L’éducation scolaire est très souvent la conclusion qui émerge à l’issue de l’analyse des causes de la pauvreté. C’est ainsi que dans le cas particulier de l’Afrique, elle a fait au cours de la dernière décennie l’objet de plusieurs rapports, discours et programmes comme le démontre l'évolution de la prépondérance des mots "éducation et école" dans les ouvrages répertoriés sur Google Ngram Viewer. On y apperçoit clairement la montée en puissance de cette thématique de la Révolution Française (1789) jusqu’à la fin de la Belle Epoque (1914) ; suivi d’un regain de prépondérance après les indépendances dans les pays francophones (1960-1990) ; et à nouveau un accroissement fulgurant de la thématique de l’éducation scolaire dans les pays francophones depuis l’entame de leur démocratisation à partir de 1990.
Ainsi, l’éducation scolaire est présentée comme la panacée du développement. Or, si elle est aussi privilégiée même chez les pires dictateurs, c’est qu’elle est suffisamment flexible pour servir à toute les fins. Ce paradoxe se comprend bien lorsqu’on admet l’éducation scolaire comme un moyen de diffusion des idées ; ces dernières pouvant servir à des fins nobles ou perverses. Même si l’on convient que l’éducation scolaire en Afrique est porteuse d’idées nouvelles, voire favorables au développement, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas de nature à apporter des réponses concrètes aux défis auxquels font face les populations les plus pauvres au quotidien.
A mon avis, c’est là que se trouve l’un des principaux obstacles au développement en Afrique. Il faut donc plus que l’éducation scolaire, il faut des talents ; des talents capables d’innover, de rechercher l’exception dans la confusion, de briller là où se trouve l’obscurité, qu’elle soit mentale, spirituelle ou physique. L’éducation scolaire arrive dans un deuxième temps pour diffuser et faire adopter l’innovation des talents à toute la population. C’est dans cet enchaînement des rôles que se trouve la véritable force de l’éducation.
Ainsi dit, le processus par lequel émerge un talent est assez complexe. Il n’admet pas de solution miracle. Car, le talent est à la fois rebelle et fragile. Sa rébellion bouleverse l’ordre préétabli, que ce soit les normes sociales, l’équilibre des pouvoirs politiques ou économiques. Cette rébellion se confronte très souvent à une force sociale entretenue par ceux qui bénéficient de l’ordre préétabli. C’est l’existence de cette force qui explique en grande partie le peu de talents au service du développement des nations africaines. Même en l’absence d’une telle force sociale, le développement du talent requiert la solidarité de la part des autres membres de la société. Il peut s’agir par exemple d’un soutien financier dans la mesure où les talents individuels ne sont pas distribués en fonction du niveau de revenu initial. Pour ces deux raisons, une manière de promouvoir l’émergence des talents et de lever toutes les barrières matérielles, psychologiques et institutionnelles.
Le but n’étant pas de promouvoir l’émergence d’une élite intellectuelle chargée de diriger le reste de la société. Mais au contraire, il est question de libérer le talent qui sommeille en chacun que ce soit dans les domaines de l’art, des sciences ou des lettres. Ce processus peut être déclenché par l’éducation scolaire dans certains cas. Il faut pour cela que le système éducatif ait été conçu pour favoriser cette éventualité. Mon propos ne signifie pas non plus que le continent africain ne dispose pas encore de talents. Mais les quelques un qui y ont émergé ne lui appartiennent pas véritablement puisqu’ils s’épanouissent mieux en dehors du continent. Il est temps que l’Afrique dispose de ses propres talents.
Georges Vivien HOUNGBONON
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