Depuis la période de la décolonisation, l’Afrique a connu bien d’évolutions. Souvent vu comme un continent pauvre caractérisé par des conflits et des crises humanitaires au cours du 20ème siècle, il semble qu’elle est à un tournant de son histoire. En ce début de nouveau millénaire, elle connait un développement économique impressionnant. Effectivement, en dépit d’un environnement mondial fragile, elle a enregistré une croissance moyenne de 3.96% au cours des trois dernières années. Pour 2016, celle-ci devrait passer au-dessus de la barre des 5%, selon le rapport Perspectives économiques en Afrique (PEA) publié conjointement par la Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque africaine de développement (BAD) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Dans ce contexte, la vision qu’avaient les experts financiers vis-à-vis du continent africain s’est radicalement transformée et l’Afrique est perçue aujourd’hui comme une terre offrant d’immenses opportunités. Pour preuve, cette région peut se targuer d’avoir attiré un montant record d’investissements directs étrangers (IDE) à hauteur de 57 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 4% par rapport à l’année 2012. En outre, dans le récent rapport Doing Business de la Banque mondiale qui mesure chaque année la qualité et l'évolution du climat des affaires à travers le monde, cinq pays africains se hissent dans le top 10 des pays les plus réformateurs. Dès lors, il n’est pas étonnant que de plus en plus d’acteurs économiques aient émergé au fil du temps tels le que la Chine, l’Inde voire le Brésil. Parmi ceux-ci, un nouveau pays vient d’apparaitre, la Pologne.
Tout comme beaucoup de pays africains, cette nation d’Europe centrale a connu d’énormes changements. Depuis la fin de la guerre froide, elle a entrepris de profondes réformes étatiques qui lui ont permis de devenir une démocratie, rejoindre les rangs de plusieurs organisations internationales telle que l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) et adhérer à l’Union européenne (UE). Elle s’est aussi attaquée à son économie en adoptant plusieurs politiques visant à passer d’une économie, fondée sur la propriété d'état et la planification centralisée, à une économie de marché de type capitaliste.
Aujourd’hui, elle est considérée comme une des économies les plus dynamiques sur le vieux continent. Grâce entre autres aux aides financières européennes, qu’elle a su exploiter efficacement, à une consommation intérieure soutenue et à une main d’œuvre bien formée qui a su attirer des investisseurs, elle a enregistré une croissance constante depuis plus de 25 ans, ce qui a permis de doubler son Produit intérieur brut (PIB) et augmenter substantiellement ses exportations, notamment vers les pays membres de l’UE qui représentent 78% de ses échanges commerciaux. Toutefois, le recul de la consommation européenne due à la crise, a poussé Varsovie à chercher de nouveaux débouchés pour ses produits.
À cet effet, le ministère de l’Economie a lancé en 2013 le programme « Go Africa » pour soutenir les entreprises polonaises dans leurs efforts de développement de relations bilatérales plus serrées avec les partenaires africains. Ce projet inclut plusieurs aspects telles que l’organisation de missions économiques, la mise en place de plateformes pour informer et créer des liens entre les entrepreneurs et des supports financiers pour aider les firmes polonaises à investir en Afrique. Bien qu’étant récente, cette ouverture vers le marché africain a déjà porté ses fruits. Entre 2012 et 2014, les échanges commerciaux entre l’Afrique et la Pologne ont augmenté de 24% passant de 2.86 milliards à 3.61 milliards d’euros. Toutefois, ces chiffres ne représentent toujours qu’1% du total des échanges commerciaux polonais et la Pologne a émis, fin 2014, la volonté d’augmenter cette part à 3%.
Pour ce faire, elle s’est résolue à étendre son réseau diplomatique sur le continent africain en créant de nouvelles ambassades, outil qui contribue à la promotion et à la création de contacts pour développer des relations commerciales. À ce titre, il est prévu qu’une nouvelle ambassade voit le jour au cours des prochains mois à Dakar, la capitale sénégalaise. De plus, elle a entamé des rapprochements stratégiques avec certaines nations, notamment l’Algérie qu’elle considère comme un pays d’excellence pour bâtir des plateformes industrielles orientées vers l'Afrique. C’est donc sans surprise que ce pays du Maghreb est devenu l’un de ses premiers partenaires commerciaux avec qui les échanges ont quasiment décuplé en un an passant de 395 millions de dollars en 2013 à 736 millions en 2014, ceci grâce, entre autres, à la signature de plusieurs accords et à la création de forums destinés aux chefs d’entreprises tant privés que publics. En outre, il y a aussi le Nigeria, la Zambie, le Sénégal et l’Afrique du Sud dont les volumes d’échanges ont augmenté de 47%, 44%, 16% et 11% respectivement, ce qui a permis de doper les exportations polonaises vers l’Afrique de 48% pour atteindre 2.27 milliards d’euros en deux ans. Toutefois, la stratégie appliquée n’explique pas à elle seule cette explosion dans les exportations car la Pologne bénéficie d’autres atouts.
En effet, la souveraineté monétaire dont elle jouit lui permet d’avoir un taux de change flexible afin de soutenir les exportations. De plus, elle possède un capital humain de qualité accouplé à des salaires très compétitifs. Le coût horaire moyen de la main-d'œuvre est l’un des plus bas d’Europe avec 7,9 euros contre 24.2 euros dans l’UE, selon les données publiées par la direction générale de la Commission européenne chargée de l'information statistique, Eurostat. Au niveau qualitatif, 36.8% des 30-34 ans sont titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur et le système éducatif polonais est classé parmi les plus performants d’Europe par l’OCDE. Grâce à ces éléments, elle est en mesure de proposer des produits à des prix très attractifs ayant une qualité comparable aux biens fabriqués dans les pays occidentaux, comme c’est le cas pour les produits électroniques qui sont les moins chers en Europe (86 % du prix moyen) selon une récente étude de l’UE.
Bien qu’une relation existait durant l’ère soviétique, le nouveau rapprochement entre la Pologne et l’Afrique n’est encore qu’en phase de décollage mais celui-ci devrait s’intensifier dans les années à venir. En effet, Varsovie a récemment déclaré vouloir développer sa coopération économique avec les pays africains car ce continent, considéré comme le marché du 21ème siècle par plusieurs organisations financières, offre d’énormes opportunités avec de nombreux marchés séduisants en raison de leur croissance, comme c’est le cas au Botswana, au Ghana voire en Ethiopie. De son côté, la Pologne représente aussi un débouché important pour l’Afrique.
Forte d’une position géographique au carrefour du vieux continent, d’une économie ayant doublé en dix ans, d’un marché avec une classe moyenne stimulant la demande de produits de consommation et d’un régime fiscal favorable aux investissements directs étrangers (IDE) qui se sont élevés à plus de 160 milliards d’euros entre 2004 et 2013, ce pays d’Europe centrale représente un pôle d’attractivité pour les produits et les investissements africains. À ce titre, beaucoup d’entreprises sud-africaines ont déjà profité des avantages qu’offre le marché polonais comme le démontrent les exportations qui se sont élevées à 164,2 millions de dollars en entre janvier et juin 2014, soit une augmentation de 9,7% par rapport à la même période l’année précédente. En outre, d’autres pays tels que Kenya, dont les exportations vers la Pologne ont dépassé les importations, ont commencé à suivre cette voie et apparaissent progressivement sur le marché polonais, ce qui sous-entend que la part africaine dans les importations totales polonaises devrait augmenter au fil du temps. Devrait, car la récente venue au pourvoir du parti ultra-conservateur Droit et Justice, lequel a émis la volonté d’augmenter les taxes à hauteur de 26 milliards de zloty soit presque 6 milliards d’euros au cours de la prochaine législature, pourrait quelque peu freiner l’engouement que connait la relation économique polono-africaine.
Szymonz Jagiello
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