La titrisation, un outil financier en développement sur le continent

520871-001La technique de titrisation qui a émergé aux Etats Unis puis en Europe vers les années 80, avait comme premier objectif de refinancer les portefeuilles hypothécaires. La titrisation peut jouer un rôle important dans l’allocation de l’épargne pour assurer le financement de l’économie. Aussi, permet-elle de développer et de diversifier l’offre sur le marché financier. Durant ces dernières années, le phénomène de titrisation a connu une propagation surtout en Europe. Parmi les facteurs qui peuvent contribuer à la progression des techniques de titrisation, les dérivés de crédit. Ces derniers permettent de transférer le risque de crédit d’un actif d’une contrepartie vers une autre pour un même propriétaire. En pratique, la titrisation est une opération qui consiste à transformer les créances en titres financiers liquides et négociables. Il s’agit en effet d’un outil de refinancement et de gestion du bilan pour les banques. Pour ces dernières, la titrisation est capable d’améliorer le ratio (fonds propres/endettement) et donc d’agir positivement sur le ratio de solvabilité des banques.

L’entité par le biais de laquelle s’effectuent les opérations de titrisation est le Fond Commun de Créances (FCC). Ce fond  est un organisme de placement collectif qui a comme objectif l’acquisition des créances à une banque ou à une assurance et l’émission sur le marché des parts représentatives de ces créances souscrites par des investisseurs. Les titres émis dans le cadre des opérations de titrisation sont nommés ABS « Asset Backed Securities ».

La titrisation est une activité émergente dans les pays africains, dans la mesure où certains pays ont essayé récemment de mettre en place et de développer un cadre propice pour cette activité. On peut mentionner :

L’Afrique du Sud : pays pionnier dans l' adoption de la technique de titrisation en Afrique. La première opération de titrisation a été effectuée par l’United Bank of South Africa Limited en 1989. En Afrique du Sud, la cession des créances se fait avec tous ses droits et ses obligations. Les actifs titrisés doivent être homogènes et toute opération nécessite l’accord de la « South Africain Reserve Bank » (SARB).

Le Maroc : en 1999, c'est avec la promulgation de la loi 10-98 qui avait comme objectif l’amélioration et le dynamisme du secteur de l’habitat qu’on a assisté à l’émergence de la titrisation. La première opération a été en 2002 d’un montant de 1.5 Md MAD  liée aux créances hypothécaires de premier rang détenues par les banques. En 2008, une nouvelle loi (la loi 33-06) a fixé le régime juridique applicable à la titrisation des créances à travers des fonds de placements collectifs en titrisation. Désormais, le champ de la titrisation s’est élargi à d’autres types de créances telles que les créances détenues par les établissements publics et les entreprises d’assurance.

La Tunisie : les textes législatifs régissant la titrisation sont les articles 35 à 48 du code des organismes de placement collectif, le décret 2001-2278 du 25 septembre 2001 et le règlement du Conseil du Marché Financier (CMF) relatif aux FCC et aux sociétés de gestion de ces fonds visé par l’arrêté du ministre des Finances du 31 janvier 2002. En Tunisie, le processus de titrisation est soumis au contrôle du CMF, du commissaire aux comptes et de l’organisme de notation afin d’assurer une protection pour les porteurs de parts. Le FCC qui a été crée en 2001, est soumis à un agreement délivré par le CMF. Le FCC est doté de la personnalité morale et a la forme d’une société anonyme au capital minimum de 100 000 dinars. Le rôle du FCC est l’acquisition des créances saines[1] issues des opérations de crédit ayant une durée supérieure à 3 ans. Il convient de noter aussi que les titres disposés à ce fond peuvent être des bons du Trésor, des actions ou parts d’OPCVM.

La zone UEMOA : la loi N° 02/2010/CM/UEMOA relatif aux Fonds Communs de Titrisation de Créance constitue le cadre juridique des opérations de titrisation dans l’UEMOA, qui autorise seulement la titrisation sur les prêts immobiliers. Les Fonds Communs de Titrisation de Créance sont constitués à l’initiative d’une Société de Gestion de Titrisation et d’un dépositaire responsable de la conservation des preuves des créances titrisés qui doit être une banque de  l’UEMOA. Le premier Fonds Commun de Titrisation de Créances dans la zone UEMOA a été mis en place et est géré par BOAD TITRISATION.

La titrisation est de plus en plus utilisée dans les marchés financiers internationaux pour drainer des ressources à moyen et long termes malgré qu’elle ait été à plusieurs reprises associée à la propagation de la crise financière de 2008, qui était liée à la mauvaise qualité des crédits octroyés ; démontrant bien que la titrisation, comme les autres techniques financières, comporte des risques. Par conséquent cette technique doit nécessairement être accompagnée par des mesures de précaution et de gestion de risques adéquats.

En Afrique cet instrument peut jouer un rôle fondamental dans le financement des économies et surtout dans le financement des infrastructures dont l’Afrique a besoin. Toutefois et pour éviter toute mauvaise utilisation de cette technique, cette dernière doit toujours faire l'objet d'une supervision rigoureuse de la part des autorités monétaires, avec une définition adéquate des normes décrivant la nature des prêts destinés à être titrisés. 

Aymen Ben Hassine


[1] D’après la règlementation bancaire, ces créances ne doivent être ni immobilisées, ni douteuses, ni litigeuses.