AGOA : éclairage sur les relations Etats-Unis – Afrique

Le 14 juin 2012 se tenait, dans les locaux du département d’Etat américain à Washington, le forum consacré à l’Agoa (African Growth and Opportunity Act). L’occasion de faire le point sur les relations entre l’Afrique Subsaharienne et les Etats-Unis.

 La délégation ivoirienne menée par son Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio était venue en avance, dès le 9 juin, aux Etats-Unis afin de préparer ce forum. Pour cause : la Côte d’Ivoire y serait mise à l’honneur. Après avoir retrouvé son éligibilité à la loi, le forum du 14 juin était l’occasion pour l’administration américaine d’officialiser l’arrivée effective de la Côte d’Ivoire dans le « système » Agoa. « Cette entrée est une formidable aubaine. Cela permettra aux produits africains de pénétrer les marchés internationaux », s’extasiait alors le ministre ivoirien de l’Industrie Moussa Dosso dans les colonnes de Côte-d’Ivoire Economie.

 L’Agoa fonctionne sur le principe du gagnant-gagnant

Qu’est-ce exactement que l’Agoa ? L’African Growth Opportunity Act est créé le 18 juin 2000, en complément du Trade and Development Act. Au-delà de la loi, l’Agoa est avant tout un outil macroéconomique permettant le développement de l’économie libérale sur le continent africain. La possibilité pour les pays d’Afrique subsaharienne d’exporter de nombreux produits sans droits de douane constitue une aubaine considérable. Les pays africains peuvent de ce fait pénétrer un marché très fortement concurrentiel auquel ils n’auraient que difficilement accès sans ces dérogations. Mais au-delà des relations avec les seuls Etats-Unis, c’est un signal fort qui est envoyé au monde entier. Répondre aux exigences de performances du marché américain et bénéficier de partenariats avec des entreprises américaines, renforce indiscutablement la visibilité et la compétitivité des entreprises africaines à travers le globe. Dans le cas ivoirien, l’adhésion à l’Agoa va permettre au pays d’exporter pas moins de 6 400 produits, issus de secteurs divers comme l’agriculture, les minerais, l’acier ou encore le textile.

Que l’on ne s’y trompe pas. L’Agoa offre également de nombreux avantages aux Etats-Unis. Par l’Agoa, la première puissance mondiale retrouve une place de choix dans les échanges avec l’Afrique subsaharienne. Avec l’accroissement de la concurrence internationale, venue d’Europe mais surtout d’Asie, l’Agoa permet aux Etats-Unis de bénéficier d’un privilège implicite dans l’importation de ressources du continent noir, comme le pétrole.

 Tous les pays africains ne peuvent aujourd’hui prétendre adhérer à l’Agoa, bien que 42 pays sur les 54 du continent participent au programme. Des critères stricts d’adhésion sont nécessaires pour pouvoir présenter candidature. Parmi les critères essentiels, la bonne tenue du climat politique, la consolidation de la paix via des élections transparentes et démocratiques et le respect des droits de l’Homme.  Autant de conditions diplomatiques qui ont contribué à faire perdre à la Côte d’Ivoire son statut de pays éligible en 2004. Statut que le pays ne retrouvera que le 25 octobre 2011, à la faveur de la fin des troubles politiques.

Sur le plan purement commercial, un traitement non-discriminatoire aux sociétés et aux investisseurs étrangers est exigé. La mise en place de mesures anti-corruption et la formation des juges sont des points sur lesquels les Etats-Unis insistent tout particulièrement. Tout comme la demande d’une application juste des taxes, des droits et des règles d’exportation.

 Une bonne tenue des échanges à relativiser

Au cours du forum, la secrétaire d’Etat américaine Hilary Clinton l’a martelé : en 12 ans, l’Agoa a permis la création de 300 000 emplois directs en Afrique noire. Dans ce même laps de temps, tous les pays ayant adhéré à l’Agoa ont vu leurs exportations multipliées par 6.

Pourtant le premier trimestre 2012 a montré que les échanges entre l’Afrique subsaharienne et les Etats-Unis n’étaient pas au beau fixe.

Entre janvier et mars 2012 les échanges entre les deux ensembles ont connu une récession de 24% par rapport à la même période, lors de l’exercice précédent. Si les exportations américaines dans le monde sont en hausse de 8,5% lors du premier trimestre 2012, la donne n’évolue pas lorsque l’on se focalise sur les exportations dans les 42 pays Agoa. Les exportations vers le premier pays du continent, l’Afrique du Sud, sont en chute libre : -13% par rapport à 2011, quand elles sont de -10% au Nigéria.

La donne est pire encore lorsque l’on s’intéresse aux importations américaines (donc aux exportations des pays africains). Les exportations africaines vers les Etats-Unis diminuent d’un tiers (-31%) par rapport à 2011.

A noter également, qu’il y a une forte carence dans la diversification des échanges. Les importations américaines en provenance de l’Afrique subsaharienne représentaient en 2011 8,7 milliards de dollars. Or, 87% des importations américaines étaient liées à l’industrie pétrolière.

 Autant de chiffres qui font dire à Hilary Clinton que l’Agoa est encore sous-exploitée par les pays africains. Le continent doit encore assainir l’environnement des affaires pour pouvoir bénéficier au maximum des bienfaits de l’Agoa. « Il faut de meilleures infrastructures physiques certes. Mais il faut surtout penser aux  infrastructures réglementaires, au cadre normatif. Il faut faciliter l’obtention des permis de construire par exemple », a conclut la secrétaire d’Etat.

 Et alors que le président Obama vient de promettre de nouvelles directives et initiatives concernant les relations économiques avec le continent noir, on ne peut s’empêcher de penser que cet Agoa pourrait être un outil supplémentaire favorisant également les échanges intra-africains.

Giovanni DJOSSOU