Norbert Zongo, la voix de la liberté au Burkina Faso

Norbert Zongo, dont le Burkina Faso a commémoré le 13 décembre 2011 le 13ème anniversaire de sa disparition brutale, est né en juillet 1949. Son parcours commence à l’école primaire régionale de Koudougou où il obtient son CEP (Certificat d’Etude Primaire) pour être admis au Cours Normal de Koudougou en octobre 1964. Apres l’obtention de son BEPC (Brevet d’Etude du Premier Cycle) en 1969, il se lance très tôt dans le monde professionnel à travers l’enseignement, tout en poursuivant ses études supérieures. Devenu instituteur, il exercera cette profession durant 9 années de sa vie (1969-1978). Il obtient parallèlement son Baccalauréat et tente une carrière en droit à l’université d’Abidjan. Mais il sera très vite rattrapé par l’une de ses ambitions premières : le journalisme.

Admis à l’Institut Supérieur de Presse du Conseil de l’Entente à Lomé au Togo, Norbert Zongo n’y gardera pas sa langue dans sa poche. Dès ses premières années à Lomé, la gestion très opaque de ce pays voisin va l’agacer et le conduire à rompre la loi du silence. Il se distingue par des prises de position critiques à l’égard du régime de Gnassimbé Eyadema, qui à l’époque gérait le Togo d’une main de fer. Très vite, il se trouve expulsé du Togo et contraint à rejoindre sa mère patrie, le Burkina Faso. Arrivé à Ouagadougou, il est arrêté et incarcéré à la gendarmerie pendant une année (1981-1982). Cette épreuve douloureuse ne va pas empêcher Norbert Zongo de persévérer dans la voix du journalisme qu’il s’est fixée. Il complète ses études en 1984 à l’Ecole Supérieur de Journalisme de Yaoundé au Cameroun. Il ne reviendra au Burkina qu’en 1986 armée de sa plume et fier de pouvoir enfin contribuer par celle-ci au développement de sa chère patrie.

Norbert Zongo fait ses premiers pas dans les colonnes des journaux d’Etat : à Sidwaya puis à l’hebdomadaire Carrefour Africain, tout en collaborant épisodiquement avec des journaux privés de la place tel que le Journal du Jeudi, la Clef, etc. Sa rupture avec le mode de presse partisan, appliqué par certains de ses collègues acquis à la cause du pouvoir en place, fut immédiate et radicale. Grâce à un vrai travail d’investigation, il dépeint sans concessions les réalités de la vie quotidienne au Burkina. Ses analyses critiques et ses révélations sur un Burkina baignant dans le favoritisme, le laissé-faire, la gabegie, la corruption, l’impunité etc. lui vaudront une affectation-placard à Banfora, localité situé à 450 km de Ouagadougou. Il refuse de rejoindre le poste assigné et crée son propre journal en 1993.

Avec son nouveau journal, Norbert Zongo sera de tous les combats pour la défense de la liberté de pensée et d’expression, pour que la démocratie et la justice sociale ne soient plus un rêve au Burkina. Journaliste d’investigation, militant des droits de l’homme, conférencier, auteur de deux romans, Le Parachutage et Roubeinga, il rentre vite dans le collimateur du pouvoir en place. Dévoilant et dénonçant sans relâche les abus de tous ordres, il refuse de se compromettre ou de vendre sa plume, même lorsque des sommes faramineuses lui sont proposées en échange de son silence sur certains dossiers comme celui de David Ouedraogo.

Le dimanche 13 décembre 1998 à Sapouy (situé à 100km de Ouagadougou), un des crimes les plus ignobles de l’histoire du Burkina est orchestré contre lui et ses trois compagnons de route, alors qu’ils enquêtaient sur le meurtre de David Ouedraogo, chauffeur de François Compaoré (frère cadet du président Blaise Compaoré). Les suspects sérieux de cet assassinat sont les mêmes militaires qui ont été reconnus coupable du meurtre de David Ouedraogo. Le seul inculpé du dossier Zongo, Marcel Kafando, arrêté le 17 février 2001 pour assassinat, incendie et destruction de bien immobilier, fut relâché par la suite pour insuffisance de preuves. Le soldat Christophe Combasséré, les caporaux Ousséni Yaro et Wampasba Nacoulma, le sergent Banagoulo Yaro, autres « suspects sérieux » déclarés par la Commission D’Enquête Indépendante, ne sont jusqu’à présent pas inquiétés. Depuis quelques années, le dossier Norbert Zongo a été classé sans suite, tout comme ceux du président Thomas Sankara, de l’étudiant Dabo Boukary, de l’élève Flavien Nébié et autres dossiers judiciaires ou les «suspects sérieux» continuent à courir les rues de Ouagadougou sans être inquiétés.

 

Ismaël Compaoré

Source photo : http://www.afriquechos.ch/IMG/gif/norbert-zongo.gif