Brazzaville, après le drame

Voilà près d’une semaine que le drame d’une série d’explosions dans un dépôt de munition du camp des blindés a eue lieu. Causant de nombreuses pertes de vie, mutilant ça et là femmes et hommes, livrant près de 15 000 personnes aux conditions difficiles d’une saison des pluies encore en cours à Brazzaville. En rentrant chez moi le 4 mars 2012 et en découvrant l’information en fin d’après midi, j’ai pu mesurer la puissance de l’Internet et des réseaux sociaux, nous permettant en deux clics de voir ces terribles images de mon quartier d‘enfance dévasté. Car, j’ai passé plusieurs années près de ce camp des blindés, situé entre Ouenzé et Mpila. En faisant défiler les photos de l’ami d’un « ami » Facebook, je me suis pris au jeu – si on peut parler ainsi – de redécouvrir ces rues que je connaissais une par une, les maisons éventrées ou littéralement détruites par la puissance des ondes de choc successives. Tout cela en tentant de joindre en parallèle par téléphone la famille, les amis, en croisant les infos captées ça et là sur les scènes de panique, replongeant le temps d’une journée beaucoup dans l’atmosphère douloureuse des années 90. Détonations et folie.

Ces images post-apocalyptiques sont saisissantes et d’une certaine manière déroutantes. Car, elle révèle la puissance des armements et munitions conservés en toute indifférence à côté des populations. Des toits ont été arrachés à plusieurs kilomètres à la ronde, révélant la violence de ces explosions. Il ne me parait pas compréhensible que ce quartier si gai, si mixte puisse avoir cohabité avec une telle poudrière. Alors que l’inhumation des corps vient d’être réalisée et que des élans de solidarité se mettent en place à Brazzaville au profit des nombreux sans abris, des questions se posent sur ces incidents à répétition qui ont secoué Brazzaville et Pointe-Noire. Car, ce n’est pas la première fois qu’une telle catastrophe se produit au Congo. Deux dépôts de munitions avaient déjà connu de telles déconvenues avec une ampleur moindre, mais causant de réels dégâts et des pertes humaines du fait de la localisation de ces dépôts d’armes au cœur des centres urbains. On notera que ce type d’incident n’est pas une spécificité congolaise, puisque depuis les indépendances, des villes comme Abidjan, Freetown, Lagos ont connu de telles tragédies.

Comment expliquer l’absence d’action des autorités publiques pour extraire ces dépôts des zones habitables malgré ces catastrophes à répétition ? Négligence ? Indifférence aux risques courus par les populations ? Stratégie militaire ? Après tout, un quartier entourant un dépôt de munitions constitue une forme de bouclier humain, mais ne prêtons pas un tel cynisme à ces autorités publiques. Malgré le développement souvent anarchique de l’urbanisme des grandes villes africaines, le principe de précaution impose des actions concrètes afin que les larmes versées le dimanche 11 mars 2012 ne soient pas celles de crocodiles.

Si on observe un remarquable élan de solidarité à l’endroit des familles brazzavilloises ayant tout perdu, réfugiées dans des camps de fortune, la question de l’indemnisation doit impérativement être posée. Dans un pays où l’habitat privé est très rarement couvert par un contrat d’assurance, le problème de la reconstruction à la suite du déminage du périmètre impacté est d’actualité. C’est un véritable défi pour les autorités congolaises. Sinon, que peut un retraité congolais face aux ruines de sa maison ? La tâche est immense quand on observe l’étendue des dégâts. Mais il ne peut en être autrement. L’état est responsable de cette catastrophe et il doit assumer son inaction et son absence de prévoyance par respect pour les chefs de famille disparus qui ont bâti des édifices pour protéger leur progéniture aujourd’hui livrée aux éléments et au chômage.

Au-delà des discours et des larmes, le gouvernement congolais sera jugé par ses actions concrètes à l’endroit des populations sinistrées.

Lareus Gangoueus