La supercherie de la croissance des économies africaines

Comme au début de chaque année, le mois de janvier 2018 n’a pas échappé aux ballets d’annonces des performances macroéconomiques des pays africains. Et comme depuis un certain nombre d’années maintenant, l’Afrique est au premier rang en matière d’économies les plus prospères ; certains classements positionnant d’ailleurs six pays africains dans le top dix des économies en croissance sur l’année à venir.

La guerre des chiffres

 Ce qui frappe tout observateur de ces publications macroéconomiques est le manque de convergence en fonction de qui publie ces chiffres. Pour illustration, la Banque mondiale a estimé que l’économie de l’Afrique subsaharienne va rebondir à 3,2% en 2018 et à 3,5 en 2019 après une croissance enregistrée de 2,4% en 2017. Le Fonds Monétaire International (FMI) qui n’a pas encore annoncé ses prévisions pour 2018 table sur une croissance à 2,7% en 2017 pour l’Afrique subsaharienne. Pour sa part, la Banque Africaine de Développement (BAD) qui publiait les Perspectives Économiques Africaines (PEA 2018) annonce une croissance à 4,1% en 2018 et 2019 après 3,6% en 2017 pour toute l’Afrique, Afrique du Nord incluse (zone généralement associée au Moyen-Orient par le FMI et la Banque Mondiale). Selon certains spécialistes, cette divergence de chiffres s’explique par la différence des méthodes de calcul (indicateurs considérés dans le calcul du Produit Interieur Brut (PIB)) et des zones couvertes (Afrique entière ou Afrique subsaharienne).

Pour quelle validité ? 

Ces différences de performances macroéconomiques des états poussent à réfléchir, notamment à la lumière du scandale autour du classement Doing Business de la Banque Mondiale. Paul Romer (ancien économiste en chef de la Banque Mondiale) a démissionné récemment en critiquant son ancien employeur et l’accusant de défavoriser certains pays comme le Chili et d’en favoriser d’autres comme  l’Inde dans le Doing Business. Il dénonce notamment l’utilisation d’un classement qui fait autorité depuis 15 ans à des fins politiques, et ce depuis au moins 4 ans. C’est à se demander si une institution qui “aurait biaisée” son classement des pays les plus “business-friendly” n’aurait pas fait de même sur les autres indicateurs qu’elle publie. Quid de ses confrères ?

Pour quel impact ?

Au lendemain de la publication de ces chiffres, il est fréquent de voir les responsables politiques se féliciter des performances macroéconomiques de leurs pays. Seulement, ces derniers oublient très souvent les aspects microéconomiques. Selon les PEA 2018 de la BAD :” l’amélioration ne résulte pas d’un facteur unique. Elle est le reflet d’une conjoncture internationale plus favorable, du rétablissement des prix des matières premières, principalement le pétrole et les métaux, de la demande intérieure soutenue, en partie satisfaite par la substitution des importations, et des améliorations de la production agricole”. ​Le constat est encore beaucoup plus alarmant du côté du FMI, pour qui ​“en moyenne, la croissance du PIB par habitant devrait à peine dépasser zéro, et restera en territoire négatif pour près d’un tiers des pays de la zone à ​cause d’une croissance de la population élevée​”​.

A la lecture de ces commentaires, l’on peut se dire que nos politiciens se congratulent d’une croissance artificielle, complètement exogène et qui ne profite pas au panier de la ménagère. Pire, plusieurs pays africains ont basé leur croissance sur de l’endettement lourd pour financer les projets d’infrastructure, et comptent donc sur une population qui ne bénéficie pas des retombées de cette croissance pour rembourser la dette qui la génère. Au lieu de jubiler sur une croissance hors-sol, nos dirigeants feraient mieux de travailler pour des économies beaucoup plus inclusives. Pour cela, certains chantiers sur lesquels ils pourraient s’atteler sont : la modernisation des méthodes et outils agricoles, la mise en place de politiques d’industrialisation, la transformation locale des matières premières, l’amélioration du financement des PME, etc.

D’après certains spécialistes, plus de la moitié de la croissance africaine ne crée pas d’emplois. D’ailleurs l’Organisation Internationale du Travail estime que l’Afrique subsaharienne devrait connaître une augmentation du nombre de chômeurs qui devrait atteindre 30,2 millions en 2018, soit une nette progression par rapport aux 29,1 millions de chômeurs enregistrés en 2017. Il y a donc besoin de mieux redistribuer la richesse sur le continent. Comme le dit une vendeuse de beignets à Abidjan, « ce ne sont ni le métro ni le pont qui vont acheter mes beignets ».

LD

TIC et Développement Durable en Afrique

e-governmentTout au long des siècles, les innovations technologiques ont façonné les rapports entre les individus, ainsi que les interactions entre ceux-ci et leur environnement. On pense par exemple à l’imprimerie d’abord pratiquée par les Chinois (depuis le IIème siècle après JC) puis perfectionnée et démocratisée par Gutenberg. Il est dit que l’imprimerie contribua fortement à diffuser la pensée et les idées dès la Renaissance, révolutionnant par ricochet la transmission d’informations et de connaissances entre les individus. L’expansion d’internet dès le début des années 2000 a considérablement modifié nos modes de vie et ouvert la voie à de nouveaux outils et modèles de communication.  A travers ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le monde est devenu un « village planétaire » : la mondialisation, disait-on ! En révolutionnant nos environnements, nos cadres de vie, nos systèmes d’apprentissage, nos déplacements, nos schémas de réflexion, bref notre quotidien, les TIC ont remanié de fond en comble nos sociétés. Au cœur des transformations de ces dernières, les innovations technologiques apportent des réponses à des problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Constat encore plus marqué dans les pays africains : le boom des télécommunications y a créé des conditions idéales pour le développement d’application et de logiciels locaux.

 L’exemple le plus marquant est celui de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Le téléphone portable y est actuellement le 1er moyen d’accès à internet. Selon une étude publiée en 2013 par l’Association Mondiale des Opérateurs Télécom (GSMA), le nombre d’abonnés mobile dans cette région du monde a progressé de 18% par an entre 2007 et 2012[1]. En Afrique, la plupart des téléphones portables vendus sont des smartphones sous Androïd, un système d’exploitation pour lequel il est très facile de créer des applications/logiciels mobile. Ceux-ci permettent de créer des synergies entre différents secteurs et contribuent à l’innovation sociale (e-santé, e-learning, etc.), économique (mobile Banking, e-commerce…), environnementale (consommation d’électricité, gestion des déchets urbains etc.)

D’abord cantonnées à un usage privé, les TIC sont aujourd’hui plébiscitées dans la sphère formelle et institutionnalisée: elles sont appréhendées tels de véritables outils de développement, de croissance socio-économique pour des populations en quête d’émergence. Ces innovations technologiques, impactent inégalement les PIB des différentes pays africains : selon une étude du Mc Kinsey Global Institute (MGI) rendue publique en novembre 2015, internet contribue à 3,3% au PIB du Sénégal, 2,9% pour le Kenya, 2,3% pour le Maroc et 1,4% pour l’Afrique du Sud.[2]

Il n’est donc pas surprenant que les TIC soient directement mentionnées dans 4 des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés par l’ONU en septembre 2015. En tant que catalyseurs pour l’éducation, l’égalité homme-femme[3] ou moteur de la construction d'infrastructures résilientes pour une industrialisation durable[4] qui profite à tous, il est largement reconnu que les TIC jouent un rôle fondamental dans l’émergence de l’Afrique. Cet article revient sur le rôle que les TIC peuvent jouer dans l’émergence de l’Afrique ainsi que la manière dont elles participeront à la croissance inclusive sur le continent. 

 

  1. Les TIC comme catalyseurs de développement en Afrique

Tout l’intérêt des TIC en Afrique repose sur leurs usages et les services qu’elles permettent de développer : elles ne sont plus seulement utilisées comme de simples supports de communication (privée ou professionnelle)  mais plutôt comme de véritables instruments à des fins de développement socioéconomique. Le recours aux TIC dans le continent est passé d’un « usage de loisirs » à une « utilisation thérapeutique » : elles apportent des solutions aux besoins de base des populations : éducation, santé, transports, alimentation, accès à l’énergie et à l’eau potable etc.[5] Pourtant ce ne fut pas toujours le cas ; pendant très longtemps les « TIC-Sceptiques » ont vu l’émergence de ces nouveaux moyens de communication comme l’arbre qui cache la forêt ; un miroir aux alouettes qui détournait l’attention des « vrais » problèmes de l’Afrique : la famine,  la malnutrition, l’analphabétisme, l’illettrisme, les épidémies et pandémies, les guerres, les catastrophes naturelles et toute autre calamité collée à la représentation que certains se faisaient ( se font encore !) du continent. Ne dit-on pas que le temps est meilleur juge ? A ce propos, le temps a donné raison aux « TIC-Optimistes ». En effet depuis une dizaine d’années pléthores d’applications mobiles, développées par des start-up innovantes ont prouvé que les TIC ne sont pas superflues, bien au contraire qu’elles sont une des solutions pour résoudre  ces « vrais » problèmes auxquels les pays africains font face.

Pour les plus connues, elles s’appellent Obami en Afrique du Sud (plateforme-web de cours et vidéo éducatives gratuits),  Gifted Mom au Cameroun (santé de la femme enceinte et des nourrissons), M-Pesa au Kenya (paiement mobile), Jumia (e-commerce), W Afate au Togo (imprimante 3D à base de déchets électroniques),  M-Louma au Sénégal (bourse agricole en ligne). Toutes initiatives audacieuses illustrent le rôle incontournable que jouent les TIC dans la lutte contre la pauvreté, l’accès de tous à une éducation de qualité, l’accès aux soins de santé. Comme l’a souligné Alain François LOUKOU[6]  « les TIC ne constituent pas un problème totalement découplé des autres problèmes de développement. Elles sont plutôt en interaction avec eux». De plus l’usage des TIC à travers le développement d’applications mobile revêt une dimension de responsabilité intergénérationnelle, très peu mise en avant dans l’analyse de l’émergence des TIC en Afrique. En effet, en développant une application comme Gifted Mom, ou Obami, les créateurs répondent non seulement à des besoins actuels mais aussi anticipent des besoins futurs des générations suivantes : accès aux soins de santé,   accès à l’éducation etc.

En ce sens les TIC sont bel et bien des instruments qui permettront d’atteindre les Objectifs du Développement Durable tels que définis par les Nations Unies. On peut ainsi paraphraser la définition du Développement Durable en disant que les TIC sont des technologies qui permettent de répondre aux besoins des générations actuelles et à ceux des générations futures.

 

  1. Les TIC comme instruments de croissance inclusive

Il est indéniable que les Technologies de l’Information et de la Communication contribuent à booster le développement pour le continent africain. Il est révolu le temps où on voyait les TIC comme un luxe pour l’Afrique (en proie à de lourds retards structurels et infrastructurels). Aujourd’hui grâce aux TIC de nombreux entrepreneurs africains proposent  à leurs compatriotes des solutions locales aux problèmes locaux.  Mieux, certaines initiatives visent même une portée internationale : on parle de Glocalisation développer des solutions locales qui peuvent aussi bien s’étendre bien au-delà du marché national (notamment au sein de pays partageant des difficultés identiques). C’est le cas notamment des applications de transferts d’argent par mobile dans des sociétés où très peu de particuliers disposent de compte bancaire classique, mais possèdent 2 voire 3 téléphones portables. Aujourd’hui la réflexion ne porte plus sur l’utilité avérée des TIC pour le développement de l’Afrique. La question fondamentale est désormais comment les TIC peuvent-ils contribuer efficacement à la croissance durable et inclusive des pays africains ?

Face à ces bénéfices mentionnés ci-dessus, les gouvernants, les acteurs économiques mettent à pied d’œuvre des stratégies de promotion des TIC via l’émergence de l’économie numérique. Selon The Australian Bureau of Statistics,  l'économie numérique peut être définit comme l’ensemble des activités économiques et sociales génératrices de revenus qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux Internet, mobiles et de capteurs, y compris le commerce électronique. Cette nouvelle catégorie d’économie regroupe le secteur des TIC, les secteurs utilisateurs et les secteurs à fort contenu numérique, ces derniers ne pourraient exister sans ces technologies. Le caractère multidimensionnel des innovations technologiques en font un vecteur non négligeable de croissance, de productivité et de compétitivité dans certains divers secteurs comme l’agriculture, la finance, l’accès à l’énergie, la consommation de bien et services etc.

Mais pour que les TIC deviennent de véritables leviers de croissance (inclusive donc qui profitent à tous), les ressources nécessaires doivent être mobilisées.

  1. Le rôle des Etats

En commençant par une offre éducative et de formation en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. Très peu de structures éducatives proposent des enseignements à l’utilisation des TIC ; très peu d’écoles primaires, de collèges, de lycées en Afrique disposent d’ordinateurs pour l’enseignement de l’informatique. Rares sont les établissements qui proposent des cours ou ateliers d’initiation à internet. L’apprentissage se fait intégralement dans le circuit informel (auprès des amis, de la famille ou dans les cyber café).  Inutile de préciser les dérives que ce manque d’encadrement engendre (utilisation détournée des outils de communication à des fins peu éthiques).  Beaucoup d’apprenants sont des autodidactes ou au mieux ont suivi des enseignements dans des structures d’apprentissage et d’initiation aux TIC[7]. Ces formations arrivent trop tard dans l’offre de formation éducative quand elles n’en sont pas à la marge.  Le secteur de l’économie numérique est un secteur porteur dont les besoins en compétences seront très forts dans l’avenir. Pour ce faire, l’Afrique a besoin de former les futurs codeurs, ingénieurs, développeurs et ne pas s’enfermer dans un état de léthargie qui en fera un désert de compétences.

Par ailleurs du côté des administrations publiques, pendant longtemps celles-ci n’avaient pas investi la sphère digitale ; depuis quelque temps, on note une digitalisation des  structures gouvernementales (site web, compte sur les réseaux sociaux, numéro d’accès via application mobile etc.). Ceci dénote une mobilisation par le geste des pouvoirs publics qui comprennent progressivement l’intérêt des TIC dans la gestion quotidienne des services. La mise en place d’une administration dématérialisée permettrait aux Etats d’être plus performants et mieux servir les citoyens.

  1. Le rôle des entreprises

Rappelons que pour une croissance inclusive des pays Africains, les entreprisses  sur le continent ont également un  rôle primordial à jouer.

Aujourd’hui encore, l’accès à internet s’avère coûteux pour beaucoup de particuliers. L’offre tarifaire (très vaste pour que chaque consommateur trouve chaussure à son pied) reste souvent très élevée pour une consommation en permanence. Il n’est donc pas rare que certains n’aient pas accès à internet pendant plusieurs jours car leur forfait est épuisé. Il faudra alors recharger son téléphone pour avoir internet.  L’accès à internet est certes en hausse mais il est encore insuffisant pour combler la fracture numérique Nord/Sud et atténuer les disparités intrarégionales (zones rurales, péri urbaines et urbaines). Les coûts d’accès élevés sont un corollaire de la faiblesse des infrastructures et de la faible connectivité intracontinentale[8]. La réduction des tarifs des « abonnements » internet est un prérequis majeur pour que l’accès à internet en continu ne soit plus un luxe pour certains.

Pour cela, les entreprises de télécommunication en collaboration avec les Etats et les investisseurs doivent travailler à améliorer les infrastructures de télécommunications. Dans le cadre de leur Responsabilité Sociétale (RSE) ces entreprises gagneraient à déployer des réseaux de télécommunication plus performants et plus modernes : la vétusté des équipements et le faible taux d’électrification du continent sont les principaux handicaps qui affectent la qualité de service des opérateurs.

Le manque de capitaux dans le secteur des télécommunications peut  être résolu par la mise en place de garanties à savoir un climat des affaires plus sain et responsable. Conjointement avec les  Etats,  les entreprises doivent lutter conte la corruption et les pratiques déloyales. C’est ainsi que les pays africains sauront attirer de nouveaux investisseurs, pour palier le faible renouvellement des équipements et l’obsolescence des infrastructures. Les difficultés issues de la vétusté des équipements résultent aussi des défaillances dans la maintenance des infrastructures. Les insuffisances constatées s’expliquent également par l‘absence de ressources humaines hautement qualifiées. Toujours dans le cadre de leur RSE, les entreprises peuvent favoriser le renforcement  de compétences, de capacités en nouant des partenariats avec des centres de formations, afin que ceux-ci forment les apprenants aux métiers dont ont réellement besoin les entreprises. Une fois de plus l’éducation et l’offre de formation se trouvent au cœur de l’impact des TIC sur le développement des pays africains.

Mentionnons avant de clore cet article un élément peu traité dans la réflexion sur les TIC en Afrique : la gestion des déchets électriques et électroniques (DEE). Dans un contexte où la communication entre 2 opérateurs concurrents coûte excessivement chers, les consommateurs ont pris l’habitude d’avoir plusieurs téléphones (un pour chaque opérateur) ou un téléphone à 2 ou 3 puces. A cela s’ajoutent les tablettes et ordinateurs (portable ou fixe). Si on considère que chaque individu change de téléphone portable tous les 18-24 mois, tout cela représente une tonne de déchets non ou mal recyclés. Un certain nombre de précaution (par exemple porter des équipements de protection) sont à prendre dans le traitement de ces déchets.  En effet tous ces appareils sont composés d’éléments toxiques pour la santé des personnes et l’environnement s’ils ne sont pas correctement recyclés. En l’absence de réglementations, le marché du recyclage et de la revalorisation des DEE est principalement informel donc sujet à de graves manquement dans le respect des mesures de sécurité.  Dans le cadre de la RSE, les entreprises de télécommunication seront appelées à trouver des solutions à la gestion des « e-déchets ». Ces derniers, s’ils sont négligés entraineraient de graves dommages de santé aux recycleurs (cancers, problèmes respiratoires), et d’importants dommages environnementaux (pollution des nappes phréatiques et des sols à proximité des centres sauvages de tri et recyclage)[9].

 

Les TIC sont effectivement des instruments au service du développement durable de l’Afrique mais en poussant la réflexion plus loin, on peut affirmer qu’avec un certain nombre de prérequis remplis, les TIC peuvent être des catalyseurs de la croissance soutenable et inclusive des pays africains. Nous avons énuméré quelques points d’amélioration à l’égard des Etats et des entreprises en tant que principaux acteurs du développement du continent ; sans toutefois nier l’importance de la société civile dans cette marche vers l’émergence. Les TIC sont aujourd’hui un maillon fort de l’économie de beaucoup de pays africains dont la contribution d’internet pourrait atteindre 5 à 6% du PIB des pays africains d’ici 2025. Ce qui montre que le secteur est hautement dynamique. À cela, il faut ajouter un secteur informel dont les données par essence « informelles » échappent à toutes statistiques officielles.  Le secteur informel génère des  milliers (voire des millions) de petits emplois et des revenus substantiels aux personnes de tous âges et de tous sexes qui l’exercent partout où les réseaux sont disponibles.

Pour confirmer ces faits, il serait nécessaire que soient mis en place de solides indicateurs d’appréciation de l’impact réel des TIC sur le développement des sociétés africaines. Pour cela deux pistes : d’une part quantifier la part de l’économie numérique aux PIB des pays africains (à travers par exemple le nombre d’emplois décents et pérennes crées dans les secteurs liés aux TIC.). On parle d’approche comptable car elles s’expriment uniquement en termes financiers ou création d’emplois. D’autre part quantifier le manque à gagner des pays africains en cas de « privation » des TIC ; on évaluerait ainsi les conséquences organisationnelles sur les entreprises, les particuliers, les administrations de  la non utilisation des TIC.

 

Rafaela ESSAMBA


[3] 5.b  Renforcer l’utilisation des technologies clefs, en particulier l’informatique et les communications, pour promouvoir l’autonomisation des femmes

[4] 9.c  Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020

[5] Besoins qu’on peut assimiler aux 2 premières bases de la pyramide de Maslow à savoir les besoins physiologiques et ceux de sécurité/protection

[6] Alain François Loukou, « Les TIC au service du développement en Afrique : simple slogan, illusion ou réalité ? »

[7] Signe d’un fort engouement pour l’économie numérique et les TIC, des espaces d’innovation digitale (hub, pépinières, espace de co-travail, incubateurs..) voient de plus en plus le jour en Afrique.

[8] La plupart des pays africains utilisent la largeur de bande passante internationale pour un partage de données au  niveau local ; opération extrêmement chère.

L’économie bleue: une opportunité pour assurer une croissance inclusive en Afrique Subsaharienne!

blueDurant ces dernières décennies, les pays  d’Afrique Sub-Saharienne ont enregistré de forts taux de croissance entrainant une croissance moyenne de 5 % dans la région en 2014. Même si l’on note une baisse de ce taux en 2015 due à la chute des prix du pétrole, certains pays tels que la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal continuent d’enregistrer  de belles performances en matière de croissance. Toutefois, malgré ces performances, la plupart des pays d’Afrique Subsaharienne restent minés par des niveaux de pauvreté  et d’inégalités élevés, des systèmes de santé et d’éducation peu performants, ce qui explique  leurs indices  de développement humain (IDH) très bas. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain en 2015, 38 pays sur les 48 que compte l’Afrique Sub-Saharienne sont dans le quatrième et dernier cadrant, soit le cadrant des pays ayant un faible développement humain. On peut attribuer à cette situation, une inexploitation de toutes les potentialités dont disposent les pays africains. Parmi ces potentialités se trouvent celles offertes par les mers, les océans, les lacs, les fleuves et les rivières à travers la pêche, le tourisme, le commerce, la fourniture d’énergie et la production des produits pharmaceutiques qui permettent de créer de la richesse et des emplois. Si le commerce maritime est développé dans les pays côtiers d’Afrique sub-saharienne, la pêche, le tourisme, la production énergétique et la production pharmaceutique restent peu exploités. Cet article revient sur les aspects sous-exploités de l'économie bleue en Afrique subsaharienne et qui présentent un fort potentiel de croissance économique pour la région.

Tourisme : un secteur à forte recette mais très peu exploité par les pays de l’Afrique sub-saharienne

Selon l’Organisation mondiale du tourisme, les recettes mondiales du tourisme ont atteint 1500 milliards d’USD en 2014  dont  221 milliards d’USD de recettes de transports de voyageurs et 1245 milliards d’USD de dépenses des visiteurs en hébergement, repas et boissons, loisirs, achats et autres biens et services. Cela offre une très grande opportunité en termes d’emplois directs surtout pour la jeunesse.  Cependant, bien que les recettes mondiales du tourisme  soient élevées, l’Afrique n’en tire que 3 %, soit donc moins de 3 % pour l’Afrique Subsaharienne. Ce faible taux de recettes liées au tourisme est dû à un manque de politique d’envergure pour accroître les recettes du secteur touristique. Cette insuffisance de politique est caractérisée par des plages très peu aménagées et développées, une insuffisance d’infrastructures, un manque de promotion des sites touristiques et très souvent une forte instabilité politique.  Si les pays africains au Sud du Sahara, à travers les potentialités de tourisme qu’offrent les mers, peuvent améliorer leur secteur touristique et obtenir au moins 10 % de la part des recettes mondiales du tourisme, soit donc 150 milliards de dollars, alors ils pourront disposer de ressources supplémentaires pour financer des projets de développement.

Pêche et aquaculture : une faible production africaine dans la production mondiale

Le rapport de la FAO sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture de 2016 montre que le poisson continue de faire partir des produits de base les plus échangés dans le monde et que plus de la moitié des exportations en valeur proviennent des pays en développement. Cependant, la production aquacole marine et côtière de l’Afrique en 2014 n’a été que de 0,2 % (FAO, 2014), ce qui donne un chiffre moins que cela pour l’Afrique Sub-Saharienne. Quand on sait que l’Afrique dispose d’une zone maritime de 13 millions de kilomètres carré sur sa juridiction, on peut se demander pourquoi la production de l’Afrique est ci-basse. L’importance de la pêche et de l’aquaculture dans la transformation économique des pays d’Afrique Sub-Saharienne vers des économies inclusives réside dans leur capacité à créer des emplois directs surtout pour des populations défavorisées. Par exemple en Ile Maurice, le secteur de la pêche a permis de créer 29400 emplois en 2014 selon la FAO.  Il n’y a aucun doute que la pêche et l’aquaculture ont joué un rôle important dans l’essor économique des pays asiatiques durant ces dernières décennies. La preuve est qu’en 2014, 53 % de la production aquacole maritime et côtière mondiale de poissons viennent de l’Asie. Autrement dit, les exportations mondiales en valeur de poissons, citées au début de la section, viennent principalement des pays asiatiques.

Hydro-énergie : une potentialité à exploiter pour alimenter l’Afrique à 100 %

Il n’est pas sans doute que l’énergie est indispensable dans le développement économique de tout pays. L’électricité est indispensable pour le bon fonctionnement des services de santé, des services d’éducation et pour le bon fonctionnement des affaires, créatrices d’emplois. L’accès à l’énergie surtout en milieu rural permettra de créer un certain nombre d’emploi permettant de réduire structurellement le  niveau de pauvreté. En dépit de ces bénéfices de l’énergie, plus de 640 millions d'Africains n'ont pas accès à l'énergie, ce qui correspond à un taux d'accès légèrement supérieur à 40 %, selon la Banque africaine de développement. De même, selon la même source, la consommation d'électricité par habitant en Afrique subsaharienne (Afrique du Sud exclue) est de 180 kWh, contre 13 000 kWh par habitant aux États-Unis et 6500 kWh en Europe.  Bien que l’hydroélectricité fournisse  environ un cinquième de la capacité actuelle, le potentiel utilisé n’atteint même pas le dixième du total. Pourtant, selon l’Agence Internationale de l’Énergie, l’énergie renouvelable des océans pourrait fournir jusqu’à 400 % de la demande globale d’énergie. Autrement dit, les 28 pays côtiers pourraient alimenter 100 % de leur population et également exporter de l’énergie vers les 20 pays restant d’Afrique sub-saharienne. Les États africains doivent donc songer à une exploitation totale de l’hydroélectricité pour fournir de l’énergie à toute la population, ce qui permettra de créer des emplois et assurer une croissance inclusive.

Prise en compte des changements climatiques

Si les océans, les mers, les rivières et les lacs offrent d’énormes richesses à la population, leur surexploitation ou mauvaise exploitation pourraient avoir de conséquences néfastes sur l’environnement. En effet, l’indice de vie des espèces maritimes a connu une baisse de 39% de 1970 à 2010. Pour donc prendre en compte la production de l’environnement tout en profitant des bénéfices de l’économie bleue, il est primordial de respecter quelques règles. Les pays souhaitant donc profiter de l’économie bleu peuvent se référer aux recommandations du rapport Africa’s Blue Economy : a policy  handbook de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique. Ces politiques comprennent entre autres le développement d’un cadre pour promouvoir des infrastructures respectant l’environnement telles que les ports verts, l’utilisation des technologies renouvelables… Le rapport préconise également l’investissement dans les services d’informations sur l’environnement pour faciliter et la disponibilité des informations sur le climat et l’environnement.

 

Hamed Sambo

 

 

Source :

http://www.uneca.org/publications/africas-blue-economy-policy-handbook

http://www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/hdr/2015-human-development-report.html

http://media.unwto.org/fr/press-release/2015-04-15/les-exportations-du-tourisme-international-grimpent-1-500-milliards-d-usd-e

http://www.afdb.org/fr/the-high-5/light-up-and-power-africa-–-a-new-deal-on-energy-for-africa/

http://www.fao.org/documents/card/fr/c/9ba59d60-6d96-4991-b768-3509eeffc4da/

http://www.worldwildlife.org/publications/reviving-the-oceans-economy-the-case-for-action-2015

 

L’inclusion financière: Clé de la croissance durable pour tous en Afrique

inclusion_financièreLe taux de croissance moyen du PIB des économies africaines a été de plus de cinq pour cent par an depuis 2004, et nombreux sont celles qui devraient atteindre en 2060 le groupe des pays à revenu intermédiaire ou élevé. Cependant, cette vision ne peut être atteinte sans un secteur financier solide, développé et concurrentiel. Notamment, un système financier qui fonctionne bien sera une condition essentielle pour atteindre une croissance durable et inclusive.

Le secteur financier en Afrique a fait des progrès considérables en termes de développement et de stabilité. Beaucoup de pays africains ont fait des progrès dans la réforme de leur cadre institutionnel et la création d'un environnement propice à un meilleur accès aux services financiers. On observe une augmentation du taux de pénétration dans plusieurs pays africains grâce à des modèles économiques innovants tels que les services bancaires mobiles. Néanmoins, de nombreux défis restent à relever. Pour que les services financiers soient plus disponibles, accessibles, abordables et donc inclusifs, il y a lieu de développer des instruments financiers innovants et des infrastructures financières opérationnelles pour le bénéfice des groupes défavorisés et vulnérables.

Dans un livre récent intitulé « l'inclusion financière en Afrique "(co-édité par Thouraya Triki et Issa Faye), nous documentons l'état de l'inclusion financière en Afrique et fournissons aux décideurs, aux intervenants du secteur financier et aux acteurs du développement des informations précises sur les opportunités et les défis spécifiques qui méritent de l’attention et de l'action. Bien que l'accès aux services financiers se soit considérablement amélioré dans les pays africains, de nombreux individus et entreprises sont encore exclus des systèmes financiers formels. Le livre note en outre que moins d'un quart des adultes en Afrique ont un compte dans une institution financière formelle, et de nombreux adultes en Afrique utilisent des méthodes informelles pour épargner (comme les tontines, les fonds de funérailles, etc.) et emprunter (amis, famille et prêteurs privés informels). Néanmoins, le succès de certains instruments financiers novateurs tels que le Mobile-banking en Afrique de l'Est offre davantage de possibilités en matière d'inclusion financière, en particulier pour les pauvres, les femmes, les jeunes, les personnes vivant dans les zones rurales et les petites et moyennes entreprises (PME).

Une nouveauté de cette publication est l'analyse qu'elle fait de l'impact que l'instabilité politique et la vulnérabilité économique peuvent avoir sur la capacité des ménages et des PME à accéder à différents types de services financiers. Selon le livre, seulement 14 pour cent des adultes vivant dans des États fragiles d'Afrique ont un compte dans une institution financière formelle. Compte tenu du risque élevé pour certains pays africains d’être en situation de fragilité, le livre préconise qu'il est impératif que l'inclusion financière efficace et durable fasse partie des stratégies nationales de reconstruction. Le livre encourage également une plus grande coordination entre les partenaires de développement pour une approche contextualisée, flexible et adaptée à l'inclusion financière dans les États fragiles.

Pour que l'inclusion financière devienne un moteur de la croissance durable et inclusive en Afrique, les auteurs prévoient une série d'options stratégiques concernant le rôle de transformation que la technologie peut jouer dans la réalisation d’une plus grande inclusion financière, la nécessité de concilier l'inclusion financière et la stabilité financière, les leçons que l'Afrique pourrait apprendre des autres pays en développement, et le rôle des institutions financières de développement (IFD) pour aider à la conception et la mise en œuvre de programmes d'inclusion financière en Afrique. Les principaux messages du livre sont:

  • Les services financiers mobiles peuvent aider l'Afrique à parvenir à un développement plus important et plus inclusive. En fait, l'inclusion financière a le potentiel de stimuler l'épargne intérieure, l'augmentation des transferts d'argent entrants de la diaspora, et de réduire les coûts de transactions des PME et du secteur privé en réduisant le nombre de ménages et des entreprises financièrement exclus en Afrique.
  • La stabilité financière et l'inclusion financière pourraient constituer des objectifs complémentaires. Pour assurer une stratégie réglementaire inclusive, les régulateurs financiers devraient adopter un cadre conceptuel qui permettra d'atteindre l'inclusion financière tout en préservant la stabilité et en tenant compte des exigences réglementaires inhérentes aux différentes fonctions de l'industrie des services financiers.
  • Les modèles d'affaires innovants et rentables mis en œuvre par d'autres pays en développement (comme en Amérique latine) pour élargir l'accès aux services financiers pour les ménages à faible revenu pourraient inspirer les gouvernements africains et d'autres intervenants afin d'atteindre une plus grande inclusion financière en Afrique. Un exemple notable est le modèle de l'agence bancaire.
  • Les IFDs sont de plus en plus des acteurs clé dans la promotion de l'inclusion financière en Afrique. Afin de renforcer l’impact de leurs interventions sur le développement, il est nécessaires de promouvoir une plus grande collaboration entre elles; mettre à leur disposition plus de ressources et de compétences pour promouvoir les activités de renforcement des capacités, et renforcer les effets d’entraînement et catalytiques de leurs projets d’inclusion financière devrait être la norme.

 

Un article de Mthuli Ncube, initialement paru sur son blog de la Banque Africaine de Développement, traduit de l'anglais. 

Assurer une croissance inclusive pour l’Afrique : la vision africaine

Le Fonds Monétaire Internationale (FMI) a publié en début de mois ses perspectives économiques mondiales (WEO). Le scénario indique un maintien des performances économiques pour l’Afrique sur le court terme, bien que pouvant être fortement altéré par les évolutions des prix mondiaux (mines et extractives). Ces performances ont particulièrement attiré l’attention sur la situation socio-économique de l’Afrique et les craintes qu’elles ne soient pas suffisantes pour réduire les inégalités. Une conférence des ministres africains de l’économie en marge de l’assemblée d’automne du FMI s’est penchée sur la question et estime que l’amélioration des infrastructures et une meilleure gestion des ressources naturelles permettraient certainement de promouvoir une croissance inclusive en Afrique. 


une_croissance_inclusive_folySi, par rapport au WEO d’avril (mis à jour en juillet), le scénario mondial du Fonds est plutôt pessimiste pour 2013 (et dans le très court-terme), il estime que la situation devrait s’améliorer en Afrique. Il prévoit une croissance d’au moins 5% par an pour l’Afrique d’ici 2020, conformes à celles réalisées en juin par la Banque Africaine de Développement. Cependant cette performance pourrait être remise en cause par les évolutions des prix mondiaux des principaux produits exportés par l’Afrique. Cette crainte a soulevé la problématique de la diversification des économies africaines et la nécessité de rendre cette croissance inclusive. Cette question qui a constitué à TW-ADI un sujet de recherche, a été l’objet d’une conférence organisée, en marge l’assemblée annuelle du FMI/BM, par certains ministres africains en charge de l’économie et des finances (Angola, Côte d’Ivoire, Gabon, Libéria). Ils estiment que l’Afrique devra miser sur l’amélioration de leurs infrastructures et la gestion de leurs ressources naturelles pour promouvoir une croissance inclusive.

Des efforts contraints par l’environnement économique mondial

Pour améliorer la productivité tout en luttant contre la pauvreté, des efforts considérables ont été mis en œuvre ces dernières années au sein des pays africains pour renforcer le capital humain à travers l’enseignement et la formation. Les ministres estiment que si des mesures très efficaces ont été mises en œuvre dans les pays pour améliorer l’environnement des affaires et rendre leurs économies plus attrayantes, la richesse du continent ne devrait pas simplement se mesurer à l’importance de ses ressources humaines. La qualité des ressources humaines (capables d’effectuer des transformations) pour incorporer plus de richesses à ce qui est extrait, est tout aussi importante. Cependant, beaucoup reste encore à faire face à la défaillance des systèmes scolaires et l’inadéquation de certaines formations professionnelles.

Dans un tel contexte, les économies africaines risqueraient de subir de pleins fouets les tensions qui pèsent sur l’économie mondiale. Les possibilités de financement risquent de se faire rares et les flux commerciaux, déjà très limités de l’Afrique et principalement destinés à l’occident, pourraient se réduire. Le retrait des politiques monétaires non conventionnelles et les retombées des problèmes budgétaires aux États-Unis qui constituent un risque majeur pour l’économie mondiale, seraient moins enclins à épargner l’Afrique comme la crise de 2008. Il devient ainsi impératif pour l’Afrique de s’appuyer, comme la plupart des grandes économies sur son marché intérieur pour assurer son « émergence ».

Résorber le déficit d’infrastructures

Selon les ministres, en plus de l’amélioration de la qualité des ressources humaines, il s’avère plus qu’important de résorber le déficit d’infrastructures de l’Afrique. Ambitieux sont les projets d’infrastructures qui devraient faciliter la circulation des personnes et des biens sur le continent. Se déplacer d’une région à l’autre au sein d’un même pays, ou d’un pays à un autre, est très couteux sur le continent alors que cela est nécessaire pour assurer les échanges commerciaux et financiers, pour le développement des entreprises mais aussi pour le développement de la recherche.

Le secteur énergétique en Afrique est des moins performants et est une source de dépense pour les Etats. Il constitue une des principales causes du déficit budgétaire enregistré par les pays africains du fait des subventions déployées pour assurer l’approvisionnement. Les réserves pétrolières devraient être utilisées de façon à constituer des sources d’approvisionnement pour le continent.  Alors que tous les efforts sont actuellement concentrés sur ce secteur, d’autres secteurs tout aussi importants devraient mériter un regard, notamment le secteur des transports (aérien, maritime, routier, …). Des réformes seraient nécessaires dans le domaine de la logistique pour permettre à ce secteur d’être plus performant.

Gestion des ressources naturelles

Les ministres ont insisté sur l’importance des ressources naturelles pour assurer la croissance à court terme de l’Afrique. Les exportations de pétrole ou de produits miniers ont aidé le continent africain à atteindre un taux de croissance de plus de 5% ces 10 dernières années. Ces ressources étant appelé à s’épuiser, il serait opportun d’entreprendre au niveau national et dans une moindre mesure, au niveau régional, la diversification des économies afin de réduire la dépendance aux ressources du sous-sol. Ainsi le renforcement du capital humain entrepris dans les pays devrait contribuer à améliorer la gestion de ces ressources mais aussi à assurer l’émergence progressive d’un tissu industriel en Afrique.

La situation économique mondiale (la récente crise de 2008), qui certes a épargné l’Afrique, constitue pour le continent une source d’enseignements qui devrait inciter les pays à définir des mécanismes permettant de les protéger des tensions sur les marchés mondiaux. Chaque pays tente aujourd’hui de mettre en place un fonds souverain ou d’investissement avec pour ambition de mettre à disposition des générations futures les moyens financiers nécessaires pour l’entreprenariat. Si l’efficacité de telles structures n’est pas encore prouvée, leur pérennisation est toutefois nécessaire pour assurer une dynamique économique non rentière.

L’ambitieux projet d’une Afrique émergente d’ici 2020, passera forcement par une croissance forte mais inclusive. Une étude menée par le Think-Tank TerangaWeb – L’Afrique des Idées a identifié quelques pistes de réflexions pouvant être favorable à rendre inclusive la croissance en Afrique[1]. Les autorités économiques africaines semblent au fait de cette situation et pensent d’ores et déjà aux mécanismes pouvant permettre de maintenir ou de renforcer les performances économiques actuelles de l’Afrique tout en la rendant favorable au développement social du continent. Selon les ministres africains de l’économie, cela passe par la résolution des questions relatives aux infrastructures et à l’amélioration de la gestion des ressources naturelles.

 

Aller plus loin :

Pour une croissance inclusive en Afrique

La croissance africaine est-elle condamnée à ne pas générer d’emplois ?

Les déterminants d’une croissance africaine à long terme

 

Foly Ananou

 

 

 


[1] Les résultats de cette étude ont fait l’objet de présentations à des conférences internationales. Leur approbation et publication est en cours …

 

 

Une nouvelle vision de l’aide au développement

adp« Nous ne voulons pas de vos poissons, apprenez nous à pêcher tout simplement » aurait été certainement la réponse de Confucius s’agissant de l’aide au développement.

Le philosophe chinois Confucius (Kong Fuzi) avait très vite cogité et compris que : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ». Cette vieille leçon d’un demi-millénaire avant Jésus Christ, n’était certainement pas adressée à l’aide publique au développement que nous connaissons, mais elle n’a rien à envier aux réponses récemment formulées à l’égard de celle-ci.

On aurait pu se passer volontiers de définir ici cette aide au développement, on la connaît si bien ! D’une part, parce que c’est la chose la mieux défendue par les nations dites « pauvres » sur les tables de négociations internationales. Et d’autre part, parce que tout simplement, c’est aussi l’un des débats les plus abordés dans la littérature économique récente. Du best seller mondial de Joseph E. Stiglitz (2002) « La grande désillusion », s’agissant des « faux objectifs de façades de lutte contre la pauvreté au Sud» menés par le Fond Monétaire International (FMI), au non moins best seller, très osé, et surtout très controversé ouvrage de la zambienne Dambisa Moyo (2009) « L’aide fatale », sans parler de la panoplie d’articles en tout genre sur la question, comme la critique de Marc Raffinot (2009) sur Dambisa Moyo.

Il n’y a quasiment plus rien qu’on puisse dire sur cette aide au développement, qui soit vraiment nouveau, aussi bien dans le fond, que sur la forme. C’est connu et reconnu que l’aide publique au développement n’aide pas vraiment, elle ne serait pas non plus une fatalité, c’est un flou total quant à son efficacité. Curieusement, l’aide persiste et même s’accroit (Figure 1), malgré les crises financières très sévères, les crises de la dette, et la très forte pression sociale au Nord, d’Irlande en Grèce, en passant par le Portugal et l’Espagne,…, sans oublier les Etats-Unis hyper endettés auprès de la Chine, et à ce propos, Jacques Attali (2013) n’y va pas par le dos de la cuillère : « Les Etats-Unis sont  donc dans une situation bien pire que celle de  l’Union Européenne, et même que les plus endettés des pays de l’Union. Ils sont en faillite ». La morosité des économies du Nord laisse difficilement croire, dans la débâcle absolue actuelle, que l’aide, c’est vraiment pour aider !

Figure 1 : Evolution des montants de l'APD des cinq gros donateurs entre 2001 et 2011 (Source : diplomatie.gouv.fr)

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Cet article s’inscrit au cœur du débat sur l’aide publique au développement de façon « terre-à-terre », et s'adresse au grand public. Il tente de trouver des alternatives pour la croissance inclusive pour les pays de l’Afrique Sub-saharienne, que l’aide pourrait accompagner comme une mise en orbite, puis s'arrêter progressivement avant de l’être définitivement dans un horizon temporel le plus court possible.

Qu’est-ce que l’aide au développement ?

Jean-Michel Servet (2010) souligne que l’aide trouve son origine dans le discours d’investiture (le 20 janvier 1949) d’Harry Truman, alors président des Etats-Unis.

L’aide était perçue en Amérique comme étant une véritable « arme de guerre » qui devait servir les intérêts américains contre l’influence communiste, jadis en pleine guerre froide. Vingt ans plus tard, en 1969, le Président Nixon n’en faisait guère l’amalgame, comme le rappelle Yolande S. Kouamé (2002). Nixon disait clairement : « Rappelons-nous que le but de la coopération au développement n’est pas d’aider des pays tiers, mais de nous aider nous mêmes » !  

Déjà au départ, elle n’était d’aide que de nom ! Au fil des ans, elle a changé de visage, et s’est toujours adaptée au contexte, jusqu'à intégrer plus récemment celui du développement durable. Si d’aucuns murmurent que même l’aide humanitaire se crée, nous autres au Sud en doutons de moins en moins.

Formellement, l’Aide Publique au Développement (APD) est une part du revenu national brut (RNB) d’un pays développé membre du Comité d’Aide au Développement (CAD). Elle est consacrée au financement de programmes de coopération au développement des pays pauvres et des pays à revenu intermédiaire, suivant une liste mise à jour annuellement. Actuellement, 26 pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE)  ont rejoint le CAD, dont justement : la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, les Etats- Unis, … L’aide à consacrer est fixée à 0,7% du RNB, avec une date butoir d’atteinte des 0,7% en 2015, conformément à l’objectif des Nations- Unies en 1970. Ce taux est reconduit en 2000 au Sommet du Millénaire des Nations- Unies à travers les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Jusqu’en 2011 (Figure 2), aucun des plus grands donateurs à savoir : les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Japon, n’avait atteint 0,6% du RNB. Les  Etats-Unis consacraient à l’aide 0,2% du RNB, ce qui représentait 23% du total des APD, soit 22,2 milliards d’euros !

Figure 2 : L’Aide publique au Développement en chiffres, en 2011 (Source : diplomatie.gouv.fr)

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L’aide au développement et le développement

Selon François Perroux : « le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rend apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global». Ce qui signifie que, le développement est extrêmement complexe, il ne s’atteint d’aucune façon en empruntant des raccourcis, or l’aide est une sorte de voie rapide littéralement illusoire, qui mène tout droit au perpétuel recommencement.

D’une décennie à l’autre, d’un programme à un autre, on finit toujours par se rendre compte qu’il fallait allouer l’aide autrement, parce que ses effets pervers l’emportent toujours sur ses bénéfices. A ce propos la thèse de Dambisa Moyo (2009) pour un arrêt progressif de l’aide, de sorte à se sevrer totalement, le plus rapidement possible semble pertinente. Il faut d’urgence explorer d’autres pistes pour une croissance soutenue, durable, et surtout responsable.

Nicolas Lemay-Hébert et Stéphane Pallage (2012) ont démontré avec brio les effets pervers de l’aide, ils disent en ces termes que : «  Il est difficile de concevoir que de tels afflux d’aide n’aient pas donné d’importants résultats. Pourtant de nombreux pays récipiendaires d’aide ont connu de véritables tragédies du développement. Le plus célèbre d’entre eux est la République démocratique du Congo, dont le revenu par habitant en 2007, corrigé pour l’inflation, représentait 20 % de ce qu’il était, en unités comparables, en 1960 ». Le tableau ci-dessous présente le PIB par habitant, exprimé en dollars US constants de 2005, et corrigé pour les différences de coûts de la vie (ppp ou parité du pouvoir d’achat) en 1960 et 2007. Tout facteur inférieur à un, implique une baisse du niveau de vie entre les deux dates. Le tableau parle de lui-même !

Évolution du PIB par habitant entre 1960 et 2007

Penn World Tables (Heston, Summers et Aten, 2011), via Lemay-Hebert et Pallage (2012)

L’aide n’est pas plus qu’une folle mise en compétition des nations face à la pauvreté, ce qui a pour conséquence de les engouffrer davantage. Si les donateurs y trouvent un intérêt certes, les véritables responsables, il faut le dire, sont les gouvernements des pays récipiendaires. Marc Raffinot (2009) le dit de la meilleure manière : « De nombreux gouvernements africains cherchent à maximiser l’aide, considérée comme une ressource permanente, plutôt que d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies pour accélérer la croissance et réduire les inégalités ». Ont-ils encore le choix de passer outre? Le très cupide ver, « sournois » de surcroit, n’est-il pas déjà profondément enfoui dans la très juteuse pomme « pauvre » ?

L’aide a cette fâcheuse tendance à se transformer en une machine adaptatrice à volonté des modes de vie, créant une société consommatrice de biens finis qu’elle ne produit pas, et productrice de biens qu’elle ne peut pas consommer. Le but étant de servir une mondialisation à deux vitesses, toujours sous le prétexte de lutter contre la pauvreté. Un jeu appauvrissant auquel on vous invite bon gré, mal gré, et dont vous ne pouvez que prendre acte des règles. On se souviendra du très cauchemardesque film documentaire d’Hubert Sauper (2004) : « Le Cauchemar de Darwin ».

Malheureusement, s’agissant de la pauvreté, il est plus facile d’en dresser des statistiques, d’en définir un seuil (absolu et/ou relatif) selon une quantité de monnaie par jour, que de sortir un peuple de la pauvreté par l’aide. Lubrano (2008), et Davidson & Duclos (2000) sont revenus largement sur les techniques quantitatives de mesure de la pauvreté et des inégalités.

Vers une croissance inclusive, excluant peu à peu l’aide extérieure sous toute forme.

Si l’aide a permis de financer certes une part non négligeable des infrastructures des pays qui en sont tributaires, on est littéralement incapable de dire ce qu’auraient été ces pays sans aide. A l’évidence l’aide n’a non seulement pas permis le développement qu’elle a longtemps promis, bien au contraire, elle a fortement contribué à appauvrir ces pays, en décourageant quasi-systématiquement toute incitation interne de développement. Par exemple, il y’a moins d’un mois le Rwanda a lancé avec succès un emprunt obligataire d’environ 300 millions d'euros dans le marché international des capitaux, pourtant très exigeant, après un refus d’aide par le Royaume-Uni de prés de 26 millions d’euros en fin 2012. Pour peu importe le motif de ce refus, son effet a été de permettre au Rwanda de battre de ses propres ailes, en prenant davantage ses responsabilités.

L’Afrique sub-saharienne a besoin d’une sérieuse intelligence économique qui lui soit propre, incluant toute les couches, d’une stratégie large de communication innovante, se diffusant en profondeur, de sorte à refonder un espoir de sortie de pauvreté sans aide à long terme, soutenu par les masses populaires. C'est-à-dire, en misant davantage sur la croissance inclusive. Ce message est de plus en plus porté par de jeunes africains, à l’image du think-tank l'Afrique des idées, où justement d’imminentes réflexions sont menées en faveur de la croissance inclusive Nicola Simel (Juillet 2012).

Mahamadou BALDE

Bibliographie :

  • Dambisa
Moyo, l’aide fatale. Les
ravages
d’une
aide
inutile et de
nouvelles
solutions
pour
l’Afrique. JC
Lattès, 
2009, 
250
p.
  • Davidson, R. et Duclos J.-Y. (2000), Statistical inference for stochastic dominance and for the measurement of poverty and inequality ; Econometrica, 68, 1435–1464
  • Hubert Sauper, Le Cauchemar de Darwin (Darwin's Nightmare), Arte et WDR  2004
  • Jacques Attali (Blog) http://blogs.lexpress.fr/attali/2013/02/11/les-etats-unis-sont-en-faillite/
  • Jean-Michel Servet, « Aide au développement : six décennies de trop dits et de non dits », Revue de la régulation [En ligne], 7 | 1er semestre / Spring 2010
  • Joseph E. Stiglitz, La Grande Désillusion, Fayard, juillet 2002, 324 p.
  • Marc Raffinot « Dambisa Moyo, L'Aide fatale. Les ravages d'une aide inutile et de nouvelles solutions pour l'Afrique », Afrique contemporaine 4/2009 (n° 232), p. 209-216.
  • Michel Lubrano, Introduction à l'économétrie des mesures de pauvreté, Document de Travail n°2008-09, GREQAM, Mars 2008
  • Nicolas Lemay-Hébert et Stéphane Pallage (2012). Aide internationale et développement en Haïti: bilan et perspective. Haïti Perspectives 1(1), 13-16.
  • Nicola Simel, Pour une croissance inclusive en Afrique, Terangaweb (Juillet 2012)
  • Yolande S. Kouamé, Coopération : vers la fin de l’aide liée, MFI HEBDO : Economie Développement 08/11/2002, rfi.

Le défi des infrastructures en Afrique

Nkosazana Dlamini-Zuma, nouvellement élue à la tête de la Commission de l’UA, a insisté sur le fait que le développement des infrastructures constituera la priorité de son mandat. Ce volontarisme n’est pas nouveau. Déjà en 2005, lors du sommet du G8 de Gleneagles, avait été lancé le Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA) dont l’objectif est de mobiliser davantage de financement pour la création d’infrastructures durables. Dans ce sillage, un Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) a été élaboré en 2010/2011, à l’initiative de l’Union Africaine. Ce programme constitue le cadre prioritaire pour les investissements en infrastructures dans quatre secteurs jugés fondamentaux : l’énergie, le transport, l’eau et les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication).

Ce volontarisme ne peut cependant se comprendre que si l’on prend la mesure des besoins considérables de l’Afrique en matière d’infrastructures. Si ces besoins s’expliquent par le déficit actuel d’infrastructures, ils sont en outre accentués par les perspectives de croissance de l’Afrique.

 

Des besoins considérables d’infrastructures liés au déficit actuel…

 

Le diagnostic des infrastructures nationales en Afrique estime que pour combler le déficit d’infrastructures en Afrique[1], il est nécessaire d’investir 93 milliards de dollars par an avec la ventilation sectorielle suivante : 44% pour l’énergie, 23% pour l’eau et l’assainissement, 20% pour le transport, 10% pour les TIC et 3% pour l’irrigation. De ces cinq secteurs, les trois premiers méritent une attention particulière.

L’Afrique constitue le continent dans lequel l’accès à l’énergie est le plus faible, en raison notamment du déficit d’infrastructures. Selon la BAD, des 1,5 milliard de personnes qui vivent sans électricité dans le monde, 80% résident en Afrique subsaharienne. Une étude[2] de la Banque mondiale publiée en 2010 souligne que « les 48 pays d’Afrique subsaharienne (800 millions d’habitants) génèrent plus ou moins la même quantité d’électricité que l’Espagne (45 millions d’habitants) ». Le déficit d’infrastructures énergétiques constitue d’autant plus un handicap que le faible niveau d’accès à l’énergie, en plus des conséquences considérables sur la compétitivité économique des entreprises locales, est presque toujours à une carence en services de santé et d’éducation pour les populations.

En matière de transports, le déficit d’infrastructures constitue un véritable goulot d’étranglement. Cela est notamment le cas pour les infrastructures portuaires dont la capacité est souvent très en deçà des besoins. Le Port de Bissau par exemple, poumon de l’économie du pays, reçoit aujourd’hui environ 30 000 conteneurs par an alors qu’il a été initialement construit pour en recevoir 5 000. Et on pourrait presque en dire autant du port de San Pedro en Côte d’Ivoire ou de celui de Dakar au Sénégal. D’autre part, le manque de routes et de chemins de fer rend difficile la connexion entre les lieux de production et les marchés de consommation, rendant ainsi difficile le commerce intra africain qui ne représente de fait qu’environ 10% des exportations totales des pays africains comme le déplorait Dambisa Moyo[3].

Quant à l’eau et à l’assainissement, il devient de plus en plus important dans un continent qui doit faire face à un essor démographique qui accentue les difficultés d’accès à l’eau potable et les problèmes de salubrité publique. En milieu urbain notamment, la remise à niveau des systèmes de traitement, d’adduction et de distribution d’eau potable, l’accès des ménages aux ouvrages d’assainissement ainsi que la gestion des déchets constituent des préoccupations importantes pour les populations.

… et accentués par les perspectives de croissance de l’Afrique

 Entre 2001 et 2010, l’Afrique a enregistré un taux de croissance moyen du PIB de 5,2% par an, une tendance qui devrait se poursuivre au cours des prochaines décennies. A cet égard, une étude[4] de la BAD, qui a déjà fait l’objet d’un article de Tite Yokossi sur Terangaweb, a défini les perspectives de croissance de l’Afrique pour les 50 prochaines années.

Perspectives de croissance du PIB par habitant (en $) en Afrique à l'horizon 2060

Source: Banque Africaine de Développement, septembre 2011

Comme l’indique le PIDA dont les projections sur les besoins en infrastructures de l’Afrique repose sur une hypothèse de croissance du PIB de 6% par an jusqu’en 20140, « cette croissance et cette prospérité durables vont multiplier la demande d’infrastructures dont la pénurie est déjà l’un des plus grands obstacles au développement du continent ».

Dans le secteur de l’énergie par exemple, d’après le PIDA, la demande d’énergie de l’ordre de 590 térawatts-heure (TWh) en 2010 passerait à 3100 TWh en 2040. Cette explosion de la demande, alimentée par l’essor démographique et la croissance économique, nécessiterait une capacité de production de 700 GW alors que la capacité actuelle du continent tourne autour de 125 GW.

Dans le secteur des transports, les volumes transportés devraient être multipliés par 6 ou 8 dans la plupart des pays, faisant ainsi passé le trafic portuaire de 265 millions de tonnes en 2009 à 2 milliards en 2040.

Pour ce qui est de l’eau et de l’assainissement, l’essor démographique du continent dans les prochaines décennies et l’accélération de son urbanisation accentueront les besoins en infrastructures dans les villes africaines.

Dans l’ensemble de ces secteurs clés, il existe donc des besoins considérables en infrastructures. Parce que les enjeux se posent à l’échelle régionale et que les besoins en financement sont immenses, l’approche régionale et la mobilisation de financements innovants constituent les deux principaux leviers pour relever le défi des infrastructures en Afrique. Elles feront l’objet d’un prochain article sur Terangaweb.

Nicolas Simel



[1] Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique, 2010, étude commandée par le Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA)

[2] Infrastructures africaines : une transformation impérative, Banque Mondiale, 2010

[3] Dambisa Moyo, L’aide fatale, Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, Editions Jean-Claude Lattès pour la traduction française, page 187.

[4] Africa in 50 Years’ Time, The Road Towards Inclusive Growth, African Developement Bank, September 2011

Pour une croissance inclusive en Afrique

En dépit d’une forte croissance économique au cours des dernières années et des perspectives optimistes, l’Afrique continue de faire face à des défis majeurs de réduction de la pauvreté et de lutte contre les inégalités que seule une croissance inclusive aidera à relever.

Une forte croissance économique au cours des dernières années

Rompant avec la morosité économique des décennies 1980 et 1990, l’Afrique a enregistré au cours de la dernière décennie un redressement économique significatif qui s’est traduit par une forte croissance de son PIB. Celui-ci a augmenté de 5,2% en moyenne entre 2001 et 2010 sur l’ensemble du continent. Sur cette période, l’Afrique a été, avec la Chine et l’Amérique latine, l’une des régions du monde ayant enregistré la croissance économique la plus significative.

Taux de croissance du PIB (en %) entre 2001 et 2013


Source : Les perspectives Economiques de l’Afrique, 2012, BAD, OCDE, PNUD, CEA

Si la croissance du continent a été affectée en 2009 par la crise économique et en 2011 par les troubles politiques en Afrique du Nord, les perspectives restent intéressantes avec une croissance qui devrait atteindre 4,5% en 2012 et 4,8% en 2013. Ce regain de dynamisme devrait être sous-tendu par la reprise économique en Afrique du Nord et par une croissance moyenne structurellement supérieure à 5,5% en Afrique subsaharienne.

Allant dans ce sens, la plupart des études s’accordent d’ailleurs à relever que l’Afrique des 50 prochaines années sera une Afrique de forte croissance dans le sillage de la décennie 2000 comme l’a souligné Tite Yokossi dans un article paru sur Terangaweb-l’Afrique des Idées.

Des enjeux persistants de réduction de la pauvreté et de lutte contre les inégalités

En dépit de la croissance économique enregistrée en Afrique au cours des dernières années et des perspectives optimistes, le continent continue de faire face à des enjeux majeurs de réduction de la pauvreté avec près de la moitié de sa population vivant en deçà du seuil de pauvreté.

Selon les données de la Banque Mondiale, le ratio de la population pauvre disposant de moins de 1,25 dollar par jour s’élevait encore à 47,5% en Afrique subsaharienne en 2008. Ce ratio atteint même 69,2% en ce qui concerne la population disposant de moins de 2 dollars par jour. A cet égard, la croissance économique de la dernière décennie s’est avérée en partie inefficace du point de vue de la réduction de la pauvreté. L’Afrique a en effet eu un processus de croissance qui a manqué de créer des emplois adéquats et des opportunités pour la majorité des populations.

Qui plus est, cette croissance, en restant cantonnée à certaines sphères, a accentué les inégalités de toutes sortes :

de secteurs d’activités : dans certains pays, la croissance a été essentiellement portée par les secteurs des ressources minières, des télécommunications, des services financiers et du commerce, sans que cette croissance n’ait concerné des secteurs structurants telle que l’agriculture qui concerne souvent un large segment de la population ;

d’accès aux opportunités économiques : les opportunités économiques générées par la croissance de la dernière décennie ont été, dans certains pays, essentiellement saisies par de grandes entreprises sans un essor significatif des petites structures du secteur privé telles que les micros, petites et moyennes entreprises et sans un accroissement considérable de leur savoir-faire, ni de la création d’emplois productifs locaux ;

de territoires : la croissance a surtout bénéficié aux grandes villes africaines alors qu’une bonne partie de la population continue à vivre en milieu rural ; de surcroît, les disparités régionales en termes de développement sont souvent accentuées par l’insuffisance des infrastructures ;

de classe d’âge : les 200 millions de jeunes, âgés entre 15 et 24 ans, constituent la classe d’âge la plus affectée par la pauvreté et le chômage. Selon la BAD, près de 70% des jeunes vivent avec moins de 2 dollars par jour ; quant à leur taux de chômage, il atteint dans plusieurs pays le double de celui des adultes ;

de genre : en dépit des efforts faits au cours des dernières années, de fortes disparités entre les hommes et les femmes persistent dans plusieurs domaines comme l’accès à l’éducation, à la santé et aux opportunités économiques.

Certes, la croissance en elle-même constitue une condition sine qua non pour la réduction de la pauvreté. On estime ainsi qu’en moyenne un point de pourcentage de croissance supplémentaire entraîne un recul approximatif de la pauvreté de 1.5% (Fosu, 2011, cité dans les Perspectives Economiques de l’Afrique, 2012). Toutefois, pour que cette croissance ait un impact plus marqué sur la réduction de la pauvreté en Afrique, il est tout aussi nécessaire qu’elle inclut davantage de segments de la population et qu’elle ne soit pas un facteur d’accroissement des inégalités. Dans un autre article paru sur Terangaweb-l’Afrique des Idées, Georges Vivien Houngbonon insistait notamment sur la nécessité de réduire les inégalités pour booster le développement de l’Afrique. L’auteur y soulignait notamment le fait que « le taux de réduction de la pauvreté soit lié quadratiquement au niveau des inégalités et linéairement au taux de croissance du PIB. Ainsi, un niveau élevé d’inégalité requiert plus de croissance du PIB pour une même réduction de la pauvreté. »

Vers une croissance inclusive

La croissance inclusive constitue une nouvelle orientation à donner au développement économique en Afrique. L’enjeu est de générer une croissance économique qui offre davantage de possibilités de développement socio-économique au plus grand nombre de personnes, avec une attention particulière aux groupes vulnérables. Il s’agit de mettre l’accent non seulement sur le taux de croissance mais encore sur le type de croissance. La croissance inclusive peut ainsi s’articuler autour de trois axes : une croissance reposant sur une base large d’acteurs, une forte création d’emplois productifs, une attention portée aux groupes défavorisés (jeunes, femmes, populations rurales).

Cette nouvelle vision de la croissance est d’ailleurs confortée par les troubles politiques des deux dernières années en Afrique du Nord et dans certains pays d’Afrique subsaharienne qui confirment que les situations d’inégalités au niveau de la croissance sont de plus en plus intenables.

La croissance, telle qu’est s’est réalisée au cours de la dernière décennie, constitue à cet égard autant un facteur de risque pour la stabilité qu’une opportunité. De ce fait, la croissance inclusive se révèle non seulement comme un défi de développement à long terme, mais aussi un enjeu politique immédiat dont on ne saurait faire l’économie.

Nicolas Simel