Un piège sans fin

Comment commenter un ouvrage ? Quand la lecture s’est avérée passionnante, surprenante. Quand on s’est laissé séduire par les personnages, leurs cheminements, leurs ruminations, leurs désillusions, leurs déchéances. On a envie de rendre une copie suscitant questionnement et peut-être intérêt sans trop défricher la trame afin que le futur lecteur puisse partager les mêmes péripéties, les mêmes angoisses, la même gêne sans que tout cela soit desservi par un commentaire trop " bavard ". Voilà les questions que je me pose en commençant cet article.

Olympe Bhêly-Quenum se définit comme un écrivain chercheur. Un piège sans fin est son second roman et il fut publié en 1960 aux Editions Présence Africaine. Son site Internet très étoffé permet d’avoir une idée de cet intellectuel béninois, notamment les interviews qui y sont consignés. Ce roman retrace la tragique histoire d’Ahouna, un jeune béninois du nord de ce pays pendant la période coloniale. Fils d’un notable de la région, sa famille possède des terres mises en valeur et du bétail. Tout n’est pas rose. Les épidémies frappent le bétail, les sauterelles massacrent les plantations, les travaux forcés imposés par l’administration coloniale affecte même cette famille aisée et dont le père refuse cette humiliation en se suicidant. La vie n’est pas un long fleuve tranquille mais Ahouna arrive à se reconstruire et faire fructifier avec son beau-frère les biens familiaux quand il rencontre la belle Anatou.

Cette relation sublimée apportera à Ahouna le meilleur mais surtout le pire. Olympe Bhêly-Quenum condamne le lecteur, par le biais de sa plume experte et avisée, à assister à l’avilissement d’un être innocent, au déploiement de la bête qui sommeillait en lui. Il y a une mise au piloris d’une innocence béate et l’enfermement dans un piège sans fin du jeune Ahouna. D’autant qu’on a l’impression, même sur un arbre haut perché avec la vision panoramique du lecteur, que rien ne peut extraire Ahouna de sa triste condition.
On espère secrètement en lisant les pages de ce roman ne pas être confronté un jour à l’absurdité, à la folie de l’expérience du personnage central. En toile de fond, Olympe Bhêly-Quenum dépeint avec une maîtrise de la langue française la société coloniale, le monde rural, le bagne. Un coup de coeur dont le souvenir ne risque pas de s’estomper.
Bonne lecture

Lareus Gangoueus

Olympe Bhely-Quenum, Un piège sans fin
Edition Présence Africaine, 284 pages
1ère parution en 1960