Rencontr’Afrique Bureau de Dakar : « Jeunesse africaine et entreprenariat : comment peuvent-ils améliorer le climat des affaires ? »

Le Samedi 27 Janvier 2018, Les membres de l’Afrique des Idées du bureau de Dakar ont eu l’honneur d’être accueillis par M. Ibrahim Théo LAM, fondateur de l’Ecole Supérieure de Développement du Leadership. L’homme d’affaires, entrepreneur et écrivain a entretenu les membres du bureau de Dakar sur la contribution de la jeunesse dans le leadership et l’amélioration des affaires en Afrique.

L’Afrique a ce qu’il faut pour relever les défis économiques et sociaux !

Un constat général pour débuter. Dans un langage engagé, M.LAM a commencé par soulever le fait que l’Afrique n’a pas à pâlir de sa situation en matière de ressources pour son développement.

En effet, le continent dispose de la plupart des ressources naturelles de la planète : 97% des réserves mondiales de cuivre, 80% de celles de coltan, 57% de celle d’or, 23% de celles d’uranium et phosphates, 32% de celles de manganèse, 41% de celles de vanadium, 49% de celles de platine, 60% de celles de diamants, 14% de celles de pétrole…En termes d’agriculture, l’Afrique possède de vastes terres fertiles de forêts.

Malgré ce potentiel énorme, la plupart de ces ressources reste sous-exploitées et majoritairement cédées à des entreprises étrangères, ce qui crée une énorme dépendance de l’extérieur. Ce constat est d’autant plus vrai pour ce qui concerne l’alimentation. En Afrique subsaharienne par exemple, 24 % des céréales consommées localement en 2014-16 étaient importées et cette proportion devrait passer à 27 % au cours de la période de projection, de 2017 à 2026.[1]

Ce constat sera toujours le même temps que les autorités ne mettront pas en place de vraies politiques sectorielles, en vue de réduire le gap en matière d’infrastructures (agricoles, énergétiques, transport…) et favoriser la production et la consommation locale.

Une contribution de la jeunesse au développement économique peu valorisée

La jeunesse Africaine se trouve au cœur de toutes les rencontres et sommets sur le développement de l’Afrique. Selon M. LAM, en plus de contribution intellectuelle, le Jeune Africain apporte des solutions concrètes et originales aux problèmes de développement dont il faut tenir compte.

Les jeunes représentent près de 30% de la population mondiale. En Afrique de l’Ouest comme en Afrique centrale, les moins de 25 ans représentent plus de 60% de la population[2]. Cette population peut constituer une opportunité si les politiques actuelles tiennent compte de leurs aspirations et problèmes. Ceci devrait passer par un renforcement du rôle de la jeunesse dans la promotion du développement économique et social de nos Etats.

Il faudrait davantage de cadres visant à promouvoir le dialogue entre la jeunesse et les autorités à tous les niveaux, et des mécanismes leur permettant d’accéder à l’information et d’exprimer leur point de vue sur les décisions de politiques publiques.

Une inadéquation des formations face aux besoins du marché du travail

Concernant le marché du travail et l’insertion professionnelle des jeunes, l’intervenant a relevé l’inadéquation de l’offre de formations actuelle avec les besoins réels du marché de l’emploi. Pour lui, les écoles Africaines ne préparent pas assez les étudiants aux réalités et aux comportements à avoir dans le milieu professionnel. C’est ce constat qui l’a amené à proposer une alternative : l’Ecole Supérieure de Développement du Leadership[3].

Cette école se veut être une plateforme de transformation pour un changement social. Le modèle développé permet aux étudiants d’être acteurs de leurs formations. Avec une pédagogie active et alternative, et une faculté de professionnels, l’ESDL prépare de jeunes leaders aptes à promouvoir une renaissance africaine.

Entreprendre en Afrique : entre contraintes environnementales et pressions sociales

Dans son intervention, M. LAM a aussi partagé la vision qu’il se fait de l’environnement des affaires en Afrique de l’Ouest, région qu’il connait bien.

M. LAM a mis un point d’orgue sur le fait que l’entrepreneur en Afrique fait face à plusieurs contraintes. En plus du cadre des affaires contraignant, le jeune entrepreneur Ouest-Africain fait face à des pressions sociales non négligeables et évolue dans un environnement qui ne favorise pas « l’essayage ». L’intervenant a donc exprimé la nécessité d’encourager les jeunes à entreprendre en les poussant à se découvrir eux même et en valorisant leurs initiatives.

En conclusion, M. LAM exhorte la jeunesse à faire le pari du leadership et prendre le courage de s’engager dans la politique. Les défis sont grands et la jeunesse a toute sa place dans les instances de décisions publiques.

L’Afrique des Idées – Dakar

[1] Rapport de Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Juillet 2017

[2] Banque Mondiale, 2017

[3] http://esdl.sn/

Sommes-nous trop nombreux sur Terre ?

Cet article a été écrit par Gilles Pison, spécialiste des questions de démographie et en particulier en Afrique. Il était l’invité de la dernière conférence de l’ADI qui s’est tenue à Paris, le 6 Octobre dernier. Cet article est initialement paru le 24 Juillet 2017 sur The Conversation.

En 2017, la population mondiale a franchi le seuil de 7 milliards et demi. Elle ne comptait qu’un milliard d’habitants en 1800 et a donc été multipliée par sept et demi depuis (voir la figure ci contre). Elle devrait continuer à croître et pourrait atteindre près de 10 milliards en 2050. Pourquoi la croissance devrait-elle se poursuivre ? La stabilisation est-elle envisageable à terme ? La décroissance tout de suite ne serait-elle pas préférable ?

Si la population mondiale continue d’augmenter, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès – les premières sont près de trois fois plus nombreuses que les seconds. Cet excédent apparaît il y a deux siècles en Europe et en Amérique du Nord lorsque la mortalité commence à baisser dans ces régions, marquant les débuts de ce que les scientifiques appellent la transition démographique. Il s’étend ensuite au reste de la planète, lorsque les avancées de l’hygiène et de la médecine et les progrès socio-économiques atteignent les autres continents.

Une population africaine en pleine croissance

Gilles Pison (à partir de données des Nations unies), CC BY-NC-ND
 

La croissance démographique a atteint un taux maximum de plus de 2 % par an il y a cinquante ans et a diminué de moitié depuis, pour atteindre 1,1 % en 2017 (voir la figure ci-contre).

Elle devrait continuer de baisser dans les prochaines décennies en raison de la diminution de la fécondité : 2,5 enfants en moyenne par femme aujourd’hui dans le monde, contre le double (cinq enfants) en 1950. Parmi les régions du monde dans lesquelles la fécondité est encore élevée (supérieure à trois enfants), on trouve en 2017 presque toute l’Afrique intertropicale et les régions allant de l’Afghanistan jusqu’au nord de l’Inde en passant par le Pakistan (voir la carte ci-dessous). C’est là que se situera l’essentiel de la croissance démographique mondiale à venir.

L’un des grands changements à venir est le formidable accroissement de la population de l’Afrique qui, Afrique du Nord comprise, pourrait quadrupler d’ici un siècle, passant d’un milliard d’habitants en 2010 à probablement 2,5 milliards en 2050 et plus de 4 en 2100, ceci malgré l’épidémie de sida. Alors qu’un homme sur six vit aujourd’hui en Afrique, ce sera probablement plus d’un sur trois dans un siècle. L’accroissement devrait être particulièrement important en Afrique au sud du Sahara où la population pourrait passer d’un peu plus de 800 millions d’habitants en 2010 à 4 milliards en 2100.

Carte de la fécondité dans le monde en 2017. Ined, Author provided
               

À quoi s’attendre dans les décennies à venir

Ces chiffres sont des projections et l’avenir n’est évidemment pas écrit. Il reste que les projections démographiques sont relativement sûres lorsqu’il s’agit d’annoncer l’effectif de la population à court terme ; c’est-à-dire pour un démographe, les dix, vingt ou trente prochaines années. La majorité des hommes et des femmes qui vivront en 2050 sont déjà nés, on connaît leur nombre et on peut estimer sans trop d’erreurs la part des humains d’aujourd’hui qui ne seront plus en vie. Concernant les nouveau-nés qui viendront s’ajouter, leur nombre peut également être estimé, car les femmes qui mettront au monde des enfants dans les 20 prochaines années sont déjà nées, on connaît leur effectif et on peut faire également une hypothèse sur leur nombre d’enfants, là aussi sans trop d’erreurs.

Il est illusoire de penser pouvoir agir sur le nombre des hommes à court terme. La diminution de la population n’est pas une option. Car comment l’obtenir ? Par une hausse de la mortalité ? Personne ne le souhaite. Par une émigration massive vers la planète Mars ? Irréaliste. Par une baisse drastique de la fécondité et son maintien à un niveau très inférieur au seuil de remplacement (2,1 enfants) pendant longtemps. C’est déjà ce qui se passe dans une grande partie du monde, les hommes ayant fait le choix d’avoir peu d’enfants tout en leur assurant une vie longue et de qualité.

Mais il n’en résulte pas immédiatement une diminution de population en raison de l’inertie démographique : même si la fécondité mondiale n’était que de 1,6 enfant par femme comme en Europe ou en Chine, la population continuerait d’augmenter pendant encore quelques décennies. Cette dernière comprend en effet encore beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants, nés lorsque la fécondité était encore forte, ce qui entraîne un nombre élevé de naissances. Les personnes âgées ou très âgées sont en revanche peu nombreuses et le nombre de décès est faible.

La question de la baisse de la fécondité

Les démographes ont été surpris il y a quarante ans quand les enquêtes ont révélé que la fécondité avait commencé à baisser très rapidement dans beaucoup de pays d’Asie et d’Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Ils ont dû notamment revoir sensiblement à la baisse leur projection démographique pour ces continents.

Une autre surprise, plus récente, est venue de l’Afrique intertropicale. On s’attendait à ce que sa fécondité baisse plus tardivement qu’en Asie et en Amérique latine, en relation avec son retard en matière de développement socio-économique. Mais on imaginait un simple décalage dans le temps, avec un rythme de baisse similaire aux autres régions du Sud une fois celle-ci engagée. C’est bien ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en Afrique australe, mais pas en Afrique intertropicale où la baisse de la fécondité, bien qu’entamée aujourd’hui, s’y effectue plus lentement. D’où un relèvement des projections pour l’Afrique qui pourrait rassembler plus d’un habitant de la planète sur trois en 2100.

Gilles Pison (à partir de données des Nations unies), CC BY-NC-ND
 

La fécondité diminue bien en Afrique intertropicale, mais dans les milieux instruits et en villes plus que dans les campagnes où vit encore la majorité de la population. Si la baisse de la fécondité y est pour l’instant plus lente que celle observée il y a quelques décennies en Asie et en Amérique latine (voir la figure ci-contre), cela ne vient pas d’un refus de la contraception.

La plupart des familles rurales ne se sont certes pas encore converties au modèle à deux enfants, mais elles souhaitent avoir moins d’enfants et notamment plus espacés. Elles sont prêtes pour cela à utiliser la contraception mais ne bénéficient pas de services adaptés pour y arriver. Les programmes nationaux de limitation des naissances existent mais sont peu efficaces, manquent de moyens, et surtout souffrent d’un manque de motivation de leurs responsables et des personnels chargés de les mettre en œuvre sur le terrain. Beaucoup ne sont pas persuadés de l’intérêt de limiter les naissances y compris au plus haut niveau de l’État, même si ce n’est pas le discours officiel tenu aux organisations internationales.

C’est là une des différences avec l’Asie et l’Amérique latine des années 1960 et 1970 et l’un des obstacles à lever si l’on veut que la fécondité baisse plus rapidement en Afrique subsaharienne.

À long terme : l’explosion, l’implosion ou l’équilibre ?

Au-delà des cinquante prochaines années, l’avenir est en revanche plein d’interrogations, sans modèle sur lequel s’appuyer. Celui de la transition démographique, qui a fait ses preuves pour les évolutions des deux derniers siècles, ne nous est plus guère utile pour le futur. L’une des grandes incertitudes porte sur la fécondité. Si la famille de très petite taille devient un modèle dominant de façon durable, avec une fécondité moyenne inférieure à deux enfants par femme, la population mondiale, après avoir atteint le niveau maximum de dix milliards d’habitants, diminuerait inexorablement jusqu’à l’extinction à terme.

Mais un autre scénario est possible dans lequel la fécondité remonterait dans les pays où elle est très basse pour se stabiliser à l’échelle mondiale au-dessus de deux enfants. La conséquence en serait une croissance ininterrompue, et à nouveau la disparition de l’espèce à terme, mais cette fois par surnombre. Si l’on ne se résout pas aux scénarios catastrophes de fin de l’humanité, par implosion ou explosion, il faut imaginer un scénario de retour à terme à l’équilibre.

Ce sont les modes de vie qui comptent

Les hommes doivent certes dès maintenant réfléchir à l’équilibre à trouver à long terme, mais l’urgence est le court terme, c’est-à-dire les prochaines décennies. L’humanité n’échappera pas à un surcroît de 2 à 3 milliards d’habitants d’ici 2050, en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Il est possible d’agir en revanche sur les modes de vie, et ceci sans attendre, afin de les rendre plus respectueux de l’environnement et plus économes en ressources. La vraie question, celle dont dépend la survie de l’espèce humaine à terme, est finalement moins celle du nombre que celle des modes de vie.

Gilles Pison

En 2100, plus d’un Terrien sur trois africain ?

Cet article a été écrit par Gilles Pison, spécialiste des questions de démographie et en particulier en Afrique. Il était l’invité de la dernière conférence de l’ADI qui s’est tenue à Paris, le 6 Octobre dernier. Cet article est initialement paru le 19 Septembre 2017 sur The Conversation.

La population du continent africain s’accroît rapidement. Estimée à 140 millions en 1900, elle atteignait un milliard d’habitants en 2010. Elle en comptera 2,5 en 2050 et plus de 4 en 2100, selon le scénario moyen des projections des Nations unies (voir la figure ci-dessous). Un humain sur 6 habite aujourd’hui en Afrique. En 2050, ce sera 1 sur 4, et plus d’1 sur 3 en 2100, selon ces mêmes projections.

À quoi tient cette forte croissance ? Se poursuivra-t-elle ? Le quadruplement d’ici la fin du siècle est-il inévitable ?

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies), CC BY

Les raisons de la croissance

Si la population de l’Afrique augmente, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès (quatre fois plus de naissances que de décès). La mortalité a beau y être la plus élevée du monde, elle y a diminué, comme elle l’avait fait auparavant dans les autres continents.

La fécondité y a également diminué, les femmes y mettant au monde 4,5 enfants en moyenne chacune en 2017, contre plus de 6,5 il y a quarante ans et 5,5 il y a vingt ans. L’Afrique connaît là aussi une évolution ayant déjà eu lieu dans les autres continents, où elle y est plus avancée : 2,1 enfants seulement par femme en Asie en 2017, 2,0 en Amérique latine, 1,9 en Amérique du Nord et 1,6 en Europe.

Cette moindre mortalité qu’autrefois et cette fécondité encore relativement élevée expliquent que la population de l’Afrique s’accroisse rapidement. Même si la fécondité continue de diminuer, comme le suppose le scénario moyen des Nations unies, il ne va pas en résulter tout de suite une diminution sensible du taux de croissance et encore moins un arrêt de celle-ci, en raison de l’inertie démographique.

À supposer que la fécondité africaine tombe dès maintenant à 1,6 enfant par femme comme en Europe ou en Chine – scénario hautement improbable –, la population continuerait pourtant d’augmenter pendant encore quelques décennies pour atteindre près de 1,6 milliard en 2050. La population de l’Afrique comprend en effet beaucoup de jeunes adultes en âge d’avoir des enfants ; même si chacun en avait peu, il en résulterait un nombre élevé de naissances.

L’évolution de la fécondité : plusieurs surprises récentes

Les projections de population publiées par les Nations unies en 1981 annonçaient 10,5 milliards d’êtres humains sur la planète en 2100 dans leur scénario moyen. Les dernières projections publiées en juin 2017 en annoncent 11,2, soit 0,7 de plus.

Le total est donc un peu plus élevé mais le véritable changement se trouve dans la répartition par continent : l’Asie, 5,9 milliards d’habitants en 2100 d’après la projection publiée en 1981, n’en a plus que 4,8 à cet horizon dans celle publiée en 2017. La révision est également à la baisse pour l’Amérique latine : 712 millions en 2100 au lieu de 1 187 (40 % de moins). À l’inverse, l’Afrique, 2,2 milliards d’habitants en 2100 d’après les projections de 1981, en a le double, 4,4 milliards, dans celles publiées en 2017 (voir la figure ci-dessous).

Première surprise : les enquêtes révèlent il y a 30 à 40 ans que la fécondité a commencé à baisser très rapidement dans beaucoup de pays d’Asie et d’Amérique latine. Les Nations unies ont donc revu sensiblement à la baisse leurs projections démographiques pour ces continents.

Autre surprise, plus récente, venue de l’Afrique intertropicale : on s’attendait à ce que sa fécondité baisse plus tardivement qu’en Asie et en Amérique latine, du fait de son retard en matière de développement socio-économique, mais on imaginait un simple décalage dans le temps, avec un rythme de baisse similaire aux autres régions du Sud une fois qu’elle serait engagée. C’est bien ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en Afrique australe, mais pas en Afrique intertropicale où la baisse de la fécondité, bien qu’entamée aujourd’hui, s’y effectue plus lentement. D’où un relèvement des projections pour l’Afrique qui pourrait donc rassembler plus d’un habitant de la planète sur trois en 2100.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies), CC BY

Ce qui se passe en Afrique intertropicale

La fécondité diminue bien en Afrique intertropicale mais dans les milieux instruits et en villes plus que dans les campagnes, où vit encore la majorité de la population. Plusieurs facteurs pourraient expliquer que la baisse de la fécondité y soit pour l’instant plus lente que celle observée il y a quelques décennies en Asie et en Amérique latine (voir la figure ci-dessous).

L’Afrique se développe sur le plan économique, mais lentement, et sans encore avoir atteint le niveau des pays asiatiques ou latino-américains à l’époque où leur fécondité a commencé à diminuer fortement.

Or le développement économique et la baisse de la fécondité vont souvent de pair, la seconde étant souvent considérée comme une conséquence du premier. L’instruction des femmes est un facteur-clé dans ce processus : celles ayant été à l’école mettent moins d’enfants au monde que celles qui n’y sont pas allées. Les pays asiatiques et latino-américains ont beaucoup investi dans l’éducation pour tous il y a quelques décennies. Si l’éducation progresse en Afrique intertropicale, notamment chez les femmes, elle n’atteint toujours pas les niveaux observés en Asie et en Amérique latine lorsque la baisse de la fécondité s’est enclenchée dans ces continents.

Un autre facteur évoqué pour expliquer cette moindre baisse de la fécondité en Afrique est le partage des coûts pour élever les enfants. En Afrique, une partie des enfants est élevée par d’autres adultes que les parents – un grand parent, un oncle, une tante – ceux-ci prenant en charge les frais pour les nourrir, les habiller et les envoyer à l’école. Partout dans le monde, les humains font progressivement le choix d’avoir peu d’enfants, investissant sur chacun d’eux pour leur assurer une vie longue et de qualité, ce qui n’est pas possible quand il y en a beaucoup. Mais si avoir un enfant de plus n’entraîne pas de dépenses accrues du fait qu’il sera pris en charge par d’autres, l’incitation à avoir peu d’enfants reste moindre.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies), CC BY

Des élites peu engagées dans la limitation des naissances

La fécondité baisse plus lentement en Afrique qu’en Asie et en Amérique latine il y a quelques décennies ; et cela ne vient pas d’un refus de la contraception chez les Africains.

La plupart des familles rurales ne se sont certes pas encore converties au modèle à deux enfants, mais elles souhaitent avoir moins d’enfants et notamment plus espacés. Elles sont prêtes pour cela à utiliser la contraception mais ne bénéficient pas de services adaptés pour y arriver.

Les programmes nationaux de limitation des naissances existent mais sont peu efficaces, manquent de moyens, et surtout souffrent d’un manque de motivation de leurs responsables et des personnels chargés de les mettre en œuvre sur le terrain. Parmi les rares exceptions, le Rwanda, l’Éthiopie, et le Malawi, pays où les autorités sont très engagées en faveur de la famille de petite taille et ont fait de la diminution de la fécondité une de leurs priorités.

Au Rwanda, celle-ci a connu l’une des plus fortes baisses du continent, y diminuant de plus de 20 % en une décennie (elle est passée de 5,4 enfants par femme au début des années 2000 à 4,2 au début des années 2010). Mais dans la plupart des autres pays d’Afrique intertropicale, les responsables et les élites ne sont pas persuadés de l’intérêt de limiter les naissances y compris au plus haut niveau de l’État, même si ce n’est pas le discours officiel tenus aux organisations internationales. C’est là encore l’une des différences avec l’Asie et l’Amérique latine des années 1960 et 1970.

La question du « dividende démographique »

Pour convaincre les gouvernements africains de faire de la limitation des naissances une de leurs priorités, les organisations internationales leur font miroiter un « dividende démographique ».

En effet, quand la fécondité chute rapidement dans un pays, la part des jeunes diminue fortement sans que la part des personnes âgées n’augmente sensiblement au début. En conséquence, la part de la population d’âge actif augmente beaucoup, offrant une opportunité au pays de se développer économiquement. Cette situation favorable ne dure qu’un moment. Quelques décennies après, les personnes d’âge actif très nombreuses ont vieilli et augmentent alors considérablement le poids de la population âgée.

On estime qu’un certain nombre de pays asiatiques, dont la Chine, ont bénéficié de ce dividende et qu’il a pu représenter jusqu’à 10 à 30 % de leur croissance économique. En revanche, les pays d’Amérique latine n’en auraient pas bénéficié pour la plupart, faute d’emplois créés en quantité suffisante pour occuper le surcroît de personnes d’âge actif.

Mais si l’Asie et l’Amérique latine se sont engagées dans la famille de petite taille, ce n’est pas en espérant bénéficier d’un dividende démographique – on n’en parlait pas à l’époque. Les gouvernements ont développé des politiques de limitation des naissances pour réduire la croissance de la population jugée trop rapide pour un bon développement du pays.

Dans le cas de l’Afrique, les conditions pour qu’un dividende démographique ait lieu ne sont pas réunies : la fécondité baisse à un rythme trop lent ; et à supposer qu’elle se mette à baisser rapidement, les perspectives de croissance des emplois sont modestes et ne permettront sans doute pas d’absorber la main d’œuvre supplémentaire. Au cas peu probable où il y aurait un dividende démographique, celui-ci n’est qu’une perspective lointaine, dans quelques décennies.

L’Afrique n’échappera pas à une multiplication par deux de sa population d’ici 2050 en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Selon son développement économique dans les prochaines années, la progression de l’instruction chez les femmes et les politiques en faveur de la famille de petite taille, en 2100, elle sera trois, quatre, cinq, ou six fois plus nombreuse qu’aujourd’hui.

 

Gilles Pison

Rencontre avec le Professeur Nicaise Médé

Le Samedi 5 Août 2017, s’est tenue sur le campus d’Abomey Calavi une rencontre d’échanges du Cercle de réflexion l’Afrique des Idées, think tank indépendant sur le thème des compétences nécessaires pour un Bénin Emergent. Sous l’égide du Professeur Nicaise Mede, Agrégé des Facultés de droit, Directeur du Centre d’Étude sur l’Administration et les Finances (CERAF), la rencontre s’est articulée autour des défis démographiques du continent de façon générale, l’insertion professionnelle ainsi que l’empreinte de l’afro responsabilité dans les approches de solutions de façon spécifique.

Des chiffres qui peignent un tableau pessimiste

D’après une étude conjointe conduite par l’Organisation des Migrations Internationales (OMI et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), on estime à 20.000 cadres compétents qui quittent chaque année l’Afrique pour s’installer dans les pays occidentaux, où ils sont susceptibles d’obtenir des situations professionnelles plus avantageuses. Cette forte migration, toutes causes confondues,  prive doublement le continent de ressources valides pour contribuer à son développement de même qu’à la formation des générations futures . Dans “le camp des Saints”, Jean Raspail décrit telle une prémonition, comment les populations du Tiers-Monde envahissent pacifiquement l’Occident pour y retrouver l’espérance; rappelle Léonide Sinsin, chercheur et co-conférencier.

Malgré cette exode massive, le taux d’accroissement naturel de l’Afrique demeure le plus élevé. Au Sénégal, ce sont environ 200 000 jeunes diplômés qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année augmentant de facto le rapport de dépendance entre la population active et la population non active. Comme l’a souligné le Professeur Mede “il y a plus de bouches à nourrir que de personnes actives; ce qui fait que nous nous reproduisons plus que nous ne créons de la richesse ”. Le rapport de dépendance (rapport entre l’effectif de la population d’âges généralement actifs et l’effectif de la population en âge de travailler, il se calcule comme le quotient entre l’effectif des moins de 15 ans et des 65 ans ou plus par celui des 15-64 ans) au plan mondial est de 52%. En Afrique sub-saharienne, il connaît une croissance vertigineuse allant jusqu’à 94% pour le Bénin, et atteignant 120% pour le Niger seul. Avec un taux d’accroissement naturel estimé à 2.5% l’an  et un chômage juvénile moyen de 60%, le rapport de dépendance apparaît donc comme un seuil critique.  Il permet néanmoins de mettre en exergue la problématique du concept de capital humain, qui correspond à l’idée d’une population adéquatement formée et qui occupe des emplois qui leur assurent de bonnes conditions de vie et leur offre la capacité de contribuer au développement économique de leurs pays[5], est donc insuffisamment exploité en Afrique[6]. Le développement du capital humain, c’est-à-dire d’une population active compétente, est donc un enjeu majeur pour les pays africains en ce qu’il constitue « un élément essentiel de la croissance, car les avantages associés sont liés aux modifications de la structure de l’emploi (amélioration de l’employabilité de la population active) »[7].

L’inadéquation du capital humain face aux besoins du marché

La constitution du capital humain pour le développement du Bénin et de l’Afrique en général se pose alors avec acuité lorsque l’on prend conscience de la responsabilité des pays africains dans la création du fossé entre l’emploi des jeunes et les opportunités économiques. Sur la question de l’insertion professionnelle, les intervenants n’ont pas manqué de rappeler l’inadéquation entre la multitude de formations existantes et les besoins du marché. En effet, l’Afrique compte 1 ingénieur pour 10 000 habitants, pendant que la France en compte 36 pour 10 000 habitants. La Chine, formerait chaque année un million d’ingénieurs aussi bien dédié pour les besoins du pays qu’à l’export. En Afrique, pour une population d’un million d’habitants, 169 chercheurs sont formés. Pour la même population en Asie, on obtient 742 chercheurs, 2.728 en Europe et 4.654 en Amérique du Nord.  Dans un contexte local, à l’Université d’Abomey-Calavi, la plus grande université publique du pays, notamment, 566 étudiants étaient inscrits en licence d’Audit et Contrôle de Gestion pour l’année 2015-2016, 223 inscrits en Histoire et Archéologie et 175 en Français et langue étrangère. Dans la même année, seulement 118 étudiants étaient inscrits en Mathématiques, 18 en Génétique et en Hydrologie et 6 en Statistiques et Econométrie. Pour un pays qui a des problèmes fondamentaux à assurer l’accès à l’eau potable et l’assainissement de ces villes, il semble être pour les jeunes étudiants plus intéressants d’être un contrôleur de gestion que d’être un spécialiste de l’eau.

Pour atteindre les Objectifs du Développement Durable, il faudrait que le continent forme environ 2.5 millions d’ingénieurs chaque année pour amorcer une  croissance durable. Ainsi, pour faire face aux urgences de l’heure, les assistances techniques sont légion dans bon nombre de pays africains. D’après le CNUCED, elles représentent un marché de plus de 4 milliard USD des pays d’Afrique vers les pays Occidentaux; et peuvent être perçus à juste titre, soit comme une fuite des capitaux, ou un manque à gagner dans l’investissement dans l’éducation et les ressources opérationnelles.

L’afro responsabilité comme concept ?

En 2050, les estimations convergent sur le fait que la population africaine représenterait le quart de la population mondiale avec 2.5 milliard d’habitants, avec le Nigéria fort de 400 millions d’habitants et le Bénin autour de 22 millions d’habitants. Il revient aux pays africains d’investir massivement dans l’innovation et l’éducation. Le Rwanda, par exemple, a misé sur l’économie du savoir comme plan décennal. Au Bénin, le Président Patrice Talon, à travers son Programme d’Actions Gouvernementales (PAG), veut inscrire le Bénin dans une économie de transformation structurelle profonde. Un des piliers de ce programme est la Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir (CIIS), véritable prise de conscience du secteur de l’éducation et de la recherche appliquée.

Un second levier repose sur la consolidation du système éducatif  à travers la refonte de la  carte scolaire et les formations en alternance. Plusieurs réformes sont nécessaires dès la base (introduction de l’anglais dès le bas âge, le développement durable, etc..),  en passant par le secondaire et la formation professionnelle (les conditions d’orientation des élèves vers le second cycle et la formation professionnelle doivent prendre en compte les besoins en matière de filière scientifique et technique pour le marché de l’emploi et l’université), pour arriver à l’enseignement supérieur (avec la redéfinition de la carte universitaire, la création de la CIIS ou celle des Instituts universitaires d’enseignement professionnel (IUEP) pour l’orientation des bacheliers vers des filières de formation de courte durée).La création des IUEP est suffisamment intéressante pour que l’on s’y attarde car elle augure d’une meilleure adéquation entre la formation et les besoins techniques du marché de l’emploi. De plus, elle permet à l’Etat béninois d’orienter ses ressources affectées au secteur de l’éducation vers des filières de formation favorisant à terme le développement des secteurs prioritaires pour l’économie tels que le tourisme, les services et le numérique, ou encore l’agriculture. Cela implique de même une meilleure allocation des ressources à l’endroit des universités publiques et une meilleure définition des profils et priorités afin de lutter contre la massification des effectifs, d’éviter le sous-financement de la recherche et de renforcer la prise en compte par le monde universitaire des réalités du monde économique.

Enfin, le dernier pilier est la promotion de l’excellence à travers l’octroi de bourses et accompagnements dans des processus indépendants, transparents et basés sur la méritocratie. Par un décret n°2017-155 du 10 mars 2017 portant critères d’attribution des allocations d’études universitaires, il a ainsi été défini de nouvelles conditions pour favoriser la lutte contre la fuite des cerveaux. En effet, le constat amer qui se faisait était que les meilleurs bacheliers du Bénin, qui recevaient des bourses gouvernementales pour continuer leurs études dans des universités occidentales ne revenaient pas après l’obtention de leurs diplômes pour servir le pays. Désormais, suivant les dispositions du décret précité, il est fait obligation à tout récipiendaire d’une  bourse d’excellence du gouvernement béninois, de revenir servir l’Etat à la fin de sa formation sous peine de restitution des ressources dépensées pour le boursier. Même si certaines mesures de contraintes gagneraient à être davantage précisés (dans quelles conditions revenir servir l’Etat, servir dans la fonction publique ou privée, clauses libératoires de l’obligation de servir, etc.), ceci constitue déjà une avancée majeure pouvant permettre au pays de constituer un vivier de compétences ayant reçu des formations de pointe à l’étranger et s’engageant à rentrer pour contribuer au développement de la nation.

Somme toute, en citant Nelson Mandela “ l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde”, le Prof. Mede a exhorté les Etats africains à plus d’engagements en faveur de politiques publiques favorables au capital humain.  Ce défi, qui ne peut être national, doit aussi être porté par les institutions internationales et sous régionales, telles que la BAD, la CEDEAO, dans leurs agendas périodiques. Cette question des compétences est lancinante dans le pays, où les efforts de l’Etat ont été vains dans le domaine de la recherche et de l’éducation de masse. Des réformes profondes accompagnées de mesures incitatives doivent être menées pour renforcer la confiance de la jeunesse en l’éducation de qualité, qu’elle soit longue ou de courte durée, professionnelle ou orientée vers la recherche. Cette jeunesse formée, qualifiée et motivée servira inexorablement de tremplin pour l’émergence d’une économie telle que voulue par les dirigeants, orientée vers les services afin de faire du Bénin notamment, le quartier numérique de l’Afrique de l’Ouest.

L’Afrique des Idées – Bénin

[1]

[2] Investisseurs et Partenaires, « Le Poids démographique de l’Afrique en 2050 », 2015 http://bit.ly/2g7NVKY

[3] Henri Leridon, « Afrique subsaharienne : une transition démographique explosive », Futuribles, 2015, http://bit.ly/2v8HX35

[4] Avec une économie essentiellement extractive et d’exportation, les pays africains n’arrivent pas à créer des industries qui permettraient de transformer les matières premières sur leur territoire afin d’employer les jeunes africains. De plus, ces pays comptent beaucoup plus sur les travailleurs étrangers pour conduire les grandes réalisations en raison du défaut d’adéquation entre la formation et l’emploi sur le continent. Voir Le Monde, « Pourquoi la croissance économique africaine ne crée-t-elle pas plus d’emplois ? », 2015, http://lemde.fr/2isU9Wn

[5] Guillard Alexandre, Roussel Josse, « Le capital humain en gestion des ressources humaines : éclairages sur le succès d’un concept », Management & Avenir, 2010/1 (n° 31), p. 160-181. DOI : 10.3917/mav.031.0160. http://bit.ly/2itjT5a

[6] Banque Africaine de Développement, « Le capital humain est crucial pour la transformation structurelle de l’Afrique », 2011, http://bit.ly/2irOikd

[7] Ibid. Propos de Henri Sackey lors de la communication « Développement du capital humain en Afrique: agents, facteurs et incidences sur la croissance et la transformation structurelle ».

[8] Banque africaine de développement, « L’Afrique dans 50 ans, vers une croissance inclusive », 2011, http://bit.ly/2g87iDr

Endiguer les addictions en Afrique : entre paternalisme sanitaire et politique publique


Les mesures visant à lutter contre le tabagisme et l’alcoolisme rencontrent le plus souvent des difficultés, voire une opposition compte tenu du caractère tutellaire et intime de la santé. Conscients de ces logiques culturelles et sociales, les pouvoirs publics ont développé en marge des critiques, une pensée politique emprunt de paternalisme visant à  « atteindre un bien qui n’est pas reconnu comme tel par les personnes dont on veut du bien »[1] car l’enjeu, est l’un des biens communs les plus fondamentaux : la santé. L’exercice de cette responsabilité paternaliste s’inscrit bien évidemment dans un cadre légal (I) propre aux interventions des autorités de police générale ou spéciale même s’il est vrai qu’en Afrique, le paternalisme sanitaire tarde à émerger complètement en raison de la persistance de facteurs frainant son développement(II).

 

I-LE CADRE LÉGAL DE L’INTERVENTION SANITAIRE PATERNALISTE

 

Plusieurs pays africains sont confrontés à une consommation excessive et prolongée de tabac et d’alcool. Aussi, à partir du constat que la consommation ou l’addiction à ces produits  causent de nombreux dégâts aussi bien chez les personnes les plus exposées (adolescent, femme enceinte) que chez la collectivité tout entière, la protection contre tabagisme et la lutte contre l’alcoolisme ont fait l’objet d’une législation spécifique, contraignante, de sorte à endiguer leur progression.

 

  • LA PROTECTION CONTRE LE TABAGISME

 

Si la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac a rencontré un aussi grand succès en attirant 180 États membres et couvre à peu près 90% de la population mondiale[2], c’est  parce que l’épidémie du tabagisme est particulièrement meurtrière : elle tue plus de six millions de personne chaque année dont 600 000 sont des non-fumeurs involontairement exposés à la fumée[3].  De ce point de vue, l’argument selon lequel le tabac ne tue que ses consommateurs n'est pas valable puisqu’à l’évidence, le tabagisme passif est tout aussi nocif que le tabagisme actif avec les quelques 4000 substances chimiques contenues dans la fumée de la cigarette dont on sait aujourd’hui que 250 d’entres elles sont nocives et plus de cinquante sont cancérigènes[4]. Une étude japonaise avait d’ailleurs révélé dès 1981 que « les épouses de fumeurs, bien que ne fumant pas elles-mêmes, avaient été atteintes de cancer du poumon plus souvent que les épouses de non-fumeurs »[5]. Par conséquent, l’interdiction de fumer dans les bâtiments publics est par nature une mesure de protection de santé publique, composante de l’ordre public.

 

  • LA LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME

 

Considéré d’un point de vue général, la consommation excessive d’alcool dont les effets sont également visibles sur la voie publique nuit à l'intérêt général à la sécurité collective, notamment dans le domaine routier. Prétendre toutefois, que l’autorité de police peut à elle seule réguler la consommation d’alcool dans un cadre strictement privé ou dans l’espace public n’est pas chose aisée car cette régulation requiert également l’intervention du législateur. Mais si le danger est grave, imminent et réel, l’autorité de police peut toujours, en sa qualité de garant de l’ordre public, prononcer l’interdiction d’une boisson alcoolisée, comme ce fut le cas pour l’absinthe par le décret du 7 janvier 1915 du Président Raymond POINCARÉ.

Le motif de l’intervention publique étant bien entendu, la sauvegarde de la sécurité des personnes, composante de l’ordre public. En définitive, quelque soit la formule retenue pour lutter contre l’alcoolisme, intervention du législateur ou ou de la police administrative, il est important que soit mis en avant la légitimité des mesures avancées. L’objectif de sauvegarde de l’ordre public est donc susceptible de fonder des normes de sécurité à même de protéger les consommateurs de l’alcool frelaté ou impropre à la consommation. Par ailleurs, l’interdiction pure et simple de la consommation et la vente d’alcool aux mineurs et aux femmes enceintes, dont les motivations profondes, tiennent à la fois à des causes morales et de santé publique, rencontre  un large assentiment populaire. Au chapitre des restrictions légitimes de santé publique, figure également l’interdiction faite aux femmes de consommer de l’alcool durant la grossesse tant les risques de malformations du fœtus sont élevés, sans oublier les dommages irréversibles sur le développement psychomoteur de l’enfant à naitre. Le législateur ivoirien est donc intervenu sur ces points pour donner une base légale à l’intervention de l’autorité de police dans la lutte contre l’alcoolisme chez les mineurs et chez la femme enceinte. Dans ce cadre juridique, on retrouve dans la loi du 1er août 1964 portant code des débits de boissons et des mesures contre l’alcoolisme[6], toute une rubrique (une vingtaine d’article au total) consacrée aux mesures de protection des mineurs contre l’alcoolisme.

 

 

II. RECOMMENDATIONS ET PRISE EN COMPTE DU COUT SOCIAL

 

  • REDUIRE L'INFLUENCE DES LOBBYS ET CONTROLER LA QUALITE DU TABAC EN VENTE 

L’industrie du tabac constitue en Afrique comme ailleurs un puissant lobby dont les intérêts financiers tendent à primer sur COÜTsocial et sanitaire.  À ce propos, la vente de cigarette à l’unité est une pratique courante en Afrique et cela, en dépit de l’interdiction faite par l’art. 16 de la CCLAT. Cette pratique permet d’attirer les populations les plus pauvres qui n’ont pas les moyens de s’acheter le paquet de cigarette. Encore, faut-il être conscient que la qualité du tabac diffère selon les continents et que la plupart des cigarettes fumées en Afrique « qu’elles soient issues de la production légale ou de contrebande, sont beaucoup plus nocives que celle qu’on trouve en Occident, du simple fait qu’elles ne sont pas contrôlées »[7]. Pis, selon M. DIETHELM, les cigarettes en Afrique sub-sahariennes sont souvent vendues par de jeunes revendeurs qui constituent « le dernier maillon d’un réseau organisé »[8]. Il est clair que, dans ces conditions, les données de l’OMS sur le tabagisme chez les adolescents dans la Région africaine soient alarmistes comme le prouve les 28 % des élèves (13-15 ans) qui achètent leurs cigarettes dans les magasins ou encore les 48% d’entre eux qui sont exposés à la fumée du tabac dans les lieux publics[9].  

D’un autre cotés, les effets de l’alcool sur la santé des adolescents sont connus depuis longtemps comme en témoigne, l’étude menée au C.H.U de Libreville de 1984 à 1986 qui a permis de mettre en évidence des pathologies pancréatiques qui pour la quasi-totalité des cas, sont d’origine alcoolique[10]. Un phénomène pas si surprenant que cela au fond, lorsqu’on sillonne les villes d’Abidjan ou de Ouagadougou[11]. En réalité, la passivité des autorités publiques face aux fléaux du tabac et de l’alcool, tient en grande partie  au fait qu’ils ne représentent pas un poids financier très lourd pour la collectivité.

 

  • MESURER LES EXTERNALITES NEGATIVES GENEREES PAR LES INDUSTRIES DU TABAC ET DE L'ALCOOL

Il existe très peu d’études consacrées à l’évaluation des coûts engendrés par le tabagisme et l’alcoolisme en Afrique francophone en termes de coût des dommages aux biens et aux personnes, de coût public des programmes de prévention, de coût des soins sur les budgets des administrations, de coût total infligé à la collectivité, etc.[12] D’ailleurs, le manque de transparence dans la gestion des finances publiques en Afrique[13] ne permet pas, d'obtenir des données fiables liées au tabac ou à l’alcool[14]. Or, les effets à long terme de l’alcool et du tabagisme sur l’organisme sont bien connus : cirrhose du foie, cancer, infarctus du myocarde, et les risques d’accidents cardio-vasculaires. En Afrique, comme un peu partout sur ce continent, les malades sont bien souvent livrés à eux-mêmes et quand surgissent les conséquences d’une vie parsemée d’excès de tout genre, il faut être en mesure de débourser de l’argent pour se soigner. En vérité, le suspens n’est pas de mise ici, faute d’argent, les malades ne se rendent même pas à l’hôpital[15]. Or, il semble bien que les preuves ne manquent pas, en particulier au niveau individuel, pour établir un lien très étroit entre la pauvreté et une santé déficiente[16].

Précarité et santé se retrouvent ainsi liées[17] de sorte qu’une infirme partie seulement de la population, disposant de ressources financières subséquentes, dispose d’un accès quasi illimité aux meilleurs centres de soin[18]. D’ailleurs, il ressort que parmi les «  4,6 milliards de personnes vivant dans ces pays, plus de la moitié (52%) ne bénéficie pas des installations sanitaire de base et presque un milliard (968 millions en 1998) n’a pas accès à l’eau potable »[19]. Ainsi, la thèse selon laquelle « l’état de santé a un rapport avec le statut social »[20] semble se confirmer et laisse présager une forme d’inégalité face à la maladie. En définitive, il  y a fort à penser qu’au delà de sa justification légale, l’ordre public sanitaire en Afrique francophone soit un ordre fragile, précaire, relativement aux moyens mis en œuvre pour le sauvegarder.

 

Landry AMOUSSOU


[1] DWORKIN (G.), « Paternalism », in BEAUCHAMP (D.E.), STEINBOCK (B.), (dir.), New Ethics for the Public’s Health, Oxford University Press, 1999, p. 115.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[2] FERRAUD-CIANDET (N.), Protection de la santé et sécurité alimentaire en droit international, 1ère édition, Larcier, 2009, p. 79.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[3] OMS, Tabagisme, Aide-mémoire, n° 339. Mis en ligne en janvier 2015, consulté le 04-06-2016. URL : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs339/fr/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[4] Idem

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[5] NORDMANN (R.), « Tabac, alcool, cannabis : que faire ? », in ISRAËL (L.), santé, médecine, société, Presses Universitaire de France, 2010, p. 92.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[6] Modifiée par la loi du 27 novembre 1974.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[7] OTAF, L’Afrique s’enfume, Suisse, Centre d’information pour la prévention du tabagisme dans le canton de Vaud (CIPRED-Vaud), 2008,  pp. 17-18.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[8] Ibid., p. 19

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[9] OMS, Données sur le tabagisme dans la Région africaine, Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, 2012,    pp. 4-6.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[10] KLOTZ (F.), GUISSET (M.), LAROCHE (R.), « Alcool et pathologie en Afrique noire », Médecine d’Afrique Noire,° 39, 1992, pp. 201-203.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[11] Sur ce point, se référer à SAKO (D.), Ligne de base sur la situation des enfants travaillant dans les débits de boissons de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso), Rapport final, Unicef, Croix-Rouge Burkinabé, août 2015, pp. 1-40

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[12] KOPP (P.), FENOGLIO (P.), Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France, Paris, OFDT, 2000, pp. 41-205.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[13] MEISEL (N.), OULD (A.J.), « L’insaisissable relation entre "bonne gouvernance" et développement », Revue économique, vol. 59, pp. 1159-1191.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[14] D’après le Dr ZOTOUA, Directeur coordonnateur du programme national de lutte contre le tabagisme, l’Etat ivoirien débourserait près de vingt-six (26) milliards de FCFA supplémentaires chaque année pour traiter les personnes atteintes d`infections liées à la consommation du tabac, sans donner plus de détails sur l’affection de ces ressources et le nombre de malade traité. Mis en ligne le 6 juin 2016, consulté le 15-06-2016. URL : http://news.abidjan.net/h/592136.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[15] OMS, La face cachée des villes : mettre au jour et vaincre les inégalités en santé en milieu urbain, Éditions de l’OMS, 2010, p. 21.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[16] ICIS, Pauvreté et santé : Liens vers des mesures concrètes, Procès-verbal de la table ronde national de l’ISPC (L’Initiative sur la santé de la population canadienne), Ottawa (Ontario), 26 mars 2002, p. 1.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[17] ELGHOZI (L.), « Etat des connaissances et dispositifs de prise en charge : place de l’innovation médico-sociale », Santé publique et grande précarité : état des lieux et questions éthique, Actes du colloque de Médecin du Monde dans le cadre du congrès de la Société Française de Santé Publique, novembre 2011, p.7.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[18] SANNI YAYA (H.), BONNET (P.), « Le concept d’accessibilité en santé et son articulation dans la réalité en Afrique : une perspective critique », in SANNI YAYA (H.), Le défi de l’équité et de l’accessibilité en santé dans le tiers-monde. Entre droit fondamental, justice sociale et logique marchande, L’Harmattan, 2009, p. 79.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[19] ALLENSON (D. S.), op. cit., p. 41 ; v. dans le même sens WETTA (C.), KONÉ (M.), Pauvreté chronique au Burkina Faso, Programme de recherche sur la pauvreté chronique en Afrique de l’Ouest, document de travail n° 1, Ouagadougou, 2004, 16 p.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[20] ICIS, Pauvreté et santé : Liens vers des mesures concrètes, op. cit., p.1.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le déficit public égyptien a-t-il atteint un niveau excessif ?

En août 2016, la mission du FMI au Caire a accordé au gouvernement égyptien, un prêt de 12 milliards de dollars sur trois ans en échange de l’adoption d’un ensemble de réformes  (introduction de la TVA, baisse des subventions à la consommation d’énergie, réduction de la masse salariale de la fonction publique…)  visant à réduire le déficit budgétaire du pays. Ce dernier, en augmentation continue depuis 2007,s’élevait à 12,3% du PIB au cours de l’année 2015-2016 et devrait atteindre 11% selon le projet de loi de finances pour l’année 2017 (1). Par ailleurs, en 2015-2016 le remboursement de la dette publique constituait le principal poste de dépense publique soit une part de 30% (2), tandis que le taux d’intérêt s’élevait à 17% et la croissance à 3,8%.(3) Ces statistiques posent la question de la soutenabilité de la dette égyptienne et de l’état des finances publiques du pays.

 

 

  1. Un fastidieux arbitrage entre augmentation du taux d’intérêt et réduction des dépenses

 

  1. La hausse du déficit public égyptien impacte significativement le taux d’intérêt sur la dette publique…

L’augmentation du déficit égyptien est allée de paire depuis 2013 avec une forte hausse de la dette publique (4). En effet, la hausse du déficit a conduit l’Etat égyptien à avoir recours à un plus grand nombre de prêteurs pour assurer son financement. Au niveau national cela  a induit une hausse du taux d’intérêt sur la dette publique interne. L’ampleur de l’accroissement du déficit public a généré un choc de demande sur le marché de l’épargne et la hausse du taux d’intérêt a été un moyen d’inciter les agents à prêter davantage. Par ailleurs le taux d’intérêt a également connu une tendance haussière du fait des risques d’insolvabilité que fait peser le déficit public sur l’Etat égyptien depuis la fin des années 2000. Face à une dette risquée, les prêteurs ont exigé une prime de risque plus importante ce qui a encore amplifié la hausse du taux d’intérêt.

 

  1. … et cela pose le problème de la soutenabilité de la dette et de l’effondrement de l’investissement privé.

Comme tout Etat, l’Egypte a recours au déficit public pour financer ses dépenses de fonctionnement et d’investissement ainsi que ses politiques publiques à caractère contracyclique. Dès lors le niveau de déficit optimal est celui pour lequel la productivité marginale du déficit public est égale au taux d’intérêt. Au-delà, l’Etat exerce des externalités sur l’ensemble de l’économie et nuit à l’investissement des entreprises par effet d’éviction. En effet, l’Etat lourdement déficitaire emprunte et accapare une partie significative  de l’épargne qui, de fait n’est plus disponible pour les entreprises ou atteint un prix prohibitif. A ce titre, conscient des externalités négatives exercées par l’ampleur du déficit public sur la disponibilité de l’épargne  égyptienne, le vice-président de la Banque Mondiale pour la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord déclarait le 17 mars 2017 : «Nous devons observer une importante augmentation de l'investissement privé. Il ne s’agit pas uniquement des grandes entreprises privées. Les reformes doit être axées sur la promotion des PME et aider à développer l’esprit d’entrepreneuriat chez les jeunes.». (5)

 

En outre, le taux de croissance de la dette publique égyptienne a été plus important que le taux de croissance du PIB  au cours de la dernière décennie. Or d’après le concept de soutenabilité de la dette, la dette d’un pays peut croître de façon continue et demeurer sans risque  pour les prêteurs si et seulement si la capacité de remboursement de l’Etat croît au moins dans les mêmes proportions. Cela n’ayant pas été le cas de 2013 à 2017 du fait de la faible capacité de l’Etat égyptien à prélever les impôts, il est possible d’affirmer que le pays a atteint un niveau de déficit insoutenable et donc excessif qui se traduit d’ailleurs par des taux d’intérêt punitifs.

 

 

  1. L’Egypte doit parvenir à appliquer le plan d’austérité préconisé par le FMI tout en soutenant l’investissement privé

 

A.  Un plan d’austérité risqué tant sur le plan économique que politique

Face à la menace d’une crise économique et monétaire, l’Egypte du président Sissi a finalement adopté les mesures préconisées par le FMI lors de l’été 2016. En effet, la réduction des dépenses publiques et l’augmentation des recettes fiscales via la création de la TVA sont les deux principaux objectifs de la politique économique égyptienne.  Toutefois ces réformes touchant directement la fiscalité des entreprises risquent soit de porter atteinte à la compétitivité des entreprises égyptiennes, soit d’aggraver la hausse du taux d’inflation –qui s’élevait déjà à 30% en janvier 2017 (6)- si les producteurs décident de répercuter le montant de la TVA sur les prix de vente. Une telle possibilité risquerait de détériorer encore plus le pouvoir d’achat des Egyptiens et de raviver les mouvements sociaux qui avaient conduit au renversement du régime lors du printemps arabe de 2011.

En outre pour endiguer la hausse du taux d’intérêt s’étant élevé au taux  quasi-prohibitif de 17% au cours de l’année 2016, la Banque centrale égyptienne (BCE) a fixé à 14,75% le taux d’intérêt pour l’année 2017.(7)

 

B. Recommandations

Le gouvernement égyptien a tout intérêt à encourager l’investissement privé en simplifiant le cadre réglementaire de la création et du développement des entreprises. En effet, la création d’un guichet unique pour les procédures fiscales permettrait de simplifier les rapports entre le secteur privé et l’administration fiscale.  Cette sécurité fiscale faciliterait la collecte de l’impôt sur les sociétés, inciterait davantage d’entreprises et commerces à quitter le secteur informel pour le secteur formel et conduirait à un accroissement significatif des recettes publiques.

Il convient également de prendre en compte la productivité des dépenses publiques et de ne pas les diaboliser. En effet, si le plan du FMI inclut une réduction drastique des subventions publiques notamment dans le domaine des énergies fossiles, cette réforme peut également donner lieu à une réallocation des ressources vers des secteurs novateurs et à haute valeur ajoutée tels que la recherche ou le développement des énergies renouvelables.

La dette  et le déficit supplémentaires ne sont pas considérés comme excessifs dès lors qu’ils financent de nouveaux investissements publics qui à terme rapporteront davantage de recettes fiscales. En effet l’Egypte pourrait s’inspirer des objectifs du programme Europe 2020 visant non pas à imposer des plans d’austérité dont l’efficacité est discutable mais à favoriser l’essor d’une croissance dite « intelligente, durable et inclusive ». L’Egypte dispose à ce titre d’une importante marge de manœuvre puisque seul 10% des dépenses publiques du budget 2015-2016 ont servi à financer des dépenses d’investissement (8).

 

Sources

  1. http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/433051 « Situation économique générale de l’Egypte ».
  2. http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/433051 « Situation économique générale de l’Egypte ».
  3. http://www.jeuneafrique.com/370978/economie/pression-legypte-devalue-monnaie/
  4. http://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Egypte
  5. http://www.agenceecofin.com/reformes/0903-45561-egypte-les-prochaines-reformes-doivent-prioriser-l-investissement-prive-selon-la-banque-mondiale
  6. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/02/11/97002-20170211FILWWW00048-egypte-l-inflation-s-envole-a-pres-de-30.php
  7. http://www.jeuneafrique.com/370978/economie/pression-legypte-devalue-monnaie/
  8. http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/433051 « Situation économique générale de l’Egypte ».

Is financial aid helping Africa?

“Give a man a fish and you feed him for a day ; teach a man how to fish and you feed him for a lifetime”. In simple words this saying explains the complexity that lies behind financial aid. Back in 1970, the United Nations General Assembly adopted resolution 2626, it was agreed that: “Financial aid will, in principle, be untied […] Developed countries will provide, to the greatest extent possible, an increased flow of aid on a long-term and continuing basis.”

Half a century later, hundreds of billions of dollars have been transferred from rich countries to Africa, yet as the percentage of its population living under the poverty threshold ($1.90/day) has decreased, the total number of people living under this same threshold has increased ; a real paradox. An explanation alone will not do, there is a need to find a solution as well. The Organization for Economic Co-operation and Development (OECD) in its 2015 edition report recorded that $55 billion were given by its member to Africa. Contrary to popular belief, the biggest receivers are not African countries but Asian countries. Afghanistan, Myanmar and Vietnam are the top receivers of financial aid in the world, whereas in Africa the biggest receivers are Egypt ($5.5 billion), Ethiopia ($3.8 billion) and Tanzania ($3.4 billion).

 

Of the $55 billion given to the continent, the biggest donators are the United States ($8.9 billion), the International Development Association (IDA) ($6 billion) and the European Union ($5.9 billion). Almost half of these $55 billion were allocated to the social sector which includes education, health and water treatment. This choice is not random, focusing on such a crucial sector facilitates the development of a country through the expansion of its production function which is allowed by improving the available factors of production. Furthermore, it can be argued that the Millennium Development Goals (MDGs) were directly targeted through such policies. Surprisingly, the economic sector accounts for only one fifth of the $55 billion given. This raises many questions especially when considering that under this category fall transport, communications, energy and banking. By leaving aside such important components, economic growth is hindered and development is in harm’s way.

Usually, the receivers are blamed first when there is a lack of effectiveness from financial aid. Bad governance is pointed out; it is true that some leaders did not hesitate to embezzle financial aid. No one really knows how much wealth Mobutu Sese Seko gathered (even though some claim it to be $13 billion) while his country was running at the time with a debt of no less than $13 billion… Although, even when good intentions are present, mismanagement is another problem. Sadly, the white elephant (Expensive investments that serve no purpose) has become the most widely observed animal in Africa as financial aid is spent on non-essential sectors, due to a lack of expertise. Yet, this should not mean that the responsibility falls solely on the receivers.

The roles of the donators can also be questioned. 46 years ago it was agreed between the UN and the donating countries that each year, they would donate 0.7% of their gross national product (GNP) to developing countries. As of today, only five countries meet this criteria: Denmark, Luxembourg, Norway, Sweden and the United Kingdom… Then again, giving too much money can also be a problem as it causes a dependency on financial aid. Even more troubling is tied aid, its consequences are gruesome as entire populations are deprived because their governments do not satisfy the political criteria established by the community of donators.

Last but not least, the arrival of new donators should be welcomed cautiously. Even though most of the donators are western countries, new ones are emerging. The BRICS (Brazil, Russia, India, China and South Africa) as well as Turkey are more and more contributing. Furthermore, with economic downturns for the western economies, their donations has substantially decreased. This has allowed these new actors to rise, China for instance has pledged to donate $60 billion to Africa during the last China-Africa summit. However, the arrival of new donators does not necessarily lead to a more favorable situation for the receivers ; in the end good governance and inclusive growth are both the reactants and the products in this equation.  

 

Meanwhile, Africans living outside the continent send more and more money home to their families. It is only a question of time before remittances outweigh financial aid given to the continent… A strong reminder that Africans have the power to change Africa foremost.

 

Riad KAID SLIMANE

 

REFERENCES

OECD, Development Aid at A glance, Statistics by region, Africa, 2015 edition. http://www.oecd.org/dac/stats/documentupload/2%20Africa%20-%20Development%20Aid%20at%20a%20Glance%202015.pdf

MOYO Dambisa, Dead Aid: Why aid is not working and how there is a better way for Africa, 2009, p.208

Améliorer les chances d’être financièrement inclus au Sénégal

siege-bceaoDans les pays développés, la plupart des adultes ont un compte auprès d’une banque ou d’une autre institution financière. La réalité est bien différente dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, et notamment au Sénégal. Selon une enquête effectuée par le Groupe de la Banque mondiale, moins d'un adulte sénégalais sur cinq (17 %) indique posséder un compte dans une institution financière formelle, qui incluent les banques, les institutions de microfinance, et les porte-monnaie électroniques.

Bien que les niveaux d’inclusion financière au Sénégal soient similaires à ceux d'autres pays à revenu moyen inférieur, le pays accuse un retard par rapport au taux d'inclusion moyen des économies d'Afrique subsaharienne.
 
Pourquoi 6 millions d'adultes sénégalais sont financièrement exclus ? Pour répondre à cette question, il est important de remarquer qu’en matière d’inclusion financière, il y a de fortes inégalités. Au Sénégal, l'inclusion financière varie considérablement entre les sous-groupes de population.
 
Par exemple, la probabilité d’inclusion financière des hommes sénégalais est supérieure de neuf points à celle des femmes. Cette différence peut être expliquée en partie par le fait que les femmes participent généralement moins aux décisions financières du ménage. Seules 23 % des femmes ont déclaré être responsables des dépenses quotidiennes du ménage, contre 36 % des hommes.
 
Les populations urbaines sont aussi beaucoup plus susceptibles d'être financièrement incluses que les populations rurales, à 22 % contre 13 %. En outre, les adultes qui gagnent un revenu élevé ou moyen ont 12 % de chances de plus d'être financièrement inclus que ceux qui gagnent un faible revenu.
 
Selon l’enquête, 54 % des Sénégalais déclarent ne pas avoir assez d'argent pour posséder un compte, 19 % indiquent préférer l’utilisation d’espèces, tandis que 14 % estiment ne pas avoir besoin de compte. Enfin, 8 % des adultes trouvent les frais de transaction trop élevés.
 
Au Sénégal, il existe des obstacles à la sensibilisation aux produits et concepts financiers. Par exemple, environ 80 % des adultes interrogés connaissent les services de transfert d'argent, moins de 70 % étaient conscients de l’existence des banques commerciales, et 25 % étaient familiers des institutions de microfinance et de leurs services.
 
Une comparaison internationale dans 12 pays en voie de développement a montré que les Sénégalais ont tendance à veiller sur leurs dépenses et à planifier leur retraite; ils affichent cependant la performance la plus faible quant à leur capacité à comparer les produits financiers, et notamment à lire les prospectus relatifs aux tarifs et conditions, ce qui les empêche de choisir des produits répondant à leurs besoins.
 
Ces résultats sont préoccupants car ils entravent l’adoption et l'utilisation des produits et services financiers formels au Sénégal. Les comptes transactionnels sont généralement le premier point d’entrée dans le système financier formel. Sans un compte pour effectuer des transactions, les Sénégalais sont amenés à effectuer des transactions qui peuvent s’avérer souvent risquées, coûteuses, et incommodes.
 
Le Sénégal a fait une priorité de l’amélioration de l'accès et de l'utilisation responsable des produits et services financiers. En 2012, le pays s’est engagé, en vertu de la Déclaration de Maya, à accroître l'inclusion financière et a depuis adopté une série de mesures. L'approche a été payante : entre 2014 et 2015, le nombre d'adultes formellement inclus est passé de 15 % à 17 %.
 
Compte tenu de ces défis, on peut toutefois se demander comment le Sénégal peut augmenter ses chances des pauvres, des femmes et des populations rurales d'être financièrement inclus.
 
Voici quelques suggestions :

  • Continuer à élaborer des stratégies : les autorités devraient continuer à développer une Stratégie nationale d'inclusion financière (SNIF) pour veiller à ce que l'engagement des parties prenantes, des secteurs publics et privés, en faveur de l'inclusion financière, soit explicite, solide et soutenue.
  • Tirer profit des canaux de distribution sans succursales fixes : de nouveaux modèles économiques, tels que les services bancaires mobiles ou à l’aide d’un agent, peuvent considérablement réduire les coûts de prestation des services financiers, notamment dans les zones à faible densité et reculées, et promouvoir un accès pratique aux services financiers.
  • Encourager l'adoption et l'utilisation de comptes transactionnels de base à peu ou pas de coûts : le Sénégal dispose d’une réglementation qui assure à chacun le droit à un compte bancaire de base et sans frais, toutefois, les incitatifs économiques semblent insuffisants pour que le secteur privé offre volontairement ce type de comptes à ses clients.
  • Promouvoir des services financiers diversifiés : même si de nombreux Sénégalais ont peu d'argent, ils épargnent quand même, principalement par le biais des canaux informels. Les produits d'épargne formels peuvent aider à garantir les épargnes, ce qui peut aider les ménages à gérer les fluctuations de trésorerie, à lisser leur consommation et à construire des montants forfaitaires. Le développement de produits d'assurance pourrait aussi être considéré, puisque ceux-ci peuvent aider à atténuer les chocs et à faire face aux dépenses liées à des événements inattendus, comme les urgences médicales, les vols ou les catastrophes naturelles.
  • Innover : la transmission de messages financiers par le biais des moyens novateurs, tels que les séries de télévision populaires, les films, les vidéos ou les émissions de radio, peut être efficace pour l'amélioration des connaissances et, plus important encore, la modification du comportement. Les SMS périodiques et les applications mobiles pourraient être autant de canaux de diffusion prometteurs et rentables. Des études en Bolivie, au Pérou et aux Philippines montrent que l'envoi de SMS en temps opportun pour rappeler aux gens d'économiser est efficace pour aider à la mobilisation de l’épargne pour atteindre des objectifs d'épargne préalablement déterminés.

 

 

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et a été soumis par SIEGFRIED ZOTTEL.

 

Les NTIC et la problématique de l’éducation en Afrique

tic-en-education-en-afrique-1440x564_cLe développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a révolutionné le monde entier dans divers domaines de la vie. Parmi ces domaines, on peut citer la médecine où les NTIC ont favorisé les dialyses, les échographies, les radiographies entre autres. Le commerce avec les achats et ventes en ligne, le système bancaire et l’éducation. Cet article s’intéresse à l’apport des NTIC dans le système éducatif en Afrique et propose quelques pistes  pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC seront proposées.

 

Les NTIC, un cadeau pour l’éducation

Les succès des Technologies de l’Information et de la Communication dans le système éducatif sont indénombrables. Tous les acteurs dans ce système liés aux ministères chargés de l’éducation pour les élèves et étudiants en passant par les enseignants et les parents d’élèves, profitent des NTIC. Les étudiants en sont les plus bénéficiaires. Grâce aux NTIC, l’État peut détecter rapidement des problèmes liés à l’éducation tels que la baisse des performances scolaires, le manque du personnel scolaire et d’enseignants dans une localité donnée pour procéder à des solutions rapides. De plus, les technologies favorisent la mise en place des cours en ligne qui peuvent pallier les problèmes d’infrastructures comme le manque d’amphithéâtres. Elles permettent également des projections vidéo pour une bonne visibilité des cours. La préparation des cours, la recherche de nouveaux exercices, devoirs et examens sont de plus en plus facile pour les enseignants grâce à l’internet. Dans cette optique, les NTIC permettent d’alléger la tâche des enseignants. Les parents, depuis la maison ou le lieu du travail, peuvent être au courant des activités de leurs enfants, de leurs performances courantes grâce à une bonne combinaison des NTIC avec les établissements scolaires. Les élèves et étudiants, ont de leur côté, une facilité dans la recherche. L’internet fournit une panoplie d’exercices corrigés et des cours pouvant améliorer la compréhension des leçons. Même si les ressources de l’internet ne peuvent aucunement remplacer les cours reçus en classe, elles peuvent aider les élèves à se mettre au jour. Les élèves n’ayant pas de professeurs disponibles peuvent recevoir des cours à distance grâce aux technologies. Plusieurs forums offrent des réponses et des discussions intéressantes entre étudiants et professeurs afin de trouver des solutions aux leçons non comprises. Les NTIC permettent un réseau plus large aux élèves et étudiants pour des questions réponses sur les incompréhensions et les difficultés.

 

Les NTIC, un piège pour les élèves

Si les Technologies de l’Information et de la Communication offrent beaucoup d’avantages au système éducatif, elles ont néanmoins quelques inconvénients notables sur l’éducation. En effet, elles ont entrainé une dépendance des enfants aux jeux vidéo. Même si ces jeux vidéo ont un effet stimulateur sur l’intelligence et les réflexes des enfants, ils ne peuvent pas remplacer les devoirs à domicile. Pourtant, les enfants consacrent de plus en plus de temps aux jeux vidéo qu’aux études. Certains enfants substituent des heures de sommeil et de repos aux jeux vidéo, ce qui fait que ces enfants arrivent souvent à l’école en étant fatigué. Le développement des ordinateurs, des logiciels et de l’internet n’a pas que des effets positifs à l’éducation ; il pourrait entrainer la baisse de l’effort intellectuel des acteurs du système éducatif, plus particulièrement des élèves et étudiants. La plupart des étudiants se limite aux ressources de l’internet tandis que les bibliothèques sont de plus en plus délaissées. Non seulement, il y’a plusieurs sites internet non fiables, mais aussi certains substituent la réflexion intellectuelle par des données de l’internet. L’effet pervers est le plagiat des travaux réalisés par les pionniers sur un sujet.  Et si les heures d'étude ne sont pas substituées pas par des jeux vidéo chez les jeunes élèves, elles sont substituées par les réseaux sociaux comme Facebook et autres…

 

Quelles pistes d’accélération pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC ?

L’utilisation des NTIC pour repenser l’éducation en Afrique passe par plusieurs niveaux dont l’inclusion de l’informatique au cœur du système éducatif africain, l’amélioration des  programmes télévisés pour l’insertion des enfants, l’adaptation du mobile et d’internet à l’éducation.

 

Mettre l’informatique au cœur du système éducatif africain

Au cours des vingt dernières années, de nombreux gouvernements ont adopté des politiques visant à encadrer l’intégration des NTIC dans l’éducation. Mais dans la mesure où l’intérêt pour l’apprentissage par ordinateur n’a grandi que récemment, il y a une absence totale de politique en matière d’informatisation du système éducatif africain. Si tous les pays africains avaient des politiques orientées vers l’intégration des NTIC à travers la mise en place des salles informatiques dans les établissements publics et privés, cela contribuerait à améliorer le niveau du système éducatif en africain. Il est donc nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des reformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper  de salles informatiques. En effet, il est impératif d’insérer dans les programmes au moins deux heures de cours d’informatique par semaine. L’enseignement automatisé dans les programmes permettra de remédier à l’insuffisance de professionnels qualifiés dans différents domaines surtout dans les disciplines scientifiques. En outre, l’envie des élèves à apprendre de nouvelles choses, et leur curiosité de manipuler un ordinateur est une motivation supplémentaire  à leur présence en cours. Cela contribuera également à diminuer le taux d’absentéisme et le taux d’échec scolaire dans les pays africains. Par ailleurs, les États doivent aussi remplir pleinement leur rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces mesures permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée.

 

Rendre le Mobile plus éducatif

Depuis plus d’une décennie, le marché de la téléphonie mobile a connu une expansion très forte à l’échelle mondiale. La vitesse de diffusion de cette technologie a été particulièrement rapide en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, plus de 350 millions de personnes en Afrique subsaharienne sans école ni accès à l’électricité vivent dans des zones couvertes par le réseau mobile. Ce qui signifie que le mobile pourrait être un facteur déterminent dans la nouvelle construction de l’éducation africaine. Dans ce cas, comment le rendre plus éducatif ?

En initiant des collaborations ou des partenariats entre les États africains et les opérateurs téléphoniques. Les opérateurs téléphoniques peuvent jouer un rôle important dans la promotion du système éducatif africain. Les États africains doivent les inciter à s’impliquer davantage dans le nouveau système de l’éducation par le mobile. Les efforts doivent se concentrer dans les zones urbaines déjà couvertes par le réseau Mobile et s’étendre progressivement vers les zones rurales pas toujours bien couvertes. Pour cela, le ministère de l’éducation en collaboration avec les enseignements, doit élaborer des programmes clairs et détaillés sous forme d’application Mobile. Il s’agit de mettre en place des cours enseignés à l’école via le téléphone Mobile en tenant compte des diversités linguistiques existant dans les pays africains. Par exemple, il est important de réaliser certaines matières en plusieurs langues/dialectes et en fonction des spécificités des territoires. Dans ce cas, l’enfant ne sera plus déconnecté de l’école surtout dans les milieux ruraux où les filles ont tendance à rester à la maison alors que  les garçons eux sont privilégies pour les études.. Ainsi, le Mobile éducatif permettra de contribuer au changement des mentalités que le continent a éperdument besoin pour son développement. Au final, il serait propice à la croissance de la productivité des agriculteurs, la sécurité sanitaire, l’accès à l’éducation pour les personnes qui en étaient jusqu’ici exclues, la formation continue des enseignants en zones rurales, l’inclusion financière, ou encore l’optimisation des infrastructures routières.

 

Rendre l’internet plus éducatif 

L’Afrique enregistre un retard notable dans l’utilisation de l’internet comme outil pour l’amélioration du système éducatif. Selon l’UIT en 2015, seuls 19 % des Africains ont accès à l’internet. Ce faible taux s’accompagne d’une pénétration d’internet dans les ménages de seulement 11 %, contre près de 36 % dans les pays arabes par exemple. Parallèlement, alors qu’en moyenne, 28 % des foyers sont équipés d’un ordinateur (portable/fixe ou tablette) dans les pays en voie de développement, ils ne sont que 8 % en Afrique subsaharienne.

Face à cette situation, les gouvernements africains doivent conjuguer leurs efforts afin d’investir dans les NTIC pour améliorer l’offre  d’internet dans les établissements publics avec un système wifi pour faciliter les déplacements au sein des établissements. Au niveau de l'enseignement supérieur, l’utilisation de l’internet pourrait être le plus efficace grâce à la mise en place des programmes à distance. La formation à distance dans l’enseignement supérieur a plusieurs avantages. Elle est d’abord une alternative à l’enseignement supérieur traditionnel. Elle permet d’améliorer la qualité de l’enseignement dans plusieurs domaines. Cependant, les universités africaines montrent un intérêt significatif pour cette nouvelle méthode d’apprentissage, notamment en raison de l’inefficacité du système éducatif africain. Ainsi, les pays africains doivent mettre en place des campus numériques avec des bibliothèques connectées à la disposition des étudiants. Cela permettra de donner un élan à la promotion de la recherche scientifique dont le continent a éperdument besoin aujourd’hui.

L'enseignement par Internet doit encore faire face dans de nombreux pays africains à des obstacles majeurs, le premier d'entre eux étant la faiblesse des infrastructures antérieures de télécommunication et le coût prohibitif des tarifs d'accès à l'Internet. Par exemple, les responsables pédagogiques au niveau des ministères et des facultés doivent améliorer les outils pédagogiques qui peuvent être adaptés à l'Internet. Les contenus de nos programmes aujourd'hui disponibles en ligne sont pour la plupart établis en occident et ne s’adaptent donc pas nécessairement à des étudiants africains. Nous devons être capables de réaliser des programmes inclusifs à nos valeurs ancestrales, culturelles, sociologiques et tout simplement en cohérence à notre identité. Toutefois, plusieurs universités ont conscience de l’importance de l’Internet dans les programmes et réorientent leurs programmes existants à l’enseignement par Internet. L'enseignement par Internet peut contribuer à oblitérer certaines difficultés auxquelles les pays africains doivent faire face aujourd'hui, c'est-à-dire celles liées à l’inefficacité de l’appareil éducatif.

 

Yedan Ali

Amadou Sy

Aperçu des télécommunications en Afrique

ihub-Nairobi-4-e1454490094336Cet article est le premier d’une série sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique. Il vise à dresser un panorama général des télécommunications en Afrique, permettant de mieux comprendre l’environnement dans lequel s’inscrivent les problématiques abordées dans les articles à venir. 

Les TIC, auparavant aussi appelées Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communications (NTIC) ou en anglais, Information Technologies tout court, n’ont pas de définition universellement reconnue. Elles sont généralement comprises comme un ensemble de technologies permettant le traitement et le transfert de l’information. En 2006, l’OCDE définit le secteur des TIC comme celui dont les entreprises ont comme principales activités le traitement et la communication de l’information de manière électronique, y compris sa transmission et son affichage[1]. Plus récemment, dans son rapport sur le développement dans le monde 2016, intitulé « Les dividendes du numérique », la Banque mondiale définit les technologies numériques comme « internet, les téléphones mobiles et tous les autres outils servant à recueillir, stocker, analyser et partager des informations sous une forme numérique » [2]

Les technologies qui seront principalement abordées dans cette série seront donc celles qui répondent à cette définition, en particulier la téléphonie fixe et mobile ainsi qu’internet, et les services qui y sont liés.  

Téléphonie fixe

Sans surprise, la téléphonie fixe est marginale dans le paysage des télécommunications en Afrique subsaharienne. Les lignes fixes sont souvent considérées comme s’appuyant sur des infrastructures obsolètes, issues des anciennes entreprises nationales gérant les télécommunications, et couteuses à entretenir et donc souvent en mauvais état. Ces dernières années, ces entreprises ont plutôt concentré leurs investissements dans le développement des réseaux mobiles, considérés comme plus prometteurs.

Par conséquent, la téléphonie fixe a rapidement été dépassée par la téléphonie mobile : Il y avait en 2015 50 fois plus de connexions par téléphones portables que par fixes, avec un taux de pénétration des lignes fixes inférieur à 1%, le plus bas au monde[3]. La Banque Mondiale elle, constate une augmentation constante des abonnés africains à une ligne fixe jusque 2009 (1,57%), avant une légère baisse pour atteindre 1,11% en 2014[4]. La téléphonie fixe, pourtant révolutionnaire dans les pays occidentaux à sa naissance, semble donc bel et bien dépassée par des technologies apparaissant comme plus riches en termes de possibilités offertes.

Internet

Parmi les technologies plus attractives, l’internet qui est pourtant vu comme un levier de développement essentiel, est néanmoins un des domaines dans lequel le continent africain apparaît comme le plus en retard. En améliorant l’accès à l’information et en baissant son coût, il permet par exemple à des agents économiques jusque-là isolés ou du moins limités géographiquement, d’avoir accès à de nouveaux marchés, par exemple avec des services de eCommerce et de mAgri. Alors que 80% de la population des pays développés est connectée à internet, et 40% de la population mondiale, en 2014, ils ne seraient que 19,2 % en Afrique subsaharienne selon la Banque Mondiale[5]. L’Internet Society précise dans un rapport publié en 2015 que ce chiffre cache des disparités importantes, certains pays comme le Maroc observent un taux de 50% tandis que d’autres avoisinent les 2%, la moyenne étant à 10%[6].

La difficulté d’accès à internet s’explique par une bande passante insuffisante et couteuse : pour une même quantité, elle couterait 30 à 40 fois plus chère en Afrique qu’aux États-Unis et représenterait une part beaucoup plus importante des revenus annuels par habitant (800% en Afrique contre 15% aux États-Unis), avec d’importantes variations régionales[7]. Les pays enclavés rencontrent plus de difficultés que ceux qui bénéficient directement des câbles sous-marins, et les zones rurales sont également bien moins connectées que les centres urbains, qui regroupent un cinquième de la fibre terrestre.

Face à ces difficultés, des projets de « backbones », des réseaux terrestres permettant de relier les câbles sous-marins aux zones enclavées, sont en cours mais doivent faire face à des défis géographiques et financiers. Le développement des câbles sous-marins a tout de même contribué à l’augmentation de la bande passante en Afrique, multipliée par 20 entre 2009 et 2014 ; elle a ainsi permis de connecter 176 millions de personnes en plus à l’internet[8]. Néanmoins, la prépondérance du téléphone portable en Afrique, et les services mobiles qui y sont liés, donnent une place particulière aux données: en 2015, 90% des connexions internet du continent se faisaient par l’internet mobile[9].

Abonnés mobiles

Le GSMA recense en 2015, 557 millions d’abonnés mobiles en Afrique, ce qui représente un taux de pénétration de 46% ; il prévoit qu’ils seront 725 millions en 2020[10]. Malgré le fait que ces chiffres font de l’Afrique la deuxième région avec le plus grand nombre d’abonnés uniques derrière l’Asie, elle reste la moins connectée, avec un taux de pénétration bien en dessous de la moyenne mondiale de 63%. Et elle devrait toujours l’être en 2020, avec un taux de 54%[11]. Parmi les obstacles au développement des services mobiles, l’on peut évoquer le coût, les dépenses liées au mobile représentant une part importante du revenu ; des couvertures variables par les réseaux mobiles, notamment 3G et 4G ; et enfin une faible culture technologique des populations. 

L’Afrique est néanmoins le continent avec la plus grosse croissance en nombre d’abonnés, avec une croissance moyenne de 11% les dernières années mais qui devrait ralentir à 6% entre 2015 et 2020, mais toujours au-dessus de la moyenne mondiale de 4%. 8 pays possèdent à eux seuls 55% des abonnés, à savoir le Nigeria (15%), l’Egypte (10%), l’Afrique du Sud (7%), l’Ethiopie (6%), l’Algérie et le Kenya (5%) et la Tanzanie et la RDC (4%)[12].  La Banque mondiale, qui prend en compte le nombre de personnes ayant accès à un téléphone portable, constate, elle, un taux de pénétration de 73% du mobile dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Le développement de la data

D’un point de vue plus qualitatif, l’on constate une évolution vers des réseaux dits de 3ème génération et 4ème génération (3G et 4G), chaque « génération » permettant des débits de transmission plus rapides. 28 pays possèdent déjà des réseaux 4G, avec des lancements récents en Tunisie, au Burundi, au Liberia, au Nigeria, au Soudan, en Tanzanie et en Ouganda. D’ici 2020, ils devraient être 50 pays à la proposer. Cette évolution vers ces réseaux plus rapides contribue au développement de nouveaux services mobiles, notamment basés sur l’utilisation de smartphones mais pas uniquement. Le prix de ceux-ci reste prohibitif pour de nombreux utilisateurs africains : vendus en moyenne à 230$ en 2012, ce prix est descendu à 160$ en 2015, tandis que des smartphones à moins de 50$ commencent à apparaître.

Les opérateurs cherchent à tenir compte des réalités économiques mais aussi des attentes de leurs clients en proposant des « kits » alliant téléphone abordable, forfait voix, SMS et données (Orange), ainsi qu’éventuellement des applications supplémentaires – éducatives ou musicales ; ou en adaptant leurs offres, par exemple en offrant gratuitement l’accès à certaines applications populaires comme WhatsApp, Facebook (MTN Rwanda). Cette évolution vers l’internet mobile se manifeste aussi bien dans les flux de données, qui peuvent augmenter de 60% et 75% d’une année sur l’autre, voire d’un trimestre sur l’autre ; que dans les revenus issus de ceux-ci.

Quelle contribution à l’économie ?

Ainsi, les revenus issus de l’industrie mobile en Afrique, représentent aujourd’hui 53,5 milliards de dollars, contre 42 milliards en 2010. Même si les revenus liés à la voix et aux SMS représentent toujours la plus grosse part de l’économie du mobile, c’est l’augmentation des revenus liés aux données qui sont à la base de cette croissance. En effet, les revenus issus de l’internet mobile représentent en moyenne un cinquième des revenus des opérateurs.

Le GSMA distingue les revenus directement issue de l’économie mobile, constitués par les activités des opérateurs téléphoniques, les distributeurs de produits et services mobiles ou encore les fournisseurs de services d’infrastructure ; les revenus indirects liés aux activités engendrées dans d’autres secteurs (achat de matériaux, recours à d’autres services) ; et enfin les gains de productivité permis dans les autres secteurs (communications facilitées, accès à information et nouveaux services via SMS, voix, 3G-4G…). En 2015, le GSMA estime les revenus directs à 50 milliards de dollars, ceux indirects à 12 milliards de dollars, et les gains de productivité à 92 milliards ; additionnés, les revenus issus de l’économie mobile s’élèveraient à 153 milliards de dollars, soit 6,7% du PIB des économies africaines.

En termes d’emplois, entre ceux du secteur même et ceux d’autres secteurs, tirés par la demande de l’économie mobile, le GSMA estime que celle-ci a contribué à créer 1,3 millions d’emplois directs et 2,4 millions indirects.            

Marie Caplain

Cet article a été publié le 09/09/2016.


[1] OCDE, DSTI/ICCP,  Working Party on Indicators for the Information Society , « Information Economy – Sector definition based on the international standard industry classification (ISIC 4) », Mars 2007.  

[2] Banque mondiale. 2016.  « Rapport sur le développement dans le monde 2016 : Les dividendes du numérique. » Abrégé. Washington :  Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO, p.2.

[3]  Douglas Sele, Michael Mudau, « Telecommunications in Sub-Saharan Africa, Fixed & Mobile markets overview », Detecon, 02/05/2016.

[4] Banque Mondiale, Fixed telephone subscriptions (per 100 people), Subsaharan Africa, 1960-2014.

[5] Banque Mondiale, Internet users (per 100 people), Subsaharan Africa, 1990-2014.

[6] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[7] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[8] Hamilton Research, « Africa: Africa’s Terrestrial Transmission Network Reaches 1 Million Kilometres During 2015 », Africa Bandwidth Maps, 11/11/2015.

[9] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[10] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

Le GSMA parle « d’abonnés uniques » c’est à dire de personnes possédant une carte SIM ou plus, et non pas le nombre de carte SIM en circulation. L’industrie mobile a tendance à comptabiliser chaque carte SIM ce qui peut fausser les statistiques.

[11] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

[12] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

Le numérique peut-il vraiment changer votre vie ?

Depuis que le football ne fait plus rêver, le nouvel eldorado social africain se trouve dans l’entrepreneuriat, avec un intérêt particulier dans les domaines du virtuel. En même temps que le nombre d’Africains connectés monte en flèche, Internet, les réseaux sociaux en général ainsi que les solutions numériques sont  envisagés dans tous les discours. Ces changements se suivent forcément de modifications plus ou moins profondes dans le quotidien des uns et des autres, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Le digital a-t-il une influence si grande sur nos vies ?

  1. Le digital change-t-il nos habitudes ?

Le réseau social Facebook a atteint en juin 2014 les 100 millions d’utilisateurs mensuels en Afrique. Avec une telle croissance, les faits par eux même  prouvent que les modes de vie changent, ici comme ailleurs. L’ampleur de ces changements se perçoit plus facilement dans des nations à forte présence technologique comme le japon ou Singapour, mais de plus en plus les vies africaines se modifient, de manière parfois plus forte qu’ailleurs. Le continent vert étant par exemple le seul sur lequel le mobile est utilisé à plus de 80% par rapport aux ordinateurs et autres tablettes pour les connexions sur le Web.

 

FB-afrique

 

(c) Jeune Afrique / Infogram

Plus généralement, on voit le digital changer les sociétés de plusieurs manières. Nous le voyons quand nous nous rendons compte que plus du tiers de la population mondiale aujourd’hui dispose d’internet. Nous voyons de  plus en plus fréquemment nos mamans nous envoyer des demandes d’amitié sur Facebook *pour notre plus grand malheur*, pendant que nos papas regardent leurs matchs, consultent leurs mails, profitent des services vidéos comme YouTube via leurs téléphones. Et la tendance est croissante, puisque les transports par drones d’Amazon et les ballons distributeurs de Wi-Fi nous font passer dans un univers digne des meilleures séries de science-fiction.
Nous voyons aussi le digital quand nous pouvons assister en streaming (en direct) à l’E3, la conférence du jeu vidéo, et lorsque nous pouvons lancer des campagnes de financement participatif (« Crowdfunding »). Ces campagnes de financement permettent entre autres de redonner ses couleurs à une culture comme avec le projet JeParleBassa’a 2.0, qui vise à réhabiliter certaines langues  locales au Cameroun. Le digital permet à  une entreprise de faire de la location de voitures sans voitures, et le digital permet aussi à une voiture de se déplacer sans chauffeur. De la monnaie à la météo en passant par la télévision, les transports. D’ailleurs prenez une minute, et pensez au téléphone. A chaque appels que vous émettez, vous entendez distinctement la voix d’une personne située à des milliers de kilomètres de votre position, vous arrivez à la voir en direct et même, vous pouvez lui faire un transfert d’argent *ce qui doit être fréquent si vous êtes africains*.

Il y a moins de quarante ans que l’internet est entré dans nos habitudes, mais on peut difficilement imaginer un monde sans le digital. Ceci dit, ces changements globaux n’ont pas forcément d’impact réel sur les vies des africains, qui sont relativement en retard dans la course aux datas.

  1. Le digital change-t-il vraiment la vie ?

Selon beaucoup, pas vraiment. Soyons un peu pragmatiques. L’homme n’en est pas à sa première révolution, et à moins que les mayas aient raison, l’humanité a encore quelques belles années avant que nous ne soyons tous dévorés par les oranges mutantes issues de l’agriculture OGM. En attendant, l’homme a toujours vécu des innovations, et très peu ont réellement changé quelque chose à notre manière fondamentale de vivre. Malgré les discours  optimistes à souhait, en fait, tout   est pareil. Notre manière d’aimer par exemple n’a pas changé, les compétences nécessaires au leadership n’ont pas  changé, et on se rend compte que la vie est un éternel recommencement, vu que Pokemon et les jeans déchirés  sont revenus à  la mode.  De plus, malgré les ambitions philanthropiques et mégalomaniaques des superpuissances et des milliardaires de l’heure, on n’a pas encore vu beaucoup de réalisations  vraiment utiles pour l’humanité, au point que certains se demandent si ces projets humanitaires sont vraiment si humanitaires que ça.

Parce qu’entre nous, l’Afrique est pauvre. Bon. Soyons politiquement corrects. L’Afrique est un « contexte géopolitique complexe et incertain». Qu’est-ce que des applications web, le data mining ou les drones peuvent apporter à une région où on a des coupures de courant de vingt heures par semaine? Qu’est-ce que les « wazzaps » et les « fassbook » peuvent apporter à quelqu’un qui vit sous le seuil de un Euro par jour ? Comment est-ce possible que l’homme soit capable d’aller sur la Lune et sur Mars, et qu’il soit inapte pour éradiquer la famine ?

 

chomage

 

(c) Jeune Afrique / Infogram

A contrario, la transformation digitale qu’est en train de connaitre le continent africain ne se fait  pas sans risques. En Algérie qui est le cinquième pays africain sur  les réseaux sociaux, on a récemment ouvert un centre de désintoxication contre  Facebook. Incroyable mais vrai. Pendant ce temps des terroristes notoires utilisent fréquemment des vidéos de propagande diffusées via les réseaux sociaux, ainsi que des services de messagerie chiffrée comme Telegram, l’application de messagerie qui permet d’envoyer des messages virtuellement impossibles à intercepter. Le digital change même la manière de faire la guerre.

Des variations notables du quotidien africain sont certes perceptibles. Outre les 25 % d’abonnés mensuels revendiqués par le continent, on compte aussi une utilisation plus que massive des outils de messagerie instantanée comme WhatsApp, qui a affiché deux années de suite un taux de croissance de plus de 50%. L’Afrique est aujourd’hui le premier continent en matière d’utilisation de solutions de paiement mobile comme avec M-PESA au Kenya, et de manière générale le digital a rendu l’Afrique beaucoup plus mobile. Dans les deux sens que peuvent prendre ce mot.

  1. Qu’est-ce que le digital apporte alors à l’Afrique ?

Des perspectives.

Il ne faut pas se voiler la face. Les discours sur le prétendu réveil africain n’auront pas passé l’épreuve du temps. Beaucoup des problématiques sociales, économiques, structurelles de  l’époque des indépendances sont encore bien présentes de nos jours. Ceci dit, même si une connexion internet ne remplace un champ détruit par la sécheresse, le digital est loin d’être un placement à perte, au contraire.

Considérer que le numérique n’est pas une  priorité parce que le peuple a faim, c’est  équivalent à considérer en pleine deuxième guerre mondiale que la fabrication d’armes  et les entraînements  des soldats ne sont pas  une priorité… parce que le peuple a faim. C’est incohérent, surtout qu’en vérité, on est vraiment en guerre. Les épidémies, l’instabilité sociale, et les très nombreux préjugés nuisent à l’image de l’Afrique, et empêchent l’instauration d’un climat entrepreneurial fiable.

Sur tous ces champs de bataille, les technologies de l’information et de la communication offrent des perspectives, ouvrent des portes. Le simple accès à l’information permettrait déjà de mieux gérer certaines épidémies, pendant que les applications de sécurité routière offrent de belles solutions à des problèmes concrets, permettant de [plus ou moins] réduire les taux d’accidents en attendant les super-routes promises par tous les plans africains d’émergence en 2025, 2035, 2045 et cetera.

S’agissant de l’éducation la question ne se pose même pas. A l’heure actuelle on devrait intégrer l’utilisation des blogs et des algorithmes dès la sixième pour rattraper le retard pris sur les nations des autres continents. Au japon, on envisage déjà d’introduire le code dans les programmes scolaires. Au primaire -_-.

De toutes manières, même si les technologies de l’information ne résolvaient aucun problème et ne changeaient rien au quotidien, il faudrait  quand même capitaliser dessus. Si on ne le fait pas, d’autres le feront à notre place et ils ont même déjà commencé. Les projets visant à « connecter l’Afrique » sont des priorités pour de nombreuses grosses boites américaines et chinoises. La ville de Hong Kong à elle seule produit plus de contenu sur WIKIPEDIA que tout le continent Africain. Faudra-t-il attendre que le monde vienne écrire nos articles à notre place ?

Quelques-uns ont compris, et certaines de nos figures politiques se sont aussi mises à la page, avec des mesures plus ou moins utiles, éthiques, efficaces. L’exonération d’impôts sur l’importation de matériel technologique ou l’achat d’ordinateurs pour les universités sont déjà adoptées, même si on débattra plus tard de la pertinence souvent discutable de celles-ci. Dans le même temps les coupures brutales de l’internet en périodes électorales ne sont pas rares non plus. En outre il n’est pas rare de voir quelques « négligences » de la part des gros médias sociaux, envers certaines figures emblématiques africaines. Le compte « officiel » de l’artiste Youssou n’dour notamment, avec 173k abonnés, n’est pas certifié. Comme quoi le digital ne peut pas tout changer, sans une vraie volonté.

Cela signifie que nous avons encore du chemin à faire, mais ce qui est sûr c’est que ce chemin sera bien moins pénible pour les nations et peuples africains qui auront compris ce qui est plus qu’un slogan pour quelques geeks en mal de reconnaissance : Le digital, c’est le futur. Si vous en doutez, vous vous trompez.

 

Cet article est issu de TechofAfrica.com, site d'actualités sur les nouvelles technologies et les startups en Afrique.

 

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

La place des villes dans un Sénégal émergent

dakarAvec près de la moitié de la population résidant en zones urbaines, le Sénégal présente un taux d’urbanisation supérieur à la moyenne observée en Afrique subsaharienne (40 %). Dans ce pays, la proportion de citadins a quasiment doublé ces dernières décennies — de 23 % dans les années 1960, elle est passée à 43 % en 2013 — et devrait s’établir à 60 % à l’horizon 2030. Certes, cet essor s’accompagne d’immenses défis, mais il offre aussi aux responsables sénégalais l’occasion d’opérer une transformation structurelle de l’économie.

En effet, on note que ce sont les centres urbains, et principalement la capitale Dakar, qui tirent la croissance. Ils sont globalement à l’origine de 65 % du PIB national, Dakar se taillant la part du lion (55 %). La région de Dakar abrite 50 % de la population urbaine sénégalaise, concentre plus de 52 % des emplois créés dans le pays et regroupe plus de 80 % des sociétés immatriculées au registre du commerce. À elle seule, la capitale accueille 62 % des créations d’entreprises.

Cependant, les villes sénégalaises souffrent dans leur ensemble d’un déficit infrastructurel chronique et d’une carence de services publics. Dans les villes secondaires, en particulier, 68 % des ménages sont raccordés au réseau d’alimentation en eau, tandis que les 32 % restants dépendent de bornes-fontaines. Par ailleurs, seuls 36,7 % des foyers en milieu urbain disposent d’équipements sanitaires de base (latrines, fosses septiques). Outre Dakar, seuls six centres urbains bénéficient d’un accès partiel à un système d’égout, à savoir Rufisque, Louga, Saint Louis, Kaolack, Thiès et les villes touristiques de Sally et Mbour. La gestion des ordures ménagères est en outre problématique dans la plupart des villes du pays, aussi bien sur le plan de l’enlèvement que du traitement des déchets. À cela s’ajoute une capacité limitée de planification de l’aménagement urbain : moins de 20 % des villes et des municipalités possèdent un plan d’urbanisme, et la plupart de ces plans sont obsolètes ou ne sont pas appliqués faute de capacités de gestion urbaine suffisantes dans les collectivités locales. L’inadéquation de la réglementation en matière de gestion et d’aménagement du territoire entraîne des distorsions sur les marchés foncier et immobilier, et conduit au développement d’implantations sauvages à la périphérie des villes, dans des zones sujettes aux inondations.
 
Mais, en dépit de ces difficultés, il existe plusieurs leviers d’action que les responsables publics sénégalais pourraient mettre en œuvre.
                                                                                                                                                        
Renforcer le rôle des villes secondaires et améliorer la gouvernance de la zone du Grand Dakar

Le manque de réseaux d’infrastructures et de services adéquats dans les villes secondaires exacerbe l’exode rural vers la capitale, ce qui a pour effet de dégrader encore davantage les conditions de vie des populations pauvres et de mettre à rude épreuve les capacités techniques et financières déjà limitées des autorités municipales et métropolitaines. Aussi faut-il répondre aux besoins de financement à deux niveaux différents :

  • en renforçant le rôle des villes secondaires, notamment des capitales régionales, pour qu’elles deviennent des pôles de développement plus productifs et plus vivables, afin de soulager l’agglomération urbaine de Dakar ;
  • en investissant dans l’agglomération urbaine de Dakar afin de répondre au manque d’équipements infrastructurels non financés ces vingt dernières années.

 
Les autorités sénégalaises peuvent également améliorer la gouvernance urbaine et surmonter les difficultés associées à l’urbanisation en mettant l’accent sur des enjeux communs et en y faisant face avec anticipation. En particulier, elles doivent mettre sur pied de nouveaux modèles de gestion décentralisée et une coopération multidimensionnelle afin de créer des systèmes économiques en zones urbaines plus efficaces et des villes inclusives qui garantissent l’égalité d’accès au logement, aux services et à l’emploi.
 
La Revue de l’urbanisation au Sénégal préconise de s’orienter vers les priorités stratégiques suivantes : revoir et moderniser les outils de planification territoriale ; dynamiser l’économie urbaine au moyen de programmes ciblés ; améliorer l’offre et l’accès aux services urbains ; développer les structures de gouvernance du territoire ; et réfléchir à des stratégies innovantes pour financer l’expansion du stock d’infrastructures urbaines. Ces cinq thématiques clés seront traitées dans le cadre de la mise en œuvre de « l’Acte III de la décentralisation » et de l’actuelle stratégie économique nationale, le « Plan Sénégal émergent » (PSE).

En outre, à la suite des recommandations formulées dans la Revue de l’urbanisation, le ministère de la Gouvernance locale et du Développement a fait appel à la Banque mondiale afin qu’elle appuie la mise en place d’interventions dans plusieurs villes du pays, dans l’objectif de prolonger durablement l’impact des efforts engagés. Le renforcement des autorités municipales et la réalisation des objectifs de développement économique à long terme du pays passent par l’instauration de systèmes de financement locaux fiables et autosuffisants. Le gouvernement tient par ailleurs à multiplier les réseaux interconnectés entre les villes et les régions et à tirer parti des opportunités économiques que recèle la population urbaine.

L’heure est venue pour les dirigeants sénégalais de fixer le cadre qui permettra de relever les défis du développement urbain et de répondre aux besoins d’une population en plein essor, dans un souci d’inclusion et d’efficacité.

Pour plus d'informations, s'il vous plaît voir Perspectives urbaines : villes émergentes pour en Sénégal émergent (French).

 

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et a été soumis par SALIM ROUHANA.

Un contrat social pour financer l’émergence en Côte d’Ivoire

civLes personnes fortunées empruntent pour financer leurs investissements car les banques leur font confiance. Ceux qui ont moins de moyen, et qui ont donc davantage besoin de prêts, n'y ont pourtant pas accès et font souvent appel à la solidarité familiale ou communautaire pour leurs investissements. La même logique peut être faite à l’échelle des pays. Ceux à revenu élevé empruntent, tandis que les pays africains à revenu faible n'ont qu'un accès limité aux marchés de capitaux.

Au cours de ces dernières années, seul un quart des pays subsahariens ont pu accéder aux émissions obligataires internationales, les autres n’ayant d’unique choix que de solliciter l'aide internationale. Si les flux d'investissements direct étrangers, qui comptent pour près de 3 % du PIB de l’Afrique subsaharienne, ne sont pas négligeables, ils sont majoritairement dirigés vers l'extraction de ressources naturelles où 80 % à 90 % de ces montants ressortent presque immédiatement pour financer les importations nécessaires aux projets. Comment un pays comme la Côte d'Ivoire peut-il sortir de cette impasse ?

La réussite des pays émergents montre la voie à suivre. Si l'aide internationale peut financer l'impulsion initiale, les pays en quête d'émergence doivent avant tout compter sur eux-mêmes. Cela signifie qu'ils doivent mobiliser leurs propres ressources pour financer leur développement. Et c'est peut-être aussi là une définition de l'émergence.

Pour la Côte d'Ivoire, une telle option devrait se traduire par une augmentation de l’épargne domestique pour que celle-ci puisse financer les besoins du pays. Située à environ 20 % du PIB en Côte d’Ivoire, elle est pourtant au-dessus de la moyenne africaine et de celle des pays à bas revenu, mais reste éloigné du niveau des pays émergents d'Asie, où elle dépasse 30 %.

Le véritable problème de la Côte d'Ivoire en matière de financement domestique se situe sur un autre plan,  à deux niveaux. D'abord, l'État ne démontre pas de capacité à générer une épargne publique suffisante. La pression fiscale du pays s’établit à 16 % du PIB, soit en deçà des objectifs des décideurs politiques ivoiriens et de la région UEMOA (20 %), pourtant inférieurs aux taux observés au Maroc ou en Afrique du Sud (25 %).  Les autorités ivoiriennes ne mobilisent en outre que 25 % des recettes potentielles de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui pourraient être perçues sur l’ensemble des transactions internes du pays. À titre de comparaison, un pays émergent comme l'Ile Maurice affiche un taux de recouvrement équivalent à 75 % de son potentiel de TVA.

Le deuxième problème est lié à l'épargne privée. Le défi n'est pas tant d'augmenter son montant mais d'améliorer son affectation. Aujourd'hui, seuls 15 % des épargnants ivoiriens placent leurs économies dans le système financier local, un taux deux fois inférieur à la moyenne africaine. Ce choix ne permet pas de profiter du formidable effet de levier que pourrait générer le multiplicateur de crédit sur l'ensemble de l'économie. Par voie de conséquence, les montants de crédits octroyés par le système financier ivoirien s’élèvent à 30 % du PIB, alors que ceux-ci atteignent plus de 100 % dans des pays comme le Maroc, l'Afrique du Sud et l'Ile Maurice. Ce taux est par ailleurs inférieur aux montants recensés au Ghana, Sénégal et au Togo.

Imaginons que la Côte d'Ivoire puisse agir à la fois sur la mobilisation de son épargne publique et la capacité de crédit de son système financier. Imaginons encore que le recouvrement des impôts atteigne 20 % du PIB et que le taux de crédits augmente jusqu'à 80 % du PIB. Au taux de change actuel et en utilisant le revenu du pays en 2015, ces sources de financement s’établiraient à 40 milliards de dollars ou une hausse de 21 milliards de dollars par rapport aux montants déclarés fin 2015.

Les montants ainsi générés par les sources domestiques permettraient de compléter les engagements financiers extérieurs d’environ 25 milliards de dollars. Compte-tenu des annonces sur la période 2016-20 tenues par le Groupe Consultatif en mai dernier à Paris l'ensemble des financements intérieurs et extérieurs serait amplement suffisant pour couvrir les investissements identifiés par le Plan national de développement sur la période 2016-20, et pour ouvrir la voie vers l'émergence.

La question qui demeure est la suivante : comment parvenir à accroître la mobilisation et l'utilisation de l'épargne domestique tant du côté du secteur public que privé ?  La réponse est éminemment complexe  mais une chose est sûre : elle devra inclure un contrat social à travers lequel les différents acteurs se feront mutuellement confiance et qui possèdera des règles claires et transparentes qui chercheront à optimiser le bien-être collectif du pays et non pas les intérêts pécuniaires de certains groupes particuliers. Les contribuables devront pouvoir compter sur la bonne utilisation de leurs paiements par les pouvoirs publics. De même, les épargnants devront avoir confiance en leurs banques, lesquelles devront en retour avoir suffisamment d’assurances quant à l’effectivité du remboursement de leurs prêts.

Pour en savoir plus, consultez le dernier rapport sur la situation économique en Côte d'Ivoire.

Cet article est issu des Blogs publiés par la Banque Mondiale et soumis par JACQUES MORISSET.

Les nouveaux modèles de financement du développement en Afrique

fonds-souverainsDambisa Moyo, William Easterly, ou encore Jeffrey Sachs sont des noms qui reviennent souvent dans les débats sur l’aide au développement. À coup de théories économiques et d’exemples de cas d’école, chacun d’entre eux, et de nombreux autres économistes du développement, apportent leurs perspectives à la question de l’efficacité de l’aide, et son impact réel sur le développement. Pourtant, les alternatives à l’aide au développement attirent également de plus en plus l’attention des économistes comme substitut ou complément à l’aide au développement, car ayant le potentiel de limiter la dépendance à l’aide ou de combler certaines de ses lacunes. Cet article a donc pour objectif de présenter certains de ces nouveaux moyens de financement du développement, notamment les partenariats publics privés,  et l’autofinancement à travers le recours aux ressources internes et à l’endettement sur les marchés financiers. Ces modèles ont également leurs limites, qui seront présentées dans un second temps.

 

 

  1. Quels nouveaux modèles de financement pour le développement ?
  1. Les Partenariats Public–Privé (PPP)

Les Partenariats Public–Privé (PPP) sont principalement utilisés pour financer des infrastructures, et ont été imaginés pour éviter certaines difficultés posées par les modèles traditionnels de financement des infrastructures. En effet, le modèle de marché public, dans lequel une entreprise produit une infrastructure qui sera ensuite gérée par l’État, fait peser sur celui-ci des risques liés à un manque de contrôle sur la qualité de l’infrastructure, et sur les coûts que cela peut engendrer. Le modèle de la concession publique, où c’est l’État qui est en charge de la construction de l’infrastructure qui sera gérée par une entreprise, fait peser ces risques entièrement sur l’entreprise.

 Les PPP représentent donc un nouveau modèle de financement, censé permettre une meilleure répartition des risques. Même si le terme de PPP peut être utilisé pour désigner différents type de projets, c’est en général la réalisation et l’entretien par une entreprise, pour le compte de l’État d’un ouvrage ou un service public, qui produit ensuite des recettes qui servent à rémunérer l’entreprise. C’est par exemple le cas de l’autoroute à péage Dakar-Diamniado, réalisée par la société Eiffage au Sénégal ou le pont Henry Konan Bédié réalisé par la Socoprim en Côte d’Ivoire. Dans les deux cas, l’entreprise a été chargée par le gouvernement de concevoir et réaliser l’ouvrage, ainsi que de l’exploiter et de l’entretenir, pour une durée de 30 ans.

Le modèle des PPP permet un meilleur équilibre des risques, avec un État garantissant des compensations au cas où l’équilibre financier prévu pour le projet, n’est pas atteint. Ce modèle de financement assure également en général des ouvrages de qualité, dans les délais, d’une part car le partenaire privé qui le réalise possède une expertise en la matière, de l’autre car elle doit bénéficier des recettes qui en découlent.

  1. Les marchés financiers

L’autofinancement du développement représente une autre alternative à l’aide au développement. Elle permettrait aux États de rompre une situation de dépendance à l’aide, souvent critiquée, et de moins subir les chocs externes. On peut s’intéresser d’une part à l’emprunt sur les marchés financiers, et d’autre part  aux ressources que sont l’épargne privée intérieure (c’est-à-dire celle des populations), et l’épargne publique, qui découle des impôts sur les particuliers et les entreprises.

L’émission d’emprunts sur les marchés se développe depuis quelques années, avec de plus en plus de pays africains qui se tournent vers l’émission d’emprunts sur les marchés financiers, comme moyen de financer leur développement. Ces émissions consistent en des titres de créances émis par les États africains, sur des marchés étrangers, qui seront remboursés en totalité et avec intérêts. Le Ghana était ainsi le premier à émettre des obligations souveraines d’un montant total de 750 millions de dollars à un taux d’intérêt de 8,5%. En Octobre 2015, il émettait à nouveau des obligations, cette fois pour un montant de 1 milliard de dollar US, à un taux d’intérêt de 10,75%.

D’autres pays ont rapidement suivi le Ghana, parmi lesquels la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon, le Cameroun ou encore le Tchad. Derniers en date, le Sénégal en  Mars et l’Algérie en Avril. Avec des taux de croissance importants et des profils de risque qui se sont améliorés, les États africains peuvent apparaitre comme particulièrement attractifs pour certains investisseurs. Du côté des États, l’intérêt de ces émissions d’emprunt est qu’elles les laissent autonomes dans la gestion des fonds obtenus, contrairement aux prêts bilatéraux et multilatéraux. Cependant, ce modèle remplace les créanciers traditionnels des États africains que sont les bailleurs de fonds, par de nouveaux créanciers.

  1. Les ressources internes

En revanche, d’autres ressources internes gagneraient à être davantage exploitées par les États africains, notamment l’épargne. D’après le rapport économique sur l'Afrique 2010, publié par la Commission économique pour l’Afrique, « le taux d’épargne en Afrique est très faible par rapport à ceux d’autres parties du monde en développement », avec moins de 20% du PIB. Les ressources comme l’épargne privée ou les impôts sont donc clairement sous exploitées par les États, malgré le potentiel important qu’elles représentent.

C’est notamment le cas de l’épargne privée, alors que la microfinance a montré que même les populations les plus pauvres sont capables d’épargner. En cause : des systèmes financiers qui excluent la majorité des citoyens. À cause d’un nombre d’agences insuffisant surtout dans les zones rurales, de versements minimum demandés trop élevés, de taux d’intérêt peu intéressants ou encore une documentation à fournir, trop importante, les conditions nécessaires à l’ouverture d’un compte d’épargne sont souvent des barrières rendant ceux-ci peu attractifs pour les particuliers.

Du côté des ressources publiques, les systèmes fiscaux gagneraient à être développés. Les impôts collectés par les États africains ont pourtant augmentés, selon le rapport Perspectives Économiques en Afrique publié en 2010. Le rapport montre ainsi qu’ils sont passés de 113 milliards de dollars USD en 1996, à 479 milliards en 2008. Cependant, ces impôts sont souvent issus de la taxation des ressources minières et naturelles. Or, les crises successives des matières premières ont montré les limites de ce type de fiscalité ; de plus, cette source de revenus est souvent montrée du doigt comme facteur contribuant à la mauvaise gouvernance et à l’instabilité politique. Enfin, elles peuvent représenter un obstacle à la mise en place de systèmes fiscaux plus complexes, car représentant une source de revenus faciles.

En revanche, la mise en place d’impôts directs sur les populations et les sociétés, et indirects (TVA et autres taxes commerciales) permettrait de mobiliser de nouvelles ressources. Certains économistes argumentent par ailleurs que la taxation des particuliers peut rendre la population plus regardante sur la gestion des ressources publiques lorsque celles-ci sont issues de ses propres revenus, en comparaison avec l’aide extérieur, qui n’exerce pas la même pression sur les populations.

 

  1. Limites et risques des nouveaux moyens de financement

Ces nouveaux moyens de financement du développement ne sont pas exempts de risques et de coûts, qu’on ne retrouve pas forcément avec l’aide au développement.

  1. Les Partenariats Public–Privé (PPP)

Dans le cas des PPP, les États ne maitrisent pas forcément les risques liés à la demande. En effet, le niveau futur de demande ou d’utilisation par les usagers de l’ouvrage, est estimé lors de la signature du PPP. Si ce niveau n’est pas atteint, l’État doit verser des compensations financières au partenaire privé, ce qui représente donc des dépenses supplémentaires pour l’État. Par ailleurs, le risque de mauvaise gouvernance, liés aux marchés publics et aux concessions lorsque ceux-ci ne sont pas attribués de manière transparente et équitable, reste présent dans les PPP. Pour limiter ces risques, le développement d’un cadre réglementaire des PPP pourrait favoriser leur réussite. La Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale encouragent les États africains à aller dans ce sens, et c’est de plus en plus le cas. Les États de l’UEMOA travaillent ainsi à la mise en place d’un cadre régional des PPP, et nombreux sont les États qui ont déjà un cadre national, comme le Sénégal, le Niger ou la Côte d’Ivoire. Pour que ce cadre devienne réellement opérationnel, il sera important de renforcer les capacités des organismes en charge de gérer les PPP, et l’aide au développement pourrait y contribuer directement en facilitant des transferts de compétences dans ce domaine.

  1. Les marchés financiers

Les émissions d’emprunt sur les marchés financiers, elles, si elles représentent une alternative intéressante à l’aide au développement, envoyant des signaux positifs quant au développement économique de l’Afrique, peuvent également être à double tranchant. Dans un article publié en 2013 dans le journal les Échos, l’économiste Joseph Stiglitz met en garde contre un enthousiasme exagéré vis-à-vis de ces émissions. En effet, elles ont un coût supérieur à celui des prêts bilatéraux ou multilatéraux, car ces derniers ont des taux d’intérêts bas voir nuls, ce qui n’est pas le cas des obligations. Elles contribuent ainsi à l’endettement des pays africains : alors qu’il y a une dizaine d’années, les émissions d’obligations des États africains représentaient 1% de la dette extérieure des pays en développement, elles sont passées aujourd’hui à 4%.

  1. Les ressources internes

Le développement d’un système fiscal efficace parait de loin plus avantageux, car permettant à l’État de rester autonome et de mobiliser sa population. Le potentiel parait énorme, notamment avec la possibilité de taxer le secteur informel. Pourtant les réformes du système administratif devraient être profondes, avec notamment un besoin de décentralisation de l’administration pour assurer une collecte dans toutes les zones des pays. Les nouvelles technologies peuvent ici jouer un rôle efficace dans cette collecte, avec le potentiel de systèmes comme les paiements mobiles ou la plateforme eZwick au Ghana qui permet à ses utilisateurs d’atteindre des instruments financiers peu importe leur situation géographique. 

Cependant, la mise en place d’une fiscalité efficace nécessitera des réformes plus profondes des systèmes en place. Parmi celles-ci, l’allocation d’une part plus importante des ressources collectées aux des dépenses productives, plutôt que pour couvrir les dépenses de fonctionnement, qui représentent aujourd’hui 85% des ressources internes collectées. Enfin, pour qu’un tel système fiscal fonctionne, la confiance de la population dans le système et une gestion transparente des fonds seront des prérequis, ainsi qu’une société civile engagée et vigilante par rapport à l’utilisation des fonds. Cette évolution ne pourra se faire qu’avec des États prêts à dialoguer davantage avec leurs populations, et des populations plus regardantes sur le modèle de gouvernance de leurs États.

 

MC