Avant de parler de l’expérience shopping (center) de Nairobi, il faut d’abord parler de Nairobi. Nairobi, “en chiffres”, c’est :
1) ~3.4 millions d’habitants (niveau du dernier recensement effectué en 2009, elle serait la douzième ville africaine la plus peuplée),
2) Une surface représentant 0.1% du territoire kényan et regroupant près de 8% de la population totale du Kenya.
3) Une part dans la population urbaine totale du Kenya qui a progressé de 5% en 1948 à 32% en 2009, pour un taux de croissance urbaine de 4,2% par an depuis 5 ans.
Nairobi est donc une grande ville africaine en expansion et en construction constante. On ne compte plus le nombre de routes bouchées, déviées, détruites et reconstruites qui redessinent chaque jour les itinéraires routiers.
Au milieu de ce bourgeonnement de nouveaux buildings, celui des malls est concomitant à la croissance de la classe moyenne, qui fait tant parler d'elle et dont on réalise l’impact sur le paysage urbain de Nairobi. La capitale, étant également un énorme hub “expats” (la majorité des organisations internationales telles les Nations Unies y possède des bureaux locaux d’envergure), ces derniers sont aussi une cible toute trouvée. Ils y trouvent l’essentiel (et bien plus) des produits dont ils ont besoin (ou non : le superflu y a aussi sa place).
Concept et cartographie du mall
Arrêtons-nous un instant sur le concept de mall. Nous ne parlons pas ici de simples supermarchés mais de vrais écosystèmes où le consommateur peut vider son portefeuille dans une variété infinie de produits et d’activités: restaurants, casinos, cinémas, bijouteries, boutiques de lingerie, meubles de maison, etc. Nairobi en compte presque une vingtaine dont quelques uns qui se détachent du lot en termes de taille et/ou de réputation: Westgate Shopping Mall (un des plus récents et des plus clinquants, ouvert en 2007), Sarit Centre (à l’influence indienne), The Village Market (mall chic où la communauté UN se retrouve le week-end), le Yaya Center (repère des français de Nairobi, voisin de l’école française), the Junction, Prestige ou encore Galleria Mall. Presque tous abritent “le” supermarché de Nairobi: le Nakumatt, destination ultime de l’étranger en quête de son pot de Nutella où de son camembert made in France. Carrefour en somme.
Ces malls s’étalent assez équitablement sur toute la ville et principalement à proximité des quartiers résidentiels (Kilimani, Westland, Karen…), comme le font également les restaurants et les bars. Ils créent donc de véritables “pôles” d’activités, séparés les uns des autres et quasi indépendants où les gens se donnent rendez-vous le soir et le week-end. Le mall rythme clairement la vie de l’upper/middle class kényane et des expatriés de Nairobi.
De grands projets en perspectives: l’exemple de Garden City
Le succès de ces mini temples de la consommation ne passe pas inaperçu et attire assez logiquement les investisseurs. Actis, fonds ayant déjà investi près de 4 milliards de dollars dans les marchés émergents (Afrique, Amérique du Sud, Asie), n’en est pas à son premier coup d’essai dans le secteur. Après The Junction Mall au Kenya, The Palms au Nigeria et l’Accra Mall au Ghana, Actis se tourne vers un nouveau projet d’envergure: le Garden City (l’annonce de l’investissement, dont le montant exact a été gardé confidentiel, a été faite en Juillet dernier). Il s’agira d’un mix entre quartier résidentiel (500 nouvelles maisons prévues), espace commercial (50 000 m2 réservés à la construction d’un mall) et de détente avec 2 hectares destinés à la construction d’un parc de loisirs (incluant un espace pour les concerts).
Garden City sera le premier mall “LEED” (Leadership in Energy and Environmental Design) d’Afrique de l’Est. L’idée étant donc d’en faire une construction respectueuse de l’environnement et peu consommatrice en eau et électricité (permettant également aux commerçants de faire des économies). Le mall attirera des marques locales et internationales (notamment sud africaine) avides de toucher le marché kényan. Ce projet est également boosté par l’inauguration, ce mois-ci, de l’autoroute de Thika, projet majeur de 360 millions de dollars, couvrant la distance de 42 km entre Nairobi et Thika (ville importante de ~200 000 habitants située au Nord Est de la capitale), qui desservira Garden City.
Pour conclure, le mall est un monde en soi mais un monde à part. Si leur multiplication est un signe de dynamisme économique indéniable, n’oublions pas que la majorité de la population ne s’y rend jamais ou très peu. 46% de la population kényane vit toujours en dessous du seuil de pauvreté.
Léa Guillaumot
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Merci Lea pour ce papier super interessant sur ces temples de la consommation. Concernant le montage financier qui aboutit a la construction de ces Malls, quelle part y occupe le secteur prive local?
Article intéressant ! Est-ce qu'à Nairobi c'est comme au Caire, où ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter (lower middle class) se promènent comme dans un musée, et se prennent en photo ? Au début ça fait sourire, et ensuite on est attristé de voir que ces personnes ont intégré l'idée qu'elles ne pourront jamais rien acheter dans ces malls, et même pas se payer une place de cinéma.
Bonjour!
@Hamidou :malheureusement je n'ai pas le détail sur le financement de ces centres commerciaux. Je t'avoue que je n'ai pas une idée précise de la part de capital local injecté dans ce genre de projet …
@Leila: Je ne crois pas ou en tout cas je n'ai jamais vu de personnes se prendre en photos dans les malls ou se balader en donnant l'impression qu'ils ne pouvaient pas acheter. On a en tout cas très très majoritairement des gens assez fortunés (notamment d'origine indienne) ou des expats…