Les PME du continent ont du mal à se financer auprès du système bancaire. Ces difficultés que rencontrent les PME du continent quant à l’accès au financement bancaire, constituent un frein à leur développement et empêchent dans une certaine mesure une croissance inclusive des économies, en limitant entre autres, la création d'emplois, problématique fondamentale de nos Etats. La crise financière de 2008-2009 a par ailleurs, accentuée cette aversion des banques aux PME. Toutefois, ces dernières années, on constate une volonté manifeste des banques à financer ces entreprises, qui représentent en moyenne 90% du secteur privé africain. En effet, le ratio crédit au secteur privé sur PIB a sensiblement évolué, en passant de 10% en moyenne dans les années 1990 à 47.2% en 2012 dans des pays comme la Namibie (sources : Banque Mondiale). Même si ce taux demeure encore faible dans certains pays, la tendance haussière constatée devrait se confirmer dans les années à venir, du fait d’importantes évolutions dans le secteur bancaire africain. Cet article se propose d’analyser ces facteurs qui pourraient contribuer à cette hausse.
La concurrence accrue dans le secteur bancaire
La démocratisation du secteur bancaire africain, qui pendant longtemps était la chasse gardée de grands groupes bancaires occidentaux, couplée à l’émergence de marchés régionaux a favorisé le développement de banques africaines à statures régionales, avec un large réseau de filiales. En veut pour preuve, l’augmentation du nombre de banques dans l’UEMOA. En effet dans cette partie du continent, 106 banques ont été recensées en 2012 contre 64 en 2000, selon la Commission bancaire de l’UEMOA. Ces filiales des grands groupes qui se multiplient, se livrent sur leur marché local une concurrence acharnée. Ce qui oblige les protagonistes, que sont ces banques, à élaborer des stratégies de développement reposant en particulier sur la diversification de leur clientèle. Pour se développer, elles sont contraintes de pénétrer des marchés plus risqués, tel que celui des PME, qui constituent de véritable relais de croissance. Au Mali par exemple, la BOA a institué un département spécialisé dans le traitement des dossiers de crédits des PME, d’autres banques lui ont par la suite emboité le pas. Ceci, dénote de l’intérêt croissant pour ce segment. Un intérêt qui se justifie. En effet, les PME représentent un fort potentiel, du fait de leur prédominance dans le paysage économique africain, et du fort niveau de rentabilité lié à leur nature risquée. In fine, plus il y aura de concurrence dans le secteur bancaire plus les PME seront gagnantes.
Le développement de stratégies innovantes de gestion des risques de crédits
Qui dit crédit, dit implicitement risque de défaut de paiement. Selon DID (2005), ce risque est le risque de pertes financières, résultant de l'incapacité de l'emprunteur pour quelque raison que ce soit, de s'acquitter entièrement de ses obligations financières à l'endroit de l'institution prêteuse. La sécurisation des crédits est donc un point essentiel, dans le développement de l’offre de prêts aux PME. Les banques africaines l’ont comprise, et ne se limitent plus à évaluer simplement le crédit et à le laisser s’amortir. Elles mettent dorénavant en place des outils de suivi permanent de ce risque de crédit, et de son impact dans le cadre de leur politique de gestion en introduisant des systèmes de contrôle, qui réduisent le risque de perte. A partir de reportings périodiques de l’état des engagements, elles arrivent à tirer la sonnette d’alarme, en cas d’impayés répétés. Mécanisme qui dans bien des cas, leur permettent d’élaborer des plans afin d’éviter ces impayés à répétition, qui conduisent à terme au déclassement en créances douteuses des crédits, la hantise des banquiers. Il est par ailleurs admis que, le partage de l’information permet de réduire les risques. La vulgarisation des outils tels que la centralisation de risques, permet donc de lutter contre l’asymétrie informationnelle et de réduire sensiblement l’aversion aux PME. Au Bénin par exemple, une entreprise en collaboration avec l’association des banques a créé dernièrement un système facilitant le partage de l’information.
Quant à la question des « collateral », c'est-à-dire des garanties, des solutions simples tels que les cautions personnelles ou les reconnaissances de dettes (billets à ordre) sont de véritables alternatives au recueil de garanties réelles, plus difficiles à fournir par les PME.
Des innovations sont également à noter, dans le processus d’octroie de crédit. Grâce à la maîtrise démontrée de leurs marchés locaux, les banques obtiennent de leur maison mère des pouvoirs étendus de validation. Ce qui favorise une sélection des contreparties basée sur la connaissance du potentiel des entreprises, en l’occurrence les PME.
Le développement de critères d’analyse de risques tenant compte des spécificités des PME
Les critères classiques d’analyse du risque de crédits sont : la solvabilité, la capacité de remboursement (qui se mesure par les flux de trésorerie générés par les entreprises), la liquidité, la rentabilité. Ces ratios s’obtiennent à partir des états financiers fournis par les entreprises. Il s’avère que, très peu de PME disposent d’Etats financiers certifiés. Face à cette situation, les banques ont développées des critères de mesure de risque que d’aucun peuvent juger subjectifs, mais qui s’avèrent être efficaces.
Ces critères prennent davantage en compte l’activité des entreprises et les règlements attendus par ces derniers, que les critères précités et communément admis par la chaire des analystes. Par ailleurs les relations qu’entretiennent les banques avec ces PME, dans la durée, créent un climat de confiance qui favorise généralement l’octroi des crédits. Un client qui a pris l’habitude de respecter ses engagements, obtiendra plus facilement un crédit de son banquier, même s’il ne remplit pas les critères orthodoxes de mesure du risque. La relation établie dans la durée se révèle donc être un outil efficace de mesure du risque de la contrepartie PME.
Le partage du risque avec d’autres institutions spécialisées
Des fonds spécialisés ont vu le jour en Afrique, avec pour objectif de faciliter l’accès au financement bancaire des PME ; Il s’agit des fonds de garantie. Ils se sont multipliés ces dernières années ; les majors du secteur sont, le FAGACE, le fonds GARI en Afrique de l’Ouest, l’African Guarantee Fund ou de la garantie ARIZ (une garantie spécifique aux zones d’intervention de l’AFD). Ces fonds de garantie sont donc amenés, à signer des partenariats avec des banques africaines. La dernière en date est la signature par la Banque Atlantique et l’African Guarantee Fund (AGF), d’un partenariat portant sur une ligne de 15 millions de dollars destinée à garantir le financement des PME, dans les différents pays africains où opère la Banque Atlantique.
La garantie offerte par ces fonds permet aux banques, de se couvrir du risque de perte à hauteur parfois de 50% de l’encours de crédit. Il existe deux types de garanties, la garantie individuelle et la garantie de portefeuille. Dans le premier cas de figure, les dossiers sont soumis par les banques aux fonds de garantie qui les étudient au cas par cas. Cette forme de garantie est peu favorable aux PME, ne respectant pas les critères minima requis par ces fonds de garantie et demeure donc très sélective. Le deuxième cas de figure consiste à utiliser des lignes de garantie de portefeuille ; accordées pour un montant donné, elles peuvent être affectées à des PME librement choisies par les banques. Ici donc, les banques disposent du libre arbitre quant à la décision d’octroi des crédits, ce qui présente un avantage certain pour les PME à forts risques apparents, mais à forts potentiels.
L’action des pouvoirs publics en faveur des PME
Les PME prennent une place de plus en plus importante, dans les politiques publiques des Etats africains. En effet l’émergence tant voulue ne pourra être atteinte, sans la prise en compte des préoccupations de ces entreprises. En vue donc d’améliorer l’environnement de l’entreprise dans les différents pays, des Guichets uniques ont été créé. C’est le cas au Gabon ou au Sénégal ; pays dans lequel le Guichet unique du Bureau d’Appui à la Création d’Entreprise (BCE) a permis de ramener le délai de création d’une entreprise de 58 jours à 48 heures , un délai qui est réduit à seulement 6h au Rwanda. Au Sénégal, l’Etat a créé récemment une banque, la BNDE (Banque Nationale pour le Développement Economique), dont la vocation première est de financer les PME. Par ailleurs, les nouvelles dispositions de l’Acte uniforme révisé de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) et adoptées par déjà quatre pays dont le Togo, où, une SARL pourra être créée par acte notarié ou par acte sous seing privé avec un capital social de 100.000 FCFA contre 1 000.000 de FCFA auparavant, sont de nature à réduire le nombre de PME du secteur informel et par ricochet augmenter le volume de PME éligibles au financement bancaire.
Néanmoins malgré ces avancées notables, des efforts supplémentaires restent à faire pour améliorer l’environnement des affaires, notamment en ce qui concerne la question du foncier. En effet, l’obtention d’un titre foncier dans la plupart des pays relève toujours d’un exploit.
Au regard de la place qu’occupent les PME dans le paysage économique africain, il ne fait aucun doute que l’accès au financement, plus précisément bancaire, des PME s’améliorera. En effet, malgré le risque pesant sur ce segment, des solutions de plus en plus innovantes voient le jour, afin de faciliter leurs accès au crédit. Des institutions naissent par ailleurs, pour être de véritables alternatives aux banques : c’est le cas de Cofina, l’institution du banquier reconverti Jean Luc Konan, qui a récemment lancé ses activités au Sénégal et en Guinée Conakry. Cependant le défi à venir pour ces institutions au premier rang desquels les banques, qui demeurent les principaux intermédiaires financiers en Afrique, sera celui de l’octroie de ressources longues à ces PME. Ce dont ont besoin les PME, ce ne sont pas simplement de crédits mais surtout de crédits longs, c'est-à-dire des montants relativement conséquents et amortissables sur des périodes suffisamment longues, pour ne pas affecter leur pérennité. Pour cela, tous les acteurs à savoir ; les banques, les PME et les pouvoirs publics devront fortement s’impliquer, en vue de résoudre de manière efficace cette problématique de l’accès au crédit bancaire des PME, afin que ces dernières puissent pleinement jouer le rôle qui est le leur dans la croissance des économies africaines.
Larisse Adewui
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Article très intéressant.
Interessant et fonté !
Interessant et fondé !