De façon quotidienne, le cabinet FinAfrique conseille et forme les cadres financiers africains. C’est ainsi qu’il accompagne le rapide développement du secteur financier en Afrique subsaharienne. Son directeur général, Fabrice Kom Tchuente, a accepté de répondre à nos questions.
Fabrice Kom Tchuente, Directeur général de FinAfrique
Pourriez-vous nous présenter FinAfrique ?
FinAfrique est un cabinet de Conseil intervenant dans les domaines de la banque, finance et assurance. En 2008, avec trois cadres financiers, nous avons créé ce cabinet afin de rendre disponible en Afrique des prestations de haute qualité et technicité financière. Le constat au départ était qu’il y avait un réel besoin de compétences techniques dans le domaine de la banque, finance et assurance en Afrique pour beaucoup de cadres voire non cadres. A l’époque, pour avoir accès à ce type de prestations, notamment dans la finance « moderne », il fallait systématiquement se déplacer à l’étranger ou faire appel à de grands cabinets étrangers. Nous, nous proposons dans le cadre de notre branche formation FinAfrique Learning, au lieu de déplacer systématiquement les cadres à l’étranger (ce qui peut être onéreux), de faire venir des experts aux compétences équivalentes et qui bénéficient en plus d’une connaissance des problématiques financières locales. Tout ceci à des prix modérés afin que nos services soient à la portée du plus grand nombre, c’est-à-dire que notre but n’est pas de former uniquement les top-managers mais aussi des middle-managers et des non cadres.
Quelles sont les prestations de FinAfrique et à quel type de clients s’adressent-elles ?
Nous faisons du Conseil, des Etudes et de la Formation. Nos premiers clients sont les institutions financières privées (des banques et des compagnies d’assurance) ainsi que des administrations financières telles que les ministères de l’économie et des finances, des banques centrales, des banques de développement. Nous offrons également des services aux directions financières de quelques groupes industriels.
Depuis janvier 2012, nous sommes partenaire d’IFC (International Finance Corporation), filiale de la Banque Mondiale spécialisée dans le financement du secteur privé des pays en développement. Nous avons signé un contrat pour la mise en place d’un outil destiné aux PME camerounaises. Ce programme, le SME Toolkit, (boîte à outils pour les PME) offre un accompagnement et des formations en ligne via une plateforme déjà déployée dans une dizaine de pays africains. L’animation du réseau est centralisée au niveau d’IFC qui fournit du contenu aux partenaires responsables de chaque pays, mais à notre niveau nous développons, en plus de cela, nos propres contenus adaptés aux réalités locales. Nous avons mis en place cette activité il y a deux ans et elle fait sont petit chemin. Nous comptons aujourd’hui un portefeuille de 700 PME que nous formons via cette plateforme. Parallèlement nous collaborons avec des entreprises camerounaises, notamment un mouvement patronal – ECAM – dont le portefeuille d’adhérents est quasi exclusivement constitué de PME.
Plus récemment, c’est-à-dire fin juillet de cette année, nous avons conclu un partenariat avec l’African Guarantee Fund (AGF) basé à Nairobi et son partenaire l’African Management Services Company (AMSCO) basé à Johannesburg pour l’animation d’ateliers sur un ensemble de pays francophones (Afrique Centrale, Afrique de l’Ouest et Maghreb) avec l’objectif principal de renforcer les capacités des cadres des institutions financières partenaires d’AGF dans la création de nouveaux produits à destination des PME/PMI.
Nous menons également des études et des réflexions sur le développement et la croissance économique en Afrique. C’est dans ce cadre que nous avons organisé en Novembre 2013 à Douala le Forum FIFAS (Forum International de la Finance en Afrique Subsaharienne) sur le thème de la surliquidité bancaire, l’épargne et le sous-financement du secteur privé. L’objectif était de comprendre le paradoxe qui existait entre, d’une part, les banques et des compagnies d’assurances-vie qui connaissent une situation de surliquidité et, d’autre part, le secteur privé qui peine à se financer, principalement les PME. Il y a eu de nombreux débats à la suite desquels un certain nombre de propositions ont été faites. Suite à cela nous avons rédigé un Livre Blanc qui a été présenté à de nombreux hauts responsables en Afrique Centrale, en Afrique de l’Ouest, en Afrique de l’Est, à l’île Maurice et à Madagascar afin de les sensibiliser à la mise en œuvre de ces recommandations.
La diffusion du Livre Blanc a-t-elle porté ses fruits ?
Je ne pourrais pas affirmer que c’est le Livre Blanc du FIFAS 2013 qui en est l’origine, mais je peux dire qu’il y a des recommandations présentes dans le Livre Blanc qui sont en cours de réalisation, notamment en Afrique Centrale où la banque centrale (BEAC) a accéléré la mise en place des bureaux d’information sur le crédit. Ces bureaux sont très importants et avaient été vivement sollicités par les banquiers lors du Forum. En effet, à titre d’exemple, il était très facile pour un entrepreneur, ou un particulier d’ailleurs, de faire défaut auprès d’une banque et ensuite d’aller emprunter auprès d’une autre banque sans être inquiété. Les bureaux d’information sur le crédit permettent d’éviter les abus de ce type.
Ce succès est-il dû au fait que des personnalités influentes aient pris part à ce Forum ?
Effectivement, les personnalités clés du secteur de la finance étaient présentes. Nous avons pu compter sur le Président de la FANAF (Fédération africaine des sociétés assurances), le Président des banquiers du Cameroun (APECAM), le directeur général de l’économie du Cameroun, un haut responsable de la Banque centrale (BEAC), un autre du Groupe Natixis en France, ou encore de la Banque Kepler en Suisse, ainsi que de nombreux spécialistes de tous horizons, comme le Private-Equity, des institutions internationales de développement telles que IFC et Proparco, etc.
Avez-vous l’intention d’organiser d’autres conférences sectorielles ?
En novembre dernier, il s’agissait de la première édition du FIFAS. Nous envisageons d’organiser une deuxième édition en 2015 et cette fois-ci elle aurait lieu à Abidjan.
Pour revenir au SME Toolkit, comment se matérialisent concrètement l’accompagnement des PME membres ?
Concrètement, le SME Toolkit prend la forme d’une plateforme en ligne sur laquelle les membres ont accès à des contenus qui traitent des sujets divers très utiles pour la gestion quotidienne d’une entreprise : le management, la gestion financière, le développement de son image et de son offre commerciale, la gestion des ressources humaines … Ce dernier élément est très important car les PME sont souvent gérées de façon très familiale.
Aidez-vous également les entrepreneurs que vous accompagnez à accéder plus facilement à des sources de financement ?
Nous comptons parmi nos partenaires bancaires la banque UBA Cameroon (United Bank for Africa), mais nous n’avons pas encore suffisamment développé cet axe « accès aux sources de financement » car il s’agit de l’axe le plus difficile du fait de la frilosité des banques. Avec le soutien d’IFC, nous allons accroitre ce réseau bancaire dans les mois qui viennent, notamment dans le cadre d’un projet de sélection de PME qui seront triées sur le volet. Je ne peux pas en dire plus sur ce sujet étant donné que le projet n’a pas encore été officiellement lancé.
Dans ce cas, les 700 PME déjà affiliées à la plateforme sont-elles toutes autofinancées ?
Oui, nos membres sont des entrepreneurs accomplis, ils se connectent régulièrement à nos modules de formation en ligne pour se former et lorsqu’ils ont besoin de conseils ou de services, ils nous contactent. Nous mettons à leur disposition des formateurs agréés sur le SME Toolkit qui répondent à leurs questions et échangent avec eux sur les problématiques rencontrées. C’est dans ce sens là qu’il faut comprendre le volet accompagnement.
Nous savons que dans les pays africains la très large majorité des entreprises opèrent dans le secteur informel. Cela est-il le cas des affiliés de la plateforme ?
Les entreprises que nous accompagnons n’opèrent pas forcément dans le secteur formel. Le profil de nos affiliés peut aller du simple vendeur de cigarettes qui a besoin d’améliorer la gestion de son budget à la PME de plus grande envergure qui doit diversifier son offre commerciale.
Quel est le coût pour accéder à la plateforme et aux services qui s’y rattachent ?
Tout cela est totalement gratuit. IFC ne finance pas les coûts de gestion de la plateforme, nous la maintenons par nos propres moyens. Cependant, lorsque nous avons besoin de débloquer des moyens supplémentaires, nous pouvons y installer des applications publicitaires qui vont rémunérer la plateforme.
L’autre service que nous fournissons c’est l’organisation des Journées de l’entrepreneur à la Chambre de Commerce de Yaoundé ou de Douala, en collaboration avec l’ONG Harambe Cameroon. Lors de ces journées, un certain nombre d’acteurs économiques (banquiers, consultants, des entrepreneurs ayant connu des success stories, des trésoriers, des conseillers en management) viennent tour à tour faire des présentations de façon bénévole. Cela dure toute une journée, les participants se voient remettre des supports et l’entrée coûte généralement autour de 10 000 FCFA (environ 15 euros).
Concernant le cœur de métier de FinAfrique, qui est le conseil et l’accompagnement des entreprises (banques, assurances, institutions financières), quels sont vos principaux domaines d’intervention et comment êtes-vous déployés ?
Nos domaines d’interventions sont assez divers dans le domaine de la Finance. S’il faut en citer quelques-uns, je citerais le Conseil en investissement, la Gestion Actif-Passif, la structuration d’un marché financier, la mise en place des normes prudentielles Bâle I, II et III.
Quel bilan faîtes-vous de vos six années d’existence ?
Nous nous sommes beaucoup enrichis en termes de partenariat, avec des institutions financières de renom (IFC, AGF à Nairobie, CESAG à Dakar). Nous avons su développer un large réseau d’entreprises partenaires et nous intervenons aujourd’hui pour de nombreuses institutions à travers l’Afrique subsaharienne.
Awa Sacko
Pour plus d’informations sur le SME Toolkit en Afrique francophone :
- SME Toolkit Cameroun: http://cameroun.smetoolkit.org
- SME Toolkit Afrique de l’Ouest: http://westafrica.smetoolkit.org
- SME Toolkit RDC: http://rdc.smetoolkit.org
- SME Toolkit Gabon: http://gabon.smetoolkit.org
- SME Toolkit Madagascar: http://madagascar.smetoolkit.org