En dehors de ses fonctions régaliennes, le champ de l’intervention publique regroupe principalement les politiques économiques (sectorielles, fiscales ou monétaires) et les politiques sociales. Alors que les politiques économiques émanent directement de la nécessité d’une intervention extérieure au marché pour assurer l’efficacité de l’allocation des ressources, les politiques sociales résultent quant à elles des objectifs de redistribution et sont donc sujettes à des controverses sur leur périmètre et leur financement. Cependant, il existe des justifications économique et juridique à leur mise en œuvre.
Sur le plan économique, la mise en œuvre des politiques sociales permet d’assurer la participation et la productivité des agents économiques, gage d’une expansion du marché et d’une croissance économique forte et stable. Dès lors, les politiques sociales sont particulièrement déterminantes pour les pays en développement.[1] D’un point de vue juridique, l’accès à la sécurité sociale, la protection contre le chômage, l’assistance sociale et l’accès à la santé et à l’éducation sont garantis à tous par les articles 22, 23, 25 et 26 respectivement de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
De l’importance des politiques sociales en Afrique
Même si un consensus semble avoir été trouvé sur l’importance relative des politiques sociales, leur mise en œuvre reste limitée sur le continent Africain. Dès lors, il importe d’apprécier leur ampleur et leurs spécificités, d’identifier les défis liés à leur conception et à leur financement et de suggérer des stratégies de politiques sociales à envisager compte tenu des défis identifiés.
Dans cet article, les politiques sociales regroupent à la fois les dimensions sociales du développement et la protection sociale. Essentiellement, les dimensions sociales du développement, ou encore les dimensions du développement humain, concernent l’accès à l’éducation et à la santé ; alors que la protection sociale désigne à la fois les programmes contributifs comme la sécurité sociale et les programmes non contributifs comme l’assistance sociale.[2] L’accès à l’éducation et à la santé inclus la construction des infrastructures, la gratuité de l’école primaire et/ou secondaire et la gratuité de certains soins de santé pour tout ou partie de la population. En ce qui concerne la sécurité sociale, il s’agit notamment de l’assurance chômage, la pension de retraite et l’assurance maladie. Enfin, l’assistance sociale inclut tout programme non-contributif qui assure un minimum de revenu aux bénéficiaires.
Du lien entre les dimensions sociales du développement et la protection sociale
L’accès à l’éducation et à la santé constitue deux piliers essentiels du développement dans la mesure où il assurent la disponibilité d’entrepreneurs innovants et de travailleurs productifs susceptibles de créer de la valeur ajoutée. Bien que cette assertion soit partagée par tous, il n’en demeure pas moins que le taux brut de scolarisation en Afrique est l’une des plus faibles au Monde, avec 105% en moyenne au primaire et seulement 45% en moyenne au secondaire en 2009.
A moyen égal, la scolarisation au primaire en Afrique n’est pas liée au niveau de vie d’un pays. Cela est notamment dû au fait que le taux brut de scolarisation est proche de la moyenne dans la plupart des pays. Il semble donc que des progrès aient été réalisés sur l’accès au primaire dans la plupart des pays Africains. Cependant, la réalisation de « l’éducation primaire pour tous » reste liée au niveau de vie.[3] Il en est de même pour la scolarisation au secondaire qui demeure faible avec une moyenne de 45% des enfants en âge d’être scolarisés qui sont effectivement inscrits.
Dès lors, des programmes d’incitation à la scolarisation ont été mis en œuvre dans la plupart des pays avec succès. Comme en témoigne le cas de la Tanzanie et du Burkina-Faso où la construction massive de salles de classes et la gratuité des frais de scolarité a induit une forte augmentation de la participation au cours primaire.[4] Par ailleurs, d’autres programmes ont été mis en œuvre à l’échelle communautaire et ont contribué à augmenter la participation à l’école primaire. Il s’agit par exemple de la distribution gratuite d’uniformes, de livres ou de repas aux élèves Kenyans.
En dépit de ces succès, d’importants défis restent à relever notamment sur la qualité de l’éducation primaire et sur l’accès au secondaire. En effet, les évaluations précédemment citées montrent que ces différents programmes n’ont pas contribué à baisser les taux d’abandons avant la cinquième année et les redoublements. De plus, les efforts sont jusqu’ici limités au niveau primaire, quoique certains pays comme le Burkina-Faso ont récemment étendu le principe de la gratuité au niveau secondaire. Par ailleurs, de précédents articles sur Terangaweb ont également évoqués la problématique de la qualité de l’éducation en Afrique du Sud, au Maroc et en Algérie, et au Bénin.
En ce qui concerne l’accès à la santé, la part du revenu consacrée aux dépenses de santé est élevée dans les pays où l’espérance de vie est faible. Dans ce contexte, les dépenses publiques liées à la santé ne sont pas liées au niveau de vie, ce qui expose davantage les ménages pauvres aux risques de maladies et d’érosion de leurs revenus dans les dépenses de santé. Ce résultat traduit la faible couverture des systèmes d’assurance maladie ; autrement, les dépenses de santé des ménages ne devraient pas dépendre de leur revenu.
En définitive, les performances des dimensions sociales du développement sont étroitement liées à l’ampleur de la protection sociale. En effet, en l’absence d’un système de protection sociale, l’occurrence d’une maladie peut entamer le revenu des ménages et par conséquent leur capacité à scolariser les enfants. Cela conduit globalement à une faible productivité et donc un faible niveau de revenu, qui à son tour entretien la fréquence des maladies et la capacité d’entreprendre. Ce cercle vicieux qui s’installe en l’absence de la protection sociale est confirmé dans le contexte Africain où les données montrent qu’un faible niveau de protection sociale est généralement associé à un faible niveau de revenu, de santé et d’éducation.[5]
Georges Vivien Houngbonon
Crédit photo : World Bank.
[1] On entend par marché restreint, une économie où la valeur et la fréquence des transactions économiques sont faibles.
[2] Un programme est contributif lorsque le montant de l’allocation dépend de la contribution de l’allocataire.
[3] L’éducation primaire pour tous est un concept défini par l’UNESCO et qui regroupe les composantes accès, qualité, alphabétisation et égalité des genres. Il est mesuré à parti de l’indice de l’éducation pour tous (IDE) qui attribue un poids uniforme à chacune de ces composantes. Le niveau de vie est mesuré par le revenu national brut par habitant à prix constant.
[4] Deininger, Klauss. 2003. “Does cost of schooling affect enrollment by the poor? Universal primary education in Uganda,” Economics of Education Review, 22, 291305.
[5] L’ampleur de la protection sociale est mesurée à partir de la part des personnes de plus de 65 ans couvertes par la sécurité sociale.
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