Les préparatifs pour les élections législatives au Sénégal vont bon train. 47 listes candidates convoiteront les voix des électeurs le 30 juillet 2017. Ce nombre préfigure d’une campagne âpre et de résultats serrés à ce scrutin. Une Assemblée nationale émiettée devrait en découler.
Les principales coalitions qui se feront face sont construites autour de ténors de la vie politique sénégalaise. La coalition de la majorité sortante, Benno Bokk Yakaar (BBY) sera conduite par le Premier Ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne, et compte dans ses rangs le Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Monsieur Amadou Bâ ainsi que le Ministre de la Décentralisation, de la Gouvernance locale et de l’Aménagement du territoire, Abdoulaye Diouf Sarr. Elle rassemble des membres du Parti Socialiste et de l’Alliance des Forces de Progrès, parti de l’actuel Président de l’Assemblée nationale, et d’autres partis membres de la mouvance présidentielle.
L’opposition, elle, part en rangs dispersés après des efforts pour présenter une liste unique. La coalition Manko Taxawu Sénégal sera conduite par Khalifa Sall, le maire de Dakar, en détention provisoire dans le cadre d’une enquête pour une affaire concernant la caisse d’avance de sa mairie. Elle compte dans ses rangs Idrissa Seck, Président du Parti Rewmi et ancien Premier Ministre, ainsi que Malick Gackou, Président du Grand Parti. Elle pourrait gagner notamment Dakar, du fait de la présence de Khalifa Sall, et Thiès, fief d’Idrissa Seck.
L’autre grande coalition de l’opposition est conduite par l’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade, leader du Parti démocratique sénégalais. La coalition gagnante Wattu Sénégal est née de la scission avec Manko Taxawu Sénégal, du fait d’un désaccord sur la tête de liste. Elle pourrait représenter une sérieuse menace contre la coalition BBY. Le scrutin verra également la participation de nouvelles figures sur la scène politique sénégalaise. Il s’agit de l’ancien Premier Ministre Abdoul Mbaye, et de l’ex-Inspecteur des Impôts et Domaines, Ousmane Sonko, respectivement à la tête des coalitions Joyyanti et Ndawi Askan Wi. Ces deux personnalités adoptent une nouvelle façon de faire de la politique, avec des profils nouveaux. Ces élections seront un premier test pour eux, et leur permettront de connaître la perception que les Sénégalais ont de leur offre politique.
Ainsi, les divisions au sein de la classe politique, du côté de la majorité sortante comme de celui de l’opposition, ont marqué la confection des listes électorales. La multiplicité des listes candidates a été beaucoup dénoncée par certains responsables politiques. Il semble que ce soit le mode de scrutin (mixte) qui soit à l’origine de cette profusion de candidatures à ces élections. En effet, 90 députés seront élus sur des listes départementales au scrutin majoritaire à un tour, et 60 sur une liste nationale au scrutin proportionnel, tandis que 15 seront pourvus parmi les 8 départements de l’extérieur. Si le scrutin majoritaire favorise les grands partis, et notamment la majorité présidentielle, le scrutin proportionnel est, lui, à l’avantage des petits partis, en particulier du fait du système dit du « plus fort reste » qui fait attribuer des sièges selon le calcul suivant : il est déterminé un quotient national obtenu par le rapport du total des suffrages exprimés au nombre de sièges à pourvoir. Un siège revient à chaque liste qui obtient autant de fois ce quotient. S’il reste des sièges à pourvoir, ils sont attribués aux listes qui obtiennent le plus fort reste résultant de cette division dans l’ordre décroissant. En ce qui concerne le scrutin majoritaire, il fait attribuer l’ensemble des sièges à pourvoir dans un département à la liste candidate qui arrive première du vote.
Il faut noter que ce système comporte de nombreux inconvénients. D’une part, le système majoritaire ne traduit pas une représentativité du vote. Il ne prend pas en compte le poids de chaque formation dans le département donné car une liste peut remporter tous les sièges en jeu dans un département donné sans avoir la majorité absolue. Peut-être qu’un second tour serait plus juste. D’autre part, le système proportionnel favorise l’élection de candidats qui pourraient avoir plus de voix dans une localité que dans les autres, et qui atteindrait le quotient national sans nombre de voix conséquent.
C’est donc l’occasion de réfléchir au mode de scrutin pour les élections législatives. Devrait-on aller vers un scrutin majoritaire à deux tours pour permettre un partage plus net entre les candidats ? Devrait-on supprimer le scrutin proportionnel au niveau national ou le rendre plus représentatif ? Plus largement, ne devrait-on pas coupler les élections législatives et l’élection présidentielle ? Ne doit-on pas inclure un bulletin unique pour éviter l’impression d’un nombre inouï de papier ? Enfin, les formations politiques qui n’atteindraient pas un seuil minimal (5% par exemple) devraient-elles être autorisées à présenter des candidats ?
Ce sont autant de questions qui devraient mobiliser l’attention de la classe politique sénégalaise à l’issue de ce scrutin qui constituera un grand test pour la solidité de la coalition BBY au pouvoir.
Mouhamadou Moustapha Mbengue