Nkosazana Dlamini-Zuma, nouvellement élue à la tête de la Commission de l’UA, a insisté sur le fait que le développement des infrastructures constituera la priorité de son mandat. Ce volontarisme n’est pas nouveau. Déjà en 2005, lors du sommet du G8 de Gleneagles, avait été lancé le Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA) dont l’objectif est de mobiliser davantage de financement pour la création d’infrastructures durables. Dans ce sillage, un Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) a été élaboré en 2010/2011, à l’initiative de l’Union Africaine. Ce programme constitue le cadre prioritaire pour les investissements en infrastructures dans quatre secteurs jugés fondamentaux : l’énergie, le transport, l’eau et les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication).
Ce volontarisme ne peut cependant se comprendre que si l’on prend la mesure des besoins considérables de l’Afrique en matière d’infrastructures. Si ces besoins s’expliquent par le déficit actuel d’infrastructures, ils sont en outre accentués par les perspectives de croissance de l’Afrique.
Des besoins considérables d’infrastructures liés au déficit actuel…
Le diagnostic des infrastructures nationales en Afrique estime que pour combler le déficit d’infrastructures en Afrique[1], il est nécessaire d’investir 93 milliards de dollars par an avec la ventilation sectorielle suivante : 44% pour l’énergie, 23% pour l’eau et l’assainissement, 20% pour le transport, 10% pour les TIC et 3% pour l’irrigation. De ces cinq secteurs, les trois premiers méritent une attention particulière.
L’Afrique constitue le continent dans lequel l’accès à l’énergie est le plus faible, en raison notamment du déficit d’infrastructures. Selon la BAD, des 1,5 milliard de personnes qui vivent sans électricité dans le monde, 80% résident en Afrique subsaharienne. Une étude[2] de la Banque mondiale publiée en 2010 souligne que « les 48 pays d’Afrique subsaharienne (800 millions d’habitants) génèrent plus ou moins la même quantité d’électricité que l’Espagne (45 millions d’habitants) ». Le déficit d’infrastructures énergétiques constitue d’autant plus un handicap que le faible niveau d’accès à l’énergie, en plus des conséquences considérables sur la compétitivité économique des entreprises locales, est presque toujours à une carence en services de santé et d’éducation pour les populations.
En matière de transports, le déficit d’infrastructures constitue un véritable goulot d’étranglement. Cela est notamment le cas pour les infrastructures portuaires dont la capacité est souvent très en deçà des besoins. Le Port de Bissau par exemple, poumon de l’économie du pays, reçoit aujourd’hui environ 30 000 conteneurs par an alors qu’il a été initialement construit pour en recevoir 5 000. Et on pourrait presque en dire autant du port de San Pedro en Côte d’Ivoire ou de celui de Dakar au Sénégal. D’autre part, le manque de routes et de chemins de fer rend difficile la connexion entre les lieux de production et les marchés de consommation, rendant ainsi difficile le commerce intra africain qui ne représente de fait qu’environ 10% des exportations totales des pays africains comme le déplorait Dambisa Moyo[3].
Quant à l’eau et à l’assainissement, il devient de plus en plus important dans un continent qui doit faire face à un essor démographique qui accentue les difficultés d’accès à l’eau potable et les problèmes de salubrité publique. En milieu urbain notamment, la remise à niveau des systèmes de traitement, d’adduction et de distribution d’eau potable, l’accès des ménages aux ouvrages d’assainissement ainsi que la gestion des déchets constituent des préoccupations importantes pour les populations.
… et accentués par les perspectives de croissance de l’Afrique
Perspectives de croissance du PIB par habitant (en $) en Afrique à l'horizon 2060
Source: Banque Africaine de Développement, septembre 2011
Comme l’indique le PIDA dont les projections sur les besoins en infrastructures de l’Afrique repose sur une hypothèse de croissance du PIB de 6% par an jusqu’en 20140, « cette croissance et cette prospérité durables vont multiplier la demande d’infrastructures dont la pénurie est déjà l’un des plus grands obstacles au développement du continent ».
Dans le secteur de l’énergie par exemple, d’après le PIDA, la demande d’énergie de l’ordre de 590 térawatts-heure (TWh) en 2010 passerait à 3100 TWh en 2040. Cette explosion de la demande, alimentée par l’essor démographique et la croissance économique, nécessiterait une capacité de production de 700 GW alors que la capacité actuelle du continent tourne autour de 125 GW.
Dans le secteur des transports, les volumes transportés devraient être multipliés par 6 ou 8 dans la plupart des pays, faisant ainsi passé le trafic portuaire de 265 millions de tonnes en 2009 à 2 milliards en 2040.
Pour ce qui est de l’eau et de l’assainissement, l’essor démographique du continent dans les prochaines décennies et l’accélération de son urbanisation accentueront les besoins en infrastructures dans les villes africaines.
Dans l’ensemble de ces secteurs clés, il existe donc des besoins considérables en infrastructures. Parce que les enjeux se posent à l’échelle régionale et que les besoins en financement sont immenses, l’approche régionale et la mobilisation de financements innovants constituent les deux principaux leviers pour relever le défi des infrastructures en Afrique. Elles feront l’objet d’un prochain article sur Terangaweb.
Nicolas Simel
[1] Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique, 2010, étude commandée par le Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA)
[2] Infrastructures africaines : une transformation impérative, Banque Mondiale, 2010
[3] Dambisa Moyo, L’aide fatale, Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, Editions Jean-Claude Lattès pour la traduction française, page 187.
[4] Africa in 50 Years’ Time, The Road Towards Inclusive Growth, African Developement Bank, September 2011