Un des fléaux touchant l’Afrique, est l’infection au VIH. Le traitement antirétroviral dans la prise en charge de cette infection a fait et continue de faire ses preuves. Cet article se propose de faire un point sur l'évolution de l’incidence de la maladie, des coûts de ces médicaments et des éventuels retombés de l'utilisation des antirétroviraux dans un contexte de raréfactions des ressources financières.
Le 1er Décembre 2013 était consacré à la journée mondiale de lutte contre le SIDA. L’occasion de faire le point sur les chiffres concernant cette maladie : aujourd’hui, d’après le rapport mondial VIH 2012 près de 35 millions de personnes vivent avec le virus du VIH, dont 70% en Afrique Sub-saharienne (1). Quels moyens sont mis en place pour prendre en charge cette pathologie ?
Quelques chiffres
De 1999 à 2011, le taux d’incidence du VIH n’a cessé de diminuer contrairement au taux de prévalence. Selon le rapport 2012 de l’Onusida, on observe des fortes baisses de l’incidence surtout dans les pays d’Afrique Sub-Saharienne et aux Caraïbes, une très légère baisse, voire même une augmentation de cette incidence dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord [1].
La diminution du nombre de nouveaux cas pourrait en partie s’expliquer par une baisse du coût des traitements. En 2000, le coût de ce traitement était encore élevé, ce qui rendait l’accès difficile aux plus pauvres (le taux d’incidence étant plus élevé dans cette population) : « au début de l'année 2000, le coût par patient et par an du traitement antirétroviral hautement actif (HAART) était de 10 000 à 12 000 dollars. Début 2002, la concurrence des génériques et la pratique de prix différentiels pour les pays à faible revenu adoptée par les sociétés pharmaceutiques ont conduit à des baisses spectaculaires. Le coût de certaines associations de génériques est tombé à 300 dollars par patient et par an.» publie l’ONUSIDA dans un aide-mémoire sur l’accès au traitement et à la prise en charge du VIH en 2004. En effet le nombre de personnes nouvellement mis sous traitement antirétroviral n’a cessé de croitre depuis 2000. Selon les statistiques récentes de l’OMS, près de 50% des personnes éligibles au traitement sont pris en charge [2].
Evolution des coûts et dépenses
Les dépenses consacrées à la lutte contre le VIH n’ont cessé d’augmenter depuis 1999. En 2011 on note même une augmentation de presque 11% par rapport au budget de 2010. Une grande partie des dépenses (allant jusqu’à plus de la moitié dans certains pays comme la Guinée, Malawi) consacrées à la lutte contre le VIH provient des subventions internationales. Le Fonds Mondial en est le principal bailleur. Une partie non négligeable est aussi financée par différentes ONG : Médecins Sans Frontières, PEPFAR (US President’s Emergency Plan for AIDS Relief), Banque mondiale et UNITAID, Clinton Health Access Initiative (CHAI). Il faut noter que depuis le ralentissement économique mondial, les pays concernés s’impliquent davantage en augmentant leurs dépenses publiques et privées, car les aides internationales stagnent. Par exemple, entre 2005 et 2011 l’Afrique du sud a multiplié par 5 les dépenses en matière de lutte contre le VIH ; celle du Botswana a quasiment doublé sur la période.
Dans certains pays où les aides internationales liées à la lutte contre le VIH stagnent, ou pourraient être arrêtées, et que les dépenses publiques n’augmentent pas significativement afin de résorber ce manque, il parait évident qu’ils feront face des retombés considérables. En 2011, la moitié des dépenses pour les traitements antirétroviraux en Guinée a été pris en charge par le Fond Mondial alors que seul 3,8% du budget national était consacré à la santé (largement inférieur aux 15% lors de la Déclaration d’Abuja). L’arrêt définitif de ces aides pourrait occasionner une rupture d’approvisionnement et une mauvaise prise en charge des malades. A terme, une contribution financière plus importante sera demandée aux patients, contribuant ainsi à une paupérisation de cette partie de la population ; les plus vulnérables étant les femmes et les enfants.
Vers une dégradation de la santé publique
La baisse du financement des antirétroviraux en Afrique Subsaharienne induira une augmentation du taux de mortalité et un ralentissement des programmes sanitaires prioritaires. En effet, les coûts supplémentaires liés à la suppression des subventions seront pris en charge par les populations touchées par le fléau. Dans l’impossibilité de ces dernières à assurer les paiements, on pourrait assister à une dégradation de leur état de santé, voire une augmentation du taux de mortalité due au SIDA ; ce qui irait à l’encontre des objectifs des différents organismes de santé et des pays. Pour limiter ces conséquences néfastes, l’Etat pourrait être porté à accroître sa contribution pour alléger les charges supplémentaires des ménages concernées pour atteindre les cibles sanitaires des OMD. La véritable équation à résoudre dans les années à venir est : comment atteindre les objectifs de l’OMS dans un contexte où les ressources sont allouées à l’émergence économique, sachant que les aides internationales destinées au secteur de la santé se réduisent ? Pour ce faire, les Etats pourraient avoir recours à un financement interne et/ou externe.
En ce qui concerne le financement interne l’Etat pourrait procéder par :
- l’augmentation, la création ou une collecte plus efficace des taxes. Une taxe sur le tabac, par exemple, pourrait être une source de revenu supplémentaire pour l’Etat qui permettrait d’accroîre le budget affecté aux dépenses en matière sanitaire. Jha et al. (2006) estime à cet effect, qu’«une marge de manœuvre plus spécifique existe en ce qui concerne les taxes qui peuvent avoir vocation à être affectées à la santé comme la taxation du tabac dont le WHO Framework Convention for Tobacco Control s’est notamment fait l’avocat, et qui constitue un instrument sous utilisé, d’autant que l’élasticité de la demande par rapport au prix est souvent inférieure à un dans les pays à faible et moyen revenue” ;
- la diminution de certaines dépenses pour suppléer aux dépenses de santé.
Dans le cadre du financement externe, les mécanismes d’allègement de dettes offrent une marge budgétaire qui autorise le recours à des prêts. Cependant, Il faut être vigilant afin d’éviter un éventuel surendettement.
Dans l’un ou l’autre des cas, des effets pervers quant à l’activité économique pourraient surgir dans un contexte où la priorité des Etats concerne la construction d’infrastructures et le renforcement de la qualité de l'éducation et moins à la santé. La lutte contre le VIH constitue un champ de bataille pour les ONG : il en va pour preuve que l’objectif de la déclaration d’Abuja selon laquelle les pays doivent consacrer 15% de leur budget total à la santé a du mal à être atteint.
Rappelons que les investissements mondiaux dans le VIH restent élevés mais insuffisants comme le relève le rapport mondial VIH 2012 « les investissements mondiaux dans le domaine du VIH ont atteint au total 16,8 milliards de dollars US en 2011 alors que l’objectif mondial des dépenses annuelles consacrées à la riposte au VIH en 2015 s’échelonne de 22 à 24 milliards de dollars US ». Outre l’augmentation de ces investissements et l’élargissement du budget alloué à la santé, la diminution du coût du traitement, le développement des industries pharmaceutiques nationales et une bonne gestion des programmes sont à envisager.
Somme toute, les Etats doivent dès à présent accorder une certaine importance à la lutte contre le VIH, dans la mesure ce fléau pourrait constituer une contrainte aux programmes de renforcement du capital humain et impacter de façon négative dans le long terme les budgets nationaux. Il ne s’agit certainement pas de revoir les plans de développement au profit de cette pandémie; mais de lui donner un poids plus important dans les programmes de développement du capital humain afin de réduire les risques socio-économiques qu’elle pourrait induire.
Nelly Agbokou
Sources :
1. 20121120_UNAIDS_Global_Report_2012_with_annexes_fr.pdf
3. N52_ressources_financie?res_FR:N47_populations_démunies_FR – 52-notes-documents.pdf