En somme, l’échec du « Plan Annan » pour la Syrie devrait être une surprise. On est censé croire que rien n’annonçait la débâcle. Ni les faiblesses initiales du plan, ni le refus systématique par le régime syrien de l’appliquer, ni la façon même dont il a été accepté. Le plan Annan, approuvé par le Conseil de Sécurité de l’ONU, le 21 mars dernier, devait permettre de trouver une solution à la crise politique et militaire syrienne (qui dure depuis bientôt un an). Des six points du plan, un seul a été appliqué (en partie infime), le premier : la collaboration avec les équipes de Kofi Annan à la résolution de la crise. Depuis lors, rien. Ou plutôt si : l’intensification des attaques perpétrées par l’armée syrienne contre les insurgés et la population civile, et le récent massacre de Houla qui a « horrifié » la délégation de l’ONU.
Nos partenaires d’Arab-Think ont sur le sujet de la Syrie d’assez intéressantes analyses, le lecteur pourra s’y reporter avec profit. Ce qui est surprenant malgré tout, c’est que l’échec d’une initiative menée par Kofi Annan, dans un contexte de forte polarisation internationale, puisse encore surprendre. Si les succès passés sont des signes des réussites à venir, Kofi Annan aurait dû, depuis longtemps, être au chômage – du moins, dispensé d'intervenir dans des dossiers aussi brûlants.
Apparemment, dans les hautes sphères internationales, s’être gouré sur le Rwanda et la Bosnie, avoir laissé ces massacres se dérouler alors même que les casques bleus se trouvaient sur le terrain – il ne s’agit même plus de passivité, mais d’avoir activement fait en sorte que l’ONU n’intervienne pas – ne disqualifie personne de continuer à donner son avis sur la résolution de conflits. Assez étonnamment, ces épisodes sont absents de la biographie de Kofi Annan [PDF] présentée sur le site du groupe « The Elders ».
Bien au contraire, le document insiste sur les missions de paix et les initiatives en faveur du développement économique portées par l’ancien secrétaire général de l’ONU. Il fallait s’y attendre : l’octroi du prix Nobel de la paix en 2001 figure bien dans ce document – sans mention du fait qu’en ce qui concerne Annan, c’est le combat contre le VIH qui a fait « la différence ». Figurent également en bonne place ses « missions » au Zimbabwe, au Kenya, au Nigeria, au Timor Oriental, et en Côte d’Ivoire.
Aucune mention du fait qu’au Zimbabwe comme au Kenya, Kofi Annan privilégia la « solution » hautement bancale du partage du pouvoir entre le parti au pouvoir (perdant) et l’opposition (gagnante sur le papier, mais intimidée et brutalisée). Toutes les autres « missions » ne concernent que des zones où un consensus international existait déjà. Ce n’était pas le cas au Rwanda, ni en Bosnie. Ce n’est pas le cas en Syrie. Au Liban, en Israël tout comme au Soudan, aucune des initiatives menées par Kofi Annan n’a aboutit à une solution définitive. Bien au contraire. Son approche à la fois éminemment légaliste et anti-impérialiste a empêché toute prise de position claire et annihilé toute chance de succès.
Après c’est relativement facile d’être contre la pauvreté, contre le Sida, pour la diversité et pour l’émancipation des femmes. Vous connaissez beaucoup de personnalités publiques en faveur de la faim et du paludisme ? N’empêche, l’un des fils les plus éminents de l’Afrique subsaharienne est en mission pour l’ONU et la Ligue Arabe. Il faudrait apparemment et malgré son propre bilan, lui faire confiance. Pour quelle raison ? Bon gré, mal gré, c’est un connaisseur, un habitué. Kofi Annan dans son rôle favori : la position de missionnaire, pardi!
Joel Té-Léssia
Laisser uncommentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués par *