Se pare qui voudra des noms de ses aïeux :
Moi, je ne veux porter que moi-même en tous lieux ;
Je ne veux rien devoir à ceux qui m'ont fait naître,
(…)
Ma valeur est ma race, et mon bras est mon père
Pierre Corneille, Don Sanche d’Aragon, Acte I, Scène III
Il y a une obsession des racines comme il y en a une de la pureté, qui est une maladie infantile, la seule peut-être que je n’aurai jamais eu. J’ai déclenché, une fois, un mini-cataclysme sur Facebook en contestant ironiquement, me basant sur Desproges, le fait que les Nantais fussent Bretons. Je n’avais rien contre Nantes, ni contre les Bretons, mais je trouvais simplement risible et lamentable cette espèce de quête, de fièvre identitaire ambiante. Tout le monde veut être Breton ou Corse ou Alsacien, Tout le monde veut retrouver son patronyme Juif abandonné durant l’occupation par des grands-parents plus soucieux de leur survie que de s’appeler Lévy ou Blumenthal. Tout le monde veut être quelqu’un d’autre, rattaché à quelque chose qui le dépasse et sublime l’identité qu’il pense avoir déficitaire.
Personne n’a envie d’assumer seul ses soixante-dix kilos d’eau et d’os. On a besoin d’un grand-père qui a fait ou fui la guerre, on a besoin de faire partie d’une minorité, coûte que coûte. Alors on cherche par tous les moyens de trouver ce qui peut nous rattacher à un autre groupe, supérieur à soi-même mais suffisamment restreint pour ne pas que l’identité acquise se dilue. Et ce n’est pas là le constat de quelqu’un qui « renie » son arbre généalogique. Je suis simplement indifférent à tout ce folklore. Je me fiche de savoir si mon sang vient de Tolède ou de Tombouctou. Que mes ancêtres aient lâchement abandonné le champ de bataille ou se soient fait attachés à leur monture pour ne le quitter que mort ou victorieux m’indiffère au plus haut point. Que mon trisaïeul ait vendu des esclaves ou vu son frère emporté vers l’Amérique ne m’intéresse pas.
Que d’aucuns perdent leur temps à ces gamineries qui constituent, en elles-mêmes, un aveu de faiblesse, me sidère. On est toujours le fils d’un lâche, c'est-à-dire d’un homme qui refusa qu’avec sa mort sa race ne s’éteigne. Toute recherche généalogique est autopsie d’asticots.
Joël Té Lessia
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"Un ce que je vois" a la plume toujours aussi acérée et au propos plus que jamais politiquement incorrect. On en redemande, bravo !
Merci Jacques! Vraiment!