Réformer les indicateurs économiques : et si le sursaut venait d’Afrique ?

Alors que le débat autour de la redéfinition des indicateurs économiques se cristallise dans les sociétés occidentales, c’est d’Afrique que pourraient provenir des réformes audacieuses.
Dotés d’une croissance économique dynamique mais confrontés à des défis sociaux et environnementaux majeurs, certains pays du continent bénéficieraient d’ajustements de leurs indicateurs. Une meilleure gestion de ces défis nécessite en effet la création d’indicateurs pertinents et aptes à contrôler les évolutions (positives et négatives) dans ces domaines.
Au-delà d’une simple remise en question du PIB, c’est également l’opportunité d’une rupture idéologique inédite dans l’histoire économique et des relations internationales.

Un débat historique mais en suspens dans les économies occidentales

La limite de la croissance du PIB comme indicateur central dans notre appréhension et notre gestion des défis actuels est la question fondamentale. Historique, comptable et essentiellement quantitatif, il est en effet considéré comme caduc et inapte à mettre en lumière les problèmes sociaux et environnementaux contemporains. Reportant uniquement l’accroissement de la production, il ne révèle rien sur les évolutions sociales et environnementales de nos sociétés.

Depuis 1972, et le rapport « Limits to Growth » du Club de Rome, différentes contributions questionnent la « pertinence de ces données en tant qu’outils de mesure du bien-être sociétal » (Rapport « Stiglitz », 2008). Toutefois, jamais la mise en place d’indicateurs performatifs complémentaires au PIB ne s’est concrétisée.

Ces critiques militent pour l’ajout d’indicateurs propres aux questions sociales  et à la préservation de l’environnement. On peut notamment évoquer les inégalités de revenus, la proportion d’individus vivant sous le seuil de pauvreté, l’accès à l’éducation, la pollution atmosphérique, la gestion des ressources en eaux, la dégradation des sols, etc. Il reste néanmoins important de noter que ces indicateurs ne doivent pas être substituables, c’est-à-dire que de bonnes performances dans un domaine ne doivent pas masquer de piètres résultats dans un autre. Ceux-ci permettraient de sortir d’une vision uniquement quantitative et d’orienter nos activités vers l’amélioration des conditions de vie des populations et la durabilité de nos écosystèmes.

Néanmoins, ces volontés d’ajustements se heurtent à de nombreux refus dans les sociétés occidentales. Tous se fondent en partie sur l’atonie actuelle de la croissance : en cette époque de croissance faible, la priorité serait son rétablissement, pas sa remise en question en tant qu’indicateur phare. Il leur semble déplacé de vouloir discréditer cet indicateur au moment précis où il vacille. C’est donc parce que ces sociétés cherchent aujourd’hui à renouer avec la croissance que les aspirations à revoir le modèle d’analyse sont écartées.

Une chance en Afrique subsaharienne ?

Il est donc approprié de se tourner vers des pays jouissant d’une croissance dynamique pour impulser cette initiative, notamment en Afrique de l’ouest francophone.

Le Sénégal ou la Côte d’Ivoire bénéficient, par exemple, de performances économiques saluées par des observateurs reconnus, comme la Banque Mondiale ou le cabinet McKinsey. Ils bénéficient d’une croissance stable, autour de 5% par an[1], depuis plusieurs années et les perspectives sont encourageantes.

Au-delà de leur croissance économique, c’est sa relative qualité qui en fait des candidats opportuns : ces économies sont relativement diversifiées, ne dépendent pas des exportations d’hydrocarbures et ont des marchés intérieurs dynamiques. Difficile donc d’objecter les mêmes critiques qu’en occident. Ces performances offrent également un certain prestige régional qui peut servir de catalyseur et, à terme, entrainer certains pays voisins, comme le Bénin ou le Togo, plus modestes et plus discrets sur la scène régionale.

Une réforme urgente au vu de la situation

Même si la croissance offre ici un avantage indéniable à ces économies, c’est surtout l’ampleur des défis à relever dans la région qui rend cette réforme urgente. Ces pays sont en effet les premiers concernés par les conséquences sociales et environnementales d’une croissance non-inclusive et d’une dégradation rapide de l’environnement.

La situation des littoraux d’Afrique de l’ouest[2] illustre cette urgence. Les industries minières et l’exploitation du sable accélèrent l’érosion du littoral, où vit plus du tiers de la population, et  menace les écosystèmes naturels et les sociétés. Les destructions d’emplois issues de ces changements accentuent la précarité et la marginalisation socio-économique, en particulier des jeunes, ce qui amplifie la violence et les trafics. Il semble donc nécessaire de contrebalancer l’hégémonie de la croissance sur les décisions économiques et politiques par l’intégration d’indicateurs qualitatifs.

Outre cet exemple, c’est une prise de conscience plus large du danger inhérent aux facteurs quantitatifs qui est crucial. C’est le cas de la démographie et de l’urbanisation, qui sont encore trop souvent considérés comme des opportunités de fait et proclamés comme les principaux atouts du continent. En réalité, ces dynamiques quantitatives restent fondamentalement des défis à la stabilité de la zone.

L’évocation constante du « dividende démographique » illustre cette confusion entre quantitatif et qualitatif. La population de l’Afrique subsaharienne atteindra en effet plus de 2 milliards d’individus d’ici 2050 (environ 1.2 actuellement)[3] et sa main d’œuvre sera la plus abondante au monde, devant la Chine ou l’Inde. Ce « dividende » sous-entend que l’explosion démographique aurait naturellement un effet positif sur le développement général.

Néanmoins, ce lien est loin d’être évident. Comme le suggère la notion d’explosion, cette dynamique quantitative reste imprégnée du risque inhérent à l’accroissement rapide d’une population. Le dividende ne s’opère que si les services de base (logement, éducation, emploi, santé) sont fournis à l’intégralité des populations et si les jeunes intègrent le marché du travail sereinement. Marché sur lequel doivent se combiner formations adéquates et accessibles avec une offre suffisante d’emplois correspondants. Plus généralement, le dividende démographique est une conséquence d’une croissance inclusive et équitablement répartie à l’ensemble de la population et non un phénomène quantitatif, spontané et naturel.

Dans son dernier rapport[4], le cabinet McKinsey réalise également un raccourci optimiste sur les bénéfices de l’urbanisation rapide du continent. Vantant ses mérites, il passe brièvement sur les besoins qu’elle implique, concluant sur la nécessaire provision de « logements » et de « services ». Il aurait fallu être cynique pour évacuer le besoin de logements pour les nouveaux urbains, mais les auteurs n’ont pas approfondi la notion de « services », euphémisme osé qui englobe les minima requis pour des millions de citadins supplémentaires et sans lesquelles les bidonvilles grossiront.

A l’heure des plans ambitieux (notamment le Plan Sénégal Émergent[5]), ces réflexions sur les indicateurs ne sont donc pas de simples challenges intellectuels mais apportent des ajustements décisifs. Dépasser les paramètres quantitatifs (production, démographie, urbanisation) et superviser les évolutions sociales et environnementales  est déterminant pour soutenir des trajectoires prometteuses mais encore fragiles.

Au-delà de la réforme technique : une révolution idéologique

Ce changement de paradigme implique également un recul idéologique vis-à-vis des politiques économiques traditionnelles en faveur d’un modèle endogène de croissance et de développement. Passée la période des plans d’ajustements structurels (caractérisée par le recul de la puissance publique et la rigueur budgétaire), les gouvernements régionaux suivent néanmoins encore les dogmes libéraux traditionnels dans leurs politiques. La suprématie de la croissance du PIB reste donc incontestable et favoriser des indicateurs complémentaires, malvenu. Les performances du PIB sont notamment un sésame précieux pour obtenir le soutien des bailleurs internationaux et elles focalisent donc l’attention de gouvernements.

Cette innovation impliquerait donc de s’émanciper de ces institutions en favorisant l’intégration régionale. L’UEMOA offre un cadre intéressant de discussion mais ne possède pas de capacités financières, contrairement à la Banque Africaine de Développement.  Celle-ci dépend néanmoins à plus de 70% de l’étranger et nécessite donc des réformes profondes pour devenir une réelle force de proposition. Quoiqu’il en soit, financer son propre mode de développement semble décisif pour dépasser la simple déclaration de principe et promouvoir un modèle inédit.  

 

Cette innovation incite donc à penser le développement hors des cadres hérités et calqués systématiquement. Elle implique de prendre du recul sur la notion de « rattrapage », de s’émanciper de la référence occidentale comme universelle et indépassable. Elle invite au contraire à tirer les conclusions des crises multiples qui la traversent pour éviter de tomber dans les mêmes écueils. En un mot, il est important de cesser de faire « du passé des autres notre avenir » pour reprendre la formule lapidaire du sociologue et écrivain togolais Sami Tchak (cité par Felwine Sarr dans « Afrotopia »).

Bien entendu, cela laisse planer de nombreuses questions et inconnues, notamment autour du choix de ces nouveaux indicateurs. Néanmoins, il semblerait que ce soit à l’Afrique de prendre ce débat en main, il en va de sa stabilité.

Gilles Lecerf 


[1] Banque Africaine de Développement, « African Economic Outlook » 2016

 

[3] Projection des Nations Unies – World Population Prospects 2015

 

[4] McKinsey&Company – Global Institute – « Lions on the Move II. Realizing the Potential    of Africa’Economies » – September 2016

 

[5] Cadre de référence pour les politiques sénégalaises. Plans quadri-annuels sur les périodes 2014-2035 – http://www.presidence.sn/pse

 

Les fintech en Afrique : des outils à géométrie variable favorisant l’inclusion financière

Mina habite à Sahuyé, à 70kms d’Abidjan. Depuis 2008, elle a un compte mobile money qui lui sert à envoyer de l’argent à sa tante à Ouagadougou et à se constituer une petite cagnotte chaque mois. Avec près de 100 millions d’autres personnes[1], Mina a désormais ainsi accès à des services financiers de base dont elle était auparavant exclue. Quel est le degré d’inclusion offert par les fintech sur le continent ? Permettent-ils effectivement d’offrir des services financiers à tous, du Cap à Alger en passant par Dinga en République Centrafricaine ou Gondere en Ethiopie ?

Si les fintech ne représentent pas une solution unique et globale pour l’Afrique – il serait réducteur de le croire – ils apportent néanmoins des réponses pertinentes à des défis quotidiens ainsi que des innovations qui bouleversent l’écosystème financier mondial.

La percée singulière des fintech en Afrique 

L’Afrique se positionne comme une terre nouvelle pour les services financiers. L’Afrique est l’un, sinon le seul continent à avoir adopté directement des services financiers virtuels, sans passer ni par la case départ des agences en dur ni par la téléphonie fixe à grande échelle[2].

Cette singularité s’explique par un accès peu propice à l’offre financière classique. Les services formels sont fournis par des agences concentrées en zone urbaine[3] – tandis que la population rurale représente 2/3 de la population africaine – et pratiquant des taux d’intérêt et de commissions élevées – autour de 10,07% en moyenne dans la zone UEMOA par exemple[4]. Le recours à des moyens peu onéreux de technologie financière se comprend alors facilement.

Ce recours a ainsi favorisé une plus grande inclusion financière en faisant accéder un grand nombre de personnes à des personnes exclues des services financiers de base. Alors que le nombre de personnes non bancarisées est de 66% en Afrique[5] – avec toutefois des différences notables entre les pays – le recours aux fintech change la donne avec 12% d’Africains ayant accès à des services financiers via des fintechs[6].

Toutefois, il est clair que le mobile money est une solution parmi d’autres proposées pour résoudre le problème. On trouve ainsi le paiement par mobile (mobile money), le transfert d’argent, les services bancaires et les opérations d’investissement et de gestion de fortune, etc. Cette diversité est à comprendre au regard de celle des marchés africains, de leur maturité et de leurs besoins. Si certaines options – en particulier le mobile money – sont effectivement fructueuses ici, elles ne font guère de sens là, où une option plus ou moins sophistiquée sera plus indiquée.

En outre, le profil de certains pays facilite le déploiement d’une solution, où ailleurs elle ne répondrait que partiellement ou pas du tout à réduire le manque d’accès aux services financiers. Ainsi, le succès de M’Pesa au Kenya, basé sur la proposition d’une solution créée par une demande du marché, n’a pas abouti en Tanzanie et au Nigeria. Ces échecs sont liés à la diversité des écosystèmes, soulignant la nécessité d’adopter une approche plurielle pour penser l’inclusion financière.

Les défis à surmonter pour faire des fintechs de réelles solutions d’inclusion financière

Le mobile money représente aujourd’hui la plate-forme la plus développée et aboutie en matière d’inclusion financière en Afrique, en se positionnant comme une porte d’entrée à une variété de services pour ses usagers. Cependant, de nombreuses problématiques doivent être résolues pour offrir véritablement un accès inclusif, c’est-à-dire des services financiers accessibles en tous, y compris aux personnes « en bas de la pyramide ».

En effet, fintech ou pas, le défi d’inclusion financière des personnes dites « au bas de la pyramide » reste aigu. Cette population, qui vit en-dessous du seuil de pauvreté, effectue des opérations qui ne dépassent pas les 2 dollars par jour. Or, le modèle de l’agent dans le système de mobile banking, dont le revenu est assuré à 100% par les transactions, requiert un certain montant total pour être rentable. Avec l’hypothèse d’opérations à 1 dollar, pour un agent dont le coût mensuel est compris entre 150 et 200 dollars, en prenant un pourcentage par transaction, l’agent devrait enregistrer un montant de 20 000 dollars pour arriver au point mort, ce qui fait 2 transactions par minute, 8 heures par jour, 7/7…

En outre, les chiffres fanfaronnant sur la pénétration du mobile en Afrique ne doivent pas masquer certaines réalités. Des pays africains ont des taux d’usagers mobile inférieurs à 30% – sur 100 personnes, seules 30 au Burundi et 6 en Erythrée utilisent un téléphone portable[7]. Cette carence existe aussi en matière de données numériques. Pour l’entreprise en telco Tigo, seuls 20% de ses clients à travers le continent utilisent des données. Ainsi, si des services financiers de plus en plus innovants se multiplient, l’accès au service de base n’est pas encore assuré sur tout le continent.

D’autres défis restent à surmonter pour accroitre la couverture des fintechs et leur accessibilité à tous tels que l’interopérabilité, qui entrave le transfert d’argent domestique et international, et les efforts en matière de sensibilisation et d’éducation financière. Alors que le Rwanda peut être cité comme un exemple en matière de pédagogie financière, d’autres pays comme le Nigeria ne promeuvent pas une culture des technologies financières. Ainsi, le Gouvernement rwandais a soutenu la mise en place de plates-formes numériques pour les services de base (Irembo) : paiement des factures d’électricité, procédures administratives, etc. A l’inverse, l’économie nigériane est principalement basée sur la liquidité avec des agents de rue – appelés esusu ou ajo – opérant informellement des opérations courantes. 

Le potentiel des fintech offre une ambition visionnaire pour l’Afrique

Si ces limites doivent être résolues, des avancées majeures en matière d’inclusion financière ont été permises par le développement des fintechs en Afrique. Cependant, l’inclusion financière ne se limite pas aux paiements. Cette « innovation frugale » déploie toute une gamme de services financiers rendus accessibles au plus grand nombre.

Parmi les services proposés, on trouve bien sûr des services bancaires classiques, offrant la possibilité aux personnes exclues du système bancaire de contracter des prêts (comme avec Aire ou Kreditech), des services d’assurance et micro assurance, d’investissement, de paiement et de transferts en ligne. Des startups comme Afrimarket, Azim ou Mergims facilitent le transfert d’argent et de biens à des taux réduits et en toute sécurité ; WeCashup et Dopay offrent la possibilité de payer en ligne et/ou de recevoir son salaire de manière électronique, sans risque de corruption et d’insécurité.

En outre, ces services accroissent non seulement l’inclusion financière mais également sociale avec des produits facilitant l’accès à des services de base dans la santé et l’éducation. Par exemple, la fintech sénégalaise Bouquet Santé s’appuie sur la diaspora pour résoudre certains manques du système de santé national. 

Ces initiatives sont portées par un ensemble d’éléments facilitant le déploiement de solutions numériques. Premièrement, la simplicité de la technologie la plus couramment utilisée, l’USSD, ainsi que le dynamisme de ce secteur qui propose constamment des innovations améliorant cette technologie et des applications nouvelles. Deuxièmement, le bas coût des mobiles, qui favorise une pénétration facile et croissante. Troisièmement, la capacité à mettre en place un réseau de distribution étendu, même en zone rurale, avec un système d’agents pour le mobile money. Enfin, la tendance croissante des acteurs à saisir cette opportunité et à développer des partenariats (entre les opérateurs, les banques, les coopératives, les institutions de micro finance) et faciliter l’extension de leurs services avec un effort en formation et sensibilisation.

Jusqu’à présent, les résultats enregistrés par les fintech pour accroitre l’accès aux services financiers sont nombreux. Aujourd’hui, plus de 80% du continent est couvert par des services d’argent mobile[8]. Au Kenya, le taux de bancarisation a augmenté de 58% depuis 2007, année de lancement de la licorne nationale M’Pesa[9]. Il est indéniable que l’accès aux services de base s’est renforcé sur le continent avec 15,4% de la valeur totale des transactions de 2014 revenant aux paiements de factures et de transactions marchandes[10].

L’accès et la participation étendus au système financier ne sont pas une fin en soi mais un moyen. Ils offrent des bénéfices directs et indirects majeurs. Au sein du système, ils permettent d'abaisser le coût des virements de fonds transfrontaliers et celui de l’offre des services financiers de 80-90%, permettant ainsi à des sociétés de proposer leurs services à des clients à faible revenu tout en assurant leur rentabilité. Pour les usagers, ils diminuent l’insécurité liée au fait d’avoir de l’argent liquide sur soi et offrent la possibilité de lisser leur consommation, de gérer les risques de chocs financiers en se constituant une épargne et, petit à petit, d'investir dans l'éducation et la santé. Pour les entreprises ayant un accès facilité au crédit – en créant des historiques de crédit – de croitre et de créer des emplois.

Ces avantages ne sont les pas derniers, car les fintech sont un arbre en plein épanouissement. L’interopérabilité et l’ouverture croissantes, favorisées par l’intégration africaine, donnent des perspectives réjouissantes. Au-delà du mobile money, le bitcoin et les blockchain sont des chantiers en développement en Afrique – certains y voyant même le berceau d’une révolution : « Révolution Impala ». Le blockchain, qui permet d’établir des historiques de crédit, de conforter et/ou créer une identité financière basique, pourrait peut-être même être le prochain levier innovant d’inclusion financière, faisant de l’Afrique une pionnière au niveau mondial.

En conclusion, la possibilité d’offrir un accès le plus large possible aux services financiers implique de proposer des solutions adaptées à la variété de besoins existant sur le continent, en adoptant même une perspective locale – ce qui est vrai dans la capitale ne l’est plus au village. Il est donc crucial de ne pas croire en un modèle unique capable de résoudre les défis de l’Afrique comme une entité homogène. Enfin, l’enjeu clef est de maintenir la vitalité entrepreneuriale observée jusqu’à présent dans l’offre des fintech.

Pauline Deschryver 

 

 


[1] Banque mobile en Afrique sub-saharienne : 251 millions de clients potentiels d’ici 2019, BCG, 2015

 

[2] En 2015, 24 652 adultes sur 100 000 possèdent un compte mobile en Afrique Sub Saharienne, contre 3 485 en Asie du Sud ou 416 en Europe. (Source : Banque Mondiale et Groupe Spécial Mobile Association)

 

[3] On trouve 3,2 agences pour 100 000 habitants, Etude du cabinet Roland Berger

 

[4] Source : Banque Centre de l’Union Economique Ouest Africaine

 

[5] Données Banque mondiale 2015

 

[6] Idem

 

[7] Données Banque Mondiale

 

[8]Un Agency for Information and Communication Technology

 

[9] Source : Commission des communications au Kenya

 

[10] Données : GSM Association

 

TIC et agriculture : pour mieux informer et accompagner les agriculteurs !

inclusion_financièreMalgré la montée de l’urbanisation dans certaines villes africaines, l’Afrique pourrait trouver son salut dans l’agriculture. On peut citer le Nigeria qui en réponse à la baisse continue et soutenue des prix des hydrocarbures a décidé de se replier sur l’agriculture afin de maintenir son niveau de croissance économique. Dans le monde, environ 60% des terres cultivables sont non cultivées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, une grande partie de ces terres se trouvent aux États-Unis et en Russie. En revanche, l’Afrique possède aussi beaucoup de terres cultivables non cultivées. Selon McKinsey, l’agriculture ferra partie dans les années à venir des secteurs offrant le plus de perspectives de croissance et de profitabilité. L’industrie agricole pourra s’appuyer sur les NTIC pour accompagner sa croissance et surtout éviter le gaspillage alimentaire.
Le gaspillage alimentaire est, en effet, une grande problématique dans le monde. Cependant, force est de constater que le gaspillage ne se produit pas au même moment dans la chaîne de distribution et varie suivant le pays en question. Le gaspillage a plutôt tendance à se produire pour les pays les moins avancés après la récolte durant la phase de récolte et de transformation contrairement au pays riches et industrialisés pour lesquels le gaspillage se produit durant la phase de consommation par le client final. Pour les PMA (pays les moins avancés), ceci peut s’expliquer par différentes raisons telles que le manque de moyens financiers, d’infrastructures de transport ou de conservation et de communication.

Aujourd’hui avec le développement des NTIC, ces derniers  peuvent apporter une plus-value importante au secteur agricole. Cet article présente   les effets positifs des NTIC sur l’industrie agricole et identifie les conditions à remplir afin que les effets soient ressentis dans toute la chaine de distribution pour limiter le gaspillage alimentaire.

 

Le secteur agricole est dépendant des principaux éléments suivants :

  • Le cheptel : Les agriculteurs doivent s’assurer que le troupeau puisse vivre dans les meilleures conditions (protections contre les maladies, achat de vaccins …) ;
  • La météo : la majorité de l’irrigation des champs en Afrique subsaharienne provient de l’eau de pluie ;
  • Engrais et semences : obtenir les meilleurs produits aux meilleurs prix ;
  • Terre : entretenir la qualité de la terre afin que les récoltes puissent pousser dans des conditions optimales ;
  • Récoltes : s’assurer que les récoltes puissent subvenir aux besoins du village et que le reste puisse être revendu au meilleur prix.

 

La gestion de l’information

L’agriculteur doit donc avoir une bonne connaissance des différents paramètres liés  aux éléments ci-dessus. Et les NTIC peuvent l’aider à y arriver.

Les NTIC ont pour principal but d’accéder et d’échanger  l’information grâce à des supports comme les téléphones portables ou les ordinateurs. Les informations permettent aux agriculteurs d’accéder aux prix du marché des engrais et semences ou du marché des animaux (achat et revente, vaccins). En effet, une grande partie des récoltes sert à nourrir les habitants d’un village et le reste est revendu. Cependant, les agriculteurs n’ayant pas accès aux prix du marchés sont souvent emmenés à revendre leurs récoltes bien en deçà des prix du marché. Grâce aux NTIC, ces derniers pourront s’aligner plus facilement sur les prix du marché.
Les NTIC auront pour principal objectif de connecter les villages au monde extérieur notamment pour les prix du marché ou la connaissance des effets néfastes de certains produits chimiques.

Les effets sur la chaine de distribution

L’efficacité d’une chaine de distribution se mesure par la circulation de l’information. Et ceci peut se faire grâce aux applications mobiles. Ces dernières permettront le rééquilibrage de l’offre et de la demande. 
Un des moyens pour limiter ces gaspillages serait d’informer en continue et en temps réel les acteurs en aval de la chaine de l’évolution des récoltes afin d’écouler les produits dans les délais impartis (durée de vie faible pour certains aliments)., Aujourd’hui, de nombreuses applications ont vu le jour pour aider les paysans. Prenons l’exemple de l’application M-Farm qui a pour principales objectifs d’informer l’agriculteur en temps réel de la météo mais aussi des potentiels acheteurs.  Ce type d’application donne plus de pouvoir aux paysans qui pourront anticiper et mieux contrôler leurs récoltes sur le long terme.

Les conditions nécessaires pour bénéficier des effets des NTIC

Plusieurs conditions doivent être réunies afin que les NTIC soient utilisées à bonne escient.
La couverture réseau fait partie des conditions primordiales. Celle-ci selon sa puissance et sa fréquence permettra de faire circuler l’information.
Ensuite vient la problématique et pas des moindres de l’analphabétisme. La meilleure solution pour lutter contre cela reste la scolarité. Cependant, une alternative s’offre aux développeurs des NTIC pour faire face à cet obstacle. Il s’agit de l’utilisation d’images et pictogrammes. Non seulement l’utilisation des NTIC en sera simplifiée mais elles seront aussi accessible à plus de personnes du fait de l’existence d’une multitude de dialectes. Car il  est commun de retrouver plusieurs dialectes au sein d’un même village. Les solutions informatiques proposées doivent aussi être lisibles dans plusieurs dialectes afin de toucher un maximum de personnes au sein d’un même village mais aussi dans une même région.

L’agriculture restera donc un secteur à privilégier et à soutenir par le pouvoir étatique. Ce secteur reste une valeur sûre sur le long terme grâce aux terres très fertiles ainsi qu’une météo conciliante. Dans le cas où les NTIC sont utilisées à bon escient, celles-ci pourront diminuer le gaspillage alimentaire. Les prochaines étapes pour le secteur agricole seraient d’automatiser la production et de trouver une alternative à l’irrigation des champs par l’eau de pluie. Ces actions permettraient d’accélérer l’industrialisation de secteur agricole. Les NTIC constituent un support essentiel à la croissance de l’agriculture.

 

Issa Kanouté

 

Sources

Partage d’informations

http://www.finyear.com/Les-nouveaux-enjeux-technologiques-de-la-Supply-Chain_a36813.html?platform=hootsuite

Stimuler les rendements agricoles grâce aux TIC

http://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/tic/actualites/stimuler-les-rendements-agricoles-gr-ce-aux-tic.html

Les sols fertiles d’Afrique peuvent-ils nourrir la planète

http://www.nationalgeographic.fr/12418-les-sols-fertiles-afrique-peuvent-ils-nourrir-la-planete-enquete-alimentation/

Paradoxe : Afrique ; région la plus touchée par la faim mais ou il y’a le plus de terres fertiles

"Il est certain qu’il s’agit là d’une vision optimiste de l’avenir. La Thaïlande exporte actuellement davantage de produits agricoles que tous les pays subsahariens réunis,"

Terres africaines exploités par des groupes étrangers. Face à la pression démographique, manque de terres en Chine donc viennent en Afrique pour exporter en Chine

Travailler en collaboration avec grandgroupe qui possède la technologie

MacKinsey y croit toujours

http://www.jeuneafrique.com/mag/358092/economie/mckinsey-y-croit-toujours/

Gaspillage alimentaire

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/16/chaque-annee-1-3-milliard-de-tonnes-de-nourritures-gaspillee_4507636_4355770.html

Ampleur des pertes et gaspillage alimentaires

http://www.fao.org/docrep/016/i2697f/i2697f02.pdf

Les terres cultivables non cultivées dans le monde

http://www.agter.org/bdf/fr/corpus_chemin/fiche-chemin-208.html

Déçu par le pétrole, le Nigeria renoue avec l’agriculture

http://www.jeuneafrique.com/depeches/354558/economie/decu-petrole-nigeria-renoue-lagriculture/

Article teranga : TIC et agriculture: l’innovation au service du secteur primaire

http://terangaweb.com/tic-et-agriculture-linnovation-au-service/

High tech : le top 10 des applications mobiles africaines

http://www.jeuneafrique.com/165339/societe/high-tech-le-top-10-des-applications-mobiles-africaines/

 

TIC, Entrepreneuriat et les start-up technologiques

Notre précédent article sur les Télécommunications en Afrique dressait un panorama du secteur sur le continent, avec des chiffres témoignant de l’importance et de la croissance du secteur aujourd’hui et pour les années à venir. La croissance attendue du nombre d’abonnés mobiles en Afrique et le développement de la data vers des réseaux plus rapides (3G et 4G) font du secteur des NTIC un secteur privilégié par les entrepreneurs et startups africaines et les investisseurs.

La multiplication et le succès des incubateurs numériques dans les grandes capitales africaines témoignent de l’esprit d’entreprenariat et d’innovation qui se développe chez les jeunes africains. En particulier, l’Afrique du Sud, le Kenya ou le Nigéria sont des places incontournables dans l’écosystème de l’entrepreneuriat numérique en Afrique, de par le nombre de structures d’accompagnement (incubateurs, accélérateurs…), du nombre de startups qui voient le jour et des financements qu’attire le secteur. Les KINGS (Kenya, Côte d’Ivoire, Nigeria, Ghana et Afrique du Sud) représentent ces pays africains en plein essor économique, et porteurs du développement des NTIC et du digital, aussi bien dans la sphère entrepreneuriale que dans la cour des grands.

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D’autres pays, comme le Maroc, Maurice ou le Sénégal ne sont pas en reste et attirent de nombreuses entreprises du secteur des TIC. En 2015, les investisseurs et les institutions d’aide au développement auraient accordé près de 185 millions de dollars de financement aux startups africaines.

 

Les principaux incubateurs numériques en Afrique

Afrique du Nord

Afrique de l'Ouest

Afrique de l'Est

Afrique du Sud

WikiStartp.tn

Flat6Labs.com

PlugAndPlayEgypt.com

Tahrir2.com

 

JokkoLabs.net

Cticdakar.com

iLabLiberia.org

MobileWebGhana.org

mFriday.org

CCHubNigeria.com

WennovationHub.com

ActivSpaces.com

Tekxl.com

IceAddis.com

iHub.co.ke

HiveColab.org

TheHubKampala.com

kLab.rw

Teknohama.or.tz

 

mLab.co.za

Google.co.za/Umbono

BongoHive.com

i-Hub.mg

 

 

Source : Etude Forbes Afrique 2015

 

En effet, aux quatre coins de l’Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale, les entrepreneurs jouissent d’espaces d’échanges, de création et de développement, leur permettant de développer des applications et outils répondant aux besoins de la société et des consommateurs africains. Par ailleurs, l’organisation d’évènements, concours et Hackathons contribue à favoriser l’esprit entrepreneurial et à l’animation du secteur des TIC.

 

"Contraction de "hack" et "marathon", un hackathon est un événement lors duquel des équipes (composées de développeurs, mais aussi parfois de designers et de chefs de projet) doivent développer un projet informatique, en général un logiciel ou une application. Elles doivent le faire sur une période limitée, et généralement courte (une journée, une nuit, un week-end). Le but est donc de coder rapidement quelque chose de malin (d'où le "hack"). Il s'agit aussi de développer de manière intensive, sans s'arrêter (d'où le marathon). C'est aussi souvent une compétition festive à l'issue de laquelle un jury choisit et récompense des gagnants." Journal du net

 

Prenons l’exemple de Tekki48, un événement de 2 jours dédié aux startups organisé à Saint-Louis au Sénégal par le CTIC Dakar et Jokkolabs, en partenariat avec une université locale. L’événement a accueilli plus de 100 participants venus de tout le pays et 50 projets ont été pitchés devant un jury composé des acteurs clés de l’écosystème de l’entrepreneuriat au Sénégal. En particulier, depuis ces dernières années, les applications et startups technologiques à succès se concentrent sur des secteurs de l’économie dont le développement va de pair avec la croissance du continent. On retrouve ainsi des applications et plateformes dans les services financiers, avec l’essor des startups de la Fintech (M-Pesa, WeCashUp), du secteur de la santé, Healtech (JokkoSanté, Gifted Mom), de l’éducation, Edutech (WikiAfrica), de l’énergie et dernièrement, le secteur agricole (XamMarse, Trade at Hand).

Le point commun de ces startups technologiques à succès est l’aptitude qu’elles ont à allier esprit entrepreneurial et utilité sociale, ce qui leur permet non seulement de toucher un marché large, mais également d’attirer plus facilement des financements. Nous évoquons la question des financements à juste titre, car bien que le secteur des TIC soit prometteur en Afrique, les startups technologiques restent confrontées aux mêmes difficultés et contraintes que les startups classiques.

 

C'est aussi une question de financements et de ressources humaines!

En premier lieu, il n’est pas évident pour tous de trouver les financements nécessaires au développement de son projet. Prix, concours, emprunts ou Business Angels sont autant de pistes pour les entrepreneurs avertis, mais encore faut-il convaincre les investisseurs. Les structures d’accompagnement et de coaching jouent un rôle central sur ce volet, par le biais de l’incubation, des formations et ateliers divers. Par ailleurs, le développement de certaines plateformes requiert des compétences technologiques ou sectorielles (tel est le cas des startups technologiques dans le domaine de la santé ou des secteurs financiers par exemple), mais aussi commerciales et managériales. « Un technicien inventif et compétent est rarement un vendeur ou un homme d’affaires dans l’âme. », souligne Claude Migisha co-fondateur de The iHills Network, et membre fondateur de kLab, dans un article dédié au sujet.

Ces ressources humaines peuvent s’avérer difficiles à trouver et/ou coûteuses pour une jeune startup. De plus, les coûts de développement se répercutent parfois sur le prix du produit/service, ce qui limite son accessibilité à la population. Il convient donc que ces innovations technologiques, notamment celles ayant un impact social évident, soient accompagnées par le développement d’un environnement des affaires favorable ; on parle d’un accès facilité au financement, des infrastructures technologiques entretenues et la formation d’une ressource humaine adaptées. Au Kenya, suite à l’ICT Innovation Forum (Mars 2015), Bitange Ndemo, le précédent Secrétaire Permanent au ministère de l’information, de la communication et de la technologie, et Uhuru Kenyatta, le Président de la république, souhaitent faire du Kenya une « startup nation », par le biais de mesures encourageant l’innovation chez les jeunes, le financement de la recherche et du développement, dans l’optique notamment de créer des emplois.

 

 

Ndèye Fatou Sène

 

Sources

 

Aperçu des télécommunications en Afrique

ihub-Nairobi-4-e1454490094336Cet article est le premier d’une série sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique. Il vise à dresser un panorama général des télécommunications en Afrique, permettant de mieux comprendre l’environnement dans lequel s’inscrivent les problématiques abordées dans les articles à venir. 

Les TIC, auparavant aussi appelées Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communications (NTIC) ou en anglais, Information Technologies tout court, n’ont pas de définition universellement reconnue. Elles sont généralement comprises comme un ensemble de technologies permettant le traitement et le transfert de l’information. En 2006, l’OCDE définit le secteur des TIC comme celui dont les entreprises ont comme principales activités le traitement et la communication de l’information de manière électronique, y compris sa transmission et son affichage[1]. Plus récemment, dans son rapport sur le développement dans le monde 2016, intitulé « Les dividendes du numérique », la Banque mondiale définit les technologies numériques comme « internet, les téléphones mobiles et tous les autres outils servant à recueillir, stocker, analyser et partager des informations sous une forme numérique » [2]

Les technologies qui seront principalement abordées dans cette série seront donc celles qui répondent à cette définition, en particulier la téléphonie fixe et mobile ainsi qu’internet, et les services qui y sont liés.  

Téléphonie fixe

Sans surprise, la téléphonie fixe est marginale dans le paysage des télécommunications en Afrique subsaharienne. Les lignes fixes sont souvent considérées comme s’appuyant sur des infrastructures obsolètes, issues des anciennes entreprises nationales gérant les télécommunications, et couteuses à entretenir et donc souvent en mauvais état. Ces dernières années, ces entreprises ont plutôt concentré leurs investissements dans le développement des réseaux mobiles, considérés comme plus prometteurs.

Par conséquent, la téléphonie fixe a rapidement été dépassée par la téléphonie mobile : Il y avait en 2015 50 fois plus de connexions par téléphones portables que par fixes, avec un taux de pénétration des lignes fixes inférieur à 1%, le plus bas au monde[3]. La Banque Mondiale elle, constate une augmentation constante des abonnés africains à une ligne fixe jusque 2009 (1,57%), avant une légère baisse pour atteindre 1,11% en 2014[4]. La téléphonie fixe, pourtant révolutionnaire dans les pays occidentaux à sa naissance, semble donc bel et bien dépassée par des technologies apparaissant comme plus riches en termes de possibilités offertes.

Internet

Parmi les technologies plus attractives, l’internet qui est pourtant vu comme un levier de développement essentiel, est néanmoins un des domaines dans lequel le continent africain apparaît comme le plus en retard. En améliorant l’accès à l’information et en baissant son coût, il permet par exemple à des agents économiques jusque-là isolés ou du moins limités géographiquement, d’avoir accès à de nouveaux marchés, par exemple avec des services de eCommerce et de mAgri. Alors que 80% de la population des pays développés est connectée à internet, et 40% de la population mondiale, en 2014, ils ne seraient que 19,2 % en Afrique subsaharienne selon la Banque Mondiale[5]. L’Internet Society précise dans un rapport publié en 2015 que ce chiffre cache des disparités importantes, certains pays comme le Maroc observent un taux de 50% tandis que d’autres avoisinent les 2%, la moyenne étant à 10%[6].

La difficulté d’accès à internet s’explique par une bande passante insuffisante et couteuse : pour une même quantité, elle couterait 30 à 40 fois plus chère en Afrique qu’aux États-Unis et représenterait une part beaucoup plus importante des revenus annuels par habitant (800% en Afrique contre 15% aux États-Unis), avec d’importantes variations régionales[7]. Les pays enclavés rencontrent plus de difficultés que ceux qui bénéficient directement des câbles sous-marins, et les zones rurales sont également bien moins connectées que les centres urbains, qui regroupent un cinquième de la fibre terrestre.

Face à ces difficultés, des projets de « backbones », des réseaux terrestres permettant de relier les câbles sous-marins aux zones enclavées, sont en cours mais doivent faire face à des défis géographiques et financiers. Le développement des câbles sous-marins a tout de même contribué à l’augmentation de la bande passante en Afrique, multipliée par 20 entre 2009 et 2014 ; elle a ainsi permis de connecter 176 millions de personnes en plus à l’internet[8]. Néanmoins, la prépondérance du téléphone portable en Afrique, et les services mobiles qui y sont liés, donnent une place particulière aux données: en 2015, 90% des connexions internet du continent se faisaient par l’internet mobile[9].

Abonnés mobiles

Le GSMA recense en 2015, 557 millions d’abonnés mobiles en Afrique, ce qui représente un taux de pénétration de 46% ; il prévoit qu’ils seront 725 millions en 2020[10]. Malgré le fait que ces chiffres font de l’Afrique la deuxième région avec le plus grand nombre d’abonnés uniques derrière l’Asie, elle reste la moins connectée, avec un taux de pénétration bien en dessous de la moyenne mondiale de 63%. Et elle devrait toujours l’être en 2020, avec un taux de 54%[11]. Parmi les obstacles au développement des services mobiles, l’on peut évoquer le coût, les dépenses liées au mobile représentant une part importante du revenu ; des couvertures variables par les réseaux mobiles, notamment 3G et 4G ; et enfin une faible culture technologique des populations. 

L’Afrique est néanmoins le continent avec la plus grosse croissance en nombre d’abonnés, avec une croissance moyenne de 11% les dernières années mais qui devrait ralentir à 6% entre 2015 et 2020, mais toujours au-dessus de la moyenne mondiale de 4%. 8 pays possèdent à eux seuls 55% des abonnés, à savoir le Nigeria (15%), l’Egypte (10%), l’Afrique du Sud (7%), l’Ethiopie (6%), l’Algérie et le Kenya (5%) et la Tanzanie et la RDC (4%)[12].  La Banque mondiale, qui prend en compte le nombre de personnes ayant accès à un téléphone portable, constate, elle, un taux de pénétration de 73% du mobile dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Le développement de la data

D’un point de vue plus qualitatif, l’on constate une évolution vers des réseaux dits de 3ème génération et 4ème génération (3G et 4G), chaque « génération » permettant des débits de transmission plus rapides. 28 pays possèdent déjà des réseaux 4G, avec des lancements récents en Tunisie, au Burundi, au Liberia, au Nigeria, au Soudan, en Tanzanie et en Ouganda. D’ici 2020, ils devraient être 50 pays à la proposer. Cette évolution vers ces réseaux plus rapides contribue au développement de nouveaux services mobiles, notamment basés sur l’utilisation de smartphones mais pas uniquement. Le prix de ceux-ci reste prohibitif pour de nombreux utilisateurs africains : vendus en moyenne à 230$ en 2012, ce prix est descendu à 160$ en 2015, tandis que des smartphones à moins de 50$ commencent à apparaître.

Les opérateurs cherchent à tenir compte des réalités économiques mais aussi des attentes de leurs clients en proposant des « kits » alliant téléphone abordable, forfait voix, SMS et données (Orange), ainsi qu’éventuellement des applications supplémentaires – éducatives ou musicales ; ou en adaptant leurs offres, par exemple en offrant gratuitement l’accès à certaines applications populaires comme WhatsApp, Facebook (MTN Rwanda). Cette évolution vers l’internet mobile se manifeste aussi bien dans les flux de données, qui peuvent augmenter de 60% et 75% d’une année sur l’autre, voire d’un trimestre sur l’autre ; que dans les revenus issus de ceux-ci.

Quelle contribution à l’économie ?

Ainsi, les revenus issus de l’industrie mobile en Afrique, représentent aujourd’hui 53,5 milliards de dollars, contre 42 milliards en 2010. Même si les revenus liés à la voix et aux SMS représentent toujours la plus grosse part de l’économie du mobile, c’est l’augmentation des revenus liés aux données qui sont à la base de cette croissance. En effet, les revenus issus de l’internet mobile représentent en moyenne un cinquième des revenus des opérateurs.

Le GSMA distingue les revenus directement issue de l’économie mobile, constitués par les activités des opérateurs téléphoniques, les distributeurs de produits et services mobiles ou encore les fournisseurs de services d’infrastructure ; les revenus indirects liés aux activités engendrées dans d’autres secteurs (achat de matériaux, recours à d’autres services) ; et enfin les gains de productivité permis dans les autres secteurs (communications facilitées, accès à information et nouveaux services via SMS, voix, 3G-4G…). En 2015, le GSMA estime les revenus directs à 50 milliards de dollars, ceux indirects à 12 milliards de dollars, et les gains de productivité à 92 milliards ; additionnés, les revenus issus de l’économie mobile s’élèveraient à 153 milliards de dollars, soit 6,7% du PIB des économies africaines.

En termes d’emplois, entre ceux du secteur même et ceux d’autres secteurs, tirés par la demande de l’économie mobile, le GSMA estime que celle-ci a contribué à créer 1,3 millions d’emplois directs et 2,4 millions indirects.            

Marie Caplain

Cet article a été publié le 09/09/2016.


[1] OCDE, DSTI/ICCP,  Working Party on Indicators for the Information Society , « Information Economy – Sector definition based on the international standard industry classification (ISIC 4) », Mars 2007.  

[2] Banque mondiale. 2016.  « Rapport sur le développement dans le monde 2016 : Les dividendes du numérique. » Abrégé. Washington :  Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO, p.2.

[3]  Douglas Sele, Michael Mudau, « Telecommunications in Sub-Saharan Africa, Fixed & Mobile markets overview », Detecon, 02/05/2016.

[4] Banque Mondiale, Fixed telephone subscriptions (per 100 people), Subsaharan Africa, 1960-2014.

[5] Banque Mondiale, Internet users (per 100 people), Subsaharan Africa, 1990-2014.

[6] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[7] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[8] Hamilton Research, « Africa: Africa’s Terrestrial Transmission Network Reaches 1 Million Kilometres During 2015 », Africa Bandwidth Maps, 11/11/2015.

[9] Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru, « Internet development and Internet governance in Africa », Internet Society, 22/05/2015.

[10] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

Le GSMA parle « d’abonnés uniques » c’est à dire de personnes possédant une carte SIM ou plus, et non pas le nombre de carte SIM en circulation. L’industrie mobile a tendance à comptabiliser chaque carte SIM ce qui peut fausser les statistiques.

[11] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

[12] GSMA, The Mobile Economy – Africa 2016.

OMD1 : Quel bilan pour l’Afrique Sub Saharienne ?

Afrique_rueDans le souci de mettre en place un véritable partenariat pour le développement mondial, 189 pays ont Adopté lors du sommet du millénaire des Nations Unies en Septembre 2000 ce qu’il était convenu d’appeler « Objectifs du Millénaire pour le Développement ». Réduire l’extrême pauvreté et la faim, avec en ligne de fond la logique selon laquelle « Tout être humain où qu’il soit aspire à de meilleures conditions de vie et y a droit », constitue le premier défi de ces temps.

Définie comme « la résultante de processus économique, politique et sociaux qui interagissent entre eux dans un sens qui exacerbe l’état d’indigence des populations pauvres » (BM, 2000, 1), la notion de la pauvreté interpelle d’avantage la responsabilité des sociétés ; tant pour créer les opportunités, réduire les inégalités et les discriminations (dans une approche socialiste) que pour doter les individus des moyens nécessaires à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux (approche libérale). Ainsi, l’action concertée des Nations Unies s’agissant de la réduction de l’extrême pauvreté se déclinait ainsi en trois points essentiels:

  • Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population dont le revenu est inférieur à 1$
  • Assurer le plein emploi et la possibilité pour chacun y compris les femmes et les jeunes de trouver un travail décent et productif
  • Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la population de pauvre qui souffre de la faim

A ce jour, plusieurs rapports ont été dressés avec plus ou moins des perspectives favorables.  Toutefois, si l’intuition du 2ème bilan sur l’état d’avancement des OMD de Septembre 2010 affirmait sans ambages que tous les objectifs seront réalisés d’ici 2015, l’instabilité socio économique dont est tributaire le monde depuis quelques années peut inquiéter à plus d’un titre. Ce d’autant plus que ces aléas peuvent avoir de graves incidences sur les populations vulnérables, ralentir le rythme de réduction de la pauvreté et accentuer sa persistance notamment en Afrique Sub Saharienne qui en est la région la plus exposée.

La dernière décennie a été marquée par des progrès économiques impressionnants en ASS. Grâce à l’amélioration des perspectives dans un grand nombre de pays de la région, dont la plupart des pays exportateurs de pétrole et plusieurs pays à faible revenu et États fragiles, la  zone connait une croissance rapide et soutenue. L’activité économique de la région continue de s’appuyer sur des investissements de grande ampleur dans les infrastructures et le secteur minier ; ce qui lui vaut, selon les données du FMI, une croissance de 5,26% en moyenne au cours des trois dernières années. Théoriquement, la croissance serait positivement corrélée à la réduction de la pauvreté qu’elle favorise même s’il est reconnu que son effet reste marginal.

Cette croissance économique clairement anti-pauvre a-t-elle favorisée la réalisation de l’OMD1 ?

Cette question sera analysée sous le prisme des trois cibles subsidiaires qui lui sont associées.

1. Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour

Paradoxalement, l’ASS reste l’une des zones les plus pauvres du monde malgré l’étendue de ses ressources. Selon les données du PIB par tête du FMI en 2015, parmi les 25 pays les plus pauvres du monde, 22 se situent en ASS et, elle concentre désormais 49,4% des pauvres du monde.

Néanmoins, comme dans toutes les régions du monde, la part de la population concernée par la pauvreté en ASS a baissé au cours des trois dernières décennies. Si à l’échelle mondiale, le nombre de pauvres a baissé de façon marquée[1], en ASS par contre, il recule plus timidement. Mesuré au seuil de 1,25$/jour, la pauvreté en ASS s’établit à 43% en 2013. Une avancée tout de même par rapport aux 56,8% de 1990 ou aux 57% de pauvres enregistré en 1999. Ainsi, sur la période 1990-2013, elle a été réduite de 13,8% et de 4,5% entre 2008, année de la crise financière et 2013.

Cette évolution a été soutenue par l’amélioration des indicateurs sociaux faisant référence au développement. Bien que les Indices de Développement Humain des pays d’ASS restent les plus faibles du monde (inférieurs à 0,5), en valeur l’IDH de la zone a évolué de 0,115 (0,093) passant de 0,387 à 0,502 entre 1990 (2013 et de 0,405 à 0,502 entre 2000 et 2013). Selon les données de la Banque mondiale et du PNUD, l’espérance de vie aussi s’est améliorée dans la zone au cours des 15 dernières années passant de 50 à 57 ans.

2. Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif

L’ASS est la région du monde ou le plus d’efforts a été consentis pour améliorer le PIB par habitant. Mais, bien que la croissance de l’Afrique ait été relativement forte, elle a été insuffisamment rapide ou inclusive pour créer des opportunités d’emplois décents par rapport à la taille de  population du continent. Les taux de chômage les plus élevés en 2013 ont été observés en Afrique ; 21,6 % en Afrique australe, 13,2 % en l’Afrique du Nord, 8,5 % en Afrique centrale, l’Afrique de l’Est (7,9 %), et 6 % en Afrique de l’Ouest qui a connu les taux de chômage les plus faibles. Bien plus, les disparités de genre demeurent persistantes. En effet, le chômage des jeunes et des femmes reste supérieur à celui des hommes, toutes régions confondues.

3. Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim

Pressenti comme l’objectif le plus accessible aux pays africains, La proportion de la population exposée à la faim diminue lentement, mais les catastrophes et les conflits persistants freinent la progression vers la sécurité alimentaire.

Depuis 1990 des progrès ont été accomplis au niveau de la réduction de la faim dans le monde, mais 805 millions d’êtres humains souffraient toujours de sous-alimentation chronique à la fin de l’année 2014.

En ASS, La prévalence de la malnutrition aussi a évolué, de 28% en 2000 pour 23% en 2011. Le nombre de personnes exposé à la faim et à la malnutrition est tombé de 33% entre 1990 et 1992 à25% entre 2011 et 2013. Malgré cette amélioration de 8% par rapport aux chiffres de 1990-1992, L’ASS demeure la région du monde affichant le plus fort déficit alimentaire.

Ces évolutions sont complétées par la nouvelle actualité sur la question qui de part les nouvelles estimations et prévisions qu’elle autorise permet d’étendre les analyses jusqu’à l’année 2015, date butoir des OMD.

En effet, à quelques jours du bilan des OMD, la Banque Mondiale relève le seuil de pauvreté[2] de 1,25% à 1,90%. Le nouveau seuil représente le seuil moyen de pauvreté des 10 à 20 pays les plus pauvres du monde. Selon Jim Yong Kim c’est une décision nécessaire compte tenu de l’évolution de l’inflation, des prix des matières premières et des taux de change entre 2005 et 2011.

A ce nouveau seuil, les taux de pauvreté continuent de fléchir. Selon les prévisions de la Banque mondiale  le nombre de personne vivant dans l’extrême pauvreté passerait de 902 millions (12,8%) en 2012 à 702 millions (9,6%) en 2015. Le pourcentage d’africains au Sud du Sahara vivant en dessous du seuil de pauvreté en 2015 serait de 35,2%. Soit une réduction significative de 17,5% par rapport à l’année 2012.

Toutes ces statistiques et dynamiques traduisent le fait que les populations au cours des deux dernières ont bénéficié de meilleurs soins et d’un suivi meilleur. Les efforts déployés par la communauté internationale et les stratégies nationales de réduction de la pauvreté ont permis à ce jour de réaliser les efforts significatifs en ASS.

Toutefois, en dépit de la baisse de ses taux de pauvreté, l’ASS est la seule région du monde où le nombre de pauvres a augmenté de façon régulière et prononcée. Elle est d’ailleurs passée devant l’Asie qui abritait en 1990 la moitié des pauvres de la planète. Pour ce qu’il en est, la zone est passée de 284 millions de pauvres en 1990 à 388 millions en 2012. Soit 144 millions de pauvres en plus en 22 ans. En 2012, le nombre de personnes extrêmement pauvres représente donc près de 1,4 fois ce qu’il était en 1990.

En réalité, la pauvreté en ASS se perpétue par le biais de l’organisation sociale en lien avec les politiques pro-pauvres, du boom démographique qui a un impact négatif sur le développement économique et contribue durablement à la faire augmenter ; et par les crises sociaux politiques, alimentaire, énergétique le chômage, l’insécurité transfrontalière, les épidémies, les catastrophes naturelles, les migrations clandestines etc. qui continuent de peser sur la région. A cause de cela, plusieurs pays d’ASS (Madagascar, Nigéria, RDC, Zimbabwe, Kenya, Burundi) n’ont pu véritablement améliorer la qualité de vie des populations[3] entretenant ainsi le cercle vicieux[4] de la pauvreté.

Bien plus, les indicateurs agrégés de croissance, les statistiques sur la pauvreté et le développement humain masquent les écarts et les inégalités persistantes entre pays et même entre régions d’un même pays. La pauvreté peut reculer (pauvreté absolue) alors que l’écart entre le niveau de vie des plus pauvres et la classe moyenne s’accroit (pauvreté relative). Selon le rapport « Perspectives Economiques Régionales » du FMI  (2015), l’ASS reste la région où les inégalités de revenu sont les  plus accentuées bien que son indice de Gini[5] ait baissées d’environ 5% depuis 1990. Le Rapport sur le Développement de l’Afrique de la BAD atteste qu’en 2012, sur les 10 pays les plus inégalitaires du monde, 6 se trouvaient en ASS. A titre illustratif, le total du PIB par habitant des 10 pays les plus riches d’ASS représente 25,2 fois celui des 10 pays les plus pauvres. Les écarts de revenu mesurés par l’indice de Gini en 2012 oscillent entre 30% en Ethiopie et 68% aux Seychelles (BAfD,  2012) avec 46% en moyenne régionale.

A coté de ces inégalités de revenu, on note également la prédominance des inégalités en termes d’opportunités (Assiga, 2010) – aussi bien sur les plans foncier et financier ; qu'en ce qui concerne l’accès aux services sociaux essentiels et au marché de l’emploi – qui affectent la réalisation du potentiel humain et la productivité. 

L’Afrique demeure la région du monde la plus touchée par la crise de l’emploi. Sur les 75 millions de jeunes au chômage que comptait le monde en 2013, 38 millions vivait en Afrique. L’inégalité est fondamentalement considérée comme une injustice sociale. Elle engendre les problèmes sociaux et l’instabilité[6]. Elle accentue donc la pauvreté et, il serait incohérent de prétendre réduire la pauvreté sans résoudre parallèlement ou en amont le problème des inégalités. Si la croissance économique en permettant d’améliorer même marginalement la qualité de vie des populations est indispensable pour réduire la pauvreté, elle n’a pas réduit de façon significative les inégalités.

Réduire de moitié l’extrême pauvreté en ASS entre 1990 et 2015 engageait la région à passer de 56,8% de pauvres en 1990 à environ 29% à l’horizon 2015. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le nombre de pauvres à certes baissé mais l’objectif est loin d’être atteint. La pauvreté en ASS correspond à 35% de la population en 2015 ; soit une baisse effective de 21,8% seulement par rapport à l’année 1990.

En définitive, la dernière décennie a ainsi été marquée par les progrès considérables et par l’amélioration des indicateurs de bien être en ASS. L’engagement historique pris par les dirigeants du monde en 2000 a permis de réduire le taux de pauvreté dans la région même si en termes absolu, le nombre de pauvres augmente. Ainsi, l’Afrique Sub Saharienne compte encore plus du tiers des pauvres du monde. Cette dynamique de la pauvreté traduit donc en réalité une augmentation mais à un rythme moins prononcé que celui de l’évolution de la population.

La croissance économique forte nécessaire pour réduire la pauvreté n’a pas été suffisante pour que l’OMD1 soit réalisé. D’ailleurs, le poids des inégalités socioéconomiques et les discriminations soutenu par celui de la pression démographique continuent de peser lourd sur le développement humain de la région. Somme toutes, le défi de la réduction de pauvreté reste d’actualité. Ce d’autant plus qu’aux réalités sociales que subit la zone, s’ajoutent les risques liés au réchauffement climatique qui peuvent nuire aux récoltes, réduire les revenus des populations rurales, contraindre d’avantage la sécurité alimentaire et donc aggraver la pauvreté. 

On peut donc admettre avec Makhtar Diop, Vice Président du Groupe BM pour l’Afrique, que  « Le coût humain de la pauvreté est bien trop élevé en Afrique ». Les personnes pauvres n’ayant pas les moyens de sortir de la pauvreté, il convient d’accroître leur productivité en investissant d’avantage dans leur éducation et leur santé et en assainissant leurs milieux de vie. Parallèlement, il est tout aussi impératif de promouvoir l’intégration ou l’inclusion sociale et l’équité, base d’une croissance nécessairement pro-pauvre ; de réduire les vulnérabilités, de favoriser une meilleure redistribution des ressources et des richesses selon les critères relevant du contrat social ou de la constitution (Weber, 1997 cite par Assiga, 2010); et enfin, intégrer les aspects climatiques dans les actions menées en faveur du développement. Une autre porte de sortie de la pauvreté est l’emploi ; la création d’emplois décents étant primordiale pour mettre fin à la pauvreté et promouvoir une prospérité partagée de manière durable. Telle sont les responsabilités des autorités dont l’engagement est tout aussi déterminant dans la réduction de la pauvreté. C’est dans cette optique que le nouvel agenda post 2015 invite les dirigeants à redoubler d’effort pour atteindre les nouveaux objectifs de développement durable et éliminer la pauvreté extrême  à l’horizon 2030.

Claude Aline ZOBO et Ivan MEBODO

Référence :

ASSIGA E. Modeste (2010) : « Croissance Économique et Réduction de la Pauvreté au Cameroun » , Édition Harmattan. 

BAD (2012) : « Les principaux facteurs de la performance économique de l’Afrique », Rapport sur le développement en Afrique – Vers une croissance verte en Afrique.

FMI (2015) : « Afrique Sub Saharienne pour une croissance durable et plus solidaire », Etudes Economiques et Financières, Perspectives Economiques Régionales.

PNUD (2014) : « Pérenniser le Développement Humain : Réduire les Vulnérabilités et renforcer la résilience », Rapport sur le Développement Humain. 

Rapport des Nations Unies (2014) : « Objectifs du Millénaire pour le Développement ».


[1]Passant de 2 milliards en 1990 à 902 millions en 2012. Les prévisions de la Banque Mondiale anticipent que le monde ne comptera plus que 702 millions de pauvres en 2015.

[2] Niveau de revenu en deçà duquel un individu est considéré comme pauvre. Ce seuil est fixé depuis les travaux de Benjamin Seebohm Rowntree en 1901 en fonction d’un panier de biens alimentaires et non alimentaires nécessaire à la survie quotidienne.

 

 

[3]A titre illustratif, on note la prévalence des meurtres et des tueries en RDC, l’accroissement de la pauvreté de près de 50% au Zimbabwe, la mortalité infantile qui croit de 105 à 108 pour 1000 au Kenya.

 

 

[4]La faiblesse des revenus oblige à se loger à bas prix dans les quartiers ayant une mauvaise réputation, où il y a peu de travail et une éducation dégradée, une criminalité élevée et une prévention médicale moins active.

[5] Mesure statistique de la dispersion d’une distribution de revenu au sein d’une population.

[6]Selon une enquête de la Banque mondiale, environ 40% de ceux qui rejoignent les mouvements terroristes seraient motivés par le manque d’emploi.

 

 

Data : the next frontier of Development

UntitledHow is the digital tide taking care of the digital divide? At the start of the new millennium, there was global concern that poor countries, especially in Africa, would be twice left out: economically and also technologically. Fortunately, the digital divide never became a global challenge. In fact, it is closing faster than anyone had imagined. In some parts of the developing world there are even budding signs of possible digital overtaking.

Kenya is one of few African countries driving in the fast lane. Over the past decade, it has experienced a sweeping “digital tide”. Today, Kenya has crossed the 30 million threshold of active cell phone numbers, up 29,000 from 12 years ago! Almost everyone can now afford to buy a phone, which sell for as little as Ksh 500 (or US$5) on the flourishing second hand market.break  People are also spending more on communication. in 2012, Kenyans have spent on average US$65 on communication, compared to US$45 a year ago.

Moreover, Kenya, East Africa’s powerhouse, has reached two other milestones in 2012 : 20 million users of mobile money and 15 million internet users, thanks largely to ubiquitous smart phones (see figure).

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World Bank calculations based on Communication Commission of Kenya

Now that everyone can own a phone, even in poor countries, is the mobile revolution over? Has everything that can be invented actually been invented – a claim famously associated with a commissioner of the US patent office in the 19th century?

We actually think the opposite is true: a new wave of innovation is starting, which will exploit increased connectivity to bring new solutions to old problems, including in development policy and economics. Here are three early examples of such innovation:

First is public sector accountability. In Kenya, a new service called “I Paid A Bribe” lets people expose bribery cases by reporting them online or by SMS. In less than one year, the site has reported corruption cases ‘worth’ over half a million dollars (mainly to traffic police and other government officials).“I Paid a Bribe” has helped to expose the problem publicly, which is the first step to tackling it. Similar services could also help monitor other areas of government performance such as quality of health services, teacher attendance and power services. The Kenyan government’s pioneering resolve to open-up public data at Opendata.go.ke is a good first step in making government and public services more accountable more broadly. The database is a gold-mine for developers and civil society that have already developed great uses.

Second is economic and social welfare monitoring. Previously, socio-economic data was tediously collected via paper surveys. The results were typically available to policy makers and researchers two-to-three years later when, frankly, they were often no longer relevant. In South Sudan, the National Bureau of Statistics and the World Bank have leveraged the expansion in mobile coverage to monitor how economic and social conditions are changing in near-real-time in the young nation. Last year, they conducted a monthly phone survey, with a sample of households, asking questions about their economic situation, security, outlook, and other topics.

This year, they used cellphone-enabled tablets to collect data on food security and market prices. Such high frequency, real-time data has never been available before. It is already revolutionizing how policy makers can identify problems and bring timely solutions. As Marcelo Giugale of the World Bank puts it: High-frequency data has the potential to do “to economics what genetics did to medicine”.

Third, the explosion in mobile phone and internet leaves behind ‘digital traces’ of human behavior which can help to better understand development challenges. For example, recent research by Harvard scientists using Kenya data, published in Science last month, shows how mobile phone data (tracking people’s movements) can be used to trace the spread of malaria. By conducting such monitoring in real-time, officials could for example send text message warnings to people traveling in high-risk areas and pre-position testing equipment and drugs.

There are many other examples of such use of ‘big data’ for economic, social and policy purposes. Google has demonstrated how search data can predict dengue breakouts in Brazil, India and Indonesia by monitoring how people search for dengue-related topics and symptoms. In Indonesia, the UN Global Pulse and a research firm used Twitter data to monitor food prices with surprising accuracy, finding that the way people spoke about rice on Twitter could be correlated with the actual market price of rice. As internet use increase in Africa, large amounts of digital traces will be available and useful for monitoring and tackling social problems also here.

brazil_dengue_activity
Google Dengue Trends

These examples are just the tip of the iceberg, with many more applications of new technology to be discovered. Traditionally, data was used and analyzed by “experts” within government and research institutions. Today, with more available (open) data, better visualization tools, and new, socially concerned IT developer communities, the universe of users is expanding fast. Groups of expert and volunteer computer programmers are making data accessible to the public, popularizing its use and finding technical solutions to real-world issues.

The digital divide is behind us. This generation’s challenge is to leverage the new “digital tide” for the public good. Some early innovations are already very promising and there will be many more to come.

An article by Wolfgang Fengler, lead economist in trade and competitiveness (World Bank)