage des risques
Une autre incitation à la qualité de l’entretien réside de surcroît dans l’existence dans les PPP de pénalités de performances en cas de non respect des exigences de transfert à la fin de la période du projet. Un troisième avantage significatif du recours aux PPP réside dans le partage des risques entre le public et le privé qui constitue d’ailleurs un élément majeur de distinction du contrat de partenariat par rapport aux deux grands outils de la commande publique qui ne prévoient pas expressément un partage des risques : les marchés publics conservent les risques du côté du maître d’ouvrage public tandis que les délégations de service public les transfèrent globalement du côté du partenaire privé. Ce partage des risques a pour avantage de conduire à de meilleures performances liées à la gestion privée, notamment en matière de réduction des risques de délai, et par ricochet de coûts. On estime ainsi qu’environ 90% des projets d’infrastructures en PPP sont réalisés dans les délais tandis que la proportion est inverse pour les projets en maitrise d’ouvrage public.
Pour une région comme l’Afrique de l’ouest dont les Etats ont un important travail de rattrapage du déficit d’infrastructures, cet avantage des contrats de partenariat est loin d’être négligeable.
1 Voisin Arnaud, « Financements innovants et défense : le cas de nos alliés européens, Les enseignements de 10 ans de Private Finance Initiative au Royaume-Uni », Observatoire Economique de la Défense, Janvier 2002
2 Journal Officiel de la République Française n°141 du 19 juin 2004 page 10994 Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat
3Delmon Jeffrey, « Partenariats public privé dans le secteur des infrastructures, Guide pratique à l’intention des décideurs publics », Banque Mondiale, 2010 http://www.ppiaf.org/sites/ppiaf.org/files/publication/Delmon-PPPsecteurinfrastructures-French.pdf
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Merci Simel pour cette analyse. Les PPP sont en effet un très bon mode de financement de travaux publics pour nos pays. Mais je crois qu'il faut les utiliser avec beaucoup de précaution. Pour l'autoroute à péage Dakar-Diamniado par exemple, j'ai lu une thèse où l'auteur s'interrogeait sur les conditions du PPP. Entre autres griefs, il fustigeait la durée du bail: 30 ans, l'opacité de l'attribution, et la faible part d'investissement consentie par Eiffage, le co-contractant de l'Etat du Sénégal. En effet, l'Etat a déboursé une importante enveloppe pour réaliser l'ouvrage et la céder à Eiffage, à travers la Senac (société gestionnaire), pour une durée trop longue: 30 ans. Donc les PPP peuvent être très utiles, mais à mon avis il faut les utiliser avec beaucoup de prudence,
Bravo pour l'article mais j'aurais espéré aussi une critique constructive.
Dans la même veine, le Ministre d’Etat, ministre de l’Economie, des Finances et du Plan du Sénégal, M. Amadou Ba d’avertir : « L’expérience a montré que le financement de PPP mal négocié est plus onéreux et les risques sont réels ». Une manière pour sensibiliser sur la nécessité d’appréhender tous les paramètres avant de se lancer dans un projet PPP.
Autoriser les collectivités locales dans nos pays de l'espace uemoa à contracter des PPP sans définir des seuils de déclenchement, des matrices BCE responsabilité équilibrées présage de catastrophes économiques à venir. Les retours d'expérience en uk et en France ont démontré dans bcp de cas que les PPP n'étaient pas la solution optimale et qu''un bon vieux montage marché public de construction + DSP répond à bien de solutions.
De plus, j'espère que les engagements de l'état et ses collectivités locales à long terme sont évalués correctement dans les études préalables.
Maintenant je comprends que bcp de cabinets de strat, ou d'avocats célèbres européens aient identifiés les PPP comme un relais de croissance pour gagner des marchés en Afrique.
Il faut donc une montée en compétence rapude des ressources locales pour que nous soyions réellement dans une mécanique vertueuse.
J’ai beaucoup apprécié la formation du Professeur Jeffrey Delmon lors des city academy du GPSC du 16 au 20 septembre à Sao Paulo.
je veux avoir le module de formation en version francaise.