Tierno Monemembo : L’aîné des orphelins

Tierno Monemembo raconte l'histoire de Faustin Nsenghimana. On ne sait pas grand-chose de ce jeune homme de 12 ans. Quand commence ce roman, il hésite à suivre la foule de badauds. Les massacres sont en cours. Il est seul. Ayant refusé l’invitation de Funga, le sorcier de son village, de le prendre sous sa férule.


Le texte est un cheminement que le lecteur fait avec cet orphelin. Trois ans. Après la folie du génocide des Tutsi du Rwanda. Faustin est un métis. Hutu, tutsi.

La construction de ce roman est assez sophistiquée. L’écriture de Monemembo n’est pas linéaire. Il choisit de lever le voile progressivement sur la personnalité de Faustin par le biais de ses relations avec les enfants de la rue, par les interrogatoires de police, par son interprétation, son déni ou ses absences sur ce qu’il a enduré, par sa relation fantasmée avec Claudine…

Ce sont les vagabondages de sa pensée depuis les geôles rwandaises qui nous sont ensuite transmises. Là encore, il y a un malaise, parce que le lecteur n’a aucune idée des mobiles de son incarcération. La chose qui semble certaine, c’est la solitude de cet adolescent dans la promiscuité d’une prison où acteurs du génocide et délinquants de droit commun se côtoient. Et sa personnalité retors apparaît peu à peu, au fil de ses évocations.

Comment exister quand on a tout perdu ? Comment poursuivre sa route quand on n'a plus de repère ? C’est à cette difficile question que Tierno Monemembo s’attache à répondre en prenant le soin d’interroger le sort des orphelins du génocide rwandais. Il offre, à l’instar de L’ombre d’Imana de Véronique Tadjo, un témoignage dense, bouleversant et magnifique. Des dernières pages de ce roman se dégagent une puissance et une émotion que je ressens encore en pianotant sur mon clavier. Mais au-delà de la folie, on est désemparé par la complexité de la nature humaine. Ce roman est porté par une sorte d’optimisme de Faustin et le sentiment d’une enfance trop tôt éteinte. Il est soutenu par l’espoir de Claudine qui déploie toutes ses compétences et sa personne pour trouver une voie de sortie à l’aîné des orphelins.

Un livre à lire et à faire lire. Je suis particulièrement heureux de découvrir cet auteur au travers de ce texte, et si le Roi de Kahel est de la même facture que ce roman, je comprends l’attribution du Renaudot à cet auteur guinéen.
 
Lareus Gangoueus, article initialement paru sur son blog
 
Editions du Seuil, 1ère parution en 2000
157 pages