Les Damnés de la Terre

Les damnés de la terre- croquis par Jacques Allaire

Au cours des 36 années de sa vie, Frantz Fanon a porté un regard poignant, lucide, véritablement scientifique sur son époque. Racisme, colonisation, discrimination ethnique, son œuvre analyse les manifestations, démonte les fondements et questionne les conséquences de ces systèmes d’oppression des peuples qui sévissent au 20e siècle.

52 ans après sa disparition, Jacques Allaire se replonge dans la pensée de Frantz Fanon à travers un angle inédit. Le spectacle « Les Damnés de la terre » (1), est une mise en scène de ses textes essentiels: Peau Noire Masques Blancs, l’An V de la Révolution Algérienne, Les Damnés de la Terre et Pour la révolution africaine. Ces essais, écrits à différents moments de la vie de Fanon, sont joués par six comédiens qui réussissent, sous la direction de Jacques Allaire, à leur insuffler une véritable dramaturgie. A bien des égards, le travail proposé est remarquable.

Jacques Allaire construit sa pièce sur un modèle de déconstruction de l’œuvre de Fanon. L’objectif du metteur en scène n’étant pas de construire une œuvre bibliographique mais véritablement de montrer la cohérence de la pensée de Fanon, il s’autorise une grande liberté dans l’agencement des textes. En effet, il prend le parti créatif d’assembler, de coller voire de plaquer les écrits les uns aux autres pour en extraire une dramaturgie. Le spectateur est ainsi invité à regarder différents tableaux, qui n’existent que pour eux-mêmes, sans fil connecteur apparent. Jacques Allaire explique ce choix : « Je rêve d’un spectacle qui serait en perpétuelle construction, en perpétuelle déconstruction, entre rêve et soumission, dans un espace produisant une organisation pouvant renvoyer à celle, politique ou policière, du colonisateur, à celle subie par le colonisé. » Le carnet du Tarmac, page 7.

Damnes-de-la-terre-nuit-profonde-Laurence-LeblancAinsi, les scènes s’enchainent mais ne se ressemblent pas et sans cesse, on est surpris de la facilité avec laquelle les textes de Fanon s’imbriquent et dialoguent. Lorsqu’un comédien déclame une phrase de Peau noire, masques blancs, son maquillage, son costume ou encore le décor font quant à eux référence aux Damnés de la Terre ou inversement. Le premier tableau de la pièce intitulé « Depuis la nuit profonde d’où je viens » installe ce principe lorsqu’un comédien renverse sur sa peau noire un seau d’eau en s’écriant : « Pour le noir, il n’y a qu’un destin, et il est blanc » (Peau noire, masques blancs) et ôte ainsi la peinture qui recouvrait son corps pour laisser apparaître sa peau blanche entouré par les autres comédiens ensevelis dans la terre.

A ce premier tableau, s’ajoutent six autres qui permettent d’explorer la pensée de Fanon mais aussi le système établi par les colons. Le troisième tableau est par exemple consacré à l’armée du général Lacoste qui traque les résistants et les combattants du FLN durant la guerre d’Algérie. Les comédiens jouent les scènes de tortures subies par les Algériens dans les commissariats et prisons mais aussi dans leurs propres foyers. Coups, humiliation, électricité, c’est une véritable guerre contre le corps de « l’indigène » qui est mise en place, et qui a pour but de le faire douter de sa propre existence, de sa présence au monde et de la raison de son combat.

Enfin, il faut également revenir sur la représentation de dépersonnalisation, sujet de prédilection de Frantz Fanon, qui est donnée à voir dans la pièce. En effet, il paraît impossible de s’intéresser à l’œuvre de Fanon sans se pencher sur la question de la psychanalyse. Jacques Allaire construit tout un tableau dédié à l’exploration des troubles psychiques des Algériens que Fanon a consulté alors qu’il exerçait à Blida entre 1955 et 1957.

C’est donc naturellement que l’espace de l’hôpital trouve sa place sur la scène et que les comédiens reconstituent les troubles qui agitaient les patients. Ils sont saisis par des cauchemars, des hallucinations, des crises d’angoisse voire de folie, et deviennent comme étrangers à eux-mêmes. Alors ils rejouent leurs tortures, leurs déchirures, leurs espoirs pour se rappeler qu’ils ont, eux aussi, une histoire…

En conclusion, le spectacle de Jacques Allaire est plus qu’un hommage à Fanon et se positionne bien au-delà d’une invitation à la découverte de ses œuvres. En réalité, Les Damnés de la Terre est un acte de courage qui vient à point dans notre contexte actuel. C’est un spectacle qui force à réfléchir sur nos sociétés actuelles et sur ce qui a changé, ou pas, dans les systèmes qui nous gouvernent. Ainsi, à la question de savoir en quoi le spectacle de Jacques Allaire montre que la pensée de Fanon est encore pertinente, il convient de laisser la parole à l’intéressé :

« Ce qui rend actuel Fanon pertinent c’est le racisme avoué ou larvé des sociétés. C’est la non reconnaissance affichée des actes de la période coloniale, c’est la non reconnaissance de la colonisation comme système répressif, dégradant, responsable d’esclavage, d’exploitation, de haines raciales voire de génocides (…) Nous pouvons nous interroger sur notre société moderne qui sans relâche, organise des parties de chasse à l’homme, chasse aux sans-papiers, aux sans-abris, aux chômeurs, aux Roms, aux pauvres… Une civilisation qui rêve de libre circulation de l’argent et de frontières pour réguler les flux migratoires ? Qui exploite tout ce qui peut l’être jusqu’à dévorer ses propres enfants » Le carnet du Tarmac, page 8.

Muna Soppo

(1)     Spectacle mis en scène par Jacques Allaire, joué au Théâtre du Tarmac, à Paris, du 5 novembre au 6 décembre 2013 

Design en Afrique : s’asseoir, se coucher et rêver

Vendredi dernier je me suis rendue au Musée Dapper et j’ai pu bénéficier d’une visite guidée par Bonny Gadin, l’attaché culturel de ce musée parisien dédié à l’art noir africain, des caraïbes et de la diaspora. Quel plaisir !   Lorsque nous nous promenions parmi les chaises, les masques et tabourets de l’exposition Design en Afrique « S’asseoir, se coucher et rêver »  Bonny Gabin m’en a confié (presque) tous les secrets. Ce fut également un moment privilégié d’échange sur un art qui est encore trop méconnu par le grand public africain.

Voici quelques extraits de notre conversation.

S_asseoir_se_coucher_reverPouvez-vous expliquer aux lecteurs de Terangaweb, l’origine et les motivations de cette exposition sur le design en Afrique au Musée Dapper ?  

Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du musée Dapper est très intéressée par le design et elle possède une collection personnelle d’œuvres d’artistes africains. Durant ses nombreux voyages sur le continent elle a rencontré les designers séparément et leur a soumis son projet d’exposition au musée Dapper à  Paris. Les artistes y ont été réceptifs et enthousiastes et peu à peu le projet a pris forme.  

Quels sont les particularités et les atouts des designers Africains ?  

Le designer Africain comme tous les autres intègre plusieurs influences dans ses œuvres. Il admet, et l’histoire du design l’a toujours montré, une très grande porosité entre la culture occidentale et la sienne.  Sans doute, ce qui ferait sa différence est cette tendance qu’on retrouve chez un grand nombre de designers Africains à intégrer des artisans locaux dans leurs réalisations. Ces artisans, qu’ils soient forgerons ou tailleurs de quartiers populaires participent eux aussi à la matérialisation de la pensée du designer. En intégrant ces métiers, ce dernier réalise ainsi en plus de son art un véritable acte social. 

A quoi imputez-vous le manque de visibilité auprès du grand public des designers Africains ?  

La question ne se pose pas dans ce sens. En réalité, il existe malheureusement une profonde disparité entre les pays anglophones et francophones dans le domaine du design en Afrique et les anglophones sont devant. A titre d’exemple, tous les ans un salon du design en Afrique est organisé en Afrique du Sud et c’est un rendez-vous incontournables pour les designers africains anglophones. La langue mais aussi la culture constituent des barrières pour les francophones. Finalement, par manque d’opportunités et de moyens dans leurs régions les designers francophones sont très souvent obligés d’aller à l’étranger pour avoir de la visibilité et de l’exposition. On aurait également tort de négliger le manque d’implication des pouvoirs publics  dans de nombreux pays pour la promotion de l’art et du design en particulier. 

Pensez-vous que les plateformes digitales (-pixel Africain, African Digital Art- Design Africa-) sont une façon d’intéresser le public aux designers Africains de manière durable? 

De manière durable, non je ne le pense pas. Selon moi, il faut un lieu physique d’échange et de rencontre pour découvrir véritablement et comprendre le design. Il faut faire attention car ce genre de technologies peut rendre paresseux et faire oublier le contact réel avec les objets… Néanmoins ces plateformes permettent de créer un réseau entre les designers africains et de partager des informations pratiques.   Pourquoi ces objets ne se vendent-ils que très peu auprès des Africains ?   Plus qu’un problème de volonté il y a, à mon sens, un problème de pouvoir d’achat.  L’Africain moyen ne peut se permettre d’acheter des œuvres de designers, cela nécessite un certain niveau de vie et des revenus conséquents. Pour autant les designers ne peuvent pas non plus brader leurs prix car ils constituent leur gagne-pain. On se retrouve donc face à un dilemme qui n’est solvable que par le développement du continent et de meilleures politiques publiques en faveur de l’art et de la culture. 

Design en Afrique « S’asseoir, se coucher et rêver » est une exposition du Musée Dapper qui se tient du 10 octobre au 14 juillet au Musée Dapper. Je la recommande sincèrement.

 

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« Design en Afrique, l’exposition et l’ouvrage ne vise nullement la confrontation de l’ancien et du nouveau mais essaie de montrer que les besoins du quotidien stimulent depuis toujours l’inventivité. L’art du design ouvert à des pratiques – telles que l’assemblage- fréquemment mises en œuvre dans  d’autres formes d’expression plastique, favorise ainsi l’émergence d’esthétiques nouvelles qui entretiennent souvent un dialogue original avec les cultures traditionnelles. » Christiane Falgayrettes-Leveaudans

Design en Afrique « S’asseoir, se coucher et rêver » par Christiane Falgayrettes-Leveau, Viviane Baeke, Christiane Owusu-Sarpong, Rahim Danto Barry, Joëlle Busca, Musée Dapper, 2012 

Site web du Musée Dapper: http://www.dapper.fr/  

Fiche du livre  consacré à l’exposition

L’affaire de l’esclave Furcy, Mohammed Aissaoui

affaire esclave furcyDes histoires d’esclaves courageux, intelligents, intrépides il n’en manque pas. Furcy est tout cela en même temps et tellement plus encore. Furcy est le premier esclave à avoir intenté un procès à son maître. C’est le premier à avoir essayé de prendre possession de sa liberté par la voie de la justice trente années avant l’abolition de l’esclavage.

Mais qui est donc Furcy, et pourquoi cet esclave a-t-il fait trembler la France et ses colonies? Furcy est né à l’ile de la Réunion, anciennement île Bourbon en 1786, de Madeleine, indienne et esclave et d’un père inconnu. La loi étant la loi, Furcy a de fait hérité de la condition d’esclave de sa mère. Pourtant, même dans un système corrompu, certaines lois peuvent réparer les injustices d’autres et c’est ainsi que Furcy bénéficia de l’affranchissement de sa mère. C’est en fouillant dans une vieille malle que Constance, la fille de Madeleine, trouva l’acte déclarant le nouveau statut de sa mère et fit le lien avec le sort de Furcy que lui-même ignorait: « Si ma mère était libre, alors Furcy aussi » (P.41) Restait encore à pouvoir en jouir effectivement.

Furcy avait une intelligence remarquable : il savait lire et écrire mieux que la plupart des colons blancs et comprenait rapidement les choses. Lorsque sa sœur le mit au courant de sa découverte, il ne recula pas devant l’idée de porter l’affaire devant les tribunaux. Aidé de Boucher et Sully Brunet il s’engagea alors dans une bataille juridique non sans péripéties – 27 ans de procès – et sans conséquences sur la carrière des deux hommes de loi. C’était en 1817 une chose impensable et les esclavagistes ne manquèrent pas de le lui rappeler.

« L’histoire de l’esclavage est une histoire sans archives » a affirmé l’historien et romancier Hubert Gerbeau. Parmi tous les contes et légendes sur des esclaves, de Kunta Kinte à Tom, l’histoire de Furcy fait donc figure d’exception. C’est l’un des rares esclaves dont on peut, à quelques points d’ombre près, retracer l’existence grâce à des documents à valeur juridique. Des ordonnances, des comptes rendus, décrets et autres correspondances de Furcy constituent des archives vieilles de plus de 150 ans dans un dossier volumineux retraçant le combat de cet homme hors pair.

Ces documents sont la preuve de son passage à tel ou autre tribunal ou de sa convocation à des dizaines d’audiencesmais il restait encore à imaginer l’homme et son caractère. Mohammed Aissaoui s’est aidé de ces archives impressionnantes pour tenter ce pari risqué. Le travail d’invention qu’il a fourni est remarquable. Certes, il transparait ça et là qu’il a quelques fois laissé libre cour à ses propres fantasmes et lieux-communs mais le Furcy proposé dans la centaine de pages de cet essai est tout à fait vraisemblable. L’auteur ne s’en cache pas, il s’est littéralement laissé envahir par cette histoire pendant près de trois ans jusqu’à rêver de Furcy, s’imaginer lui parler ce qui donne forme aux passages qui sont, à mon sens, les plus intéressants de L’Affaire de l’esclave Furcy. En effet, la richesse de l’œuvre réside aussi dans la retranscription humble de l’auteur du trouble éprouvé face à son personnage.

Furcy était un oublié de l’Histoire et, en écrivant son histoire, Mohammed Aissaoui l’a ramené à la vie. Il a aussi pu vivre une véritable relation fraternelle, unique avec un homme qu’il n’aurait jamais pu rencontrer sans la magie de l’écriture. Seulement, si Mohammed Aissaoui a choisi de faire ressurgir Furcy, ce n’est pas pour s’approprier cette histoire mais pour l’offrir à qui de droit, la mémoire collective.

Aussi, dans L’Affaire de l’esclave Furcy, il a effectué à la fois un double travail impressionnant : celui de l’historien qui déchiffre, classe et complète les archives durant 4 années de recherche, et celui du romancier en imaginant la psychologie de Furcy, ses doutes, ses craintes, sa détermination. Au fil des pages de cet essai, le lecteur tentera, l’espace de quelques heures, à regarder l’histoire de l’esclavage, sa pensée et ses codes avec le regard des hommes de l’époque.

A vous de découvrir cette histoire…

Claudia Soppo

Ons Abid : photojournaliste en Tunisie

Ons Abid est une artiste tunisienne. Diplômée de l’école des Beaux Arts de Tunis en 2004, elle débute sa carrière en tant que graphiste dans le milieu publicitaire. Elle retourne ensuite à ses premières amours, la photographie. C’est en tant que photographe et photo-reporter que ses clichés paraissent dans des publications françaises et tunisiennes. Depuis peu Ons expose ses photographies, dans des festivals internationaux, des expositions de groupes et individuelles. Dans cette interview accordée à Terangaweb, Ons revient sur sa passion, partage son regard sur les mutations dans son pays depuis la révolution et nous donne son sentiment sur son avenir.

Bonjour Ons Abid. Comment êtes-vous arrivée à la photographie ? Quelles ont-été vos influences ? Avez-vous des références africaines ?

J’ai eu la chance d’avoir mon premier appareil photo à onze ans : un cadeau d’un oncle photographe. Je pense que cela a été le plus beau cadeau de ma vie ! Un jouet pas comme les autres ! Mais aussi un jouet qui coûtait cher à mes parents, car les pellicules n’étaient pas données. J’avais droit à une par mois et pour me gâter quelquefois à deux. A l’époque, je voulais tout photographier : amis, voisins, mariages et surtout des personnes que je ne connaissais pas. Cela rendait mes parents furieux : photographier ceux qui ne sont pas de la famille et en plus dépenser l’argent pour développer les pellicules…mais je me débrouillais pour ne pas leur montrer tous les tirages…

Je suis à la fois influencée par la photographie humaniste et documentaire. Il y a plein de photographes comme Henri Cartier Bresson, Elliot Erwitt, Abbas, et surtout Martin Parr. Pour la photographie africaine Seydou Keita et Malick Sidibé du Mali, et Filipe Branquinho du Mozambique.

Votre œuvre de photographie est particulièrement bien accueillie en Europe et surtout en France. Qu'en est-il en Afrique, au Maghreb ?

Après avoir terminé mes études à l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis en 2004, j’ai travaillé en tant que graphiste puis directeur artistique dans une agence de publicité pour plusieurs marques internationales. Je faisais de la photographie publicitaire et évènementielle en parallèle. La présence de l’humain était un facteur important dans mon travail. J’avais un penchant pour la publicité humaniste sans m’en rendre compte. Ce qui est important pour moi, ce n’est pas le produit ou le fabricant mais plutôt les personnes qui témoignent d’une réalité juste. En 2007, j’ai commencé accidentellement à collaborer avec le quotidien tunisien Le Temps du groupe Dar Essabeh, puis le magazine Tunivision, puis j’ai arrêté. J’ai compris qu’être journaliste ou photojournaliste pour la presse tunisienne ne faisait pas vivre, d’autant plus qu’il n’y avait pas de liberté d’expression. 
La photo était le dernier souci des rédactions. Elle vient toujours dans un dernier temps. Le photojournaliste fait son métier sous la pression et la censure que pratique le gouvernement. 
En 2008, j’ai eu l’occasion de publier des photos dans AM Afrique magazine, puis dans le journal Jeune Afrique et c’est là ou ma carrière a pris une nouvelle tournure.

En 2009, j’ai décroché une résidence à l’Ecole Nationale de la photographie d’Arles, puis j’ai été choisie parmi quinze photographes du monde arabe pour le « Mena Photojournalism program » par le Word Press Photo, c’est là où j’ai décidé de revenir en Tunisie et de me consacrer complètement au photojournalisme.

Vous avez évoqué la difficulté de réaliser des clichés à Tunis durant la période révolutionnaire en 2011. Les conditions se sont-elles améliorées depuis le début de la présidence de Moncef Marzouki ?

La révolution était brusque et inattendue, le pays en ébullition. Internet était un moyen important dans le déroulement des événements. On sentait un grand malaise mais les événements se sont succédés d’une manière très rapide. Je me suis trouvée au milieu du mouvement sans le vouloir. Le système policier de Ben Ali était très présent. J’ai passé plus qu’un an à bosser sans obtenir la carte de presse. Un moyen de mettre la pression sur les journalistes tunisiens.
 Après deux ans de révolution, la situation des médias et de la presse est toujours d’actualité. Le gouvernement sait qu’ils jouent un rôle important dans le processus démocratique. La situation ne dépend pas d’une seule personne, comme le président Moncef Marzouki, mais de plusieurs forces à la fois. La société civile joue un rôle important dans le processus de la liberté de presse. 
Le contrôle de l’information et de l’image a participé à l’installation du dispositif nécessaire à une belle dictature pendant 23 ans. La photo de Bouazizi immolé sur tous les réseaux sociaux, a été un élément important dans le déclenchement de la révolution, car non seulement on s’appuie sur une info mais aussi sur une preuve visuelle : « la preuve par l’image ».

Quel regard portez-vous sur l'appropriation de la photographie par la jeunesse tunisienne ? La pratique se développe t-elle? Souhaiteriez-vous une implication plus forte de l’État pour promouvoir cet art ou faut-il laisser cette tâche à des organismes ou des personnes davantage dépolitisés ?

Je pense que l’implication de l’Etat pour promouvoir la photographie est importante. L’ancien gouvernement a toujours rejeté la pratique photographique car elle pouvait menacer son existence. La preuve, on n’a aucune école de photo dans tout le pays. J’ai du faire des études à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis (ISBAT) par défaut. Quand, plus tard, j’ai eu l’occasion d’enseigner dans cette école, notamment le graphisme et la photo publicitaire, j’ai compris que la politique du pays consistait à ignorer, voire rejeter, cette discipline. Les étudiants se faisaient arrêter quotidiennement car il fallait avoir des autorisations pour tourner à l’extérieur. Découragés, ils ne voulaient plus travailler cette matière à l’école. Le 14 janvier 2011 constitue un changement radical dans le comportement de la jeunesse tunisienne. Tout le monde criait le fameux mot « DEGAGE » devant le ministère de l’Intérieur tout en photographiant et en filmant. C’était un acte de défi aux pouvoirs qui prohibaient cette pratique.

Aujourd’hui, l’Etat doit montrer sa solidarité avec les photojournalistes. Beaucoup de talents ont émergés après la révolution mais le marché reste fragile. La demande n’est pas importante et le prix de l’image est encore dérisoire dans les journaux tunisiens. Tout doit être restructuré pour revaloriser la photographie de presse et d’art. Heureusement que plusieurs organismes essaient de s’impliquer dans le développement du photojournalisme comme le World Press Photo qui va entamer une grande formation pour les photojournalistes du monde arabe.

Vous avez commencé à exposer vos photographies à Tunis en 2006 dans des festivals puis vous avez participé à de nombreux programmes internationaux (Afrique, Europe…). Votre première exposition personnelle s'est déroulée en début d'année en France, à Perpignan. Une exposition individuelle dans votre pays natal, la Tunisie, est-elle prévue ?

J’ai toujours eu un penchant pour les expositions de groupe. Ma première exposition personnelle « Le souffle des libertés » sur la révolution tunisienne était à Perpignan. J’envisage d’exposer en Tunisie, toutefois je pense que les Tunisiens sont encore pris par l’histoire de la transition démocratique.

Est-il de manière générale difficile d'exercer votre métier en tant que femme en Tunisie ? Avez- vous une liberté de traitement par rapport à vos sujets tant à l'endroit des autorités que de la population tunisienne ?

Je pense que le risque sur le terrain est le même qu’on soit homme ou femme. Dans les sociétés musulmanes, être femme journaliste est un atout, car on a l’accès à la fois aux hommes et aux femmes.
 J’ai toujours exercé mon métier en toute liberté, avant l’accès à l’information était plus difficile, aujourd’hui le risque sur le terrain est important. La femme tunisienne a une place importante dans la société depuis l’indépendance. Mais depuis que la question de l’identité et de la religion est d’actualité, mon travail prend parfois d’autres tournures. Etre femme, non voilée qui travaille peut poser problème.
 Le contact avec les êtres humains est très important, les portraits de rue, les expressions de visages et le côté humain constituent un élément majeur dans mon approche documentaire. Une touche d’humour est toujours la bienvenue. 

En consultant vos photos et plus généralement les images de la révolution tunisienne, la présence des femmes pendant ce mouvement de libération est évidente. Comment expliquez-vous cela ? Etait-il important pour vous de faire un focus sur cette présence forte ?


« L’environnemental portrait » et la question de l'identité constituent, depuis 2000, l'orientation majeure de mes œuvres, et m'amène de plus en plus à enregistrer les codes sociaux d'une société en pleine évolution. Je suis plus humaniste que féministe. Mais le combat de la femme reste important dans notre histoire. Sa position et son évolution m’intéressaient avant la révolution et m’intéresse toujours. Le plus dur est d’avoir son propre regard en toute objectivité. La femme tunisienne était la plus émancipée des autres pays arabes, cela me fascinait. Un acquis qui est venu après un long combat. Qu’elle soit artiste, médecin, agricultrice, ministre ou gardienne, elle mène toujours le même combat.

En 2010, j’ai travaillé sur un dossier « la condition féminine en Tunisie ». Le gouvernement essayait de contrôler les médias étrangers à travers l’Agence Tunisienne de Communication Extérieure (ATCE), il ne voulait pas que les femmes voilées figurent dans les publications. C’était absurde et contre toute déontologie. Même si elles étaient minoritaires, elles devaient faire partie du reportage. La femme tunisienne ne se résumait pas à la banlieue riche de Tunis. Finalement, j’ai réussi après trois semaines à faire la photo montrant sept femmes de différents âges parmi lesquelles la femme voilée. Ce fut pour moi un vrai exploit ! Pendant la révolution, la présence féminine était remarquable.

Il y a 2 ans de cela, les Tunisiens commençaient une révolution qui allait conduire à la chute, historique, de Ben Ali. Quel regard portez-vous sur la Tunisie actuelle? Et sur le peuple tunisien? Quels sont selon vous les acquis de la révolution ?

La révolution a changé le mode de vie des Tunisiens. Avant la révolution ces derniers avaient peur du système policier et de la dictature de Ben Ali. Malgré la grande pression, le citoyen n’a plus peur, aujourd’hui il peut revendiquer ses pensées, parler dans les médias, manifester. Qu’il soit de droite ou de gauche, laïc ou salafiste, du gouvernement ou de l’opposition, enfant ou adulte… Le rôle des médias est de préserver les acquis de cette révolution. Certes, ce n’est pas le travail d’un jour, il faut beaucoup de temps, de la patience et surtout garder un œil grand ouvert !! C’est un travail de longue haleine.

Avez-vous des expositions à venir ? Si oui, quelles sont les dates ?

Actuellement, je participe à une exposition collective dans le cadre du mois de la photo-off de Paris,
 « FOTODROID, nouvelles images du Littoral » au 20ème arrondissement de Paris. Une nouvelle génération d’images que sont les poladroïds produits à l’aide d’I-phones et de smartphones. Outre la technique commune, le thème qui relie les différents travaux est cette fois celui du littoral.
Je suis également le commissaire d’exposition « Human Screen Festival », Festival International du Film des droits de l’homme, qui aura lieu à la maison de la culture Ibn Rachik du 6 au 9 décembre 2012 à Tunis et elle aura pour thème « Le droit à l’image », sujet d’actualité après la révolution tunisienne.

 

Propos recueillis pour Terangaweb – l'Afrique des idées par Claudia Soppo

 

Crédit photos : les photos qui illustrent cet article sont l'oeuvre de Ons Abid. La première photo est un auto-portrait de l'artiste. 

Conflit dans la région du Kivu : vers la seconde guerre mondiale africaine ?

A en croire les dernières déclarations et apparitions médiatiques, l'ensemble de la communauté internationale est fermement engagée dans la défense du processus de paix en République Démocratique du Congo (RDC). Paul Kagamé, Président du Rwanda, a laissé entendre que l'implication du Rwanda pour la résolution du conflit Congolais était sans égale et le gouvernement ougandais de son côté, s'est empressé de se positionner en négociateur pacifique. Se méfiant de l'implication d'Etats voisins dans le conflit, les contributeurs du Congo se sont investis sur la question comme jamais depuis près de 10 ans. Pourtant, il faut se défaire de l’image d'une poignée d'Etats s'unissant pour combattre des rebellions malveillantes afin de comprendre les véritables enjeux politiques enfouis derrière cette question.

Depuis quelques mois, une nouvelle rébellion se faisant appeler M23 a agrandi le groupe de factions rebelles actives dans la zone du Nord-Sud Kivu, deux provinces dans l'Est du Congo. Grâce aux liens entre le M23 et les forces supportées par le Rwanda au sein du FARDC, la force militaire congolaise, des lignes de batailles ont immédiatement été dressées entre Kinshassa et Kigali. Depuis, un torrent d'accusations et ripostes inonde la diplomatie africaine. Heureusement on est loin de voir surgir un immense conflit interétatique tel une seconde guerre du Congo – également nommée « la Guerre Mondiale Africaine » (1998 à 2003). La raison en est tout simplement que des acteurs externes au conflit n'auraient pas grand intérêt à y intervenir. En réalité, il semblerait que l'indifférence de la communauté internationale aura pour seule conséquence la stagnation du conflit. Nul ne doute que des pertes humaines sont à prévoir, seulement, elles ne seront pas causées par un nouvel incendie sur le continent.

Soulèvement dans l'Est

Le Rwanda, pays voisin du Congo et puissance militaire régionale est déterminé à mettre de l'huile sur le feu afin de servir ses intérêts stratégiques. En dépit de l'apparition récente du Président Kagamé sur la BBC dans laquelle ce dernier niait tout support aux insurgés du M23, des preuves accablantes montrent que l'Etat rwandais subventionne les rebelles. Le groupe d'experts envoyé par l'ONU a découvert des armes en provenance du Rwanda, intercepté des communications officielles, parlé avec des témoins, interviewé près de 80 déserteurs de la rébellion (dont 31 Rwandais), et parlé à des membres actifs du M23 et des autres chefs militaires. Cela prouve de façon inquiétante que le Rwanda a aidé le M23 à se positionner parmi d'autres "forces néfastes" telles que Raja Mutombi, ajouté à d'autres parasites politiques et militaires, tels que les Force de Défense du Congo et Nduma Défense Congo. Encore plus surprenant, le groupe d'expert a trouvé des preuves montrant que le gouvernement rwandais a remobilisé des anciens membres de la FDLR- ennemis jurés du régime de Kigali-, accusés de génocide afin de rejoindre le groupe de rebelles. 

En réponses à ces accusations, le gouvernement rwandais a qualifié le report de "biaisé et dénué d'intégrité". Cependant, le démenti est peu consistant. Les preuves contraires qu’il apporte sont essentiellement des déclarations et extraits de réunions officielles montés de toute pièce par l'élite politique et militaire. Par ailleurs, le gouvernement réfute les accusations selon lesquelles le secrétaire permanent du ministère de la défense aurait financièrement et logistiquement soutenu les rebelles en affirmant qu'il est simplement trop occupé pour s'embêter à aider les rebelles. De l'autre côté, le document officiel de l'ONU confirme toutes les conclusions avec cinq sources différentes et indépendantes, et même s'il contient très certainement des erreurs, le poids des preuves donne sans aucun doute raison au groupe d'experts; le soutien du Rwanda est crucial dans la lente marche du M23 vers Goma.

Une "guerre froide"

Pourtant, même si des milliers de civils sont déjà affectés par cette situation, il existe de bonnes raisons de penser que les combats ne déborderont pas vers un autre conflit intercontinental. D’une part le fait que les facteurs structurels qui ont déclenché la guerre en 1990, la décadence de l’Etat Congolais- à l’époque Zaïre- l’effondrement des zones d’influence de la Guerre Froide, l’augmentation du niveau de démocratie, sont désormais obsolètes.  

Par ailleurs, quand le nouveau gouvernement de Paul Kagamé s’est immiscé pour la première fois dans la région à la fin de l’année 1995 (autant qu’il le fait aujourd’hui) des millions de réfugiés rwandais, génocidaires réarmés se trouvaient esseulés dans les camps. Aujourd’hui, cette menace n’existe plus. Contrairement à 1995, l’impressionnante augmentation de l’implication du Rwanda en République Démocratique du Congo est certainement motivée par un ensemble hétérogène d’intérêts. Le gouvernement est véritablement préoccupé par les différents groupes de rebelles, mais il cherche également à étendre son contrôle sur les ressources du nord et du Sud du Kivu et accomplir ses ambitions régionales en mettant en place une zone d’influence plus large, entre autres. Il suffirait, afin de satisfaire ses intérêts, que le Rwanda étende son protectorat dans les provinces de l’Est avec le but ultime que le Kivu parvienne à faire sécession de la RDC. Mais quand bien même, cela ne supposerait pas un changement de régime à Kinshasa ; si les rebelles prennent Goma (tel qu’ils menacent actuellement de le faire) il n’est pas à exclure que Kagamé recule en chemin. Ayant gagné l’espace nécessaire pour la libre circulation de ses troupes, récupéré les revenus miniers et assis son influence par delà ses frontières, il se pourrait que le Rwanda préfère éviter les problèmes diplomatiques liés à la violation de la souveraineté de la RDC.

Après tout, c’est précisément ce goût de la démesure qui a coupé court aux ambitions du Rwanda entre 1999 et 2005. Responsable du déclin de Mobutu, le Rwanda a par la suite ré-envahi la RDC afin d’installer un candidat de son choix à Kinshasa, dans l’unique but de voir l’Angola et le Zimbabwe se précipiter à la rescousse de leur voisin congolais. L’offensive a stagné, la guerre s’est étendue, la considérable bienveillance mondiale s’est progressivement estompée, et finalement il ne restait pour se réjouir, que les mêmes problèmes auxquels l’administration de Kagamé est encore confrontée aujourd’hui. Il est donc peu probable que les stratèges rwandais commettent à nouveau la même erreur.

Ni aide, ni obstacle 

Cette logique s’effondre si les Etats voisins du Congo s’alignent derrière le Rwanda afin de l’aider à renverser le gouvernement de Kabila et se tailler une part du lion. Une hypothèse néanmoins très peu probable. Alors que de nombreux gouvernement prétextaient des guerres dans les années 1990 pour combattre leur ennemis régionaux, de telles manigances ne sont plus d’actualité. Le Soudan est beaucoup trop occupé avec ses propres conflits internes, par exemple, et pour ce qui est de l’Angola, ses intérêts sécuritaires au Congo ont disparu en 2002 avec la mort de Jonas Savimbi, l’ancien et tristement célèbre chef de l’Union Nationale pour l’Indépendance totale de l’Angola.

Certaines de ces dynamiques se manifestent dans l’échec de la RDC à rallier des supporters aux réunions de la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs, un conseil régional représentant 11 pays. Auparavant, le groupe a déployé l’ancien président Tanzanien Benjamin Mkapa ainsi que l’ancien président Nigérian Olusegun Obansajo en tant qu’envoyés spéciaux pour enquêter sur les insurrections. Mais leurs efforts pour convaincre les Etats membres d’ajouter leurs troupes à une force de contrôle ou même d’apporter un support rhétorique contre l’attitude du Rwanda sont tombés dans des oreilles sourdes. Personne ne veut se mêler à ce conflit.

Le gouvernement ougandais continue d'harceler le Président Yoweri Musevini. Etant donné que dernièrement les choses se sont arrangées avec Kagamé, les deux présidents pourraient collaborer sur la question du M23 à leur avantage commun – tel qu'ils l'ont fait sur de multiples rebellions sponsorisées conjointement dans les années 1990. Cependant, l'ADF semble d'avantage ennuyer que menacer véritablement Musevini, d'autant plus que ses troupes sont déjà engagées dans des conflits en Somali, au Sud Soudan et ailleurs. Ajouté à ce déploiement excessif, il faut également prendre en compte le fait que Musevini utilise une partie de ses troupes pour protéger les nouvelles découvertes pétrolières ougandaises. Et quand bien même il désirerait envoyer des troupes au Congo, son pays est confronté à une crise budgétaire généralisée, exacerbée par les récentes catastrophes humaines. Un scénario simpliste serait d'imaginer Musevini impliquer son pays dans le but de se faire une place dans la "mine d'or" Congolaise. Toutefois, au moment où l’Ouganda et d’autres Etats (le Zimbabwe notamment) convoitaient les minéraux en 1999, ils étaient prêts à être cueillis et étaient plus faciles à exporter vers les marchés mondiaux : aujourd’hui, ils sont inaccessibles car capturés par le commerce rwandais développé dans la province du Kivu.

Moulinets dans le vent à New York 

Ironiquement, l'attention récemment portée au conflit provient des Etats qui se trouvent avoir le moins d'influence sur le terrain: les contributeurs occidentaux. La communauté humanitaire et diplomatique essaie d'élever les enjeux de l'ingérence Rwandaise, mais ces efforts ne parviennent pas à empiéter les plans de Kigali. Il semblerait que l'occident ne puisse pas faire grand chose pour calmer cette affaire. Les donneurs se focalisent sur le processus de pacification en signant des pactes temporaires entre seigneurs de guerre ennemis. De tels actes en réalité résultent souvent en l’affaiblissement de l’armée congolaise et lui créent davantage de rébellions à combattre au Kivu. De plus, comme le défend Séverine Autessere, les négociations entre élites ont très peu d’effet dans la résolution des milliers de conflits localisés qui nourrissent le conflit global. 

Une solution d’ordre financier se présente également. L’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont récemment interrompu les flux d’aides financière cruciaux pour le Rwanda. Néanmoins, même si ces décisions marquent un changement d’attitude majeur, les Etats occidentaux soutiennent toujours fermement le régime de Kagamé, se rattachant à son image de reformeur à succès pour leur défense. Quand bien même les réticences américaines disparaitraient et les pays occidentaux décideraient d’entreprendre des actions concrètes contre le Rwanda, l’influence des chinois et des Russes empêcherait très certainement de punir Kigali à travers le conseil de sécurité de l’ONU (au-delà de quelques signaux d’alarmes). D’autre part, outre l’usage d’armes à feu contre les rebelles du M23, la tentative des forces congolaises d’étendre le mandat de MONUSCO, la mission des Nations Unies Pour le Maintien de la paix dans la région, est peu fructueuse. Enfin, une action unilatérale d’une puissance occidentale est presque inimaginable. Tout ce qu’il reste sont donc des paroles fermes et des sanctions inoffensives.

Malgré toute sa bonne volonté – dont les 17 000 forces de Monusco- la communauté internationale restera en dehors de l’équation Kivutienne. Il se peut qu’un des voisins de Kabila voit une opportunité dans ce conflit et s’y engage mais cela est assez improbable. Bien que le Rwanda est en mesure de changer la situation en s’avançant dans la capture de Kinshasa, une telle option entraverait ses intérêts stratégiques. Il semble que les combats persisteront pour un moment, toutefois ce sera sans compter la participation des autres acteurs régionaux. Les restes de la Guerre Mondiale Africaine motivent encore les déploiements politiques dans la région des Grands Lacs Africains mais il y a très peu de chances qu’ils y apportent une suite. Il se pourrait que le vent tourne en la faveur de Kigali, mais Kinshasa n’est pas prête de tomber.

 

Zach Warner, article initialement paru chez notre partenaire Think Africa Press

Traduction pour Terangaweb par Claudia Soppo