Pour tout novice, utiliser l’énergie du soleil pour couvrir ses besoins en électricité paraît une évidence. L’Afrique, avec 5 à 7 kilowatts d’énergie solaire au mètre carré, semble propice au développement de cette énergie renouvelable.[1] Face au coût des technologies appropriées, quels facteurs pourront contribuer au développement de la filière solaire en Afrique ?
Rappelons tout d’abord certains faits. Les mix énergétiques africains sont globalement plus verts que ceux des pays européens. Par exemple, la composition énergétique des Pays-Bas ou de l’Italie comprend environ 95% d’énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon).[2] Les pays d’Afrique subsaharienne quant à eux consomment 73,5% d’énergies fossiles, majoritairement en provenance de l’Afrique du Sud, fortement dotée en charbon. La part conséquente de l’hydraulique qui représente 22,8% de la production énergétique, soit 96,8% de l’énergie renouvelable sur le continent, explique ce bilan.[3] Mais la forte croissance de l’éolien et du solaire (respectivement 66% et 22,8% en 2010 et 2011) invite à prédire un changement rapide dans la structure énergétique africaine.[4]
Entre le Maroc et l’Afrique du Sud, il y a bien sûr tout un continent ! 54 pays, autant de politiques énergétiques. Il y a d’ores et déjà en Afrique de multiples « bonnes pratiques » mutualisables autour de la technologie solaire, et les défis à relever sont souvent de même nature.
De l’énergie solaire, plus d’autonomie
L’exemple du Maroc, dépendant à 97% de l’approvisionnement énergétique extérieur, illustre une forte volonté politique de réduire le déficit commercial creusé par l’importation d’énergies fossiles.[5] Pour atteindre l’objectif de 2.000 MW d’énergie solaire d’ici à 2020, le Maroc s’est lancé dans la construction de la plus grande centrale photovoltaïque à concentration du monde à Ouarzazate. [6]
Tous les pays ne font certes pas le choix du solaire pour verdir leur énergie. Il n’empêche qu’aujourd’hui, la filière photovoltaïque reste privilégiée dans l’électrification rurale, à hauteur de 122 GWh pour le continent en 2011.[7] Si l’électricité ne doit pas rester un luxe, le solaire permet de résorber les inégalités ville-village en la matière.
En Afrique, l’énergie solaire produite est consommée directement sur place, alors que la filière solaire française s’est principalement développée par la revente au réseau électrique. L’autonomie électrique ainsi générée offre d’ailleurs un courant plus stable aux utilisateurs que celui des réseaux nationaux africains, fréquemment coupés en raison de la vétusté du système. L’installation solaire tient également compte des besoins propres à l’activité. Dans le cas d’un bâtiment administratif, cela conduit à n’installer que de petites batteries et à réduire fortement le prix de revient.
Des blocages politiques
Des difficultés subsistent, qui demanderont des politiques énergétiques volontaristes pour être dépassées. Une vision de long-terme s’avère primordiale, tant pour orienter les investissements que pour démocratiser ces nouvelles technologies.
Au Congo par exemple, une seule entreprise nationale est engagée dans le secteur et les marchés publics représentent la majeure partie de son activité.[8] Le milieu politique est alors à un pas, et tous les travers de corruption et de lenteur administrative entravent, de fait, le développement plein et entier du solaire.[9] Il est vrai qu’une usine de production et d’assemblage chinoise va être ouverte au Congo…dans le village du Président de la République.[10] Les investissements congolais en faveur du solaire sont encore trop liés à des intérêts particuliers pour connaître un véritable essor.
Dans un tel contexte, le prix d’achat et d’installation reste très onéreux pour le particulier et les entreprises. La Tanzanie fait figure de précurseur en matière d’incitations fiscales, puisque le gouvernement vient de supprimer les taxes et droits de douanes sur les panneaux solaires importés.[11] Reste à savoir quels marchés vont réellement se créer localement. Malgré l’entrée fulgurante des producteurs chinois en 2007 sur le marché et la réduction drastique des prix qui en a découlé, l’épargne nécessaire pour acheter un kit solaire dépasse bien souvent les ressources des familles en milieu rural.
Des évolutions à suivre
L’entrepreneur congolais témoigne d’un changement des mentalités. Il y a dix ans, arrivant dans un village et installant l’électricité solaire, il était pris pour un magicien dans le meilleur des cas, pour un sorcier bien souvent. Aujourd’hui, l’énergie solaire est mieux comprise, acceptée…et même convoitée si l’on s’en tient aux nombreux actes de vandalisme dont sont victimes les installations. Plus inquiétant cependant, l’absence de contrat de maintenance. Dans un pays où le sable et la poussière sont très présents, cela pose un sérieux problème de durabilité pour les investissements dans le solaire.
Un mot pour conclure
Le développement énergétique durable est aujourd’hui une nécessité sur tous les continents. Plus particulièrement encore en Afrique, puisqu’il engendrera à la fois essor économique, sécurité et indépendance énergétiques. Les dispositions nationales orientent la composition du mix énergétique national, en incitant à investir dans un type d’énergie. A l’instar du projet Dersertec au Maghreb, véritable pari qui va permettre d’approvisionner l’Europe à hauteur de 15% de ses besoins énergétiques, le risque existe également que ces nouvelles ressources africaines soient exportées abusivement et ne profitent pas directement à la population. La bonne répartition et l’usage destiné à l’énergie ainsi produite est, une fois de plus, entre les mains des décideurs politiques
Véra Kempf
[1] « L’Afrique parie sur l’énergie verte », Slate Afrique, 06/11/2012, http://www.slateafrique.com/271/electricite-energie-verte-eoliennes-panneaux-solaires, consulté le 20/03/2013 à 18h
[2] « L’énergie solaire après Fukushima : la nouvelle donne », Louis Boisgibault, Editions Medicilline, 2011, p.22
[3] La production d’électricité d’origine renouvelable : détails par région et par pays », Chapitre 3, 14ème inventaire, Observ’ER, Credit Agricole, EDF.
[4] Voir infra.
[5] « Plan solaire : le Maroc à l'avant-garde de l'électricité verte dans la région », Agence Française de Développement, 2012, http://www.afd.fr/home/pays/mediterranee-et-moyen-orient/geo/maroc/projets-maroc/energie-maroc?actuCtnId=88821, consulté le 20/03/2013 à 18h
[6] « Le Maroc s’apprête à devenir “un des phares de la carte solaire mondiale” », Achnoo.com Portail d’informations sur le Maroc, http://achnoo.com/2013/01/31/le-monde-le-maroc-sapprete-a-devenir-un-des-phares-de-la-carte-solaire-mondiale/ consulté le 20/03/2013 à 18h
[7]« La production d’électricité d’origine renouvelable : détails par région et par pays », Chapitre 3, 14ème inventaire, Observ’ER, Credit Agricole, EDF.
[8] Entretien réalisé à Pointe-Noire le 19/03/2013 avec le Directeur général de CAGIDIAX, http://cagidiax.net/
[9] Selon les dires de l’entrepreneur
[10] « Congo : la Chine investit dans le solaire », Mediaterre, 01/12/2011, http://www.mediaterre.org/afrique-centrale/actu,20111201190246.html, consulté le 21/03/2013 à 19h
[11] « Energie renouvelable : L’Afrique bientôt fournisseur énergétique de l’Europe ? », The Independent, Londres , 25 août 2009
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Bravo Véra pour la scientificité de ton article et merci pour toutes ces recherches. Je suis d'accord avec toi sur le fait que l'énergie solaire peut être un levier de développement important pour l'Afrique, d'autant qu'elle constitue une véritable manne qui ne nécessite pas les efforts d'extraction des autres ressources naturelles. Il y a évidemment un déficit de prise en compte de cette importance par les pouvoirs politiques, et ce sont beaucoup d'opportunités qui sont en train d'être perdues en termes de réduction des coûts d'exploitation énergétique et en termes d'utilisation d'énergie propre. L'avenir énergétique même est dans le solaire. Il faut regretter, comme tu le dis en fin d'article, que les décisions politiques aillent à l'encontre des préoccupations des citoyens, comme avec l'exploitation de l'uranium au Tchad.
Merci Vera pour cet article super interessant. Il ya une prise de conscience, il ya des opportunités. Les outils du développement durable nous conviennent bien en Afrique. Avec cette approche participative, nous avons les moyens d'impacter positivement notre quotidien notemment en utilisant cette énergie dans tous les coins d'Afrique.
@MMM je n'ai pas l'information que le Tchad s'est tourné vers l'exploitation de l'Uranium. Peux tu nous en dire plus? Merci d'avance
Oui bien sur l'énergie solaire est une des énergies du futur pour le continent mais il ne faut pas oublier qu'actuellement tout est importé. De Chine d'abord mais aussi d'Europe Inde, US,… A quand les usines de production de panneaux solaires , batteries, composants électroniques Africains ? Pour que le continent maitrise son futur il doit aussi maitriser les énergies du futur.
Merci pour ces détails ! Ça fait du bien de lire quelque chose de plus réfléchi que le sensationnalisme habituel.
Les dirigeants africains doivent penser au développement de l'énergie solaire pour favoriser un vrai développement économique. L'émergence de l'Afrique sans électricité nécessaire est un slogan politique et une utopie. Que des réflexions soient menées dans ce sens, car l'énergie est un facteur de développement très nécessaire.