Le texte à venir est une compilation des réflexions sur la Chine-Afrique, issue d’une correspondance avec mon professeur d’histoire de khâgne. Ces réflexions se fondent sur mon expérience au sein de l’Ambassade de la République de Côte-d’Ivoire en République Populaire de Chine (Beijing) dans le courant de l’année 2009. Evoluant dans le département économique dont le travail tourne essentiellement sur la prospection et la veille, je fus aux premières loges pour observer et tenter d’analyser les relations entre ces deux entités.
Bien que je connaisse déjà le phénomène, mon stage dans le service économique de l’ambassade de Côte d’Ivoire à Beijing (Pékin) m’a encore plus éclairé sur ce sujet : la Chine en Afrique. Aujourd’hui beaucoup d’entreprises chinoises sont implantées en Afrique et notamment Afrique de l’Ouest. Dans les nombreuses lettres d’entreprises chinoises que nous recevons tous les matins, beaucoup nous expliquent qu’elles aimeraient faire profiter la Côte-d’Ivoire de la croissance chinoise. Elles nous affirment également à quel point elles seraient fières de pouvoir contribuer au développement de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général. Ces entreprises sont de toutes sortes : petits, moyennes, grandes, et dans tous les domaines : l’électricité (beaucoup), le bâtiment, les services etc. Figurez-vous que certaines font même référence dans leur lettre à l’Histoire et plus précisément à celle de l’Afroasiatisme et son point d’orgue : Bandung où les principes de l’entraide entre deux continents étaient érigés.
A première vue, ces initiatives pourraient être louables. En effet, une telle coopération économique pourrait faire naître une sorte de développement mutuel par le biais de transfert de technologies, par les emplois créés sur place etc. La réalité est bien différente de tout cela. Par exemple, une entreprise, quelle qu’elle soit, pour construire ses bâtiments, va faire appel à des travailleurs chinois. Pire encore, les entreprises de construction chinoises, font appel elles-mêmes à des travailleurs chinois pour construire des infrastructures ivoiriennes. Conséquences de tout cela : on observe bien un développement rapide des infrastructures en Afrique, mais avec une population toujours aussi pauvre. Cette politique des grands travaux entamée dans toute l’Afrique de l’Ouest depuis quelques années pourrait grandement servir au développement des pays concernés et l’amélioration du niveau de vie de leurs populations. Au lieu de cela, l’Afrique est une nouvelle fois en train de manquer le coche! Par exemple, le développement actuel de la Côte d’Ivoire est un leurre : c’est un pays en permanente construction, et les infrastructures sont plus massives, plus impressionnantes, plus belles (après plusieurs années d’abandon de projets d’urbanisation). Mais face à cela, on a une population de plus en plus pauvre.
Le problème de la Chine avec l’Afrique est, je pense, le déséquilibre qu’il existe entre le pays et le continent en termes de croissance certes, mais également en terme de mœurs et cultures. Le responsable du service économique de l’ambassade m’expliquait que si les Chinois font appel à leurs ouvriers, c’est avant tout pour la docilité de ces derniers. Par exemple, les travailleurs chinois en Côte-d’Ivoire sont tout à fait prêts à travailler de nuit. Les équipes se relaient de telle sorte que les chantiers sont en branle 24h/24 ce qui permet de les terminer beaucoup plus vite. Un essai avait été effectué avec des travailleurs autochtones mais, ces-derniers ne voulant pas travailler au-delà de 19h, les dirigeants de ces entreprises s’en étaient remis à des ouvriers dont ils connaissaient le mode de fonctionnement : des ouvriers chinois. Peut-on le leur reprocher ? Bien sûr que non. On ne peut que constater ce décalage dans les méthodes qui provoque lui-même un recul des pays d’Afrique dans lesquels les entreprises chinoises se trouvent en grand nombre.
De mon point de vue, les véritables personnes à blâmer dans cette affaire sont les autorités ivoiriennes (et africaines en général) qui acceptent ce genre de deal. Finalement qu’est-ce que l’Afrique a-t-elle à gagner dans cette histoire à part des produits chinois non taxés à disposition, et quelques perceptions de taxes pour les collectivités locales ? L’Afrique est perdante, à nouveau. Mon supérieur m’expliquait que pour l’instant, le rapport de force était si inégal que les dirigeants ivoiriens ne pouvaient pas se permettre d’imposer, aux entreprises chinoises implantées dans le pays, d’embaucher des autochtones. Il espère néanmoins qu’ « avec le temps la situation changera ». Cela dit, dans ce contexte bien précis, je ne vois pas comment le temps fera pour améliorer les choses. Bien au contraire, il les aggravera. La Chine sera plus riche demain, et la Côte-d’Ivoire plus pauvre encore. Puis viendra le jour où la Chine n’aura plus besoin de l’Afrique pour se développer et la laissera tomber. Et l’Afrique se retrouvera une nouvelle fois face à elle-même sans savoir que faire, comme à la fin des années 60.
Mon supérieur m’explique que si on ne fait pas confiance aux travailleurs africains c’est parce qu’ils n’ont aucun réel savoir faire. Ils ne savent pas construire ; les nouvelles technologies leur sont étrangères. A partir de cette réflexion je me suis dit que nous étions dans un cercle vicieux car si l’Afrique n’a rien, on ne commerce pas avec elle. Et lorsqu’on décide de travailler « avec l’Afrique » c’est sans lui permettre de connaître les techniques actuelles qui pourraient la rendre plus performante demain. L’Afrique ne profite pas du possible transfert de savoir et de technologies qui pourrait s’opérer avec la Chine actuellement et c’est dommage. On ne peut pas obliger les Chinois à faire travailler des Ivoiriens sur les chantiers ivoiriens. Le mieux serait que les Chinois prennent d’eux-mêmes ces initiatives. Pour qu’ils prennent ces initiatives, il faudrait peut-être que les populations africaines changent quelque peu l’approche qu’elles ont du commerce, des échanges. L’Afrique a peut-être avec la Chine, une chance de devenir sujet de la mondialisation et non plus seulement l’objet de cette-dernière. Car c’est bien comme cela que je vois la situation pour l’instant. Les rapports entre la Chine et les pays africains, selon moi, ne sont qu’une nouvelle forme d’exploitation. Et je vois se substituer à la France-Afrique une Chine-Afrique bien que les rapports seraient d’un tout autre ordre. Vous comprendrez donc à quel point les cris « On veut les Chinois » me révulsent.
Alors, oui, on peut toujours affirmer que c’est là la faute des chinois etc. mais si cette nouvelle exploitation est possible, elle est avant tout due à l’apathie des dirigeants africains, leur incapacité également, à transformer les schèmes des sociétés qu’ils gouvernent. C’est une preuve d’ignorance que d’affirmer que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire comme le pensent certains… cela dit, je reste persuadé que l’Afrique est entrée dans le monde économique par la mauvaise porte, qu’elle en paie le prix et pire, qu’elle ne fait rien pour s’en sortir. Les dirigeants africains sont responsables, alors, finalement, peut-on réellement reprocher aux populations de crier « On veut les Chinois » ou « On veut les Américains. » ?
L’Afrique cherche ailleurs des modèles qu’elle est incapable de trouver chez elle. Nous n’avons pas de capitaines d’industries, nous n’avons pas de grandes entreprises, ni mêmes des PME (pourtant solides pour certaines) qui prennent le risque de se développer à l’international. L’Afrique se nourrit de l’agriculture (sans mauvais jeu de mot), c’est un mets bien maigre à l’heure des Ipods, micro-PC, et autres gadgets en tous genres de la nouvelle ère informationnelle.
Giovanni C. DJOSSOU
Laisser uncommentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués par *
Je comprends que la Chine-Afrique aujourd'hui est un partenariat qui est loin d'être idéal, au moins pour l'Afrique; l'article fait bien d'insister sur le fait que les dirigeants africains ne font pas assez d'efforts pour que leurs concitoyens profitent de la présence chinoise.
Mais je trouve certains points de l'article un peu trop durs avec l'Afrique et la Côte d'Ivoire en particulier. Dire que l'écart entre la Chine et l'Afrique ou la Côte d'Ivoire se creuse est vrai puisque la croissance de la Chine est bien supérieure mais je ne vois pas sur quoi l'article se base pour dire que les populations africaines s'appauvrissent. On remarque sur la dernière décennie une croissance et des fondements macroéconomiques que l'Afrique n'avait pas connus depuis les années 70.
Ensuite, affirmer qu'un jour la Chine n'aura plus besoin de l'Afrique et la laissera tomber me semble très pessimiste. Je pense qu'au contraire les besoins de la Chine en matière de produits de toutes sortes ne vont que grandissants du fait de l'augmentation incessante de sa classe moyenne et de la consommation de celle-ci. Si on couple ces besoins de production avec la population chinoise qui vieillit très vite du fait des politiques démographiques mises en place, on se rend compte de combien il sera vital pour la Chine de travailler avec un continent où il y aura encore dans 10, 20 ou 30 ans des retours potentiels sur investissements énormes, le quart de la population active mondiale (dans 30 ans) qui sera une main d'oeuvre moins chère. Je pense au contraire que la Chine (l'Inde et le Brésil aussi) délocalisera très fortement sa production en Afrique pour répondre à ses besoins de croissance, ce qui constituera un vrai transfert de savoir-faire et de technologies.
Enfin, l'Afrique a des PME solides et même des grandes entreprises qui prennent le risque de se développer à l'International. J'en veux pour preuve les compagnies de téléphonie mobile Nigérianes ou Sud-Africaines qui se développent sur tout le continent.
There is visibly a bundle to realize about this. I assume you made certain nice points in features also. acffgafddeke