Entretien avec Mamadou Cissokho, président du CNCR et du ROPPA

mama cissokhoMamadou Cissokho est Président du Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux du Sénégal (CNCR) et du Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs d’Afrique de l’Ouest (ROPPA).

Comment est né le CNCR et quelles sont ses missions ?

Agriculteur, exploitant paysan à Koumpentoum (Est du Sénégal), j’ai formé le CNCR avec plusieurs autres leaders du milieu paysan sénégalais en 1983. Notre volonté était de construire un véritable réseau de solidarité et de défense des intérêts des agricultures familiales sénégalaises. Après l’échec des politiques d’ajustements structurels menées par l’Etat, sur les préconisations du FMI et de la Banque Mondiale, les agriculteurs ont donc décidé de porter eux-mêmes le combat pour la défense de leurs intérêts auprès de ces bailleurs de fonds et institutions internationales. Plusieurs fédérations agricoles, notamment la FONGS (Fédération des Organisations Non Gouvernementales du Sénégal) et l’UNCEFS (l’Union Nationale des Coopératives d’Exploitants Forestiers) y ont pris part.

Quel est le niveau de coordination des organisations paysannes en Afrique ?

A l’instar des Etats qui ont décidé de se regrouper au sein d’instances communautaires, les organisations paysannes ont pris conscience de la nécessité de coordonner leurs actions afin d’accompagner voire de suppléer les actions des institutions internationales.

Cela s’inscrit dans l’intérêt croissant acquis par les questions politiques dans l’action des ONG.Par exemple, la présence des ONG aux négociations avec l’OMC sur les Accords de Partenariat économiques (APE) a été très utile. Malheureusement, les coûts de participation aux réunions internationales sont élevés et handicapent les efforts des organisations paysannes du Sud à ce niveau.

Quels sont les obstacles rencontrés par les organisations paysannes ?

Le poids des procédures publiques demeure entier pour les fédérations paysannes. L’Etat veut garder une mainmise sur les activités de production de manière légitime, mais il devrait laisser le monde paysan, constitué de maraîchers, d’éleveurs, d’aviculteurs etc., fonctionner selon ses propres principes.  Les gouvernements préfèrent souvent contrôler leurs activités de manière trop large. C’est pourquoi les concertations entre fédérations paysannes et structures étatiques sont positives. L’insuffisance des ressources financières des organisations paysannes est un très grand handicap. C’est pourquoi elles se regroupent à l’échelle régionale et continentale, pour mieux défendre leurs intérêts auprès des gouvernements et organisations communautaires.

Quels sont les défis du ROPPA ?

Il faudra tout d’abord assurer une sécurité et une souveraineté alimentaires dans le marché régional. Il faudra ensuite renforcer la protection des produits car la seule coopération ne favorise pas la souveraineté alimentaire. Il faudra également assurer des productions de qualité car elles ne connaîtront pas de risque de mévente. Les quantités de riz, de manioc ou de blé disponibles sont insuffisantes par exemple.  Enfin, il faudra mieux aider les jeunes à s’installer dans le marché, à travers la chaîne de production.

Interview réalisée par Mouhamadou Moustapha Mbengue, et publiée avec l’accord de CONCORD,