Au Burundi, nous sommes en train de voir se développer les germes d’un danger imminent, sans grande réaction autre que symbolique. L’entêtement de Pierre Nkurunziza à obtenir un 3ème mandat malgré une grande opposition d’une partie de son peuple a déjà coûté au pays un bilan macabre. Selon le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, 134 morts, des centaines d’arrestations et plusieurs milliers de déplacés ont été enregistrés.
Des cadavres de personnes tuées à bout portant, souvent avec des traces de torture, jonchés dans les rues de Bujumbura semblent devenir un spectacle quotidien dans le pays. Il se passe au Burundi quelque chose d’effroyable et qui peut bientôt virer au drame pour l’humanité à l’instar de cette balafre sur le corps de l’Afrique qu’est le génocide rwandais.
Il y a 20 ans, par un silence coupable, le monde a regardé une horreur insoutenable se perpétrer au Rwanda, alors petit pays niché au cœur de l’Afrique profonde, sans ressource. Donc peu digne d’intérêt. Parti d’une contestation politique sur fond de divergence d’interprétation de la constitution entre un président têtu et une opposition soucieuse d’exprimer de façon vive son avis dans la rue, on est aujourd’hui en face d’un vrai risque de basculement dans la guerre civile.
La répression du pouvoir burundais est atroce. Pierre Nkurunziza n’a jamais montré une réelle envie de trouver une issue pacifique à la crise qui secoue son pays depuis plusieurs mois. Au contraire, son attitude désinvolte a convaincu les plus optimistes qu’il n’a guère l’étoffe du leader à la hauteur de la situation du pays.
Mais ce qu’il a en face de lui n’est plus seulement une jeunesse qui se dresse pour recouvrer une souveraineté démocratique usurpée par un homme et un clan. Mais une véritable résistance armée, organisée et prête à en découdre.
Une rébellion sur fond de division dans l’armée ?
La disparition dans la nature du général Godefroid Niyombare, auteur du coup d’Etat manqué contre Nkurunziza et le degré de professionnalisme par lequel certains proches du président burundais on été tués laissent croire à une pareille éventualité. Le Burundi est aux portes de l’enfer de la guerre civile. Aux exactions du pouvoir succèdent ceux du camp d’en face. Les deux parties rivalisent dans la création des conditions d’un équilibre dans la terreur.
A l’assassinat, le 2 août, du général Adolphe Nshimirimana, très proche de Nkurunziza, est venu répondre celui du colonel Jean Bikomagu ancienne figure de l’armée. Depuis, l’escalade est de mise. Des dirigeants de partis d’opposition ont été tués. Le défenseur des droits de l’homme Pierre-Claver Mbonimpa ainsi que Prime Niyongabo, chef d’Etat major de l’armée burundaise, ont tous les deux échappé de justesse à des attentats. Le pays est en passe de basculer dans une violence généralisée sur fond de soupçon de déstabilisation du voisin rwandais.
Où va le Burundi ?
Jusqu’à quelle profondeur le pays s’enfoncera dans la violence ? Aucun scénario de sortie de crise ne se dessine. Pierre Nkurunziza a mis l’Afrique et le monde devant le fait accompli avec sa réélection contestée en juillet dernier.
Le camp du pouvoir refuse d’entamer le moindre dialogue avec ceux qu’il qualifie d’ « insurgés ». Et l’opposition armée n’est plus dans une logique défensive, mais attaque les positions du pouvoir. Elle est même visiblement dans une stratégie d’isolement de Pierre Nkurunziza à travers l’élimination d’éminents membres de sa garde rapprochée.
Quel est son but final ? Eliminer physiquement Nkurunziza et prendre le pouvoir à Bujumbura ? Ce scénario rappelle douloureusement celui de 1993 quand l’assassinat du président hutu Melchior Ndadaye avait lancé une guerre civile dans le pays avec à la clé 10 ans de conflit et 300 000 morts.
Les Nations Unies ne semblent pas prendre la pleine mesure du risque qui pèse sur ce petit pays pauvre. L’Union Africaine ainsi que les instances sous-régionales, quant à elles, malgré quelques déclarations de principe, peinent à imposer le dialogue à des acteurs dont la frénésie guerrière semble sans limite.
Or, le monde ne doit pas détourner son regard du Burundi. Nous ne devons pas nous lasser des morts quotidiennes qui reçoivent hélas, à terme, le triste sort d’une banale statistique. Le souvenir du Rwanda doit rester vif dans nos esprits. Le Burundi est un cas sérieux qui mérite qu’on s’y penche avant que l’irréparable ne s’y produise.
Hamidou Anne
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