Dans le souci de mettre en place un véritable partenariat pour le développement mondial, 189 pays ont Adopté lors du sommet du millénaire des Nations Unies en Septembre 2000 ce qu’il était convenu d’appeler « Objectifs du Millénaire pour le Développement ». Réduire l’extrême pauvreté et la faim, avec en ligne de fond la logique selon laquelle « Tout être humain où qu’il soit aspire à de meilleures conditions de vie et y a droit », constitue le premier défi de ces temps.
Définie comme « la résultante de processus économique, politique et sociaux qui interagissent entre eux dans un sens qui exacerbe l’état d’indigence des populations pauvres » (BM, 2000, 1), la notion de la pauvreté interpelle d’avantage la responsabilité des sociétés ; tant pour créer les opportunités, réduire les inégalités et les discriminations (dans une approche socialiste) que pour doter les individus des moyens nécessaires à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux (approche libérale). Ainsi, l’action concertée des Nations Unies s’agissant de la réduction de l’extrême pauvreté se déclinait ainsi en trois points essentiels:
- Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population dont le revenu est inférieur à 1$
- Assurer le plein emploi et la possibilité pour chacun y compris les femmes et les jeunes de trouver un travail décent et productif
- Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la population de pauvre qui souffre de la faim
A ce jour, plusieurs rapports ont été dressés avec plus ou moins des perspectives favorables. Toutefois, si l’intuition du 2ème bilan sur l’état d’avancement des OMD de Septembre 2010 affirmait sans ambages que tous les objectifs seront réalisés d’ici 2015, l’instabilité socio économique dont est tributaire le monde depuis quelques années peut inquiéter à plus d’un titre. Ce d’autant plus que ces aléas peuvent avoir de graves incidences sur les populations vulnérables, ralentir le rythme de réduction de la pauvreté et accentuer sa persistance notamment en Afrique Sub Saharienne qui en est la région la plus exposée.
La dernière décennie a été marquée par des progrès économiques impressionnants en ASS. Grâce à l’amélioration des perspectives dans un grand nombre de pays de la région, dont la plupart des pays exportateurs de pétrole et plusieurs pays à faible revenu et États fragiles, la zone connait une croissance rapide et soutenue. L’activité économique de la région continue de s’appuyer sur des investissements de grande ampleur dans les infrastructures et le secteur minier ; ce qui lui vaut, selon les données du FMI, une croissance de 5,26% en moyenne au cours des trois dernières années. Théoriquement, la croissance serait positivement corrélée à la réduction de la pauvreté qu’elle favorise même s’il est reconnu que son effet reste marginal.
Cette croissance économique clairement anti-pauvre a-t-elle favorisée la réalisation de l’OMD1 ?
Cette question sera analysée sous le prisme des trois cibles subsidiaires qui lui sont associées.
1. Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour
Paradoxalement, l’ASS reste l’une des zones les plus pauvres du monde malgré l’étendue de ses ressources. Selon les données du PIB par tête du FMI en 2015, parmi les 25 pays les plus pauvres du monde, 22 se situent en ASS et, elle concentre désormais 49,4% des pauvres du monde.
Néanmoins, comme dans toutes les régions du monde, la part de la population concernée par la pauvreté en ASS a baissé au cours des trois dernières décennies. Si à l’échelle mondiale, le nombre de pauvres a baissé de façon marquée[1], en ASS par contre, il recule plus timidement. Mesuré au seuil de 1,25$/jour, la pauvreté en ASS s’établit à 43% en 2013. Une avancée tout de même par rapport aux 56,8% de 1990 ou aux 57% de pauvres enregistré en 1999. Ainsi, sur la période 1990-2013, elle a été réduite de 13,8% et de 4,5% entre 2008, année de la crise financière et 2013.
Cette évolution a été soutenue par l’amélioration des indicateurs sociaux faisant référence au développement. Bien que les Indices de Développement Humain des pays d’ASS restent les plus faibles du monde (inférieurs à 0,5), en valeur l’IDH de la zone a évolué de 0,115 (0,093) passant de 0,387 à 0,502 entre 1990 (2013 et de 0,405 à 0,502 entre 2000 et 2013). Selon les données de la Banque mondiale et du PNUD, l’espérance de vie aussi s’est améliorée dans la zone au cours des 15 dernières années passant de 50 à 57 ans.
2. Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif
L’ASS est la région du monde ou le plus d’efforts a été consentis pour améliorer le PIB par habitant. Mais, bien que la croissance de l’Afrique ait été relativement forte, elle a été insuffisamment rapide ou inclusive pour créer des opportunités d’emplois décents par rapport à la taille de population du continent. Les taux de chômage les plus élevés en 2013 ont été observés en Afrique ; 21,6 % en Afrique australe, 13,2 % en l’Afrique du Nord, 8,5 % en Afrique centrale, l’Afrique de l’Est (7,9 %), et 6 % en Afrique de l’Ouest qui a connu les taux de chômage les plus faibles. Bien plus, les disparités de genre demeurent persistantes. En effet, le chômage des jeunes et des femmes reste supérieur à celui des hommes, toutes régions confondues.
3. Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim
Pressenti comme l’objectif le plus accessible aux pays africains, La proportion de la population exposée à la faim diminue lentement, mais les catastrophes et les conflits persistants freinent la progression vers la sécurité alimentaire.
Depuis 1990 des progrès ont été accomplis au niveau de la réduction de la faim dans le monde, mais 805 millions d’êtres humains souffraient toujours de sous-alimentation chronique à la fin de l’année 2014.
En ASS, La prévalence de la malnutrition aussi a évolué, de 28% en 2000 pour 23% en 2011. Le nombre de personnes exposé à la faim et à la malnutrition est tombé de 33% entre 1990 et 1992 à25% entre 2011 et 2013. Malgré cette amélioration de 8% par rapport aux chiffres de 1990-1992, L’ASS demeure la région du monde affichant le plus fort déficit alimentaire.
Ces évolutions sont complétées par la nouvelle actualité sur la question qui de part les nouvelles estimations et prévisions qu’elle autorise permet d’étendre les analyses jusqu’à l’année 2015, date butoir des OMD.
En effet, à quelques jours du bilan des OMD, la Banque Mondiale relève le seuil de pauvreté[2] de 1,25% à 1,90%. Le nouveau seuil représente le seuil moyen de pauvreté des 10 à 20 pays les plus pauvres du monde. Selon Jim Yong Kim c’est une décision nécessaire compte tenu de l’évolution de l’inflation, des prix des matières premières et des taux de change entre 2005 et 2011.
A ce nouveau seuil, les taux de pauvreté continuent de fléchir. Selon les prévisions de la Banque mondiale le nombre de personne vivant dans l’extrême pauvreté passerait de 902 millions (12,8%) en 2012 à 702 millions (9,6%) en 2015. Le pourcentage d’africains au Sud du Sahara vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2015 serait de 35,2%. Soit une réduction significative de 17,5% par rapport à l’année 2012.
Toutes ces statistiques et dynamiques traduisent le fait que les populations au cours des deux dernières ont bénéficié de meilleurs soins et d’un suivi meilleur. Les efforts déployés par la communauté internationale et les stratégies nationales de réduction de la pauvreté ont permis à ce jour de réaliser les efforts significatifs en ASS.
Toutefois, en dépit de la baisse de ses taux de pauvreté, l’ASS est la seule région du monde où le nombre de pauvres a augmenté de façon régulière et prononcée. Elle est d’ailleurs passée devant l’Asie qui abritait en 1990 la moitié des pauvres de la planète. Pour ce qu’il en est, la zone est passée de 284 millions de pauvres en 1990 à 388 millions en 2012. Soit 144 millions de pauvres en plus en 22 ans. En 2012, le nombre de personnes extrêmement pauvres représente donc près de 1,4 fois ce qu’il était en 1990.
En réalité, la pauvreté en ASS se perpétue par le biais de l’organisation sociale en lien avec les politiques pro-pauvres, du boom démographique qui a un impact négatif sur le développement économique et contribue durablement à la faire augmenter ; et par les crises sociaux politiques, alimentaire, énergétique le chômage, l’insécurité transfrontalière, les épidémies, les catastrophes naturelles, les migrations clandestines etc. qui continuent de peser sur la région. A cause de cela, plusieurs pays d’ASS (Madagascar, Nigéria, RDC, Zimbabwe, Kenya, Burundi) n’ont pu véritablement améliorer la qualité de vie des populations[3] entretenant ainsi le cercle vicieux[4] de la pauvreté.
Bien plus, les indicateurs agrégés de croissance, les statistiques sur la pauvreté et le développement humain masquent les écarts et les inégalités persistantes entre pays et même entre régions d’un même pays. La pauvreté peut reculer (pauvreté absolue) alors que l’écart entre le niveau de vie des plus pauvres et la classe moyenne s’accroit (pauvreté relative). Selon le rapport « Perspectives Economiques Régionales » du FMI (2015), l’ASS reste la région où les inégalités de revenu sont les plus accentuées bien que son indice de Gini[5] ait baissées d’environ 5% depuis 1990. Le Rapport sur le Développement de l’Afrique de la BAD atteste qu’en 2012, sur les 10 pays les plus inégalitaires du monde, 6 se trouvaient en ASS. A titre illustratif, le total du PIB par habitant des 10 pays les plus riches d’ASS représente 25,2 fois celui des 10 pays les plus pauvres. Les écarts de revenu mesurés par l’indice de Gini en 2012 oscillent entre 30% en Ethiopie et 68% aux Seychelles (BAfD, 2012) avec 46% en moyenne régionale.
A coté de ces inégalités de revenu, on note également la prédominance des inégalités en termes d’opportunités (Assiga, 2010) – aussi bien sur les plans foncier et financier ; qu'en ce qui concerne l’accès aux services sociaux essentiels et au marché de l’emploi – qui affectent la réalisation du potentiel humain et la productivité.
L’Afrique demeure la région du monde la plus touchée par la crise de l’emploi. Sur les 75 millions de jeunes au chômage que comptait le monde en 2013, 38 millions vivait en Afrique. L’inégalité est fondamentalement considérée comme une injustice sociale. Elle engendre les problèmes sociaux et l’instabilité[6]. Elle accentue donc la pauvreté et, il serait incohérent de prétendre réduire la pauvreté sans résoudre parallèlement ou en amont le problème des inégalités. Si la croissance économique en permettant d’améliorer même marginalement la qualité de vie des populations est indispensable pour réduire la pauvreté, elle n’a pas réduit de façon significative les inégalités.
Réduire de moitié l’extrême pauvreté en ASS entre 1990 et 2015 engageait la région à passer de 56,8% de pauvres en 1990 à environ 29% à l’horizon 2015. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le nombre de pauvres à certes baissé mais l’objectif est loin d’être atteint. La pauvreté en ASS correspond à 35% de la population en 2015 ; soit une baisse effective de 21,8% seulement par rapport à l’année 1990.
En définitive, la dernière décennie a ainsi été marquée par les progrès considérables et par l’amélioration des indicateurs de bien être en ASS. L’engagement historique pris par les dirigeants du monde en 2000 a permis de réduire le taux de pauvreté dans la région même si en termes absolu, le nombre de pauvres augmente. Ainsi, l’Afrique Sub Saharienne compte encore plus du tiers des pauvres du monde. Cette dynamique de la pauvreté traduit donc en réalité une augmentation mais à un rythme moins prononcé que celui de l’évolution de la population.
La croissance économique forte nécessaire pour réduire la pauvreté n’a pas été suffisante pour que l’OMD1 soit réalisé. D’ailleurs, le poids des inégalités socioéconomiques et les discriminations soutenu par celui de la pression démographique continuent de peser lourd sur le développement humain de la région. Somme toutes, le défi de la réduction de pauvreté reste d’actualité. Ce d’autant plus qu’aux réalités sociales que subit la zone, s’ajoutent les risques liés au réchauffement climatique qui peuvent nuire aux récoltes, réduire les revenus des populations rurales, contraindre d’avantage la sécurité alimentaire et donc aggraver la pauvreté.
On peut donc admettre avec Makhtar Diop, Vice Président du Groupe BM pour l’Afrique, que « Le coût humain de la pauvreté est bien trop élevé en Afrique ». Les personnes pauvres n’ayant pas les moyens de sortir de la pauvreté, il convient d’accroître leur productivité en investissant d’avantage dans leur éducation et leur santé et en assainissant leurs milieux de vie. Parallèlement, il est tout aussi impératif de promouvoir l’intégration ou l’inclusion sociale et l’équité, base d’une croissance nécessairement pro-pauvre ; de réduire les vulnérabilités, de favoriser une meilleure redistribution des ressources et des richesses selon les critères relevant du contrat social ou de la constitution (Weber, 1997 cite par Assiga, 2010); et enfin, intégrer les aspects climatiques dans les actions menées en faveur du développement. Une autre porte de sortie de la pauvreté est l’emploi ; la création d’emplois décents étant primordiale pour mettre fin à la pauvreté et promouvoir une prospérité partagée de manière durable. Telle sont les responsabilités des autorités dont l’engagement est tout aussi déterminant dans la réduction de la pauvreté. C’est dans cette optique que le nouvel agenda post 2015 invite les dirigeants à redoubler d’effort pour atteindre les nouveaux objectifs de développement durable et éliminer la pauvreté extrême à l’horizon 2030.
Claude Aline ZOBO et Ivan MEBODO
Référence :
ASSIGA E. Modeste (2010) : « Croissance Économique et Réduction de la Pauvreté au Cameroun » , Édition Harmattan.
BAD (2012) : « Les principaux facteurs de la performance économique de l’Afrique », Rapport sur le développement en Afrique – Vers une croissance verte en Afrique.
FMI (2015) : « Afrique Sub Saharienne pour une croissance durable et plus solidaire », Etudes Economiques et Financières, Perspectives Economiques Régionales.
PNUD (2014) : « Pérenniser le Développement Humain : Réduire les Vulnérabilités et renforcer la résilience », Rapport sur le Développement Humain.
Rapport des Nations Unies (2014) : « Objectifs du Millénaire pour le Développement ».
[1]Passant de 2 milliards en 1990 à 902 millions en 2012. Les prévisions de la Banque Mondiale anticipent que le monde ne comptera plus que 702 millions de pauvres en 2015.
[2] Niveau de revenu en deçà duquel un individu est considéré comme pauvre. Ce seuil est fixé depuis les travaux de Benjamin Seebohm Rowntree en 1901 en fonction d’un panier de biens alimentaires et non alimentaires nécessaire à la survie quotidienne.
[3]A titre illustratif, on note la prévalence des meurtres et des tueries en RDC, l’accroissement de la pauvreté de près de 50% au Zimbabwe, la mortalité infantile qui croit de 105 à 108 pour 1000 au Kenya.
[4]La faiblesse des revenus oblige à se loger à bas prix dans les quartiers ayant une mauvaise réputation, où il y a peu de travail et une éducation dégradée, une criminalité élevée et une prévention médicale moins active.
[5] Mesure statistique de la dispersion d’une distribution de revenu au sein d’une population.
[6]Selon une enquête de la Banque mondiale, environ 40% de ceux qui rejoignent les mouvements terroristes seraient motivés par le manque d’emploi.
Leave a comment
Your e-mail address will not be published. Required fields are marked with *
Je suis assez content voilà j'ai découvrir ce site Web . Je veux vous remercier pour le temps que vous avez investi pour mettre ce contenu c'est fantastique !! Je suis certainement appréciée tous . Enregistré en tant que favori .