Infrastructures de transport en Afrique de l’ouest : l’option des Partenariats public-privé ?

Les marchés publics et les concessions ont été pendant les dernières décennies les deux principaux modes de financement des infrastructures de transport en Afrique de l’Ouest. Ils ont cependant montré de sérieuses limites dans leur capacité à faire face au déficit d’infrastructures de transport. Pour relever les défis de financement, on assiste aujourd’hui à l’émergence d’un autre mode de financement : le partenariat public privé à travers lequel l’Etat confie à un opérateur privé une mission globale de financement, de construction et d’exploitation des infrastructures.


Entre le PFI britannique et le PPP à la française, quelle voie pour l’Afrique ?

 
arton44Le contrat de partenariat public privé comme nouveau mode de financement des infrastructures publiques est issu du Private Finance Initiative (PFI) britannique. Initié à partir de 1992 par le Trésor britannique, « la PFI est née dans un contexte de sous investissement public et de mauvaise qualité des infrastructures comme du service rendu »(1). La PFI transfère à un opérateur privé le soin de prendre à sa charge le cycle d’investissement et les risques qui lui sont associés, en échange d’un contrat de longue durée durant lequel l’Etat lui versera une redevance. Ce transfert de responsabilité permet de lisser le cycle budgétaire, les pics d’investissement étant plus difficiles à financer pour un Etat qu’un versement annuel et régulier.
 
Contrairement au PFI britannique qui a cherché à s’inscrire dans le cadre d’une politique publique globale, en France le PPP est venu s’ajouter en 2004 (2) aux deux grands outils juridiques de la commande publique que sont les marchés publics et les délégations de service public. En Afrique de l’ouest, le recours au PPP comme nouveau mode de financement des infrastructures de transport date de la dernière décennie. Au Sénégal par exemple, ce recours intervient à partir du milieu des années 2000. En Côte d’Ivoire, il a été particulièrement encouragé à partir de 2009/2010 pour faire face aux besoins considérables de financement des infrastructures liés aux conséquences à la crise politique et militaire. Même si, lato sensu, le partenariat public-privé peut être une notion générique qui rassemble toutes les formes de coopération de l'Administration avec le secteur privé, stricto sensu le PPP consiste principalement à confier à un tiers, par un contrat de longue durée, une mission globale relative au financement, à la construction, à la maintenance, à l'exploitation ou à la gestion de biens nécessaires au service public.
 

Quels sont les principaux avantages des PPP en matière d’infrastructures de transport ? L’exemple de l’autoroute à péage de Dakar

 
Dans un rapport de 2010 pour la Banque Mondiale (3), Jeffrey Delmon met en lumière plusieurs avantages du recours aux PPP dont quatre semblent particulièrement pertinents dans le cas des pays d’Afrique de l’ouest. En matière de sources de financement, les PPP favorisent la mobilisation de nouvelles ressources pour les infrastructures et stimulent le développement de marchés financiers locaux. Dans les cas du Sénégal et de la Côte d’Ivoire par exemple, il semble clair, lorsqu’on regarde la part significative des infrastructures dans la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES) et dans le Programme National de Développement (PND), que l’Etat a besoin de ressources financières supplémentaires pour financer ses infrastructures.
 

Alléger le déficit budgétaire et l'endettement

En outre, dans un contexte de contrainte budgétaire et de tensions sur les finances publiques, la mise à contribution des capacités des bilans du secteur privé permet à l’Etat d’alléger son déficit budgétaire et par ricochet son niveau d’endettement. Concernant la durée de vie des actifs, les PPP offrent l’opportunité de pallier un entretien déficient des infrastructures de transport par le secteur public qui accroit mécaniquement les besoins en investissement. Les PPP présentent en effet l’avantage d’allouer, dès le lancement des projets, des ressources financières suffisantes à l’entretien et à la maintenance des infrastructures de transport. Ainsi, lorsqu’un PPP est mis en place pour une durée de 30 ans comme c’est le cas de l’Autoroute Dakar-Diamniadio, le partenaire privé est de fait obligé d’entretenir convenablement les actifs et d’en assurer une bonne gestion ne serait-ce que pour obtenir des résultats satisfaisants.

 

Partage des risques

Une autre incitation à la qualité de l’entretien réside de surcroît dans l’existence dans les PPP de pénalités de performances en cas de non respect des exigences de transfert à la fin de la période du projet. Un troisième avantage significatif du recours aux PPP réside dans le partage des risques entre le public et le privé qui constitue d’ailleurs un élément majeur de distinction du contrat de partenariat par rapport aux deux grands outils de la commande publique qui ne prévoient pas expressément un partage des risques : les marchés publics conservent les risques du côté du maître d’ouvrage public tandis que les délégations de service public les transfèrent globalement du côté du partenaire privé. Ce partage des risques a pour avantage de conduire à de meilleures performances liées à la gestion privée, notamment en matière de réduction des risques de délai, et par ricochet de coûts. On estime ainsi qu’environ 90% des projets d’infrastructures en PPP sont réalisés dans les délais tandis que la proportion est inverse pour les projets en maitrise d’ouvrage public.
 
Pour une région comme l’Afrique de l’ouest dont les Etats ont un important travail de rattrapage du déficit d’infrastructures, cet avantage des contrats de partenariat est loin d’être négligeable.
 

1 Voisin Arnaud, « Financements innovants et défense : le cas de nos alliés européens, Les enseignements de 10 ans de Private Finance Initiative au Royaume-Uni », Observatoire Economique de la Défense, Janvier 2002
2 Journal Officiel de la République Française n°141 du 19 juin 2004 page 10994 Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat
3Delmon Jeffrey, « Partenariats public privé dans le secteur des infrastructures, Guide pratique à l’intention des décideurs publics », Banque Mondiale, 2010 http://www.ppiaf.org/sites/ppiaf.org/files/publication/Delmon-PPPsecteurinfrastructures-French.pdf

Comment financer les infrastructures de transport en Afrique de l’Ouest ?

Les marchés publics et les concessions ont été pendant les dernières décennies les deux principaux modes de financement des infrastructures de transport en Afrique de l’Ouest. Ils ont cependant montré de sérieuses limites dans leur capacité à faire face au déficit d’infrastructures de transport. Pour relever les défis de financement, on assiste aujourd’hui à l’émergence d’un autre mode de financement : le partenariat public privé à travers lequel l’Etat confie à un opérateur privé une mission globale de financement, de construction et d’exploitation des infrastructures.

La crise du financement public des infrastructures de transport 

En Afrique de l’ouest, l’argent public – aussi bien celui des Etats que celui de l’aide publique au développement – constitue la principale source de financement des infrastructures de transport. Ce mode de financement a cependant connu une crise importante à partir du milieu des années 1980. Celle-ci est liée à la faiblesse des ressources publiques et aux politiques d’ajustement structurel menées dans la plupart des pays africains sous l’égide du Fonds Monétaire International. Face à la baisse de leurs recettes budgétaires à partir des années 1980, plusieurs Etats ont été amenés à réduire considérablement leurs dépenses d’entretien des infrastructures de transport et à arrêter tout investissement dans des infrastructures nouvelles. Cela a d’autant plus été le cas que l’aide du FMI était subordonnée à la mise en œuvre de politiques de réduction drastique des dépenses publiques[1]. Cette faiblesse des ressources publiques dédiées à l’entretien des infrastructures de transport a particulièrement affecté les routes d’Afrique de l’ouest.

railLes limites du seul financement public au cours des dernières décennies ont été aussi très perceptibles dans le domaine des chemins de fer. En effet, les deux principales lignes d’Afrique de l’ouest, reliant Dakar à Bamako et Abidjan à Ouagadougou, ont relevé pendant plusieurs décennies de la gestion et du financement public. Ce n’est qu’à partir de 1995 pour la première et de 2003 pour la seconde que ces lignes de chemins de fer ont fait l’objet de concessions octroyées respectivement à Sitarail et à Transrail (Groupe Bolloré). Le recours à ces concessions à partir du milieu des années 1990 sonne le glas de l’échec du financement et de la gestion publique des infrastructures de transport par l’Etat. Les performances opérationnelles des sociétés publiques étaient médiocres et leur gestion du service ne permettait pas de générer des ressources financières suffisantes à l’entretien et à la réhabilitation des voies ferrées et du matériel roulant.

L'Afrique de l'Ouest se trouve ainsi dans une situation qui exige des investissements considérables pour rattraper le retard accusé en matière d’infrastructures de transport, alors même que les dépenses publiques doivent être maitrisées. Le Sénégal offre une illustration intéressante de cette équation compliquée. Dans le cadre de la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES) adopté par le Gouvernement en novembre 2012, la part des dépenses destinées au financement des infrastructures reste considérable. Ce programme de développement à l’horizon 2017 s’articule autour de trois axes pour un montant global de dépenses de l’ordre de 5 138 milliards de FCFA, soit 1,7 milliards d’euros. Rapportées aux 7,8 milliards d’euros d’investissements prévus à l’horizon 2017, les infrastructures de transport représentent 22% des investissements prévus par le Sénégal au cours des cinq prochaines années[2]. Si des investissements aussi considérables venaient à n’être financés que par la dépense publique, le Sénégal, comme la plupart des pays africains, serait amené à accroitre de façon très significative et sans doute non soutenable son endettement public. Il reste donc plus que jamais nécessaire d’associer largement le secteur privé au financement des infrastructures de transport.

L’échec du mouvement vers « le tout concession » 

Les années 1990 on vu se développer le recours à des concessions en matière d’infrastructures et de services de transport. Dans le sillage du FMI, la Banque Mondiale a également encouragé un fort mouvement vers « le tout concession ». Cette doxa de la Banque Mondiale correspondait également à un fort appétit des opérateurs internationaux pour des montages de type concession dans les pays en voie de développement d’Amérique latine et d’Afrique. A travers les nouvelles concessions, la plupart des pays d’Afrique de l’ouest ont alors décidé de confier au secteur privé la gestion et le financement des infrastructures de transport. Cela a été particulièrement le cas en matière de transport ferré et de transport portuaire avec des résultats assez différents, et donc globalement mitigés.

port abidjanEn matière de transport portuaire, cette implication du secteur privé a permis d’améliorer substantiellement les performances opérationnelles des deux principaux ports d’Afrique de l’Ouest, Abidjan et Dakar. Elle a aussi permis d’assurer le financement de nouvelles infrastructures portuaires par le privé. Cette réussite s’explique par l’existence de structures macroéconomiques et de marchés captifs d’autant plus que les économies de nombreux pays africains reposent sur une extraversion qui implique une part très importante des importations et, par ricochet, un développement du trafic à conteneurs. Dakar, Abidjan, Cotonou, Lomé par exemple constituent des poumons par lesquels transite toute l’activité économique de ces pays. 

Toutefois, ces facteurs structurels de succès cessent d’être opérants lorsqu’il s’agit d’autres domaines de transport. Il en va ainsi des chemins de fer pour lesquels le recours aux concessions dans les années 1990 n’a pas permis d’assurer le financement des infrastructures par le secteur privé. Certes les concessions ont permis une productivité accrue du personnel et des actifs, des gains de parts de marché pour les services de fret, une diminution globale des subventions publiques et une meilleure viabilité financière. Cependant, comme le souligne Pierre Pozzo Di Borgo[3], les concessions « n’ont pas apporté le niveau d’investissement privé initialement envisagé ni les améliorations qualitatives attendues des services aux voyageurs. De plus, l’espoir de voir les concessions financièrement viables à long terme sans le financement des pouvoirs publics ne s’est pas concrétisé. »

L’exploitation des chemins de fer en Afrique de l’Ouest n’a pas jusque là généré suffisamment de recettes pour permettre au secteur privé d’investir convenablement dans l’entretien et la réhabilitation des infrastructures. De façon générale, le recours aux concessions comme mode de financement des infrastructures de transport a largement montré ses limites. Comme le souligne Olivier Ratheaux [4], si elles ont permis « une inversion des flux financiers entre l’État et l’exploitant [dans la mesure où] les redevances et les impôts et taxes versés l’emportent désormais sur les subventions, [si elles sont permis], une amélioration de la gestion, un accroissement de la professionnalisation, [les Etats ne peuvent en attendre] un apport de capitaux privés qui restera limité par les risques et une rentabilité moyenne ». Dès lors, il est nécessaire d’envisager d’autres modes de financement des infrastructures de transport qui permettent de rattraper les nombreuses années de sous-investissement tout en respectant un certain nombre d’équilibres économiques : le partenariat public privé en est désormais un.

Nicolas Simel

A suivre, du même auteur sur Terangaweb – l'Afrique des idées : "Infrastructures de transport en Afrique : l'option des Partenariats-Publics-Privés ?"


[1] Stiglitz Joseph, La grande désillusion, Paris, Fayard, 2002, 324 pages

[2] Le premier axe de ce programme, dénommé « Croissance, Productivité et création de richesses » représente à lui seul 60% des investissements totaux prévus sur les cinq prochaines années, soit 4,8 milliards d’euros. De ces 4,8 milliards d’euros, 1,7 milliard devrait être consacré aux infrastructures et services de transport. Source : Ministère de l’Economie et des Finances, Intervention du Ministre à Sciences Po Paris, 1er mars 2013

[3]Di Borgo Pierre Pozzo, « Un partage équilibré des rôles entre public et privé, secret d’une concession réussie », Secteur Privé & Développement, Proparco, mars 2011, N°9

[4] Ratheaux Olivier, « Un bilan contrasté de la participation privée dans les chemins de fer africains », Secteur Privé & Développement, Proparco, mars 2011, N°9

Comment relever le défi des infrastructures en Afrique ?

Comme développé dans un précédent article paru sur Terangaweb et intitulé Le défi des infrastructures en Afrique, le continent fait face à un déficit considérable d’infrastructures dans des secteurs tels que l’énergie, les transports, l’eau et l’assainissement. Ce défi est d’autant plus crucial que le déficit en matière d’infrastructures est accentué par les perspectives de croissance de l’Afrique, d’où la nécessité de répondre aux besoins immédiats tout en s’inscrivant dans une perspective à long terme. Parce que les enjeux se posent à l’échelle régionale et que les besoins en financement sont immenses, l’approche régionale et la mobilisation de financements innovants constituent les deux principaux leviers pour relever le défi des infrastructures en Afrique.

La nécessité d’une approche régionale

La balkanisation politique de l’Afrique a eu comme conséquence économique directe la juxtaposition de petits marchés isolés et inefficaces. C’est ainsi que dans le secteur de l’énergie par exemple, au sein d’une vingtaine de pays africains, la taille du réseau électrique national reste inférieure à l’échelle d’efficacité minimale d’une seule centrale électrique. A cet égard, l’approche sous régionale permettrait de se doter d’infrastructures communes à plusieurs pays et suffisamment grandes pour prendre en charge de manière efficace les besoins des populations tout en réduisant le coût de l’électricité qui est l’un des plus chers au monde.

Des initiatives de ce type existent en Afrique de l’ouest avec le projet de mise en place du système d’échanges d’énergie électrique ouest africain (West African Power Pool – WAPP) qui a déjà fait l’objet d’un article sur Terangaweb. Il s’agit d’ « un système d’intégration des réseaux électrique de 15 pays » (tous les pays de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest à l’exception du Cap Vert) et de « gestion du marché unifié régional ainsi créé ». Outre l’accroissement des capacités des installations de production, une telle approche régionale à travers la constitution d’un marché de l’électricité d’environ 300 millions de consommateurs, est à même de favoriser davantage d’investissements dans des infrastructures aussi bien de production que de transport d’énergie électrique.

La mobilisation de financements innovants

Pour les pays africains, la couverture des besoins en infrastructures nécessite la mobilisation de financements considérables. Le diagnostic des infrastructures nationales en Afrique(1) a estimé que pour combler le déficit d’infrastructures en Afrique, il est nécessaire d’investir 93 milliards de dollars par an. Par ailleurs et de façon sans doute plus réalisable, le programme d’actions prioritaires (PAP), adopté dans le cadre du Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) (2), estime les besoins de financements des infrastructures prioritaires sur la période 2012-2020 à 68 milliards de dollars. Au regard de l’envergure des investissements requis et dans un contexte de tension des finances publiques des Etats, il est nécessaire de s’appuyer des modes de financements innovants.

Certains pays tels que l’Afrique du Sud et le Kenya utilisent « les obligations d’infrastructures » pour financer la construction de routes à péage, d’infrastructures de production d’énergie, de gestion des eaux ou encore d’irrigation. Quant à certaines institutions sous régionales telles que la Communauté du Développement de l’Afrique Australe, le Marché commun de l’Afrique orientale ou encore la Communauté de l’Afrique de l’est envisagent aussi d’émettre des obligations d’infrastructures.

D’autre part, les partenariats public-privé constituent un mode de financement intéressant pour relever le défi des infrastructures en Afrique. Largement utilisé en Afrique du Sud, de loin la première économie du continent, des PPP ont aussi été dernièrement mis en œuvre au Sénégal (autoroute à péage Dakar – Diamniadio) et en Côte d’Ivoire (Pont Henri Conan Bédié d’Abidjan). Les PPP restent cependant peu développés en Afrique, notamment dans les pays francophones. Il semble aussi qu’une mauvaise compréhension de l’allocation des risques dans les PPP constitue un frein à leur recours.

L’une des clés du développement des PPP en Afrique réside dans la constitution, aussi bien au sein des Etats que des institutions sous régionales, de cellules PPP chargées d’identifier et de mettre en œuvre les projets d’infrastructures susceptibles d’être financés sous ce mode. Ce travail nécessitera un renforcement des compétences locales au sein des administrations publiques de sorte à avoir davantage de fonctionnaires qui maîtrisent la problématique des investissements en matière d’infrastructures et les stratégies des investisseurs aussi bien publics que privés. Il devra aussi s’appuyer sur le recours à l’expertise internationale des cabinets de conseil et d’avocats. Dans une interview accordée à Terangaweb, Barthelémy Faye, Avocat Associé au sein du Cabinet international Clearry Gottlieb, a à cet égard insisté sur « la nécessité pour l’autorité publique de moderniser son cadre juridique et réglementaire pour faire face aux contraintes spécifiques du secteur privé lorsqu’il intervient dans un projet aux côtés du secteur public (…) en permettant à l’Etat de préserver certaines prérogatives légitimes liées à son statut de service public et aux investisseurs de satisfaire leur besoin de rentabilité ».

L’autre clé réside dans la participation des partenaires au développement tels que la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) au tour de table des projets financés sous le mode PPP aux côtés des pouvoirs publics nationaux et des investisseurs privés.

L’impératif du défi des infrastructures : au-delà de la croissance, l’amélioration des conditions de vie des africains

De façon générale, il est nécessaire pour l’Afrique de relever le défi des infrastructures, ne serait-ce que pour leur contribution à l’essor du PIB qui a été absolument phénoménal au cours des dernières décennies comme l’indique une étude de la Banque Mondiale (3).

L’importance des infrastructures s’apprécie de façon encore plus prégnante à la lumière de leur rôle d’impulsion en faveur du développement humain et l'amélioration des conditions de vie des populations africaines. Des infrastructures énergétiques efficaces favoriseront les services de santé et d’éducation pour les enfants du Bénin ; davantage infrastructures pour l’eau et l’assainissement faciliteront l’accès à l’eau et favoriseront l’hygiène publique à Kinshasha, Lagos et Casablanca ; des infrastructures de transport suffisants permettront aux agriculteurs maliens de mieux atteindre les marchés économiques et propulseront l’intégration africaine version Nkosazane Dlamini-Zuma.

Nicolas Simel

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1- Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique, 2010

2- Le PIDA a été élaboré à l’initiative de l’Union Africaine et constitue le cadre prioritaire pour les investissements continentaux et régionaux dans quatre secteurs jugés fondamentaux : l’énergie, le transport, l’eau et les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication)

3- « Infrastructures africaines, une transformation impérative », Banque Mondiale, 2010. Cette étude cite notamment les travaux de Caldéron (2008) qui explique qu’entre 1990 et 2005, les infrastructures ont apporté 99 points de base à la croissance économique par habitant en Afrique, contre 68 points de base pour les autres politiques structurelles. Cette contribution est notamment le fait de la forte augmentation des infrastructures de télécommunications sur cette période.

Le défi des infrastructures en Afrique

Nkosazana Dlamini-Zuma, nouvellement élue à la tête de la Commission de l’UA, a insisté sur le fait que le développement des infrastructures constituera la priorité de son mandat. Ce volontarisme n’est pas nouveau. Déjà en 2005, lors du sommet du G8 de Gleneagles, avait été lancé le Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA) dont l’objectif est de mobiliser davantage de financement pour la création d’infrastructures durables. Dans ce sillage, un Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) a été élaboré en 2010/2011, à l’initiative de l’Union Africaine. Ce programme constitue le cadre prioritaire pour les investissements en infrastructures dans quatre secteurs jugés fondamentaux : l’énergie, le transport, l’eau et les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication).

Ce volontarisme ne peut cependant se comprendre que si l’on prend la mesure des besoins considérables de l’Afrique en matière d’infrastructures. Si ces besoins s’expliquent par le déficit actuel d’infrastructures, ils sont en outre accentués par les perspectives de croissance de l’Afrique.

 

Des besoins considérables d’infrastructures liés au déficit actuel…

 

Le diagnostic des infrastructures nationales en Afrique estime que pour combler le déficit d’infrastructures en Afrique[1], il est nécessaire d’investir 93 milliards de dollars par an avec la ventilation sectorielle suivante : 44% pour l’énergie, 23% pour l’eau et l’assainissement, 20% pour le transport, 10% pour les TIC et 3% pour l’irrigation. De ces cinq secteurs, les trois premiers méritent une attention particulière.

L’Afrique constitue le continent dans lequel l’accès à l’énergie est le plus faible, en raison notamment du déficit d’infrastructures. Selon la BAD, des 1,5 milliard de personnes qui vivent sans électricité dans le monde, 80% résident en Afrique subsaharienne. Une étude[2] de la Banque mondiale publiée en 2010 souligne que « les 48 pays d’Afrique subsaharienne (800 millions d’habitants) génèrent plus ou moins la même quantité d’électricité que l’Espagne (45 millions d’habitants) ». Le déficit d’infrastructures énergétiques constitue d’autant plus un handicap que le faible niveau d’accès à l’énergie, en plus des conséquences considérables sur la compétitivité économique des entreprises locales, est presque toujours à une carence en services de santé et d’éducation pour les populations.

En matière de transports, le déficit d’infrastructures constitue un véritable goulot d’étranglement. Cela est notamment le cas pour les infrastructures portuaires dont la capacité est souvent très en deçà des besoins. Le Port de Bissau par exemple, poumon de l’économie du pays, reçoit aujourd’hui environ 30 000 conteneurs par an alors qu’il a été initialement construit pour en recevoir 5 000. Et on pourrait presque en dire autant du port de San Pedro en Côte d’Ivoire ou de celui de Dakar au Sénégal. D’autre part, le manque de routes et de chemins de fer rend difficile la connexion entre les lieux de production et les marchés de consommation, rendant ainsi difficile le commerce intra africain qui ne représente de fait qu’environ 10% des exportations totales des pays africains comme le déplorait Dambisa Moyo[3].

Quant à l’eau et à l’assainissement, il devient de plus en plus important dans un continent qui doit faire face à un essor démographique qui accentue les difficultés d’accès à l’eau potable et les problèmes de salubrité publique. En milieu urbain notamment, la remise à niveau des systèmes de traitement, d’adduction et de distribution d’eau potable, l’accès des ménages aux ouvrages d’assainissement ainsi que la gestion des déchets constituent des préoccupations importantes pour les populations.

… et accentués par les perspectives de croissance de l’Afrique

 Entre 2001 et 2010, l’Afrique a enregistré un taux de croissance moyen du PIB de 5,2% par an, une tendance qui devrait se poursuivre au cours des prochaines décennies. A cet égard, une étude[4] de la BAD, qui a déjà fait l’objet d’un article de Tite Yokossi sur Terangaweb, a défini les perspectives de croissance de l’Afrique pour les 50 prochaines années.

Perspectives de croissance du PIB par habitant (en $) en Afrique à l'horizon 2060

Source: Banque Africaine de Développement, septembre 2011

Comme l’indique le PIDA dont les projections sur les besoins en infrastructures de l’Afrique repose sur une hypothèse de croissance du PIB de 6% par an jusqu’en 20140, « cette croissance et cette prospérité durables vont multiplier la demande d’infrastructures dont la pénurie est déjà l’un des plus grands obstacles au développement du continent ».

Dans le secteur de l’énergie par exemple, d’après le PIDA, la demande d’énergie de l’ordre de 590 térawatts-heure (TWh) en 2010 passerait à 3100 TWh en 2040. Cette explosion de la demande, alimentée par l’essor démographique et la croissance économique, nécessiterait une capacité de production de 700 GW alors que la capacité actuelle du continent tourne autour de 125 GW.

Dans le secteur des transports, les volumes transportés devraient être multipliés par 6 ou 8 dans la plupart des pays, faisant ainsi passé le trafic portuaire de 265 millions de tonnes en 2009 à 2 milliards en 2040.

Pour ce qui est de l’eau et de l’assainissement, l’essor démographique du continent dans les prochaines décennies et l’accélération de son urbanisation accentueront les besoins en infrastructures dans les villes africaines.

Dans l’ensemble de ces secteurs clés, il existe donc des besoins considérables en infrastructures. Parce que les enjeux se posent à l’échelle régionale et que les besoins en financement sont immenses, l’approche régionale et la mobilisation de financements innovants constituent les deux principaux leviers pour relever le défi des infrastructures en Afrique. Elles feront l’objet d’un prochain article sur Terangaweb.

Nicolas Simel



[1] Diagnostic des infrastructures nationales en Afrique, 2010, étude commandée par le Consortium pour les Infrastructures en Afrique (ICA)

[2] Infrastructures africaines : une transformation impérative, Banque Mondiale, 2010

[3] Dambisa Moyo, L’aide fatale, Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, Editions Jean-Claude Lattès pour la traduction française, page 187.

[4] Africa in 50 Years’ Time, The Road Towards Inclusive Growth, African Developement Bank, September 2011