Aperçu des télécommunications en Afrique

ihub-Nairobi-4-e1454490094336Cet article est le premier d’une série sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique. Il vise à dresser un panorama général des télécommunications en Afrique, permettant de mieux comprendre l’environnement dans lequel s’inscrivent les problématiques abordées dans les articles à venir. 

Les TIC, auparavant aussi appelées Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communications (NTIC) ou en anglais, Information Technologies tout court, n’ont pas de définition universellement reconnue. Elles sont généralement comprises comme un ensemble de technologies permettant le traitement et le transfert de l’information. En 2006, l’OCDE définit le secteur des TIC comme celui dont les entreprises ont comme principales activités le traitement et la communication de l’information de manière électronique, y compris sa transmission et son affichage[1]. Plus récemment, dans son rapport sur le développement dans le monde 2016, intitulé « Les dividendes du numérique », la Banque mondiale définit les technologies numériques comme « internet, les téléphones mobiles et tous les autres outils servant à recueillir, stocker, analyser et partager des informations sous une forme numérique » [2]

Les technologies qui seront principalement abordées dans cette série seront donc celles qui répondent à cette définition, en particulier la téléphonie fixe et mobile ainsi qu’internet, et les services qui y sont liés.  

Téléphonie fixe

Sans surprise, la téléphonie fixe est marginale dans le paysage des télécommunications en Afrique subsaharienne. Les lignes fixes sont souvent considérées comme s’appuyant sur des infrastructures obsolètes, issues des anciennes entreprises nationales gérant les télécommunications, et couteuses à entretenir et donc souvent en mauvais état. Ces dernières années, ces entreprises ont plutôt concentré leurs investissements dans le développement des réseaux mobiles, considérés comme plus prometteurs.

Par conséquent, la téléphonie fixe a rapidement été dépassée par la téléphonie mobile : Il y avait en 2015 50 fois plus de connexions par téléphones portables que par fixes, avec un taux de pénétration des lignes fixes inférieur à 1%, le plus bas au monde[3]. La Banque Mondiale elle, constate une augmentation constante des abonnés africains à une ligne fixe jusque 2009 (1,57%), avant une légère baisse pour atteindre 1,11% en 2014[4]. La téléphonie fixe, pourtant révolutionnaire dans les pays occidentaux à sa naissance, semble donc bel et bien dépassée par des technologies apparaissant comme plus riches en termes de possibilités offertes.

Internet

Parmi les technologies plus attractives, l’internet qui est pourtant vu comme un levier de développement essentiel, est néanmoins un des domaines dans lequel le continent africain apparaît comme le plus en retard. En améliorant l’accès à l’information et en baissant son coût, il permet par exemple à des agents économiques jusque-là isolés ou du moins limités géographiquement, d’avoir accès à de nouveaux marchés, par exemple avec des services de eCommerce et de mAgri. Alors que 80% de la population des pays développés est connectée à internet, et 40% de la population mondiale, en 2014, ils ne seraient que 19,2 % en Afrique subsaharienne selon la Banque Mondiale[5]. L’Internet Society précise dans un rapport publié en 2015 que ce chiffre cache des disparités importantes, certains pays comme le Maroc observent un taux de 50% tandis que d’autres avoisinent les 2%, la moyenne étant à 10%[6].

La difficulté d’accès à internet s’explique par une bande passante insuffisante et couteuse : pour une même quantité, elle couterait 30 à 40 fois plus chère en Afrique qu’aux États-Unis et représenterait une part beaucoup plus importante des revenus annuels par habitant (800% en Afrique contre 15% aux États-Unis), avec d’importantes variations régionales[7]. Les pays enclavés rencontrent plus de difficultés que ceux qui bénéficient directement des câbles sous-marins, et les zones rurales sont également bien moins connectées que les centres urbains, qui regroupent un cinquième de la fibre terrestre.

Face à ces difficultés, des projets de « backbones », des réseaux terrestres permettant de relier les câbles sous-marins aux zones enclavées, sont en cours mais doivent faire face à des défis géographiques et financiers. Le développement des câbles sous-marins a tout de même contribué à l’augmentation de la bande passante en Afrique, multipliée par 20 entre 2009 et 2014 ; elle a ainsi permis de connecter 176 millions de personnes en plus à l’internet[8]. Néanmoins, la prépondérance du téléphone portable en Afrique, et les services mobiles qui y sont liés, donnent une place particulière aux données: en 2015, 90% des connexions internet du continent se faisaient par l’internet mobile[9].

Abonnés mobiles

Le GSMA recense en 2015, 557 millions d’abonnés mobiles en Afrique, ce qui représente un taux de pénétration de 46% ; il prévoit qu’ils seront 725 millions en 2020[10]. Malgré le fait que ces chiffres font de l’Afrique la deuxième région avec le plus grand nombre d’abonnés uniques derrière l’Asie, elle reste la moins connectée, avec un taux de pénétration bien en dessous de la moyenne mondiale de 63%. Et elle devrait toujours l’être en 2020, avec un taux de 54%[11]. Parmi les obstacles au développement des services mobiles, l’on peut évoquer le coût, les dépenses liées au mobile représentant une part importante du revenu ; des couvertures variables par les réseaux mobiles, notamment 3G et 4G ; et enfin une faible culture technologique des populations. 

L’Afrique est néanmoins le continent avec la plus grosse croissance en nombre d’abonnés, avec une croissance moyenne de 11% les dernières années mais qui devrait ralentir à 6% entre 2015 et 2020, mais toujours au-dessus de la moyenne mondiale de 4%. 8 pays possèdent à eux seuls 55% des abonnés, à savoir le Nigeria (15%), l’Egypte (10%), l’Afrique du Sud (7%), l’Ethiopie (6%), l’Algérie et le Kenya (5%) et la Tanzanie et la RDC (4%)[12].  La Banque mondiale, qui prend en compte le nombre de personnes ayant accès à un téléphone portable, constate, elle, un taux de pénétration de 73% du mobile dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Le développement de la data

D’un point de vue plus qualitatif, l’on constate une évolution vers des réseaux dits de 3ème génération et 4ème génération (3G et 4G), chaque « génération » permettant des débits de transmission plus rapides. 28 pays possèdent déjà des réseaux 4G, avec des lancements récents en Tunisie, au Burundi, au Liberia, au Nigeria, au Soudan, en Tanzanie et en Ouganda. D’ici 2020, ils devraient être 50 pays à la proposer. Cette évolution vers ces réseaux plus rapides contribue au développement de nouveaux services mobiles, notamment basés sur l’utilisation de smartphones mais pas uniquement. Le prix de ceux-ci reste prohibitif pour de nombreux utilisateurs africains : vendus en moyenne à 230$ en 2012, ce prix est descendu à 160$ en 2015, tandis que des smartphones à moins de 50$ commencent à apparaître.

Les opérateurs cherchent à tenir compte des réalités économiques mais aussi des attentes de leurs clients en proposant des « kits » alliant téléphone abordable, forfait voix, SMS et données (Orange), ainsi qu’éventuellement des applications supplémentaires – éducatives ou musicales ; ou en adaptant leurs offres, par exemple en offrant gratuitement l’accès à certaines applications populaires comme WhatsApp, Facebook (MTN Rwanda). Cette évolution vers l’internet mobile se manifeste aussi bien dans les flux de données, qui peuvent augmenter de 60% et 75% d’une année sur l’autre, voire d’un trimestre sur l’autre ; que dans les revenus issus de ceux-ci.

Quelle contribution à l’économie ?

Ainsi, les revenus issus de l’industrie mobile en Afrique, représentent aujourd’hui 53,5 milliards de dollars, contre 42 milliards en 2010. Même si les revenus liés à la voix et aux SMS représentent toujours la plus grosse part de l’économie du mobile, c’est l’augmentation des revenus liés aux données qui sont à la base de cette croissance. En effet, les revenus issus de l’internet mobile représentent en moyenne un cinquième des revenus des opérateurs.

Le GSMA distingue les revenus directement issue de l’économie mobile, constitués par les activités des opérateurs téléphoniques, les distributeurs de produits et services mobiles ou encore les fournisseurs de services d’infrastructure ; les revenus indirects liés aux activités engendrées dans d’autres secteurs (achat de matériaux, recours à d’autres services) ; et enfin les gains de productivité permis dans les autres secteurs (communications facilitées, accès à information et nouveaux services via SMS, voix, 3G-4G…). En 2015, le GSMA estime les revenus directs à 50 milliards de dollars, ceux indirects à 12 milliards de dollars, et les gains de productivité à 92 milliards ; additionnés, les revenus issus de l’économie mobile s’élèveraient à 153 milliards de dollars, soit 6,7% du PIB des économies africaines.

En termes d’emplois, entre ceux du secteur même et ceux d’autres secteurs, tirés par la demande de l’économie mobile, le GSMA estime que celle-ci a contribué à créer 1,3 millions d’emplois directs et 2,4 millions indirects.            

Marie Caplain

Cet article a été publié le 09/09/2016.


[1] OCDE, DSTI/ICCP,  Working Party on Indicators for the Information Society , « Information Economy – Sector definition based on the international standard industry classification (ISIC 4) », Mars 2007.  

[2] Banque mondiale. 2016.  « Rapport sur le développement dans le monde 2016 : Les dividendes du numérique. » Abrégé. Washington :  Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO, p.2.

[3]  Douglas Sele, Michael Mudau, « Telecommunications in Sub-Saharan Africa, Fixed & Mobile markets overview », Detecon, 02/05/2016.

[4] Banque Mondiale, Fixed telephone subscriptions (per 100 people), Subsaharan Africa, 1960-2014.

[5] Banque Mondiale, Internet users (per 100 people), Subsaharan Africa, 1990-2014.

[6] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[7] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[8] Hamilton Research, « Africa: Africa’s Terrestrial Transmission Network Reaches 1 Million Kilometres During 2015 », Africa Bandwidth Maps, 11/11/2015.

[9] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[10] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

Le GSMA parle « d’abonnés uniques » c’est à dire de personnes possédant une carte SIM ou plus, et non pas le nombre de carte SIM en circulation. L’industrie mobile a tendance à comptabiliser chaque carte SIM ce qui peut fausser les statistiques.

[11] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

[12] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.