De l’eau pour tous

Le nombre d’Africains n’ayant pas accès à l’eau potable continue de croître. Quelles en sont les causes ?  Quelles sont les mesures en cours pour que chacun ait accès à l'eau? Existe-t-il d’autres alternatives ?

Alors que les débats se focalisent sur la réduction de la pauvreté, l’accès à l’éducation et aux soins de santé, les Etats Africains se sont peu engagés dans la fourniture de l’eau potable pour tous. En dépit des engagements internationaux pour plus d’investissements dans le secteur, comme le témoigne la cible 7.C des OMD, le nombre d’Africains n’ayant pas accès à l’eau potable continue de croître. Selon les statistiques disponibles[1], de 300 millions en 2002, le nombre d’Africains n’ayant pas accès à l’eau potable est passé à environ 350 millions en 2008. Ces chiffres suscitent des questions à la fois sur les causes de l’insuffisance d’accès à l’eau potable ainsi que sur l’efficacité des politiques menées en Afrique dans le secteur de l’eau.

Année

Pas d'accès à l'eau potable (%)

Population en Millions

2002

36

309

2004

37,9

341

2006

36,1

340

2008

35,1

346

Source : Données Banque Africaine de Développement et Propres calculs.

Concentrons nous sur les causes de ce phénomène aux graves conséquences en termes de dégradation de la santé. Abstraction faite de la distance, l’eau en tant que telle existe partout. Le seul problème qui lui est associé concerne son accessibilité et sa qualité. Qu’il s’agisse de la construction d’un puits, d’une fontaine ou d’un robinet, il est nécessaire de faire des investissements. Compte tenu de la pluralité des priorités et de la faiblesse des ressources financières des Etats, une très faible part des ressources budgétaires est consacrée à l’accès à l’eau potable. Dès lors, la plupart des projets d’adduction d’eau en milieu rural sont financés par des prêts extérieurs.

En plus de ce manque d’investissement public, le secteur privé est quasiment absent sur toute la chaîne de fourniture de l’eau. Cette absence est vraisemblablement due à la faiblesse de la rentabilité des investissements dans la fourniture de l’eau notamment en milieu rural où est concentré la plus grande partie de la population concernée. Dans un contexte de pauvreté, les ménages ne disposent pas de revenus suffisants our payer le prix nécessaire pour couvrir les coûts d’investissement. Même s’il est envisageable d’appliquer une politique de redistribution en faisant payer plus cher les ménages urbains pour financer le déficit en milieu rural, le ratio de la population dans les deux milieux ne permet pas d’assurer l’équilibre. Cette difficulté est plus importante dans les pays où l’on compte au moins 3 ruraux pour 2 urbains.

Même l’augmentation des revenus agricoles ne peut permettre aux ruraux de payer le « juste prix », la faiblesse de la densité de la population en milieu rural requiert des investissements substantiels face à une demande très faible pour couvrir les coûts à moyen terme. Avec une population éparpillée sur l’étendue du territoire national, il est nécessaire de mettre en œuvre des investissements de long-terme ; ce qui n’est pas toujours compatible avec les objectifs des investisseurs privés. Face à la faiblesse de la capacité financière des Etats et en l’absence d’investisseurs privés, seul des bailleurs de fonds internationaux semblent en mesure intervenir dans le secteur à travers des prêts bilatéraux.

C’est dans cette perspective que la Banque Africaine de Développement a initiée deux programmes dont l’Initiative pour l’Alimentation en Eau et l’Assainissement en milieu rural et la Facilité Africaine de l’Eau. Ces deux projets visent à associer les Etats Africains, la Banque et les investisseurs internationaux pour un accès plus accru des populations africaines à l’eau potable. Leurs objectifs est d’une part d’intervenir directement dans le financement des projets de fourniture d’eau potable aux populations en Afrique et d’autre part d’aider les acteurs du secteur privé local dans la conception de projets de fourniture d’eau bancables.

Si ces initiatives apportent un peu d’espoir à ces centaines de millions de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable en Afrique, il n’en demeure pas moins que leurs réalisations effectives nécessitent la pleine participation des bailleurs de fonds internationaux qui doivent apporter 50% des fonds. Dans le même temps, les initiatives locales en faveur de la conservation et du traitement des eaux pluviales peuvent contribuer à assurer la disponibilité simultanée de l’eau potable et de l’eau pour l’agriculture.

Georges Vivien Houngbonon


[1] Source : Base de données de la BAD et nos propres calculs.

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