Un article précédent portant sur l’intérêt de la dette pour une économie, discutait des conditions pouvant permettre à la dette de contribuer effectivement à asseoir le développement. Alors que l’Afrique affiche depuis une décennie les taux de croissance des plus forts du monde, le Fonds Monétaire International impose des conditions en ce qui concerne l’endettement à la plupart des pays africains, espérant que cela réduise le poids du service de la dette sur les finances publiques tout en consolidant la crédibilité des pays africains auprès de leurs créanciers, dans un contexte où les besoins des pays africains, notamment en infrastructures, sont considérables. Cette situation est d’autant plus dommageable que les appels répétés au secteur privé restent sans réponses.
Beaucoup considère que les pays d’Afrique ne sont pas trop endettés. Quand l’on considère que l’Afrique du Sud, le pays le plus endetté de l’Afrique, avec ces 46 Mds USD de dette à fin 2012 est bien loin de ses alter ego des BRICS, cette affirmation peut se justifier. En effet, la dette des autres membres des BRICS se chiffre en centaine de milliards de dollar : l’Inde, qui a le niveau de dette le plus faible dans ce sous-groupe, en était à 290 Mds USD à fin 2012. Il est dit qu’on ne prête qu’aux riches mais l’Afrique du Sud, pourtant riche en sous-sol et ayant rejoint le cercle fermé des économies les plus puissantes du monde, peine encore à lever sur les marchés financiers internationaux les capitaux nécessaires pour le financement de son processus de développement.
La plupart des pays africains ont bénéficié dans les années 2000 de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (IPPTE), qui a été lancé afin d’éviter que le service de la dette ne soit pas un goulot d’étranglement pour la croissance. On pourra toujours se poser la question sur la pertinence de cette initiative, mais une chose est évidente, c’est que là où les pays d’Asie ont sû utiliser la dette pour asseoir leur émergence au travers de discipline budgétaire tout en suivant les conseils des institutions de Breton Woods ; en Afrique, la corruption, les détournements, la gabegie financière et les troubles socio-politiques ont complètement sapé le rôle que pouvaient avoir cet afflux de capitaux. Cette initiative, qui se matérialise par un effacement de l’ardoise de dettes, constitue un nouveau départ pour les pays africains en ce qui concerne le recours aux marchés financiers. Si des conditions, émanant essentiellement du FMI, persistent en ce qui concerne la dette c’est bien parce que des craintes subsistent quant à la capacité des pays africains à bien gérer les deniers publics mais aussi et surtout d’éviter qu’elle ne devienne une contrainte à la croissance. Rien que dans le cadre de l’initiative PPTE, des suspensions sont intervenus du fait de suspicion de détournements de fonds. C’est dire combien les problèmes de gouvernance ont fait de l’endettement un outil plutôt dangereux pour l’Afrique.
Aujourd’hui, les conditions deviennent plutôt favorables mais pourraient ne pas suffire pour amener l’Afrique à s’endetter davantage. En effet, la dette s’entretient par le remboursement du capital et des intérêts. Cela suppose que l’Etat puisse prélever suffisamment auprès des contribuables afin de tenir ses engagements financiers. Ainsi, emprunter devrait s’effectuer dans des conditions de forte croissance ; ce dont l’Afrique peut se prévaloir depuis la décennie passée. Or en Afrique, cette croissance est fortement tirée par un effort d’investissement public – et donc, non rentable – et l’investissement privé dans les ressources minières. Par ailleurs, l’instrument fiscal est assez faible dans la plupart des pays africains, réduisant ainsi les revenus de l’Etat. Et c’est justement l’anticipation de ces revenus futurs qui déterminent la capacité d’un pays à s’endetter. Cette situation serait donc à l’origine de l’incapacité des pays africains à contracter massivement des prêts : la dette en fin 2012 pour la plupart des pays d’Afrique se situait encore sous la barre des 10 mds USD, seulement quelques pays chiffrent leur dette en plusieurs dizaines de Mds USD.
Somme toute, l’Afrique a un potentiel sur le plan financier, qui est encore inexploité du fait de la faiblesse de son économie, qui pourtant paraît fort (au regard des taux de croissance enregistrés) du fait du soutien d’investisseurs étrangers. Si la gouvernance s’améliore à la mesure des efforts des pays à assainir l’environnement des affaires, le défi actuel pour le continent, serait de rééquilibrer les comptes afin de disposer des revenus futurs capables de couvrir cette charge tout en améliorant la performance des outils financiers des Etats, notamment la fiscalité.
Mais tout ceci ne serait favorable en réalité que si la richesse se créé sur la base de facteurs internes. Ainsi, tant que les performances économiques de l’Afrique seront en lien avec la richesse de son sous-sol mis en valeur par des capitaux étrangers, elle ne pourra user de la dette pour asseoir son émergence. Rendre la croissance inclusive par le développement d’un secondaire fort capable de répondre à la demande intérieure et le développement d’un système fiscal adossé à un mécanisme de collecte des impôts efficace seraient un préalable pour que la dette puisse contribuer, sans contraintes, au développement du continent. A défaut, elle obérera toutes perspectives de croissance à termes, en devenant un poids pour les finances publiques, décrédibilisant et rendant ridicules les efforts des pays en matière de finances publiques. En fait, l’Afrique peut s’endetter davantage mais les conditions ne sont pas encore remplies pour qu'elle le fasse.
Foly Ananou
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