La filière cacao au Ghana qui fait vivre plus de 700.000 agriculteurs dans le Sud du pays a façonné l’économie et la politique de ce pays ouest-africain. Son histoire déjà centenaire est pleine de rebondissements et riche d’enseignements. C’est l’histoire du succès de ce secteur que présente la Banque Mondiale dans un rapport intitulé Cocoa in Ghana : Shaping the Success of an Economy.
Le document détaille les quatre phases bien distinctes qu’a traversées la production du cacao au Ghana. En effet, après une introduction et une croissance exponentielle (1888-1937), l’on a assisté à une stagnation suivie d’une rapide croissance après l’indépendance (1938-1964) puis à un effondrement presque fatal (1965-1982). Depuis 1983 et la mise en place de l’Economic Recovery Program (Programme de relance économique – ERP), la filière s’est redressée et n’a cessé de croître.
La croissance exponentielle de la production de cacao de la fin du 19è et du début du 20è siècle a été favorisée par la chute des prix de l’huile de palme, une forte pression démographique et un boom des exportations de caoutchouc qui a permis de réunir le capital nécessaire. La production atteignait déjà dans les années 30, 300.000 tonnes. La deuxième phase fut moins fulgurante. L’administration de Kwame Nkrumah des années 50 et 60 établit un organisme gouvernemental, l’UGFCC, comme acheteur monopolistique de toute la production et ne cessa d’augmenter la taxation des exportations de cacao, ceci dans le but de financer les dépenses publiques. Ces mesures qui pénalisèrent les producteurs et leurs exportations jouèrent également un grand rôle dans la destitution de Nkrumah en 1966.
Le Conseil National de Libération au pouvoir après Nkrumah décida d’augmenter la rémunération des producteurs mais du fait de la baisse des prix du cacao et de l’entrée en jeu de compétiteurs comme la Malaisie, l’Indonésie, la Côte d’Ivoire et le Brésil, la production stagna puis se mit à baisser drastiquement.
Le lancement de l’ERP dont les mesures phares furent la mise en place d’une rémunération supérieure à celle des pays voisins pour empêcher les fuites, la dévaluation du Cedi pour réduire les coûts de production et la rémunération de la qualité de la production appuyée par l’Institut de recherche Cocoa Research Intitute of Ghana, a permis un net rebond de la filière. Le secteur se porte encore mieux depuis les années 90 et surtout 2000, grâce à une révolution technique (utilisation d'engrais et de variétés améliorées de semences, meilleure gestion des plants contaminés par des virus) et un environnement favorable (prix élevés, réputation de haute qualité et libéralisation contrôlée et prudente du marché).
Plusieurs défis restent encore à relever par le secteur du cacao ghanéen. Ils touchent à la productivité qui peut encore être améliorée de 50 à 80%, à la compétition qui est dorénavant féroce, à la longévité de l’avantage qualité qu’il faut s’efforcer de maintenir et à l’impact environnemental de la production.
Tite Yokossi
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Deux facteurs me semblent plus importants que les autres dans l'explication du succès de la filière cacao au Ghana.
Tout d'abord la maîtrise par les autorités ghanéennes de leur monnaie et donc de leur taux de change qui leur a permis de faire une stratégie de dévaluation compétitive (baisser le cours de sa monnaie pour favoriser ses exportations qui bénéficient de l'avantage de prix exprimés dans une monnaie faible et donc de coûts de production bas) qui, dans le contexte concurrentiel fort des années 1980 – 1990, leur a permis de prendre l'avantage sur leurs concurrents asiatiques directs. C'est un levier de politique économique dont se sont privés tous les pays appartenant à la zone CFA…
Deuxième facteur important, permis par le premier, passer d'une logique de compétitivité-prix à une logique de compétitivité par la qualité, grâce aux gains de productivité mais surtout aux améliorations de la qualité des graines. Apparemment il y a encore des marges de progression, je souhaite au Ghana de persévérer dans cette direction.
Enfin, on ne peut qu'espérer que va se développer le benchmarking en Afrique, quand chacun chercher à s'inspirer des meilleures pratiques et expériences chez ses partenaires africains.