Pourquoi faut-il investir dans l’industrie pharmaceutique en Afrique ?

Pharmacie-Cote-dIvoire_Ilo-photoLa croissance effrénée de la population africaine, qui dépasse aujourd’hui le milliard d’individus, constitue un défi majeur pour les planificateurs du développement. Ce défi est encore plus important dans la mesure où il intègre la prise en charge des besoins en matière de santé.  La demande en produits pharmaceutiques se fait de plus en plus croissante et l’Afrique semble ne pas être à même de profiter de l’expansion de ce secteur. En effet, l’industrie pharmaceutique en Afrique demeure à un état embryonnaire. Les dépenses pharmaceutiques sur le continent devraient atteindre 30 millIards de dollars d’ici l’année prochain(1). Il urge alors de considérer ce secteur, car il semble être un créneau porteur de croissance mais aussi afin de réduire la dépendance du continent vis-à-vis de l’extérieur, notamment sur des sujets aussi sensibles que la santé.

Très peu d’entreprises sont actives dans l’industrie pharmaceutique en Afrique. L’offre en produits pharmaceutiques en provenance du continent ne représente que 2% de l’offre mondiale(2). Les quelques entreprises existant sont des filiales de laboratoires délocalisés sur le continent. C’est le cas de Sanofi Aventis, Pfizer,  Cipla. Ces laboratoires se concentrent sur la production de médicaments génériques destinés au marché local et s’activent surtout dans la recherche. Seul l’Afrique du sud dispose d’une  industrie pharmaceutique assez développée. L’essentiel de la consommation de produits pharmaceutiques est couvert par les importations en provenance d’Europe ou d’Asie, notamment de l’Inde. Il en ressort un coût d’achat / de vente assez élevé pour les médicaments, même génériques[1] , dans un continent où plus de 50% de la population dispose d’un revenu de moins de 2 USD en parité du pouvoir d’achat par jour. En effet, une boite de 8 comprimés de paracétamol en Afrique peut atteindre 3 EUR contre 2 EUR en moyenne dans les pays occidentaux. Le prix en Afrique reste très élevé si on le compare en PPA.

Par ailleurs, ces entreprises exerce un véritable lobbying pour maintenir les prix à des niveaux élevés, ce qui d’une part décourage les nouveaux entrants, notamment les fabricants de médicaments génériques, mais aussi afin de maintenir la production de médicaments princeps[2], destinés à des marchés où le pouvoir d’achat est relativement plus élevé. L’exemple le plus récent est celui de l’Afrique du Sud où en Janvier 2014 le premier ministre sud-africain a qualifié de «génocidaire » et de « dimension satanique » le lobbying des industries pharmaceutiques de ce pays(3). En effet, son gouvernement prévoiait de faire des reformes assouplissant les renouvellements de brevets, ce qui permettrait aux industries de médicaments génériques de « copier» plus facilement les médicaments princeps.

Aussi, les conditions économiques et réglementaires constituent une entrave à l’implémentation de ces entreprises. En effet, au-delà du caractère social, les fabricants de produits pharmaceutiques sont des entreprises en bonne et due forme qui cherchent elles-aussi à minimiser leurs coûts de production tout en augmentant leur production, et sur lesquelles l’Etat pourrait percevoir des recettes fiscales. L’inadéquation du cadre réglementaire pour la pratique de cette activité, assez particulière, parce que tenant du secteur de la santé, constitue un blocus pour de nombreuses firmes pharmaceutiques.

Enfin, les prix élevés des médicaments provoquent la création d’un marché parallèle, qui constitue aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique dans de nombreux pays africains.

En dépit de cette situation, l’Afrique peut exploiter ce secteur comme un levier au développement. En effet, l’implantation de nouvelles industries pharmaceutiques permettra, au-delà de la prise en charge des problèmes liés à la santé à moindres coûts, à créer de l’emploi. Sur un continent où le taux de chômage varie de 11,9% en Afrique Subsaharienne(4) à 25% en Afrique du Sud ; cette offre serait un facteur clé de développement économique local.

Pour atteindre cet objectif, un certain nombre de défis devront être relevés, ce qui nécessitera une forte implication de l’Etat. Pour l’heure, ce sont certains organismes internationaux qui soutiennent le secteur, le but est donc “social” et non économique. L’OMS dans le cadre de la lutte contre certaines maladies subventionne les industries fabricant des médicaments génériques.  Récemment, en Juin  2012, le groupe PROPARCO a octroyé 12,5 millions de dollars à Strides Africa, qui est une filiale du groupe international Strides Arcolab Limited intervenant très largement dans diverses formulations pharmaceutiques(5).

La stratégie consistera surtout à créer un environnement propice et attractif pour l’exercice de cette activité mais aussi à renforcer le développement des entreprises localement présentes afin de limiter les importations. Ces dernières années, l’Afrique du Sud a mis en œuvre de nombreuses réformes, qui ont favorisé le développement du secteur et les autorités ne cèdent guère aux pressions du lobbying du secteur. Les antirétroviraux battent des prix records, très bas. Les autres pays africains pourraient s’inspirer du cas sud-africain, pour établir et mettre en œuvre des politiques pouvant non seulement faciliter la création d’industries mais aussi le développement de celles déjà présentes dans le secteur. Pour les structures déjà existantes, il convient de les regrouper en grandes structures, car elles assurent une meilleure rentabilité et attirent davantage les investisseurs. Le regroupement en firme ou l’appartenance à ces firmes donne de l’assurance aux éventuels investisseurs : on a l’IPASA en Afrique du Sud.

Comme dans tous les secteurs économiques, le partenariat entre le public et le privé demeure un levier de développement majeur. En effet, les industries pharmaceutiques existantes, dirigées par l’état manquent de moyens (financiers, matériels…) et peinent à se développer. D’ailleurs lors du sommet de la Banque africaine de développement (BAD) avec des experts pharmaceutiques et financiers l’objectif principal était de favoriser le partenariat public-privé (2) : concrètement il peut s’agir des rachats ou de l’agrandissement des usines publiques par exemple.

Outres les différentes mesures citées plus haut, l’état peut mettre en œuvre d’autres mesures incitatives telles que :

  • La diminution d’impôts ou de taxes en fonction du nombre d’employés ou en fonction d’autres critères économiques
  • Renforcer la capacité de production locale en fixant un prix avantageux des matières premières produites sur le territoire.

Aussi, faudrait tenir compte des connaissances locales en matière de pharmacopée. Si aujourd’hui, très peu de personnes ont recours au système de santé, ils se soignent via cette forme de médecine, qui a une connaissance assez pertinente, pas toujours scientifique, mais qui peut aisément participer à l’émergence d’une pharmacie à “l’africaine”, comme la pharmacopée chinoise ou indienne, pour capter le marché domestique et s’exporter. 

L’industrie pharmaceutique est promise à un bel avenir et pourrait constituer un véritable levier de développement. Le secteur est quasiment délaissé alors que l’Afrique comptera d’ici 2050 près de 2,4 Mds d’individus(6), tous demandeurs de produits pharmaceutiques. Promouvoir le secteur passera, sans nul doute, par la mise en place d’un environnement propice à l’activité ; une collaboration avec le secteur le secteur privé, la mise en place de quelques mesures incitatives et la prise en compte des connaissances traditionnelles en matière de pharmacopée. Garantir la santé et l’éducation c’est posé les bases pour un développement durable, inclusive, portée par les ressources  humaines locales. Dans le domaine de la santé, l’Afrique a un potentiel qu’il faut valoriser, afin de faire de ce secteur un relai de croissance et de protection sociale dans les pays africains.

Nelly Agbokou

Référence

1.            Les géants de la pharmacie misent sur l’Afrique

2.            L’industrie pharmaceutique africaine promise à un bel avenir – Banque africaine de développement

3.            Motsoaledi: Big pharma’s « satanic » plot is genocide

4.            Le chômage des jeunes : un défi de plus pour l’Afrique d’aujourd’hui ? – Terangaweb | L’Afrique des idées

5.            Soutien à l’industrie pharmaceutique en Afrique

6.            UNICEF (aout 2014). Afrique : Génération 2030, la démographie enfantine en Afrique


[1] Médicament dont le brevet est tombé dans le domaine public et qui peut être produit par d’autres laboratoires pharmaceutiques autre que celui d’origine

[2] Médicament d’origine mis sur le marché par le laboratoire l’ayant découvert et ayant déposé un brevet dessus

L’utilisation des ARV en Afrique : enjeux économiques

Un des fléaux touchant l’Afrique, est l’infection au VIH. Le traitement antirétroviral dans la prise en charge de cette infection a fait et continue de faire ses preuves. Cet article se propose de faire un point sur l'évolution de l’incidence de la maladie, des coûts de ces médicaments et des éventuels retombés de l'utilisation des antirétroviraux dans un contexte de raréfactions des ressources financières.

arv_sidaLe 1er Décembre 2013 était consacré à la journée mondiale de lutte contre le SIDA. L’occasion de faire le point sur les chiffres concernant cette maladie : aujourd’hui, d’après le rapport mondial VIH 2012 près de 35 millions de personnes vivent avec le virus du VIH, dont 70% en Afrique Sub-saharienne (1). Quels moyens sont mis en place pour prendre en charge cette pathologie ?

Quelques chiffres

De 1999 à 2011, le taux d’incidence du VIH n’a cessé de diminuer contrairement au taux de prévalence. Selon le rapport 2012 de l’Onusida, on observe des fortes baisses de l’incidence surtout dans les pays d’Afrique Sub-Saharienne et aux Caraïbes, une très légère baisse, voire même une augmentation de cette incidence dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord [1].

La diminution du nombre de nouveaux cas pourrait en partie s’expliquer par une baisse du coût des traitements. En 2000, le coût de ce traitement était encore élevé, ce qui rendait l’accès difficile aux plus pauvres (le taux d’incidence étant plus élevé dans cette population) : « au début de l'année 2000, le coût par patient et par an du traitement antirétroviral hautement actif (HAART) était de 10 000 à 12 000 dollars. Début 2002, la concurrence des génériques et la pratique de prix différentiels pour les pays à faible revenu adoptée par les sociétés pharmaceutiques ont conduit à des baisses spectaculaires. Le coût de certaines associations de génériques est tombé à 300 dollars par patient et par an.» publie l’ONUSIDA dans un aide-mémoire sur l’accès au traitement et à la prise en charge du VIH en 2004. En effet le nombre de personnes nouvellement mis sous traitement antirétroviral n’a cessé de croitre depuis 2000. Selon les statistiques récentes de l’OMS, près de 50% des personnes éligibles au traitement sont pris en charge [2].

Evolution des coûts et dépenses

Les dépenses consacrées à la lutte contre le VIH n’ont cessé d’augmenter depuis 1999. En 2011 on note même une augmentation de presque 11% par rapport au budget de 2010. Une grande partie des dépenses (allant jusqu’à plus de la moitié dans certains pays comme la Guinée, Malawi) consacrées à la lutte contre le VIH provient des subventions internationales. Le Fonds Mondial en est le principal bailleur. Une partie non négligeable est aussi financée par différentes ONG : Médecins Sans Frontières, PEPFAR (US President’s Emergency Plan for AIDS Relief), Banque mondiale et UNITAID, Clinton Health Access Initiative (CHAI). Il faut noter que depuis le ralentissement économique mondial, les pays concernés s’impliquent davantage en augmentant leurs dépenses publiques et privées, car les aides  internationales stagnent. Par exemple, entre 2005 et 2011 l’Afrique du sud a multiplié par 5 les dépenses en matière de lutte contre le VIH ; celle du Botswana a quasiment doublé sur la période.

Sans titre
Rapport mondiale sur le Sida. Onusida, 2012.

Dans certains pays où les aides internationales liées à la lutte contre le VIH stagnent, ou pourraient être arrêtées, et que les dépenses publiques n’augmentent pas significativement afin de résorber ce manque, il parait évident qu’ils feront face des retombés considérables. En 2011, la moitié des dépenses pour les traitements antirétroviraux en Guinée a été pris en charge par le Fond Mondial alors que seul 3,8% du budget national était consacré à la santé (largement inférieur aux 15% lors de la Déclaration d’Abuja). L’arrêt définitif de ces aides pourrait occasionner une rupture d’approvisionnement et une mauvaise prise en charge des malades. A terme, une contribution financière plus importante sera demandée aux patients, contribuant ainsi à une paupérisation de cette partie de la population ; les plus vulnérables étant les femmes et les enfants.

Vers une dégradation de la santé publique

UntitleLa baisse du financement des antirétroviraux en Afrique Subsaharienne induira une augmentation du taux de mortalité et un ralentissement des programmes sanitaires prioritaires. En effet, les coûts supplémentaires liés à la suppression des subventions seront pris en charge par les populations touchées par le fléau. Dans l’impossibilité de ces dernières à assurer les paiements, on pourrait assister à une dégradation de leur état de santé, voire une augmentation du taux de mortalité due au SIDA ; ce qui irait à l’encontre des objectifs des différents organismes de santé et des pays. Pour limiter ces conséquences néfastes, l’Etat pourrait être porté à accroître sa contribution pour alléger les charges supplémentaires des ménages concernées pour atteindre les cibles sanitaires des OMD. La véritable équation à résoudre dans les années à venir est : comment atteindre les objectifs de l’OMS dans un contexte où les ressources sont allouées à l’émergence économique, sachant que les aides internationales destinées au secteur de la santé se réduisent ? Pour ce faire, les Etats pourraient avoir recours à un financement interne et/ou externe.

En ce qui concerne le financement interne l’Etat pourrait procéder par :

  • l’augmentation, la création ou une collecte plus efficace des taxes. Une taxe sur le tabac, par exemple, pourrait être une source de revenu supplémentaire pour l’Etat qui permettrait d’accroîre le budget affecté aux dépenses en matière sanitaire. Jha et al. (2006) estime à cet effect, qu’«une marge de manœuvre plus spécifique existe en ce qui concerne les taxes qui peuvent avoir vocation à être affectées à la santé comme la taxation du tabac dont le WHO Framework Convention for Tobacco Control s’est notamment fait l’avocat, et qui constitue un instrument sous utilisé, d’autant que l’élasticité de la demande par rapport au prix est souvent inférieure à un dans les pays à faible et moyen revenue” ; 
  • la diminution de certaines dépenses pour suppléer aux dépenses de santé.

Dans le cadre du financement externe, les mécanismes d’allègement de dettes offrent une marge budgétaire qui autorise le recours à des prêts. Cependant, Il faut être vigilant afin d’éviter un éventuel surendettement.

Dans l’un ou l’autre des cas, des effets pervers quant à l’activité économique pourraient surgir dans un contexte où la priorité des Etats concerne la construction d’infrastructures et le renforcement de la qualité de l'éducation et moins à la santé. La lutte contre le VIH constitue un champ de bataille pour les ONG : il en va pour preuve que l’objectif de la déclaration d’Abuja selon laquelle les pays doivent consacrer 15% de leur budget total à la santé a du mal à être atteint.

Rappelons que les investissements mondiaux dans le VIH restent élevés mais insuffisants comme le relève le rapport mondial VIH 2012 « les investissements mondiaux dans le domaine du VIH ont atteint au total 16,8 milliards de dollars US en 2011 alors que l’objectif mondial des dépenses annuelles consacrées à la riposte au VIH en 2015 s’échelonne de 22 à 24 milliards de dollars US ». Outre l’augmentation de ces investissements et l’élargissement du budget alloué à la santé, la diminution du coût du traitement, le développement des industries pharmaceutiques nationales et une bonne gestion des programmes sont à envisager.

Somme toute, les Etats doivent dès à présent accorder  une certaine importance à la lutte contre le VIH, dans la mesure ce fléau pourrait constituer une contrainte aux programmes de renforcement du capital humain et impacter de façon négative dans le long terme les budgets nationaux. Il ne s’agit certainement pas de revoir les plans de développement au profit de cette pandémie; mais de lui donner un poids plus important dans les programmes de développement du capital humain afin de réduire les risques socio-économiques qu’elle pourrait induire.

Nelly Agbokou

Sources :

1.              20121120_UNAIDS_Global_Report_2012_with_annexes_fr.pdf

2.              Progress_under_Threat.pdf 

3.              N52_ressources_financie?res_FR:N47_populations_démunies_FR – 52-notes-documents.pdf  

Le financement des investissements dans le secteur de la santé en Afrique

une_financement_santeDans un précédent article, il était question de faire un point sur l’état économique du système de santé en Afrique. Cet article a permis de comprendre que la majorité des pays africains consacrent moins de 15% de leur budget total au secteur de la santé et que des efforts d’investissements significatifs restent à faire dans ce domaine. Le présent article présente les possibilités du financement du secteur de la santé en Afrique pour les prochaines années.

Commençons par remarquer que la dépendance de l’Afrique vis-à-vis des organismes internationaux pour financer son secteur de santé devient de plus en plus importante. Cette dépendance étant susceptible de rendre vulnérable la viabilité du système de santé; l’objectif ultime serait une plus grande autonomie. Cela passera par deux leviers dont le recours à l’épargne locale et la promotion de l’investissement privé.

En effet, les Etats devraient se démarquer de ressources extérieures et mettre en place un mécanisme national permettant de faire contribuer la nation tout entière à l’effort de développement du secteur de la santé. Cette stratégie a l’avantage de responsabiliser les usagers des services de santé. Les systèmes d’administration et de gestion du système de la santé devraient revoir leur budget à la baisse. Pour atteindre les objectifs selon lesquels tout africain doit consacrer 61 dollars à la santé d’ici 2015 (selon les OMD), il serait bien d’intensifier la coopération Sud-Sud, l’expertise technique sur le terrain et une meilleure coordination des dépenses ; c’est-à-dire revoir la redistribution des fonds dans les différents secteurs. Il ne faut pas nécessairement beaucoup dépenser pour de meilleurs soins, mais il convient de dépenser de manière efficiente.[1]

Pour encourager les investissements, les gouvernements doivent faire preuve d’amélioration dans les domaines concernés. Par exemple, dans le domaine de la santé maternelle il revient à l’Etat de créer des structures de base pour accueillir les femmes enceintes et/ou malades, de former des agents de santé communautaire et de fidéliser ces derniers dans les structures en leurs garantissant un salaire pérenne et stable.

Dans l’ensemble du système de santé, certaines composantes telles que les industries pharmaceutiques, et les cliniques privées sont très prometteuses du fait de leur rentabilité plus élevée. Cependant, il sera nécessaire d’assurer la formation du personnel de santé pour garantir cette rentabilité. Par ailleurs, la promotion de l’investissement dans ces secteurs devrait être complétée par l’émergence de compagnies d’assurance maladie afin de renforcer le tapis de la couverture des soins médicaux.

Souvent le secteur privé est très négligé dans les programmes sanitaires alors que ce milieu regorge d’énormes potentiels et c’est ce secteur qui intervient souvent dans les milieux délaissés par le secteur public. La population a tendance à faire appel d’une manière plus importante aux professionnels de santé dans ce secteur ; il conviendrait alors de mettre en place un partenariat. Les investisseurs ayant compris cela, certains d’entre eux n’ont pas hésité à faire le premier pas : c’est le cas de l’African Health Fund (AHF) qui a octroyé 1,4 millions d’euros à la clinique Biasa au Togo. L’AHF a déjà fait plusieurs investissements dans les pays anglophones et prévoit une vingtaine de projets d’investissement d’ici l’année prochaine d’un montant global allant jusqu’à 3,8 millions d’euros.[2]

Les pays et institutions donateurs ont promis une aide de presque 40millards de dollars afin que les pays à bas niveau sanitaire atteignent les OMD d’ici 2015. Si certains investisseurs tardent encore à se concrétiser, c’est surtout à cause de la faiblesse des économies compte tenu de la faible taille du réseau sanitaire. C’est-à-dire que les entreprises de la santé ne sont pas de grandes tailles afin que les investissements soient plus rentables. Il convient alors de créer des partenariats afin d’agrandir le réseau sanitaire. Si dans les années qui viennent l’Afrique maintient ses performances économiques, il est clair que la consommation de soins sera renforcée : la Société financière internationale (SFI), démembrement de la Banque mondiale chargé du secteur privé, évaluait à 22,5 milliards d'euros entre 2010 et 2016 les besoins d'investissement dans ce secteur sur le continent Africain. Selon l'institution, ce marché serait même l'un des plus prometteurs en termes de rendement.[3]

En somme, la mobilisation de l’épargne locale et l’incitation des investissements, surtout privés, constituent les leviers du financement effectif de la santé en Afrique. Ils s’intègrent bien dans les stratégies qui existent déjà pour financer d’autres secteurs de l’économie comme les infrastructures.

 

Nelly Agbokou

Dépense de santé en Afrique et état d’investissement dans le milieu sanitaire

depense_1L’économie de la santé de ne jours prend la moindre place dans le système économique général des pays africains ; portant la santé reste un droit humain et a une valeur inestimable. Il serait temps de penser à  investir dans le secteur de la santé en Afrique, ceci contribuerait à améliorer l’état de santé des africains, à sauver des vies et surtout permettrait d’atteindre les Objectifs Millénaire de Développement (OMD), notamment ceux relatif  au VIH/SIDA, à la tuberculose, à la mortalité infantile et maternelle.

« Les individus en bonne santé sont plus productifs, gagnent, épargnent, investissent, consomment davantage et travaillent plus longtemps » selon une étude de la HHA (Health Harmonisation in Africa) portant sur l’investissement dans la santé en Afrique (1) . De ces facteurs en ressort un impact positif sur le produit intérieur brut (PIB) de la nation. Selon cette même étude « qu’une année de vie de plus augmenterait le PIB de 4 % ». Une meilleure santé réduirait les coûts financiers des soins de santé pour la famille, la communauté, le secteur privé et le gouvernement. Au-delà de l’aspect social l’amélioration de la santé des populations constitue, une opportunité économique qui nécessite de lourds investissements pour que ce secteur puisse efficacement contribuer à l’essor économique du continent.

Harmonisation des dépenses de santé

depense_2Contrairement à d’autres domaines qui sont en plein essor d’investissement (le tourisme, le secteur minier…) en Afrique, celui de la santé est loin d’en faire partie. Afin d’harmoniser le taux d’investissement des différents pays africains dans le domaine de la santé, en 2001 différents chefs d’états ont tenu une conférence à Abuja. Ce grand rassemblement s’est tenu suite à une augmentation très importante du taux de VIH dans la population africaine. Il en ressort alors que chaque état attribuerait 15% de son budget à la santé.

Depuis cette conférence, l'OMS a déclaré que seuls le Rwanda et l'Afrique du Sud ont atteint les 15%, tandis que la Commission de l'Union africaine a rapporté que seuls six États membres de l'Union Africaine ont dépassé le seuil des 15% : le Rwanda (18,8%), le Botswana (17,8%), le Niger (17,8%), le Malawi (17,1%), la Zambie (16,4%), et le Burkina Faso (15,8%)(2). D’autres pays ont fait des efforts considérables pour augmenter leurs budgets mais cela reste toujours inférieur aux 15% fixés. Et dans la plupart des cas, ces investissements sont financés sur ressources extérieurs. 

La difficulté des pays africains à atteindre cet objectif relève de plusieurs raisons. Les systèmes de gouvernance diffèrent et la motivation varie d’un pays à l’autre. Il semble que les états préfèrent investir dans les milieux novateurs en plein essor comme l’informatique ou encore dans les mines et le pétrole. Enfin la croissance démographique de certains pays allant plus vite que la croissance économique, il parait évident que les investissements régressent, plus encore dans le domaine de la santé.

Mise au point du l’état d’investissement actuel

depense_3On distingue différents types d’investisseurs à savoir l’Etat, le secteur privé, les fonds étrangers, l’aide publique au développement, les différents organismes internationaux (OMS, ONU …).

En ce qui concerne l’Etat, sa part dans les dépenses de santé ne cesse de diminuer : à titre d’exemple en 2009 le financement public ne représente que 22,4% du financement total de la santé au Togo. (3). Des fonds importants proviendraient des organismes internationaux et de l’aide publique au développement : de nombreux pays d'Afrique dépendent encore fortement des ressources extérieures pour financer leur secteur de la santé. « Dans 26 des 33 pays d’Afrique subsaharienne, le soutien des donateurs représente plus de la moitié des investissements alloués à la riposte au VIH » lit-on dans un communiqué de presse de l’ONUSIDA Genève en Novembre 2012. Les organismes et coopératives internationaux font des investissements sous forme de programmes de lutte contre les différentes maladies. Il s’agit souvent des financements basés sur les résultats et il apparait clairement que certains de ces  financements ont porté leurs fruits. L’accès aux traitements antirétroviraux pour les patients atteints de VIH est facilité et le nombre de cas de nouvelles infections au VIH a considérablement baissé : depuis 2001 on enregistre une baisse de 71 % au Botswana, 58 % en Zambie, 50 % au Zimbabwe et 41 % en Afrique du Sud (4). Le nombre de décès dû au paludisme a diminué (baisse de 25% entre 2000 et 2010) et actuellement, presque 1 foyer sur 2 en Afrique est équipé d’une moustiquaire (5).

Mais il paraitrait que ces fonds soient mal repartis et surtout mal gérés. « Les ressources disponibles ont été utilisées de manière non rationnelle, en partie à cause du manque d’utilisation systématique de processus et d’outils pour fixer les priorités dans l’utilisation des maigres ressources » publie l’HHA. De plus, les ressources n’ont pas été déployées de manière efficiente. Notons que l’Afrique n’est pas le seul continent à utiliser les ressources de manière non rationnelle : au plan mondial, 20 à 40 % des dépenses des systèmes sanitaires sont gaspillées, les pays les plus pauvres en gaspillant une proportion encore plus élevée.  Si les ressources (aide publique au développement et budget alloué à la santé) étaient bien utilisées, alors Un des objectifs de l’OMS serait atteint, à savoir chaque africain doit consacrer au moins 61§  à la santé. Pour atteindre, il faudra définir de nouvelles bases d’investissement : nous traiterons ce point dans un article à venir.

 

Nelly Agbokou

 

Webographie :

1.         investir_sante_afrique.pdf [Internet]. [cité 10 sept 2013]. Disponible sur: http://www.who.int/pmnch/media/membernews/2011/investir_sante_afrique.pdf

2.         abuja-f.pdf [Internet]. [cité 10 sept 2013]. Disponible sur: http://www.ppdafrica.org/docs/policy/abuja-f.pdf

3.         PNDS_TOGO.PDF [Internet]. [cité 10 sept 2013]. Disponible sur: http://www.internationalhealthpartnership.net/fileadmin/uploads/ihp/Documents/Country_Pages/Togo/PNDS_TOGO.PDF

4.         L’ONUSIDA annonce une chute de plus de 50 % des nouvelles infections à VIH dans 25 pays alors qu’il reste 1 000 jours pour atteindre les objectifs mondiaux de la riposte au sida [Internet]. [cité 30 août 2013]. Disponible sur: https://www.unaids.org/fr/resources/presscentre/pressreleaseandstatementarchive/2012/november/20121120prresults/

5.         Un nouveau rapport révèle qu’une Afrique en meilleure santé pourrait favoriser davantage la croissance économique du continent [Internet]. [cité 30 août 2013]. Disponible sur: http://www.unaids.org/fr/resources/presscentre/pressreleaseandstatementarchive/2013/july/20130715prabuja/

 

Comprendre l’organisation des systèmes de santé en Afrique

La santé est un des enjeux majeurs du développement de l'Afrique, qu'il s'agisse d'améliorer l'état de santé actuel des Africains ou de permettre l'éclosion d'une force de travail en bonne santé, capable de contribuer à la croissance du continent. Comprendre l'organisation actuelle des systèmes de santé est de fait, une première étape importante dans la formalisation de politiques publiques de santé à même de répondre aux défis sanitaires de l'Afrique.


La santé constitue l’un des défis relativement négligé dans les politiques de développement en Afrique. Alors que la santé va devenir davantage un enjeu stratégique de développement au cours des prochaines années, il nous semble important d’examiner l’organisation des systèmes de santé en Afrique. Cet examen permettra de mettre en évidence les défaillances du système de santé et de proposer des pistes de solutions pour améliorer son organisation.

Mise en place du système de santé en Afrique

fig1_nelly_1

 

L’organisation des systèmes de santé en Afrique demeure calquée sur celle héritée de l’époque coloniale.  Cependant, elles présentaient une originalité, qui devrait renforcer la qualité de l’offre de soins médicaux à toutes les couches de la population. Il s’agissait d’accorder à la médecine traditionnelle une place au sein dusystème, en marge de la médecine moderne[1]: on voulait apprendre aux femmes, et aux traditherapeuthes à cultiver les bonnes plantes médicinales et d’enfaire les extractions afin d’en optimiser l’utilisation.

Pour rappel, dans l’organisation des structuresde santé, il faut distinguer 5 grands niveaux: les structures de premier niveau (dispensaire, case de santé…), l’hôpital général, les structures spécialisées (dédiées à un handicap ou une maladie), les structures dites hôpitaux de districts et les centres hospitalo-universitaires qui sont les structures de références et souvent situées dans les grandes villes. Les CHU sont souvent divisés en pôles (réanimation, pharmacie, pneumologie, cardiologie, orthopédie…).Malgré cette organisation qui laisse présager une bonne prise en charge des malades, ces pôles ne sont pas très fonctionnels.  Cette situation s’explique en partie par le manque de professionnels et/ou des moyens pour gérer de façon optimale les ressources mises à disposition. Selon Atlas of African Health Statistics 2012 de l’OMS, l’Afriquedispose de 1 médecin pour 5 000 habitants (alors que la moyenne mondiale est de 14) et d’un pharmacien pour 10 000 habitants (alors que la moyenne mondiale est de 4). Il est important de souligner que les soins dits de santé primaire constituent le fondement de cette organisation, car ils sont le plus proche des populations.

C’est dans l’optique d’améliorer l’accès à ces soins primaire qu’a eu lieu l’initiative de Bamako.  En1987, 15 pays de l’Afrique de l’ouest se sont rassemblés au Mali afin d’améliorer le système de santé dans la région : c’est « l’Initiative de Bamako ». Elle a permis de mettre sur pied un mécanisme qui devrait renforcer le l’organisation et le financementdes systèmes de santé. Techniquement, l’initiative de Bamako peut se traduire par le processus suivant : un stock de médicaments essentiels génériques est offert gratuitement par les bailleurs de fonds à un comité de gestion (issu de la population) du dispensaire. Ces médicaments sont ensuite vendus aux usagers avec une marge bénéficiaire. Cette marge, ajoutée aux paiements effectués par les usagers pour les consultations, permet de racheter le stock initial de médicaments et d’améliorer l’accès aux soins et la qualité des services (primes au personnel, réfections des bâtiments…). Ce système existait dans d’autres pays comme le Bénin ; mais l’initiative de Bamako a voulu l’étendre à tous les autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Les recommandations de cette rencontre seront adoptés ensuite par d’autres pays africains.

Apres l’Initiative de Bamako

Une étude conduit par Valérie KIDDE et son équipe, 15ans après,  a évalué à l’aide de certains indicateurs l’efficacité et l’équité du système mis en place. Concernant l’équité, le résultat est sans appel : il s’agit d’un véritable échec. Quant à l’efficacité, elle a été mesuré avec les indicateurs suivants : la vaccination, la consultation prénatale, le recouvrement des coûts, l’utilisation des services curatifs, l’accès aux médicaments essentiels, participation de la population. Le résultat reste mitigé et varie selon les indicateurs et suivant les pays. Le taux de vaccination a augmenté dans tous les pays (de 30% en Mauritanie, 40% au Benin, voire même de 58% en Guinée). Au Bénin, le recouvrement des coûts a augmenté ; ce qui n’est pas le cas en Guinée. Le pourcentage des consultations prénatales, de l’utilisation des services curatifs s’est aussi accru. Seul le Bénin a enregistré une augmentation de l’accès au médicament. Quand bien même la gestion des centres de santé était l’un des points essentiels de l’initiative de Bamako, son évaluation a été compliquée car c’est une notion très mal définie.[2]Toutefois, il ressort que cette expérience fut un véritable échec, quant à la gestion, dû au manque de compétences des préposés à la gestion des systèmes de santé.

L’état actuel du système de santé

 

fig2_nelly_1

 

L’utilisation de la technologie au profit de la médecine devient de plus en plus considérable, permettant d’optimiser la prise en charge du patient : cas du Cyberknife, appareil de radio-chirurgie tumorale de précision, utilisé dans les centres de cancérologie. Du fait du manque d’investissements considérables dans le domaine de la santé, les institutions sanitaires en Afriques restent généralement pourvues d’équipements vétustes (voir figure ci-contre). Cependant, avec l’intensification de la coopération avec la Chine, certains pays disposent de certains équipements de pointe offerts par la Chine : on peut prendre l’exemple de l'Hôpital de district de Mbalmayo qui est  le reflet de la coopération sino-camerounaise. En effet, depuis 1975 les chinois ont construit et réhabilité des hôpitaux. Près de 400 chinois du secteur médical et paramédical ont été dépêché sur le territoire camerounais.[3]

Si les CHU restent les structures ultimes dans l’organisation des structures de santé, leurs états dans certains pays africains restent actuellement déplorables : hygiène douteuse, personnel mal formé, manque de matériels et de personnel qualifié, manque d’organisation. Tout ceci n’est pas sans répercussion sur la santé de la population. Un exemple très parlant est celui du taux de la mortalité maternelle au cours de l’accouchement et aussi quelques semaines après l’accouchement : en 2010,  on dénombrait 5 décès sur 1000 naissances. Par ailleurs, le coût sanitaire ne permet pas aux populations de tirer profit de ce système. Le matériel chirurgical utilisé lors de certainesinterventions  est prescrit sous forme d’ordonnance et le patient est tenu de s’en acquitter avant sa prise  en charge.

Quelques suggestions pour améliorer les systèmes de santé en Afrique

Eye clinic Jos NigeriaPour perfectionner le système de santé, il serait primordial pour les Etats de consentir des investissements pour le développement d’infrastructures modernes de santé avec une gestion décentralisée, par exemple à travers le partenariat public-privé. Le privé, en relation avec le public, pourrait investir dans la construction et l’équipement des hôpitaux. Pour assurer le bon fonctionnement de ces derniers et une gestion optimale, les gouvernements pourraient confier la gestion au secteur privé et adopter avec ce dernier des contrats de performance, comme c’est le cas dans le secteur de l’éducation (Le Sénégal a adopté une telle approche pour rendre ses universités plus efficientes). Les subventions accordées aux hôpitaux pourront mêmedépendre des objectifs atteints fixés au préalable par l’état.

Par ailleurs, il faudra aussi mettre un accent particulier sur la formation du personnel et à la recherche. D’une part,  il est nécessaire de former les agents de santé à la base (notamment deshygiénistes pour assurer la propriété des locaux) et de promouvoir la formation des cadres supérieurs de la santé et mettre en place un système de rémunérations permettant à ces derniers d’exercer sur le continent. D’autre part, la promotion de la recherche en médecine devrait permettre à la médecine classique de tirer profit de la médecine locale, dont les connaissances immenses en matière sanitaire sont mal documentées. Ces pratiques traditionnelles constituent un atout pour le continent qu’il serait temps de valoriser. Ceci pourrait permettre certainement d’amoindrir les coûts et d’inciter les populations rurales à adhérer plus facilement au système de santé.

En outre, il serait aussi avant-gardiste de mettre en place dessystèmes publics d’assurance maladie, de mutuelle, voire d’une couverture gratuite pour les plus démunies pour garantir aux populations l’accès aux soins.Le Togo a d’ailleurs déjà mis en place pour les fonctionnaires un système d’assurance qui permet de prendre en charge le coût des soins en moyenne de 80%.[4] Il en ressort une réelle satisfaction. Le gouvernement a d’ailleurs promis d’étendre le système à d’autres classes sociales.

 

Nelly Agbokou


[1] L’organisation du système de santé en Afrique : Éric Pichard, Didier Gobbers, adsp n° 30 mars 2000

 

 

[2] L’Initiative de Bamako 15 ans après : Valery Kidde Octobre 2004

 

 

[3] http://www.chinafrica.cn/french/F_Africa_Report/txt/2013-05/07/content_541682_2.htm

 

 

[4] http://www.inam.tg/pres_couv.php