“I am proposing to create another kind of business,
based on selflessness that is in all us.I am calling it Social Business.”
Mohammed Yunus, Pri x Nobel de la Paix et fondateur de la Grameen Bank
Le « social business », ou entrepreneuriat social, peut se décrire brièvement comme étant une entité visant l’autosuffisance, voire la rentabilité en menant une activité à fort impact social ou environnemental. Un social business n’est pas une association mais bien une entreprise, dont l’objectif est de devenir profitable afin de couvrir ses coûts et de rembourser ses actionnaires et ses prêteurs. Un social business se différencie d’une entreprise classique par (i) la nature de son activité, fondée sur un modèle économique se voulant plus juste et (ii) le fait que son but n’est pas de maximiser son profit mais d’atteindre l’équilibre financier, les bénéfices étant souvent réinvestis dans d’autres projets. A l’heure où l’Afrique connaît une explosion de ses besoins économiques et sociaux et où l’aide sans conditionnalité se fait de plus en plus rare, le social business paraît être un relais de croissance incontournable sur le continent pour 5 raisons :
1) Démarrer un social business est simple et accessible à tous
En se basant sur l’expérience des entrepreneurs africains qui démarrent une activité économique innovante et rentable et au regard de la densité du réseau de PME locales à succès, nombreux sont ceux qui peuvent se lancer dans l’entrepreneuriat social, tant les domaines d’activité sont vastes : éducation, santé, agriculture, énergies renouvelables. Le social business s’adapte à tous les secteurs et aux différents contextes géographiques : chacun peut lancer son entreprise dans son village en démarrant avec un microcrédit, et en faire bénéficier le reste de sa communauté.
2) A long-terme, le social business pourrait permettre à l’Afrique d’être moins dépendante de l’aide
Sans entrer dans le débat sur la souveraineté de l’Afrique, de nombreux Etats sont aujourd’hui sous perfusion financière, et certaines populations dépendent souvent de l’activité des ONG locales. Le social business vise le même impact économique et social que les projets des ONG, mais se veut entièrement auto-suffisant (pas de dons) et rentable : il n’est pas possible de s’endetter pour un projet sans la certitude qu’on pourra rembourser. Les idées irréalisables sont mises de côté, car ce sont les bénéfices réalisés qui permettent de se lancer dans de nouveaux projets.
3) Le social business a prouvé la soutenabilité de son modèle économique sur d’autres continents
D’abord apparu en Inde et développé par la banque Grameen, le social business s’est peu à peu diffusé sur le continent asiatique. En Europe, le concept a vu sa popularité grandir et est maintenant reconnu comme une forme d’entrepreneuriat viable et à fort impact. Plusieurs universités européennes ont inauguré des chaires dédiées à l’entrepreneuriat social, et les projets se multiplient. Aux Etats-Unis, le secteur de l’entrepreneuriat social représente déjà des investissements de près de 120 milliards de dollars.
4) Le social business en Afrique est en voie d’institutionnalisation
En 2011, un fonds d’investissement sud-africain, Nexii, a lancé la première plateforme d’investissement spécifiquement dédiée aux projets de social business. Les investisseurs peuvent ainsi financier directement, via une sorte de plateforme boursière, les projets qui les intéressent en trois devises différentes : euro, dollar ou livres sterling. Ce type de structure boursière devrait également permettre une meilleure transparence pour les investisseurs et faciliter les contacts entre financiers et entrepreneurs. Les multinationales s’impliquent également de plus en plus, comme elles le font en Asie, motivées par l’obtention de crédits carbones.
5) Les entrepreneurs africains n’ont pas attendu l’invention du concept de social business pour se lancer
De nombreux projets à fort impact social lancés par des entrepreneurs africains ont connu un franc succès , et correspondent a posteriori au concept de « social business ». Au Sénégal, on peut citer la Laiterie du Berger, coopérative qui achète du lait auprès d’éleveurs peuls à des prix équitables, et le revend ensuite à la clientèle aisée de Dakar. Elle garantit ainsi un débouché stable aux producteurs, et reste rentable car ses produits sont très prisés par certains consommateurs urbains.
En alliant autosuffisance et fort impact social, le social business est un modèle de plus en plus attractif auprès de la jeune génération d’entrepreneurs africains, désireux de monter des projets rentables et profitables aux communautés locales. Le principal défi reste la sécurisation du financement de ces projets, qui n’ont souvent accès qu’à des microcrédits pour démarrer.
Leïla Morghad
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Bonjour,
Bon article et surtout(Pas de dons).C'est dons-charité qui ont blessé l'Afrique.
Leila,
J'ai l'impression que tu tires certaines conclusions un peu rapidement.
1/ Démarrer un social business est simple : ce n'est pas parce qu'il y a beaucoup de sujets de "social business" que c'est simple d'en créer un qui tienne la route et réponde à ta logique d'autofinancement. J'imagine que cela demande autant de compétences managériales et stratégiques, si ce n'est plus, que pour monter une entreprise "normale". Le fait qu'il y ai beaucoup de PME n'est pas en soi une information, ce qui serait intéressant serait de connaître leur longévité, leur rentabilité et leur impact social.
3/ Le social business a prouvé la soutenabilité de son modèle économique sur d'autres continents : il y a quand même beaucoup de critiques, notamment sur le mimétisme des entrepreneurs sociaux et des personnes touchant des micro-crédits : tout le monde se lance sur le même service qui a marché une fois, font diminuer les marges et conduisent finalement à une quasi faillite du secteur, sauf pour les quelques uns qui ont réussi à se différencier.
Mon point n'est pas de dire que le "social business" n'est pas un bon modèle, mais juste de préciser qu'a mon avis ce n'est pas si facile que ça à lancer (il faut avoir à la fois une très bonne idée et des compétences managériales, commerciales, stratégiques, ce qui n'est pas donné à tout le monde) et que en terme de dynamisme économique plus macro, ce n'est pas non plus forcément la panacée.
Emmanuel,
1) Par "simple" je voulais dire que l'esprit d'entreprenariat existe déjà sur le continent, et qu'il suffit de l'exploiter. Ne pas confondre autosuffisance et autofinancement: le social business peut faire appel à des financements extérieurs, mais l'idée c'est qu'elle les rembourse. L'autosuffisance signifie qu'elle ne repose pas sur des dons ou sur une constante perfusion financière.
2) Sur le troisième point je voulais dire que le concept est rentable économiquement, même s'il faut reconnaître que tous les social business ne parviennent pas à atteindre cet équilibre. Mais tous les emprunteurs qui font appel aux micro crédits (le mythe de celui qui achète une vache grâce à un micro crédit et qui ensuite ne peut plus en vivre parce que tous ses voisins ont acheté une vache eux aussi )ne sont pas nécessairement des entrepreneurs de social business..
Bref, je n'ai en aucun cas prétendu que c'était la panacée, le point de l'article était simplement de parler de ce type de business qui me semblait intéressant pour l'Afrique, dans un contexte de sous-emploi évident.