A l’heure où le gouvernement français a choisi de durcir les conditions d’accès à l’emploi pour les étudiants étrangers, on peut se demander quelles seront les conséquences à long terme pour ces milliers d’étudiants africains qui choisissent chaque année d’aller étudier en France, et de s’y installer par la suite, faute d’opportunités professionnelles satisfaisantes dans leur pays d’origine.
En effet, si les statistiques sur l’emploi des jeunes (individus âgés de 15 à 24 ans) fournies par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) dans son dernier rapport annuel Global Trends for Youth Employment 2010 soulignent une tendance à la baisse pour le chômage des jeunes en Afrique sur la dernière décennie, on ne peut pas vraiment se réjouir des chiffres mentionnés. Alors que le taux de chômage est de 13% dans le monde en 2009 , il atteint la même année 23.7% en Afrique du Nord, et 11.9% en Afrique subsaharienne (source OIT). Cette dernière donnée est à interpréter prudemment : le taux de chômage indiqué pour l’Afrique subsaharienne est en réalité bien plus important, car les statistiques différencient population active au chômage, et population inactive, à savoir les jeunes qui ne recherchent pas d’emploi. La part des jeunes au chômage en Afrique subsaharienne est donc très élevée si l’on additionne jeunes actifs au chômage et jeunes inactifs, car elle atteint près de 50% des jeunes de 15 à 24 ans. De plus, certains jeunes considérés comme actifs sont en réalité sous-employés, c’est-à-dire qu’ils travaillent quelques heures par semaine, souvent dans la sphère informelle. Parmi cette population, les jeunes femmes sont encore plus touchées par l’impossibilité d’accéder à un emploi stable, et ce pour des raisons diverses : taux de scolarisation et niveau d’instruction plus faibles, schémas familiaux traditionnels et difficultés plus grandes à rechercher un emploi en raison d’une méconnaissance du marché du travail et de son fonctionnement.
En Afrique comme dans le monde, le chômage des jeunes semble être un phénomène véritablement structurel, l’élasticité de l’emploi des jeunes rapportée à la croissance du PIB étant limitée, comme le détaille le rapport de la Banque mondiale intitulé Les jeunes et l’emploi en Afrique, le potentiel, le problème, la promesse. Par ailleurs, les jeunes Africains sont trois fois plus touchés par le chômage que les adultes, ce qui montre que cette population rencontre des difficultés toutes particulières pour accéder à un emploi pérenne. Paradoxalement, le chômage des jeunes est plus élevé parmi ceux qui ont fait des études secondaires ou supérieures, le ratio du taux de chômage des jeunes ayant fait des études secondaires par rapport aux jeunes n’ayant pas fait d’ études est ainsi de 1 à 3. Les jeunes actifs ne sont pour autant pas privilégiés : l’emploi auquel ils accèdent est souvent précaire, sous-payé et du ressort de l’économie informelle, sans protection sociale ni contrat de travail.
Les causes du chômage des jeunes en Afrique sont multiples : un facteur démographique défavorable, une croissance économique qui ne crée pas d’emploi, un système d’éducation mal adapté, et des politiques publiques qui découragent les investisseurs privés et favorisent la montée du secteur informel. L’incapacité des Etats africains à s’attaquer au chômage des jeunes risque de fragiliser des populations et les maintenir dans la pauvreté sur plusieurs générations, et d’exacerber les tensions sociales comme on a pu le voir au Maghreb ces derniers mois. Sur un continent où près de 60% de la population a moins de 25 ans, le chômage des jeunes risque fort de se transformer en « bombe à retardement » comme le prédisent certains depuis plusieurs années.
Leila Morghad
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Merci pour cet article intéressant. Quel serait ton conseil aux Etats africains pour s'attaquer efficacement au chômage? Quelles sont les priorités et les remèdes qu'ils devraient mettre en place?
Je n'ai pas la prétention de croire que je pourrais donner la solution miracle, mais il me semble qu'encourager l'essor du sector privé (à travers le tissu TPE/PME local), et redéfinir l'offre de formation-en particulier la formation professionnelle- serait déjà un bon début.
Sujet particulierement important. Mais quelles specificites pour le chomage africain en dehors de celui inherent a toute economie sous-productive? Quelles nouvelles contraintes sont liees a la mondialisation et au retour des cerveaux?
Tu poses les bases d'un sujet qui meriterait d'etre plus actualise…