En dépit d’un taux de pénétration avoisinant les 100%, nous appelions dans un récent article à une révolution numérique en Afrique. En général, cette révolution n’est possible que si les trois conditions suivantes sont simultanément remplies : La valorisation des nouveaux services de télécommunications, le déploiement des réseaux de nouvelles générations capables de supporter des flux de données et enfin l’existence d’un cadre réglementaire qui garantisse la rentabilité des investissements et la qualité des services aux consommateurs finaux.[1] Aujourd’hui rien n’indique si ces conditions sont remplies sur le marché africain. Dans cette première série d’articles sur le développement des services de télécommunications en Afrique, il sera question de déterminer si la première des conditions est effective.
Il y a essentiellement trois sources de croissance du marché des télécommunications en Afrique. A moyen terme, le potentiel de croissance du marché est fort et stable. Cette caractéristique du marché africain vient de la structure de sa population dont environ 40% a moins de 15 ans. Cette tranche de la population fournit environ 30 millions de nouveaux clients potentiels chaque année sur le marché africain de la téléphonie mobile.[2] Sur les quinze prochaines années, les opérateurs de téléphonie mobile devraient étendre leur marché à plus de 400 millions de nouveaux clients. De plus, ce nombre est censé croître dans les prochaines années comme le montre le graphique ci-dessous. Il s’en suit donc que la dynamique et la structure de la population africaine constitue un atout favorable à la croissance du marché des télécommunications en Afrique.[3]
Source des données : Base de données en ligne de la Banque Mondiale. (*)Le taux de pénétration représente le pourcentage de la population de plus de 15 ans disposant d’un téléphone mobile.
En dehors de la contribution des moins de 15 ans, il existe une seconde source de croissance provenant de la population de plus de 15 ans ne disposant pas encore d’un téléphone mobile. En effet, même si le taux de pénétration a atteint 100% en 2011, le marché de l’accès à la téléphonie mobile n’est pas encore saturé. Ce contraste est notamment lié à la multiplicité des clients ayant plusieurs cartes SIM (souvent autant qu’il y a d’opérateurs) à cause de la discrimination du prix de la communication en fonction de la terminaison. Sous l’hypothèse raisonnable de 3 cartes SIM pour deux personnes, ce taux de pénétration chute à 67%. Cela signifie qu’il existe environ 30% de la population de plus de 15 ans, soit environ 200 millions de personnes, qui peuvent être de nouveaux souscripteurs aux services de téléphonie mobile.
Par ailleurs, la gamme des usages de la téléphonie mobile en Afrique est très large et inexploité. Ce potentiel des usages vient surtout du déficit en infrastructures de base que ce soit dans les domaines de la santé, de l’éducation ou du transport. Pour combler ce déficit, des services de consultations à distance (e-health) ou d’enseignement à distance (e-learning) sont de plus en plus développés. Cette tendance est plus importante dans des pays comme le Nigéria et le Kenya où le taux de pénétration du mobile est très élevé. Il en est de même pour les moyens de paiement qui se font de plus en plus à travers le téléphone mobile. L’accroissement de cette demande constitue la troisième source de croissance du marché. Elle permettra aux opérateurs de proposer de nouveaux services à valeur ajoutée comme cela n’est possible ailleurs. Cependant, il n’existe aujourd’hui de chiffres officiels sur la valeur de ce marché.
En somme, la forme pyramidale de la structure de la population africaine, la non saturation du marché et le déficit en infrastructures de base garantissent l’existence d’un potentiel de croissance du secteur des télécommunications en Afrique. Toutefois, compte tenu de la diversité des marchés nationaux, un prochain article devrait examiner la contribution de chacune de ses sources de croissance au développement des marchés nationaux. De plus, l’analyse des déterminants de l’adoption de la téléphonie mobile permettrait d’élucider les raisons qui expliquent que des personnes en âges de travailler ne disposent pas d’un téléphone portable. Par ailleurs, le potentiel de croissance du marché africain devrait susciter d’importants investissements dans les réseaux de nouvelles générations (3G ou LTE) capables de supporter des débits plus importants et de transporter davantage de trafics de données. Cela n’est pas actuellement le cas. Un autre article étudiera les raisons économiques qui justifient ce retard dans le déploiement des réseaux de nouvelles générations en Afrique.
Georges Vivien Houngbonon
[1] L’accès à l’énergie électrique ou l’aménagement du territoire constituent aussi des pré-requis pour le développement des réseaux de communications électroniques. Mais ces questions ne sont pas abordées ici, car des alternatives existent à ces obstacles. Un prochain article sera dédié à cette question.
[2] Cela correspond au nombre de jeunes qui ont 15 ans chaque année sur le continent. Ce nombre est obtenu à partir d’une estimation qui consiste à diviser le nombre total de jeunes de moins de 15 ans par 15. La question de la contrainte budgétaire ne se pose pas en tant que telle puisque le terminal mobile est à la bourse de tous.
[3] L’industrie des télécoms n’est pas la seule bénéficiaire de cette structure de la population africaine.
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Intéressant … c'est vrai que coté télecoms, ça buge plutôt vite en Afrique .. mais le marché en question est-il plutot concurrentiel ou dominé par quelques filiales (africaine ou étrangères ? ) qui tentent de s'étendre ? Et dans ce cas, qu'est ce qui serait bien mieux .. un marché africian avec des filiales assez puissantes ou la concurrence pour réduire les coûts ?
La situation concurrentielle n'est pas la même dans tous les pays. Le nombre d'opérateurs ou la nature de la concurrence que se livrent les opérateurs diffèrent beaucoup selon les pays. L'idéal dépend des objectifs qu'on se fixe. Cette question n'est pas encore résolue. J'y réfléchirai pour une prochaine fois.
bjr Mr George jai lu votre article et ca ma vraiment passionné mais ya une chose que je jaimerais comprendre pourquoi la population africaine surtout au sud du sahara n'adhere pas aux innovations technologiques telques les mobile paiement, cette innovation qui est consideree comme une solution aux probleme de cette population qui est à 95% non bancarisée et n'ayant pas de revenu consequent pour acceder aux systeme financier reste toujours en marge refractaire disons contrairement au pays comme le kenya pourtant le taux de penetration du mobile est de 90% ,alors qu'est ce qui peut expliquer cela.
Bonjour Honoré,
Au contraire les innovations technologiques sont bien adoptées par les populations africaines. C'est bien le cas des services de mobile-payment. L'une des raisons qui explique ce bas niveau d'adoption pourrait être la régulation bancaire comme je l'ai discuté dans un article publié sur ce site.
Cependant, il peut arriver que certains services ne soient pas adoptés à cause du déploiement des réseaux. C'est le cas de la 3G qui est encore à ses balbutiements dans de nombreux pays africains. Quant à la 4G, elle est quasi inexistante. Cela peut s'epliquer par la faiblesse du pouvoir d'achat. Nous espérons ainsi que l'émergence des classes moyennes contribuera à rentabiliser les investissements dans les nouveaux résaux de communications et ainsi favoriser l'adoption des innovations technologiques dans le domaine de la communication.
Bonjour Georges ton article es tres interessant, et je suis d'accord qu'il reste encore beaucoup a faire pour rendre la technologie accessible a tous au niveau qualite et surtout au niveau prix. et malheureusement je pense que c'est l'operateur le plus anciens qui fixe encore les prix. et ce que aujourd'hui avec la faible penetration de la 3G et surtout la cherete encore notoire des smatphones on peut vraiment s'attendre a un buzz des services telephoniques