Design en Afrique : s’asseoir, se coucher et rêver

Vendredi dernier je me suis rendue au Musée Dapper et j’ai pu bénéficier d’une visite guidée par Bonny Gadin, l’attaché culturel de ce musée parisien dédié à l’art noir africain, des caraïbes et de la diaspora. Quel plaisir !   Lorsque nous nous promenions parmi les chaises, les masques et tabourets de l’exposition Design en Afrique « S’asseoir, se coucher et rêver »  Bonny Gabin m’en a confié (presque) tous les secrets. Ce fut également un moment privilégié d’échange sur un art qui est encore trop méconnu par le grand public africain.

Voici quelques extraits de notre conversation.

S_asseoir_se_coucher_reverPouvez-vous expliquer aux lecteurs de Terangaweb, l’origine et les motivations de cette exposition sur le design en Afrique au Musée Dapper ?  

Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du musée Dapper est très intéressée par le design et elle possède une collection personnelle d’œuvres d’artistes africains. Durant ses nombreux voyages sur le continent elle a rencontré les designers séparément et leur a soumis son projet d’exposition au musée Dapper à  Paris. Les artistes y ont été réceptifs et enthousiastes et peu à peu le projet a pris forme.  

Quels sont les particularités et les atouts des designers Africains ?  

Le designer Africain comme tous les autres intègre plusieurs influences dans ses œuvres. Il admet, et l’histoire du design l’a toujours montré, une très grande porosité entre la culture occidentale et la sienne.  Sans doute, ce qui ferait sa différence est cette tendance qu’on retrouve chez un grand nombre de designers Africains à intégrer des artisans locaux dans leurs réalisations. Ces artisans, qu’ils soient forgerons ou tailleurs de quartiers populaires participent eux aussi à la matérialisation de la pensée du designer. En intégrant ces métiers, ce dernier réalise ainsi en plus de son art un véritable acte social. 

A quoi imputez-vous le manque de visibilité auprès du grand public des designers Africains ?  

La question ne se pose pas dans ce sens. En réalité, il existe malheureusement une profonde disparité entre les pays anglophones et francophones dans le domaine du design en Afrique et les anglophones sont devant. A titre d’exemple, tous les ans un salon du design en Afrique est organisé en Afrique du Sud et c’est un rendez-vous incontournables pour les designers africains anglophones. La langue mais aussi la culture constituent des barrières pour les francophones. Finalement, par manque d’opportunités et de moyens dans leurs régions les designers francophones sont très souvent obligés d’aller à l’étranger pour avoir de la visibilité et de l’exposition. On aurait également tort de négliger le manque d’implication des pouvoirs publics  dans de nombreux pays pour la promotion de l’art et du design en particulier. 

Pensez-vous que les plateformes digitales (-pixel Africain, African Digital Art- Design Africa-) sont une façon d’intéresser le public aux designers Africains de manière durable? 

De manière durable, non je ne le pense pas. Selon moi, il faut un lieu physique d’échange et de rencontre pour découvrir véritablement et comprendre le design. Il faut faire attention car ce genre de technologies peut rendre paresseux et faire oublier le contact réel avec les objets… Néanmoins ces plateformes permettent de créer un réseau entre les designers africains et de partager des informations pratiques.   Pourquoi ces objets ne se vendent-ils que très peu auprès des Africains ?   Plus qu’un problème de volonté il y a, à mon sens, un problème de pouvoir d’achat.  L’Africain moyen ne peut se permettre d’acheter des œuvres de designers, cela nécessite un certain niveau de vie et des revenus conséquents. Pour autant les designers ne peuvent pas non plus brader leurs prix car ils constituent leur gagne-pain. On se retrouve donc face à un dilemme qui n’est solvable que par le développement du continent et de meilleures politiques publiques en faveur de l’art et de la culture. 

Design en Afrique « S’asseoir, se coucher et rêver » est une exposition du Musée Dapper qui se tient du 10 octobre au 14 juillet au Musée Dapper. Je la recommande sincèrement.

 

S'asseoir_se_coucher_rever

« Design en Afrique, l’exposition et l’ouvrage ne vise nullement la confrontation de l’ancien et du nouveau mais essaie de montrer que les besoins du quotidien stimulent depuis toujours l’inventivité. L’art du design ouvert à des pratiques – telles que l’assemblage- fréquemment mises en œuvre dans  d’autres formes d’expression plastique, favorise ainsi l’émergence d’esthétiques nouvelles qui entretiennent souvent un dialogue original avec les cultures traditionnelles. » Christiane Falgayrettes-Leveaudans

Design en Afrique « S’asseoir, se coucher et rêver » par Christiane Falgayrettes-Leveau, Viviane Baeke, Christiane Owusu-Sarpong, Rahim Danto Barry, Joëlle Busca, Musée Dapper, 2012 

Site web du Musée Dapper: http://www.dapper.fr/  

Fiche du livre  consacré à l’exposition