Au cours des 10 dernières années, l’Afrique a enregistré un taux de croissance économique de 5% en moyenne. Le continent a ainsi tourné le dos à des taux de croissance négatifs au cours des années 1980, presque nuls dans la décennie 1990, pour afficher un niveau de progrès économique honorable d’autant plus que les prévisions de croissance demeurent optimistes.
Au delà des revenus tirés des ressources minières et agricoles du continent, cette croissance a été sous tendue par le développement sans précédent des classes moyennes africaines. C’est ce que révèle une étude http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/The%20Middle%20of%20the%20Pyramid_The%20Middle%20of%20the%20Pyramid.pdf qui vient d’être publiée par la Banque Africaine de Développement (BAD) et intitulée The Middle of the Pyramid : Dynamics of the Middle Class in Africa. D’après les experts de la BAD, le nombre d’africains figurant dans cette classe moyenne a plus que doublé en passant de 151 millions en 1990 à 313 millions en 2010, soit 34,3% de la population aujourd’hui contre 27% il y a 20 ans. La BAD insiste aussi sur le fait que les classes moyennes constituent un levier fort et un indicateur particulièrement pertinent du développement économique de l’Afrique. Surtout, le renforcement de cette classe de la population africaine, mieux que le taux de croissance du PIB, permet d’apprécier les avancées enregistrées dans la réduction de la pauvreté en Afrique. Il permet aussi au continent d’assurer un progrès économique plus endogène du fait de la consommation des ménages et moins dépendante des exportations.
Il reste que, comme toujours dans ce genre d’études, la pertinence des chiffes est tributaire des critères retenus dans la définition des classes moyennes. Les personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour étant considérés comme pauvres, la BAD a notamment retenu dans son acception des classes moyennes les personnes dépensant entre 2 et 20 dollars par jours. Il en ressort que 60% des 313 millions que compte aujourd’hui la classe moyenne africaine se situe juste au dessus de ce seuil de 2%, ce qui amène à relativiser l’importance de cette partie de la classe moyenne.
Au delà de ces éléments quantitatifs, il semble plus intéressant de noter la corrélation entre l’émergence des classes moyennes et les exigences de démocratie, de bonne gouvernance et de qualité des services publics. Il y aurait d’ailleurs un lien entre développement des classes moyennes et nature clientéliste ou pas des Etats africains. C’est ce que suggère un document http://conte.u-bordeaux4.fr/DocsPdf/CMA.pdf de septembre 2010 publié par des chercheurs de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux. Dans cette hypothèse, l’évolution des classes moyennes africaines ne serait pas linéaire ; elle suivrait plutôt « un cycle d’expansion-recession de type U inversé ».
Nicolas Simel NDIAYE
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Merci pour cet article très intéressant et succinct de surcroît. On ne peut qu'espérer que cette classe moyenne augmente de plus en plus et fasse de plus en plus entendre sa voix dans la gestion des affaires des pays africains.
Merci Tite. Oui on peut effectivement espérer que la classe moyenne augmente. Aujourd'hui dans les pays occidentaux elle représente environ 80% de la population. Et d'après les prévisions de la BAD, elle atteindra cette proportion en Afrique à l'horizon 2050… on verra…
Il y a de la place pour l'optimisme!
Le rapport de la BAD est intéressant mais je trouve la communication qui a été faite dessus vraiment nulle. Ils ont mis en avant le chiffre de 300 millions de personnes faisant partie de la classe moyenne africaine, alors que ce chiffre est le plus grossier de l'étude. Comme l'a indiqué Simel, ces 300 millions de personnes désignent ceux qui dépensent entre 2$ et 20$ par jour. Si on prend en compte ceux qui dépensent entre 2$ et 4$, ont enlèvent déjà 180 millions de personnes !
Est-ce que dans la zone CFA, on peut considérer que quelqu'un qui dépense 4$ jours, c'est à dire 55 860 CFA par mois, fais partie de la classe moyenne ? J'en doute. D'autant plus que certains pays africains ont un coût de la vie beaucoup plus cher où ces 4$ par jour ne valent pas grand chose.
Un rapport 2010 de l'OCDE fixait un autre barème pour définir la classe moyenne africaine, compris entre 10$ et 100$ de dépenses jour, ce qui faisait 32 millions de personnes pour la seule Afrique sub-saharienne. Il s'agit sans doute d'une fourchette trop haute. Si l'on prend en compte, selon le barème de la BAD, les personnes comprises entre 4$ et 20$, il y a donc 120 millions de personnes. Je pense que grosso modo, une approche plus approfondie de la question devrait arriver, à vue d'oeil, à identifier une classe moyenne africaine aux alentours de 100 millions de personnes.
C'est à dire qu'à l'heure actuelle cette classe moyenne ne représente que 10% du total de la population africaine, alors que 61% vit sous le seuil de la pauvreté (moins de 2$/jour). La marge de progression reste donc énorme !
Je partage parfaitement ton analyse Manu. Et la question c'est ça "est-ce que par rapport au niveau de développement del'Afrique, on peut considérer qu'une personne qui vit avec 55 000 FCFA par mois" appartient à la question moyenne? Difficile de répondre par oui et de donner raison à la BAD sur ce point…. la marge est encore énorme. Même dans les pays du Maghreb, l'appartenance à la classe moyenne soulève un vrai débat. Je me souviens d'une étude sur la classe moyenne au Maroc il y a un an et cela avait soulevé de vives contestations…
Mais bon il y a quand même une vraie tendance d'étoffement de la classe moyenne dans certains pays (je pense notamment au Sénégal que je connais), ne serait-ce qu'en matière de revenus mais aussi de modes de consommations (loisirs, etc…)