La lutte contre le proxénétisme en Afrique de l’Ouest

La lutte contre le proxénétisme dans les pays de l’Afrique de l’Ouest que sont : Nigéria, Niger, Ghana, Bénin, Togo, Côte-D’ivoire, Burkina-Faso, Sénégal, Gambie, Mauritanie, Mali, Cap Vert, Guinée Bissau, Libéria, Sierra Léone, n’a pas produit les résultats escomptés. Les états ont beaucoup plus axés la lutte sur la question sanitaire, à savoir les maladies sexuellement transmissibles (MST) et en particulier le SIDA. La faiblesse d’une réglementation dissuasive a constitué un terrain fertile au développement du proxénétisme.

On note néanmoins des excursions policières et des contrôles de routines dans les Etats mais ces actions ne sont pas pérennes et coordonnées dans le temps. Au Sénégal par exemple, la nouvelle plaque tournante de la prostitution en Afrique, les actions de la Division des investigations criminelles, de la sureté urbaine et du Groupement mobile d’intervention (GMI) ont permis de démanteler de nombreuses auberges, maquis et hauts lieux du proxénétisme dans les quartiers de Dakar comme la Corniche, le virage des Almadies, les Hlm, les Parcelles Assainies, Grand-Dakar ou encore Grand-Yoff. Rappelons que la prostitution est légalisée au Sénégal depuis 1969.

En Guinée Conakry, pour lutter contre la prostitution, la police arrête, rase, filme clients et prostituées et diffuse les images dans les médias audiovisuels locaux (Enquête de l’événement, L'envers et le décor du " business-sexe " à Ouagadougou, 16 juin 2009).

Au Burkina-Faso, Mali, Togo, Bénin et Côte-D’ivoire, on procède à la fermeture des bordels et chambres de passe pour freiner la propension de la prostitution dans la ville et aussi par des descentes policières musclées dans les grandes villes. Selon l'article 423 du Code pénal burkinabè, la prostitution est définie comme étant "le fait pour une personne de l'un ou de l'autre sexe de se livrer habituellement à des actes sexuels avec autrui moyennant rémunération. Est puni d'un emprisonnement de 15 jours à deux mois et d'une amende de 50 000 à 100 000 FCFA ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque se livre habituellement à la prostitution par racolage sur la voie publique". La loi du 13 avril 1946 toujours en vigueur, en son article 3, stipule que "seront punis d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende de 200 000 F CFA ceux qui, par gestes, paroles, écrits ou par tout autre moyen, procéderaient publiquement ou tenteraient de procéder au racolage de personnes de l'un ou de l'autre sexe en vue de provoquer la débauche ". Cette même loi réprime le proxénétisme qu'il soit exercé par un individu, un hôtel, ou un pourvoyeur de local privé, c'est-à-dire les gérants ou propriétaires de chambres de passe, de maison closes ou d'hôtel.

Au Ghana, la prostitution n’est pas reconnue comme une activité légale. La Police procède par des interpellations en vue de décourager des fois les jeunes filles et dames qui s’adonnent au plus vieux métier mais l’identification des cibles est un casse-tête car les activités se pratiquent souvent la nuit non plus dans des chambres ordinaires mais plus dans des hôtels et parfois dans des foyers conjugaux en l’absence d’un des partenaires du couple.

La prostitution est intimement liée au trafic des êtres humains et elle constitue même son bras armé. Selon le fond des nations unies pour l’enfance (UNICEF) et l’organisation internationale du travail), entre 200.000 et 300.000 enfants seraient chaque année victimes de la traite en Afrique occidentale1

La majorité de ces enfants ont plus de 90% de chance de se voir violentés, violés ou d’intégrer un réseau de prostitution. Le rapport sur la traite des êtres humains 2010 épingle la Côte d'Ivoire comme étant un pays de destination pour les enfants et les femmes victimes de la traite des personnes, en particulier à des fins de travail forcé et de prostitution forcée, encore qu’elle soit aussi un pays de transit et d’origine. Le rapport poursuit en affirmant que filles qui sont recrutées au Ghana et au Nigéria pour travailler comme serveuses dans les restaurants et les bars, finissent souvent par tomber dans la filière de la prostitution. La police ivoirienne a démontré qu’elle méconnaissait le phénomène de l’exploitation sexuelle des mineures, en effet lors d’une investigation, elle a démantelé un réseau utilisant des mineurs a des fins de prostitution mais elle a vite fait de conclure qu’il s’agissait de prostitution volontaire et non de traite des enfants2.

La Gambie est devenue une destination de choix pour les amateurs de mineurs mais plus spécifiquement pour les amatrices occidentales de très jeunes éphèbes noirs. Des femmes connues sous le pseudonyme "Marie-Claire’’, âgés entre 45-60 dont les pays d’origine sont : les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, du Royaume-Uni, et parfois de la France, se mettent à la recherche de jeunes mineurs. On peut les apercevoir se faire appliquer de la crème solaire sur le dos faire par des adolescents surnommés les «bumsters»3

La lutte contre ce phénomène en Gambie est entrain de porter des fruits non négligeables. Elle est l’œuvre des gérants d’hôtels, dont un grand nombre commence à s’organiser pour lutter contre le phénomène des «Marie-Claire» mais on déplore que beaucoup d’entre elles bénéficient de la complicité de la police et les conditions sociales rendent la situation moins reluisante. A cela, il convient de parler aussi de la lutte contre la prostitution des africaines dans les capitales occidentales. En effet beaucoup de jeunes filles considèrent l’Europe comme un eldorado, elles tombent dans les filets des réseaux criminels qui les obligent à se prostituer. Nous avons le témoignage de Rose, victime d’exploitation sexuelle.

Rose raconte : «Je pensais être libre en Europe », lance-t-elle, songeuse, assise dans le petit appartement lugubre de la ville portuaire de Gênes qu’elle partage avec deux autres travailleuses du sexe. Nous avons été enfermés dans un appartement pendant un mois et demi », se souvient-elle. « Ils ont vidé nos sacs et confisqué nos passeports » Rose pensait qu’elle se rendait en Europe pour y poursuivre ses études et travailler à temps partiel pour se faire un peu d’argent. Mais la jeune nigériane n’imaginait pas que les études n’étaient qu’un leurre et que la prostitution était le travail qui les attendait4

Les « Mamas » (pseudonyme que portent les femmes qui envoient les filles en Europe pour la prostitution) au Nigéria sont les véritables bras armés de la prostitution. Elles transforment ces filles en de véritables esclaves sexuels, les obligeant par un rite d’alliance vaudou à leur rembourser des sommes colossales sinon ces filles risqueraient de mourir ou devenir folles.

Les trafiquants exigent des filles qu’elles leur remboursent 50 000 euros (60 000 de dollars) environ pour les frais de voyage et d’hébergement, celles-ci devant travailler pour eux jusqu’à apurement de leur dette. En Avril 2015, un réseau de prostitution nigérian a été mis au jour à Nice(France) par la sureté. Ce fut un réseau de prostitution organisé par les «mamas » et dont la figure de proue était un prêtre officiant au sein de la communauté nigériane azuréenne5 .

En Mai 2014, un important réseau de proxénétisme en bande organisée, traite des êtres humains en bande organisée, blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs a été démantelée en France. Cette Bande était sous la houlette des « mamas »6. .

Solutions contre cette nouvelle forme d’esclavage humain

La lutte contre la prostitution sous toutes ses formes passe d’abord par rééducation de nos sociétés. La société africaine est malade et agonisante. Les valeurs ancestrales de dignité, d’ardeur dans le travail sont en voie de disparition. Notre société est un centre de consommation sociale irréfléchie que la globalisation est entrain d’ensevelir. Il est grand temps de rééduquer la jeunesse africaine. L’impact néfaste de certaines déviations de la culture occidental sur nos sociétés africaine n’est plus à démontrer. Cela se perçoit dans le mode vestimentaire, la manière de parler…

Il ne s’agit pas ici de faire le procès de la culture occidentale ou de sacraliser les sociétés africaines mais de comprendre le comportement de la jeunesse africaine par les déviations occidentales (pornographie, prostitution, homosexualité…) que l’on tente d’uniformiser en valeur universelle. En effet grâce au NTIC de nouvelles valeurs comportementales ont fait leur entrée en Afrique.

Si la jeunesse africaine est défaillante, c’est parce que les anciens aussi ont échoué quelque part. Les anciens ne sont plus des modèles disait le journalisme burkinabè Norbert Zongo. Nous devons donc éduquer la jeunesse sur la base des repères car ces stars de la pop américaines en général ne sont pas des repères fiables pour notre jeunesse.

Enfin, sans être trop idéaliste, la rééducation de nos sociétés doit passer par sa reconstruction. Nous devons détruire les valeurs de médiocratie et de cupidité, et construire notre société sur des valeurs d’honnêteté et surtout de la culture du mérite.

Par ailleurs, il est impératif de lutter contre la paupérisation dans nos sociétés. Nous devons donner à chaque Homme le moyen de gagner honnêtement et dignement sa vie. Ils sont nombreux ces jeunes diplômés en Afrique de l’ouest, laissés a eux-mêmes qui vagabondent dans les rues de Lomé, Ouagadougou, Bamako. Elles sont nombreuses aussi ces familles au bord de la dépression pour qui les besoins fondamentaux restent un luxe, elles assistent impuissantes a la flambée des prix de premières nécessités. Au même moment les dirigeants se targuent d’une croissance à 5 pourcent ou 7pourcent, ils sont en réalité les fossoyeurs de leur peuple. Eux qui se pavanent avec des voitures de la jet-set parisienne ou londonienne et dont les comptes bourrés en Suisse pourrissent dans les oubliettes devant la misère de nombreuses familles africaines qui plongent dans la résignation ou la rébellion.

Pour reprendre les propos d’un homme politique burkinabè : Si l’odeur de l’argent pouvait tuer mes voisins de quartier seraient déjà morts. La lutte contre la prostitution sous toutes ces formes passe par une coopération sous-régionale et internationale beaucoup plus grande entre les services de sécurité car avec la traite des enfants et le proxénétisme international, elle est entrain de devenir transnational. Il est aussi important de renforcer la sécurité frontalière car la porosité des frontières facilite le proxénétisme transnational des zones rurales vers les capitales des pays voisins.

Pour conclure avec les solutions, nous pensons qu’il faudrait une législation dissuasive et des textes juridiques uniformisés en Afrique de l’Ouest. La lutte contre la prostitution passe par une coopération sécuritaire, juridique sous régionale mais aussi par des plans d’actions d’éducation civique et morale et de lutte contre la pauvreté.

Octave Bayili

(1) Wilfried Relwende Sawadogo,The Challenges of Transnational Human Trafficking in West African Studies Quarterly, volume13, issues1-2, printemps 2012 http://www.africa.ufl.edu/asq/v13/v13i1-2a5.pdf,p3

(2) Source : Ambassade des Etats-Unis en Côte-D’ivoire http://french.cotedivoire.usembassy.gov/tip2010.html

(3) Source : Quotidien Britannique, Gambie. Banjul, nouveau paradis des pédophiles The Guardian – Londres www.guardian.co.uk/

(4) Source : IRIN, Gênes, 7 novembre http://www.irinnews.org/fr/report/69058/nigeria-la-prostitution-brise-leur-r%C3%AAve-de-libert%C3%A9

(5) Source : Nice-Matin, http://www.nicematin.com/nice/info-nice-matin-un-reseau-de-prostitution-nigeriane-mis-au-jour-a-nice.2188696.html 

(6) Source : http://www.prostitutionetsociete.fr/actualites/actualites-france/un-important-reseau-de