Pour ceux qui vivent actuellement sur l’axe Côte d’Ivoire-Ghana-Lomé-Bénin-Nigéria, il n’est plus nécessaire de rappeler la forte résilience développée par les populations à l’égard des délestages récurrents.
Avec une consommation en pleine croissance (au Bénin, la Société d’Énergie Électrique estime à 11 % l’évolution pour les années futures), le manque d’investissement dans le secteur de l’énergie accentué par les pertes en ligne lors de la distribution et du transport (de l’ordre de 18-30 %) sont les principales causes de l’état actuel du secteur de l’énergie électrique en Afrique Occidentale. Dans les zones rurales, le taux d’électrification est inférieur à 10 %, étant donné que les modèles économiques pour l’extension du réseau ne sont pas viables du fait de la faible valeur ajoutée économique et densité. Face à ce constat mitigé, plusieurs projets ont vu le jour, comme l’interconnexion ouest-africaine, ou le financement d’infrastructures thermiques dans plusieurs pays.
Ces initiatives sont louables, à l’exception près, qu’elles dépendent toutes ou pour la plupart de bailleurs de fonds internationaux en quête de placements rentables, dans une Afrique berceau des opportunités. Quel est donc le surplus socio-économique de ces contrats souvent négociés en Built-Operate-Transfer (BOT) sur le consommateur africain qui subira le coût de maintenance et d’approvisionnement en combustibles ? C’est pour répondre à cette double interrogation que je propose une analyse technico-stratégique sur la filière du photovoltaïque.
Avec un coût de production du Watt actuellement inférieur à $1 grâce au marché chinois (Suntech-Trina Solar- Yingli,etc…) qui contrôle environ 80 % du marché mondial, la filière du photovoltaïque est devenue aussi bien rentable qu’accessible. D’après l’ÉPIA qui est le syndicat européen des énergies renouvelables, le coût de revient se décompose entre : le coût des modules (50 %), le régulateur et convertisseur (10 %), les câblages et accessoires (10 %), l’installation et la main d’œuvre (30 %). En Afrique, le coût des modules tient compte du stockage, mais d’une façon générale, avec un coût d’installation et de main-d’œuvre largement inférieur que dans le monde compte tenu du coût de capital humain et du niveau de vie. (facteur 2 voire 3). La filière a ainsi une meilleure opportunité à saisir sur le continent, car avec le coût des modules qui est à la baisse, le coût de revient final est nettement inférieur à la tendance mondiale hors stockage. D’autre part, le développement de la filière peut être générateur de multiples emplois avec la mise en place de formations en alternance aussi bien pour les jeunes diplômés en quête de spécialisation que pour les jeunes non diplômés en quête d’une reconversion. En moyenne, le Watt installé revient environ à 2000 FCFA, comparé au thermique, environ 250 FCFA (source du Ministère de l’Énergie du Bénin) qui ne prend pas en compte le coût de la maintenance, des externalités environnementales, et surtout du combustible. D’un point de vue économique, le photovoltaïque s’aligne comme le nucléaire, avec un coût fixe (ou coût moyen) plus important, mais qui se récupère dans le temps compte tenu du coût marginal quasi nul à la différence du thermique dont le coût marginal, actuellement escompté, ne définit aucune trajectoire claire du coût des combustibles et des charges d’exploitation. Pour les pays non producteurs de pétrole, l’importation de produits pétroliers peut peser entre 3 et 15 % de leur PIB.
D’autre part, la bataille que se livrent l’Occident et l’Asie a entrainé une fonte des coûts de production comme énoncé ci-dessus. Afin de développer leur filière nationale, les pays du Nord ont mis en place les tarifs d’achat qui sont un tarif préférentiel et surestimé d’achat de l’énergie électrique photovoltaïque afin de soutenir leurs entreprises nationales exerçant dans la R&D et la production. Mais face à la rude concurrence chinoise et à la conjoncture économique, ces tarifs ont plus ou moins fondu entrainant un mal aise dans la filière. C’est ainsi que les USA ont instauré une taxe douanière de 30 % sur tous les modules chinois, et l’UE a récemment porté plainte auprès de l’OMC pour dumping. L’Afrique quant à elle, spectatrice n’a développé aucune politique favorable pour se tailler une place. À mon avis, un des problèmes de la sous-région est le manque de stratégie dans nos actions. Nous faisons très peu de nos faiblesses des atouts pour mieux nous adapter. En effet, l’Afrique ne fait pas partie des principaux producteurs et n’a donc aucun intérêt à intervenir dans cette guerre de géants commerciaux. De plus, je pense que les tarifs d’achat sont inappropriés au contexte africain, car ils supposeraient de lourdement subventionner le coût de l’énergie solaire, sachant que bien de gouvernements ont déjà du mal avec l’énergie conventionnelle. En Afrique, le développement des énergies nouvelles devrait normalement supposer davantage l’intervention du secteur privé. Le rôle de l’État pour aider la filière serait d’exonérer par exemple pour une période donnée les importations pour aider à l’accroissement de l’électrification et la mise en place d’un secteur privé dynamique.
Les pays africains profiteront aisément de cette guerre de prix afin d’acheter des modules « bradés » pour satisfaire un besoin concret et développer une filière continentale. Pour les plus futés, à l’exemple du secteur pétrolifère, il serait même judicieux de faire des approvisionnements stratégiques pour les moments de pénuries afin de revendre les modules à un coût beaucoup plus élevé, synonyme d’une rente importante. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas, car en prenant le cas du Bénin, l’importation de matériel photovoltaïque est soumise à des frais et taxes de l’ordre de 50 % de la valeur marchande et du transport. Ainsi, avec une filière qui est embryonnaire pour le moment, on étouffe tout espoir d’expansion. Le constant est plus alarmant quand nous savons que les groupes électrogènes, pollueurs et consommateurs de combustibles sont totalement exonérés.
Somme toute, l’objectif de cet article est d’apporter une autre vision sur le modèle de développement de l’énergie photovoltaïque en Afrique Subsaharienne qui est actuellement la région dont le secteur de l’électricité est le plus atteint. Au lieu de faire appel aux lourds financements internationaux dont les retombées s’observent très peu sur le consommateur final et sur le secteur privé local, il vaut mieux œuvrer à dynamiser nos propres structures souvent capables de lever aussi des capitaux importants, mais qui ne sont malheureusement pas toujours suivis par les gouvernements. Quand bien même le solaire ne pourra permettre d’électrifier toute la région, il serait judicieux de penser à un mix énergétique pour réduire notre dépendance vis-à-vis du thermique. Dans les prochains articles, je tâcherais d’apporter les arguments en faveur ainsi que les inconvénients au développement du photovoltaïque. Car après tout, l’énergie est à l’image de l’éducation : Pour garantir son avenir, il faut très tôt prendre les bonnes décisions et poser les fondations nécessaires.
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Intéressant,
le but serait donc de convaincre les gouvernements africains de lever les taxes sur l'importation du matériel photovoltaique. Voilà un axe d'action pour les prochaines années.
Excellent papier Léomick! Mais je reste sceptique par rapport au mix énergétique. L'Afrique regorge énormément d'énergie solaire. Il faut à tout prix reconvertir entièrement notre parc énergétique vers le solaire. Cela engendrerait des coûts élevés au début, mais le jeu en vaut la chandelle. Lorsqu'on considère le rapport coût/avantages entre garder nos installations obsolètes qui nous causent tous ces délestages et inputs gigantesques, et le bénéfice qu'on tirerait de notre indépendance énergétique avec le solaire, il n'y a pas photo pour ainsi dire.
Je pense que la bonne politique serait de promouvoir et de soutenir le développement des industries spécialisées dans la ceonception de panneaux et modules photovoltaïques (ingénierie, r&d, production, etc).
Seule une autonomie dans ce domaine, de la conception à la réalisation peut sauver l'Afrique dans cette guerre du solaire…
Merci à tous pour les commentaires.
@ Georges: En effet, il s'agit pour moi de l'action court termiste la plus efficace que nos gouvernements peuvent mener afin de développer la filière.
@MMM. Certes, mais dans un prochain billet, je tâcherais de développer la place du solaire dans la production électrique. Il s'agit d'une énergie intermitente, donc doit se coupler le plus souvent aux solutions classiques comme le thermique. D'où l'idée d'un mix où chaque énergie en fontion de sa disponibilité aura sa place dans le bouquet final.
@Dembis: C'est une belle initiative mais les filières spécialisées sont très énergivores et d'autre part, avec mon modeste avis, la bataille mondiale actuelle ne permet pas au continent de se positionner dans la production. Je préfère des transferts de compétences dans l'ingénierie et la R&D avec des brevets sur des projets que nous pourrions aisément revendre.
La dépendance énergétique est un maillon faible et le Bénin par exemple n'a pas une stratégie "Energie" claire mise en application. On jongle beaucoup et on dépend trop du Ghana et du Nigéria dont les besoins nationaux sont déja énormes et qui ne peuvent nous servir qu'après. Il a une fuite en avant incroyable et une faiblesse manageriale a la SBEE.
Bravo Léomick pour cet article.
De mon point de vue l'opportunité actuelle qu'a l'Afrique avec l'énergie solaire se résume en 3 facteurs :
1 – un excellent potentiel solaire avec une varaibilité saisonnière faible (voir http://senegal-energies.com/index.php/sources-d-energie/solaire-photovoltaique/potentiel-solaire)
2 – des besoins en énergie encore faibles et un niveau d'équipement bas (ce qui permet d'installer directement des appareils sobres et efficients type LED, frigo A++)
3 – le prix de plus en plus abordable des technologies solaires, hors batterie (onduleur, panneaux, intégration)
La combinaison de ces facteurs est incroyablement favorable, pour à la fois réduire les problèmes liés à la génération d'électricité par voie thermique (dépendance aux combustibles fossiles, prix élevés, pollution) et pour l'électrification rurale (installations autonomes).
Les deux approches sont différentes, avec d'un coté le solaire raccordé au réseau pour injecter de l'énergie le jour à très bas coût (moins de 50 Fcfa/kWh) et essayer de correler les utilisations de l'énergie électrique à ce pic de production en journée. Et de l'autre coté apporter de petites quantités d'énergie en zone isolé mais sur des services à haute valeur ajoutée (type communication ou force motrice pour le pompage) avec du mini solaire (voir http://senegal-energies.com/index.php/sources-d-energie/solaire-photovoltaique/minisolaire).
La tâche est ambitieuse mais le jeu en vaut très largement la chandelle !
Excellente vision Leomick
Je suis en charge de la promotion via des PPa ( Power Project agreement ) de Green Energy en Afrique.
Contactez moi en off à ; eric.dagba@gmail.com
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Capital Requirements
There is no requirement for the off-taker of the energy produced to pay any upfront capital costs. There is no cost of maintenance to the off-taker. The only cost is to pay for the monthly production of electricity. We usually require a sovereign guarantee to all PPAs.
Production and Installation
Delivery times are only quoted at time of completed orders and are on a first come, first served basis. However, sixteen (16) weeks is an approximate time to manufacture the units. During that time the buildings and infrastructure are being prepared. An additional two (2) months should be anticipated for shipping, installation and final hook-up. Large orders may add additional months until the final units are installed but it is important to remember that each 50 MW building can come on line as completed.
Contracts, financing, architecture design, engineering, energy analysis, interconnection requirements and site surveys must be completed prior to manufacturing. Local government approvals and a cooperative working relationship will help speed the process.
Commentaire ;
très belle théorie que celle du JouleBox mais en y regardant de plus près elle s'appparente fort au mouvement perpétuel qui fascinait nos esprits lorsque nous étions jeunes. Aucun dispositif ne peut restituer, sous une forme ou une autre, plus d'énergie qu'il n'en consomme. Il y a toujours une perte.C'est un des premiers principes de physique que l'on apprend. Mais pourquoi ne pas rêver un peu ? L'esprit humain est tellement inventif.
ED.