TAMIKREST : Rencontre avec un Bluesman du désert

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Published on novembre 6th, 2013 | by TroisCouleurs

Le groupe de blues-touareg Tamikrest était en concert au mois d’octobre à Paris pour faire découvrir leur 3ème album, Chatma, sorti en septembre. Rencontre avec leur jeune leader, le compositeur chanteur-guitariste Ousmane Ag Mossa.

On les appelle les Touaregs, pourtant ce n’est pas le mot le plus juste pour nommer ce peuple nomade  habitant du Sahara et du Sahel : « Ce sont les étrangers qui nous ont appelés ainsi. Ce n’est pas notre vrai nom. Nous sommes les Kel Tamasheq, c’est-à-dire ‘’ceux qui parlent le tamasheq’’» explique Ousmane de sa voix douce et basse. Blouson de cuir, chevelure ébouriffée à la Bob Marley des débuts, dont il porte le t-shirt, il est plongé dans ses réflexions, une mélancolie dans les yeux, rompue de temps à autre par un sourire. Comme le maître du reggae, il fait une musique engagée, révolté de voir son peuple souffrir : « Je voulais être avocat pour défendre la cause tamashèque. Notre peuple est privé de son territoire, sans cesse en exil, réfugié, marginalisé. Il souffre de pauvreté, de chômage, de racisme. Avec la musique j’accomplis ce besoin de dénoncer les injustices dont il est victime, d’exprimer ses douleurs, d’attirer l’attention sur ses problèmes.» Une quête de liberté et d’espoir à travers la musique : « Pour que nous soyons enfin libres chez nous, que l’on respecte notre culture, notre terre le désert, notre mode de vie. »

C’est la puissante musique de Tinariwen, les pères du blues-touareg, qui a décidé Ousmane à s’armer d’une guitare : « J’ai chanté et joué leurs chansons comme si c’étaient les miennes. Et c’est grâce à eux que j’ai découvert le rock et le blues anglais, qui font partie de mes influences : Dire Straits, Pink Floyd, Eric Clapton… » Originaire de Kidal au Nord-Est du Mali, Ousmane est un « héritier du désert », comme il le chante dans son album précédent, et s’y ressource dès qu’il le peut. « Dans le désert, tu habites le silence. Seul avec ta guitare, sans internet ni téléphone, c’est idéal pour créer de la musique. Même si ça peut aussi être un environnement dangereux, où il est facile de se perdre. »

Tamikrest signifie nœud, rassemblement, en tamasheq : « Parce que c’est la musique qui nous a rassemblés, qui nous unit. » Leur dernier opus est une petite merveille. Son titre Chatma veut dire sœurs : «Un hommage aux femmes tamashèques, mais aussi à celles du monde entier, à la force et au courage dont elles font preuve pendant les guerres. Elles résistent malgré les souffrances endurées. Ce sont toujours les hommes qui sont à l’origine des conflits, mais les premières victimes sont les femmes et les enfants. »  Riche de ses diverses influences (blues, rock psyché, reggae…), le groupe nous offre une musique composite, dense, épaisse : différentes lignes de guitare tissées les unes aux autres, soutenues par une rythmique composée d’une batterie, de frappements de mains, d’un djembé, d’une guitare basse, d’une calebasse. Des moments intimistes, parfois expérimentaux, succèdent à des morceaux dynamiques, plus rock, où la voix basse d’Ousmane dialogue avec les chœurs puissants, aigus de la chanteuse Wannou Wallet Sidaty.

Coup de cœur pour le morceau de clôture, Timtar (souvenirs) : une nappe de synthé planante et la guitare rythmique lancinante installent une atmosphère mystérieuse. Des coups de grosse caisse marquent le rythme, évoquant la lente cadence d’une procession. Le solo de guitare aérien semble fendre le silence d’un désert, se réverbérer au lointain. Et le chant d’Ousmane, confié au creux de l’oreille, exprime délicatement l’émotion, sa voix finement éraillée de nostalgie. Une errance entre songes et souvenirs.

Pour écouter Tamikrest, cliquer ici.

Article initialement publié sur Trois couleurs

Astrid Krivian