Annus Malum ou Annus Bonum ?

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Par rapport à 2013, l'année 2014 a connu moins d'événements significatifs. Cependant, lorsqu'on regarde en Afrique, les populations civiles et certains hommes politiques ont passé soit un Annus Malum ou un Annus Bonum.[1] Cet article revient sur ces événements phares afin de constituer une référence par rapport à laquelle les événements de l'année 2015 pourront être mis en perspectives.

Annus Malum pour les populations Guinéennes, Sierra-Léonaise et Libérienne qui ont été frappées par l'éruption de l'épidémie de maladie à virus Ebola en 2014. Nul besoin de refaire l'arithmétique macabre pour évoquer la violence de cette épidémie. Au-delà de ces populations c'est tous les Africains qui ont vécu sous la peur de voir les perspectives d'émergence économique ralenties par une épidémie dont le vaccin ne leur était pas accessible. Alors que le problème du manque d'infrastructure est pointé du doigt pour expliquer la propagation de l'épidémie, on ne peut pas manquer de souligner le manque extrême de recherche médicale en Afrique sur les maladies tropicales, surtout lorsqu'on sait que le virus a été identifié depuis 1976.

Annus Malum pour les populations Nigérianes obligées de vivre sous la terreur du groupe islamiste Boko Haram. Cette terreur a atteint son paroxysme lorsque le 14 avril, plus de deux cent filles ont été enlevées à Chibok dans le Nord-Est du pays. Au delà de l'émotion que cette situation peut susciter, il est intriguant qu'elles n'aient pas eu le bonheur de fêter les fêtes de fin d'année avec leurs proches et amis dans le premier Etat producteur de pétrole en Afrique. Il ne se passe plus une semaine sans qu'un attentat n'arrache la vie à des personnes vacant tout simplement à leurs occupations quotidiennes. Cette situation met en évidence que le terrorisme se nourrit surtout de la pauvreté et des inégalités. La redistribution des richesses et la mise en place de politiques sociales dans les couches vulnérables de la société devraient donc être privilégiées comme solutions de long terme de prévention du terrorisme.

Annus Malum pour les pays producteurs de pétrole en Afrique avec la chute vertigineuse des cours du pétrole. Cette situation vient leur rappeler que la dure loi de l'offre dont l'abondance fait nécessairement baisser les prix, mais aussi la dépendance du cours par rapport au contexte géopolitique et au progrès technologique notamment dans les énergies renouvelables. Il convient dès lors d'envisager l'utilisation des moyens financiers générées par ces ressources naturelles pour construire les bases d'économies nationales moins dépendantes des ressources naturelles et génératrices de recettes publiques pour le financement des infrastructures du développement.

Annus Malum, voire même "Annus Horibilis" pour Blaise Compaoré qui s'est vu obliger de fuir son pays comme un vulgaire individu après avoir consacré 27 années de sa vie à se faire réélire président de son pays. Ce triste sort vient rappeler aux dirigeants qui s'éternisent au pouvoir ou qui ont l'intention de le faire la nécessité de favoriser le renouvellement du leadership. Au cœur de ce constat se trouve la question de l'organisation de la vie politique dans les pays Africains. Tout se passe comme si lorsqu'il n'existe pas d'opposition ou tout simplement une organisation politique capable de proposer une alternative, les dirigeants au pouvoir profitent pour mettre la main sur certains secteurs importants de l'économie ou ne sont plus découragés de commettre des délits ou crimes. Dans ces conditions, quitter le pouvoir est tout simplement synonyme de vulnérabilité.

Faut-il dire Annus Bonum pour la francophonie qui a échappé à la règle en renouvelant son leadership avec en prime une femme, fruit du métissage, en la personne de Michaëlle Jean ? Certains Africains y verront plutôt un Annus Malum dans la mesure où le nouveau président n'est pas de nationalité africaine. Ces malentendus montrent à quel point le défi de l'intégration culturelle reste à relever au sein de l'espace francophone pour faire en sorte que les peuples qui y vivent fassent abstraction des "différences administratives" pour embrasser l'idéal de partager une langue commune qu'est le français.

Faut-il dire Annus Bonum pour la démocratie en Afrique qui semble faire des progrès avec l'élection d'un président démocratiquement élu à Madagascar et en Tunisie ; mettant fin à des transitions politiques instables. Cependant, à y voir de près, le pouvoir n'a fait que changer de tête à Madagascar alors qu'en Tunisie il reste dans les mains d'une génération dont on se demande si elle mesure encore les enjeux des décennies à venir. Que ce soit en Tunisie ou au Burkina Faso, voire même en Egypte, partout où des soulèvements populaires ont renversés des régimes existants, force est de constater que l'absence d'une alternative crédible, ou du moins d'une structure d'idées, laisse place à la régénération de l'ancien régime.

Pris ensemble, ces événements viennent rappeler une fois de plus en quoi les questions liées à la santé, à l'éducation, à la création et à la redistribution des richesses, ainsi que celles liées au fonctionnement des institutions politiques demeurent des défis à relever en Afrique. Alors que le continent s'engage dans une phase de croissance, quelles sont les stratégies sur lesquelles ces gouvernements devraient miser pour s'assurer que cet épisode de croissance soit la promesse de futures Annus Bonum pour l'ensemble des populations africaines. Il est vain d'en fournir les détails ici, mais nous nous tâcherons de proposer dans un prochain article une présentation schématique des alternatives qui s'offrent aux gouvernements africains. En attentant, Annus Bonum à tous.

Georges Vivien Houngbonon


[1] Les termes latins "Annus Malum" et "Annus Bonum" se traduisent comme "Mauvaise année" et "Bonne Année" respectivement.

Au Burkina Faso, Blaise Compaoré cherche une présidence à vie

JPG_BurkinaFaso250614La question des limitations de mandats présidentiels, plus d’un demi-siècle après les indépendances, reste plus que jamais au cœur des débats africains. Des tripatouillages et des tentatives de tripatouillages constitutionnels, orchestrés par des présidents « véreux » et avides de pouvoir sont régulièrement constatés sur le continent.  Blaise Compaoré, après avoir passé plus d’un quart de siècle (27 ans) à la tête du Pays des Hommes Intègres, veut récidiver et tient mordicus à un passage en force pour être éligible aux futures élections présidentielles de 2015.

Un climat politique délétère

Le Burkina Faso est à la croisée des chemins, à quelques mois d’une des plus importantes élections présidentielles de son histoire. Et pour cause, Blaise Compaoré veut tenter un passage en force pour se maintenir à la tête de l’État, malgré l’interdiction formelle de se représenter que lui impose  l’article 37 de la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Sa machine de séduction du peuple est déjà en marche, dévoilant ainsi ses intentions et moyens. Sa tournée dans le centre-ouest, les 9 et 10 mai dernier, est révélatrice de cet état de fait. Son objectif est de s’éterniser au pouvoir et sa campagne électorale est déjà officieusement lancée.

 Jeu de dupe et stratégies malsaines ?

Depuis quelques mois le président du Faso est en quête d’un moyen salvateur qui puisse lui permettre de briguer un nouveau mandat pour les cinq prochaines années. Son camp, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et autres soutiens ne cessent de multiplier les tentatives et stratégies pour parvenir à leur fin. Cette attitude, digne d’un « monarque constitutionnel», représente une atteinte grave à la démocratie. Sa dernière trouvaille, l’idée d’un référendum, agite la classe politique, la société civile et l’ensemble du peuple burkinabè. Et pourtant, aucun Burkinabè n’est bloqué par le verrou de l’article 37 de la Constitution à part le président. Le référendum ne concerne donc que lui, et lui seul cherche un « lenga » (bonus) présidentiel exposant du coup tout le peuple à des risques d’une crise.

La phase d’affrontement passif bat son plein

Les prémisses d’une situation de crise sont perceptibles au Burkina Faso. Pro- et anti-référendum accentuent les actions, s’affrontent par articles de presse et meetings interposés, ouvrant une lucarne sur ce que 2015 sera. Des fronts de refus naissent sur le plan national et international pour le contrecarrer. L’opposition politique réunie derrière Zéphirin Diabré, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) a lancé officiellement le sien le 31 mai dernier au Stade du 4 août de Ouagadougou lors d’un meeting de protestation contre un éventuel référendum sur l’Article 37 de la constitution. C’est devant un public immense que le CFOP a lancé officiellement les Comités Contre le Référendum (CCR). A Bobo-Dioulasso, ce fut le même son de cloche ce 14 juin au stade Omnisport Sangoulé Lamizana, mais avec moins de succès. En effet, la jeunesse du CDP/Houet organisait aussi au même moment un meeting pour « saper les efforts de l’opposition » et aurait « marchandé des gens avec de l’argent et des tee-shirts » pour leur participation. Rien d’étonnant, sous le règne Compaoré, car cela semble être une « marque de fabrique » à toute activité de mobilisation du CDP.  Le Balai Citoyen et d’autres structures de la société civile, à travers des conférences publiques, des meetings, des  concerts pédagogiques etc. lancent également la sonnette d’alarme et s’opposent farouchement à ce projet de modification de l’article 37. Sur les réseaux sociaux un front contre le référendum est né.

Les partisans du référendum multiplient également les mobilisations. Le 21 juin, au Stade du 4 août de Ouagadougou, le CDP organisait un meeting pour exhorter Blaise Compaoré à convoquer officiellement le référendum. La tension est montée d’un cran et chaque camp se prépare d’avantage, l’étape d’observation se poursuit, mais, jusqu’à quand ?

Ce qui est certain, ce jour n’est plus loin. Bien malin qui saura prédire les prochains mois au Burkina.

Ismaël COMPAORE 

Burkina Faso: Y a-t-il péril dans la demeure Compaoré ?

Terangaweb_Blaise CompaoréAvant le 21 mai dernier, date du vote de la Loi organique portant organisation et fonctionnement du parlement instituant un Sénat, nul n’aurait parié sur une telle accélération vertigineuse de l’histoire quelques mois plus tard au Burkina Faso.  La scène politique de ces deux dernières décennies se résumait ainsi : un parti au pouvoir ultra majoritaire, sûr de ses forces, face à une opposition divisée et émiettée. Mais une chose est certaine : depuis le 21 mai, l’échiquier politique est en pleine recomposition et bouillonnement.

Quelques moments politiques forts de l’année 2013

Le débat politique national connait un regain d’intérêt ces derniers mois tant au niveau de la classe politique que de la société civile.  Le Sénat et l’article 37 de la constitution (qui dispose que le Président n’est rééligible qu’une seule fois) sont les points saillants qui divisent l’opinion. Le début de la contestation nationale fut véritablement sonné le 29 juin 2013 à travers une marche-meeting organisé par le CFOP (Chef de File de L’opposition Politique) et qui a drainé des centaines de milliers de manifestants dans plusieurs villes du Burkina. Pendant ce temps, l’autre camp, le parti au pouvoir CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès)  multipliait également ses sorties pour la mise en place effective de ce Sénat.  Ses militants seront aussi dans la rue le 6 juillet 2013 : bien qu’initialement présentée comme une marche « pour la paix sociale », la manifestation, à en croire les pancartes, visait avant tout à réitérer leur attachement à la mise en place du Sénat et leur volonté de voir modifier l’article 37 afin  de permettre à Blaise Compaoré de se représenter en 2015. Le défi était donc lancé.

Un mois après la première marche, le 28 juillet 2013, l’opposition réunie au CFOP revient à la charge. Elle a le soutien de la grande majorité des structures de la société civile qui oppose également un refus catégorique à la mise en place du Sénat et surtout aux velléités de modification de l’article 37. Forte de ce soutien de toutes les forces hostiles « aux manœuvres du régime en place », une grande marche-meeting est organisée sur toute l’étendue du territoire nationale. Elle mobilise plus que la précédente et l’opposition prend plus de confiance, s’organise et renforce l’EMCP (l’Etat-Major Permanent de Crise). Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition politique, multiplie les sorties et appelle la population à rester mobilisée. Contre toute attente, le 30 juillet 2013, le président du Faso déclare depuis Yamoussoukro qu’« une marche n’a jamais changé une loi ». Le climat politique se crispe, son « manque de culture » est dénoncé, les déclarations fusent de partout.

Quelques mois après cette déclaration hasardeuse, le chef de l’Etat « dans sa quête de paix et de cohésion sociale » entame des échanges avec le corps religieux. Cette carte sera aussitôt grillée. L’église catholique réitère son refus à la mise en place du Sénat. Les autres composantes se trouvent profondément divisées par la question. Une tentative de semer la division au sein des différentes confessions religieuses est dénoncée. Le secrétaire exécutif national du CDP (SEN) Assimi Koanda est hué à la grande mosquée de Ouagadougou. C’est dans cette confusion générale que le chef de l’État suspend le processus de mise en place du Sénat en commandant un « rapport d’étape circonstancié sur le processus d’opérationnalisation du Sénat ». Cette « reculade » est perçue comme une « demi-victoire » par le camp adverse : le régime vient de démontrer, contrairement à la déclaration de Yamoussoukro, qu’il n’est pas aussi sûr de ses forces. Malgré tout, chaque partie multiplie les rencontres avec sa base. La presse et les réseaux sociaux deviennent le centre d’expression des opinions.  Tout semble pourtant calme pendant quelques semaines, jusqu’à ce que Blaise Compaoré lâche ces mots à la presse « le Sénat sera bel et bien mis en place » et «la constitution n’interdit pas de modifier l’article 37 ». C’était le 12 décembre 2013 à Dori lors des festivités des 53 ans de l’indépendance du Burkina Faso.

Les opposants sortent de nouveaux de leur sommeil temporaire, la société civile aussi. Lors de la commémoration le 13 décembre 2013 du quinzième anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, les responsables du Balai Citoyen affirment reprendre la lutte après les fêtes. 2014 s’annonce donc être l’année de toutes les tensions avant « l’assaut final » en 2015, avec les élections. Le CDP se prépare lui aussi, et la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC), qui regroupe les soutiens du Président, n’est pas en reste. Mais la grande surprise viendra à nouveau du régime en place, au début du mois de janvier.

Cascade de démissions au CDP

5 janvier 2014,  coup de tonnerre dans le paysage politique national. Le parti au pouvoir est secoué d’hémorragie. 3 gros bonnets viennent de quitter le navire emportant dans leur mouvement 72 autres de leurs camarades. Il s’agit de  Roch Marc Christian Kaboré (ancien président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2012), Simon Compaoré (ancien maire de Ouagadougou de 1995 à 2012) et Salif Diallo (ex-conseiller spécial de Blaise Compaoré et ancien ministre d’Etat, ministre de l’agriculture). C’est à travers une déclaration  rendue publique le 4 janvier et adressée au secrétariat exécutif national (SEN) du parti  qu’ils ont égrené leurs griefs. « Par les violations répétées de ses textes fondamentaux, la caporalisation de ses organes et instances, les méthodes de gestions fondées sur l’exclusion, la délation, les intrigues, l’hypocrisie, la coterie, vous êtes parvenu, en si peu de temps, à vider cette plateforme fondatrice de son contenu initial, et à liquider les nombreux acquis chèrement conquis par le travail inlassable de ses militants » pouvait-on lire dès le deuxième paragraphe. Aussi ils affirment assister à des « tentatives d’imposer la mise en place du sénat aux forceps et à des velléités de réviser la constitution dans le but de sauter le verrou des limitations du mandat présidentiel dans un contexte où le peuple est profondément divisé » avant de conclure en annonçant leur « démission du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP)».

En réponse à cette déclaration, le SEN du CDP rétorque en qualifiant ces démissions de « non évènement » et en qualifiant les auteurs de traitres, de spécialistes en intrigues et manœuvres de déstabilisations etc. Les conflits internes de ce parti étaient un secret de polichinelle et les risques d’implosion étaient plus ou moins prévisibles. En effet, en 2009 déjà Salif Diallo dénonçait dans une interview accordée à L’Observateur Paalga la patrimonialisation du pouvoir, toute chose qui lui a valu une exclusion du bureau politique national du parti alors présidé par Rock Marc Christian Kaboré. Quelques années plus tard, en mars 2012, lors du congrès du parti, nouveau coup d’éclat. Plusieurs cadres historiques dont Rock Mark Christian Kaboré, Simon Compaoré sont débarqués des instances dirigeantes. Juste après cette douche froide, aux élections législatives et municipales couplées du 2 décembre de la même année, ces derniers sont aussi écartés des différentes listes bien qu’ils sont des figures emblématiques dans leurs localités respectives voire au plan national. Alors qu’un malaise profond était perceptible au sein de ce parti, les nouveaux « patrons » du parti dirigé par Assimi Koanda arguent de la nécessité du rajeunissement comme argument.

Ainsi, à l’image des refondateurs et d’autres anciens camarades comme Zéphirin Diabré, Ablassé Ouédraogo qui animent l’opposition, ils ont eux aussi claqué la porte de ce « méga »-parti qu’ils ont construit de toutes pièces. Au-delà des déclarations et autres clashs par presse interposée avec leurs camarades d’hier, les nouveaux opposants ont entamé leur initiation le 18 janvier dernier lors de la grande marche nationale contre le Sénat, la modification de l’article 37 et la politique générale du gouvernement. Ce 25 janvier, ils ont procédé à la création de leur nouveau parti, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) dont Roch Marc Christian Kaboré préside aux destinés.  Toutefois, la question de leur crédibilité et sincérité fait débat. Ce qui est certain, des choses se préparent ; seuls les oracles politiques pourraient prédire l’avenir au pays des hommes intègres.

 Ismaël Compaoré et Noraogo Nabi

 

Norbert Zongo, la voix de la liberté au Burkina Faso

Norbert Zongo, dont le Burkina Faso a commémoré le 13 décembre 2011 le 13ème anniversaire de sa disparition brutale, est né en juillet 1949. Son parcours commence à l’école primaire régionale de Koudougou où il obtient son CEP (Certificat d’Etude Primaire) pour être admis au Cours Normal de Koudougou en octobre 1964. Apres l’obtention de son BEPC (Brevet d’Etude du Premier Cycle) en 1969, il se lance très tôt dans le monde professionnel à travers l’enseignement, tout en poursuivant ses études supérieures. Devenu instituteur, il exercera cette profession durant 9 années de sa vie (1969-1978). Il obtient parallèlement son Baccalauréat et tente une carrière en droit à l’université d’Abidjan. Mais il sera très vite rattrapé par l’une de ses ambitions premières : le journalisme.

Admis à l’Institut Supérieur de Presse du Conseil de l’Entente à Lomé au Togo, Norbert Zongo n’y gardera pas sa langue dans sa poche. Dès ses premières années à Lomé, la gestion très opaque de ce pays voisin va l’agacer et le conduire à rompre la loi du silence. Il se distingue par des prises de position critiques à l’égard du régime de Gnassimbé Eyadema, qui à l’époque gérait le Togo d’une main de fer. Très vite, il se trouve expulsé du Togo et contraint à rejoindre sa mère patrie, le Burkina Faso. Arrivé à Ouagadougou, il est arrêté et incarcéré à la gendarmerie pendant une année (1981-1982). Cette épreuve douloureuse ne va pas empêcher Norbert Zongo de persévérer dans la voix du journalisme qu’il s’est fixée. Il complète ses études en 1984 à l’Ecole Supérieur de Journalisme de Yaoundé au Cameroun. Il ne reviendra au Burkina qu’en 1986 armée de sa plume et fier de pouvoir enfin contribuer par celle-ci au développement de sa chère patrie.

Norbert Zongo fait ses premiers pas dans les colonnes des journaux d’Etat : à Sidwaya puis à l’hebdomadaire Carrefour Africain, tout en collaborant épisodiquement avec des journaux privés de la place tel que le Journal du Jeudi, la Clef, etc. Sa rupture avec le mode de presse partisan, appliqué par certains de ses collègues acquis à la cause du pouvoir en place, fut immédiate et radicale. Grâce à un vrai travail d’investigation, il dépeint sans concessions les réalités de la vie quotidienne au Burkina. Ses analyses critiques et ses révélations sur un Burkina baignant dans le favoritisme, le laissé-faire, la gabegie, la corruption, l’impunité etc. lui vaudront une affectation-placard à Banfora, localité situé à 450 km de Ouagadougou. Il refuse de rejoindre le poste assigné et crée son propre journal en 1993.

Avec son nouveau journal, Norbert Zongo sera de tous les combats pour la défense de la liberté de pensée et d’expression, pour que la démocratie et la justice sociale ne soient plus un rêve au Burkina. Journaliste d’investigation, militant des droits de l’homme, conférencier, auteur de deux romans, Le Parachutage et Roubeinga, il rentre vite dans le collimateur du pouvoir en place. Dévoilant et dénonçant sans relâche les abus de tous ordres, il refuse de se compromettre ou de vendre sa plume, même lorsque des sommes faramineuses lui sont proposées en échange de son silence sur certains dossiers comme celui de David Ouedraogo.

Le dimanche 13 décembre 1998 à Sapouy (situé à 100km de Ouagadougou), un des crimes les plus ignobles de l’histoire du Burkina est orchestré contre lui et ses trois compagnons de route, alors qu’ils enquêtaient sur le meurtre de David Ouedraogo, chauffeur de François Compaoré (frère cadet du président Blaise Compaoré). Les suspects sérieux de cet assassinat sont les mêmes militaires qui ont été reconnus coupable du meurtre de David Ouedraogo. Le seul inculpé du dossier Zongo, Marcel Kafando, arrêté le 17 février 2001 pour assassinat, incendie et destruction de bien immobilier, fut relâché par la suite pour insuffisance de preuves. Le soldat Christophe Combasséré, les caporaux Ousséni Yaro et Wampasba Nacoulma, le sergent Banagoulo Yaro, autres « suspects sérieux » déclarés par la Commission D’Enquête Indépendante, ne sont jusqu’à présent pas inquiétés. Depuis quelques années, le dossier Norbert Zongo a été classé sans suite, tout comme ceux du président Thomas Sankara, de l’étudiant Dabo Boukary, de l’élève Flavien Nébié et autres dossiers judiciaires ou les «suspects sérieux» continuent à courir les rues de Ouagadougou sans être inquiétés.

 

Ismaël Compaoré

Source photo : http://www.afriquechos.ch/IMG/gif/norbert-zongo.gif

A quoi ressemble l’opposition au Burkina ?

Réputé comme étant l’un des pays au monde regroupant le plus de partis politiques, le Burkina Faso peine à trouver ses marques dans ce domaine. Avec près de 200 partis, bien que l’univers politique semble saturé, de nouveaux partis sont pourtant créés et l’animation politique nationale est pauvre, car l’œuvre de seulement quelques partis.

On distingue ainsi plusieurs types d’opposants au Burkina et les changements de bord ou même de parti sont fréquents, surtout en période électorale. Il y a d’abord les partis qui participent aux élections présidentielles, ceux qui ne concourent qu’aux législatives, les spécialistes des municipales et ceux qui envoient des candidats à toutes les élections. D’autres partis ne font parler d’eux qu’au moment de former des coalitions ou parce qu’ils viennent en soutient à d’autres partis, surtout pour celui qui est au pouvoir, le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès). Enfin, la dernière catégorie est formée de ceux qui n’apparaissent que dans les archives du Ministère de l’Administration Territorial, de la Décentralisation et de la Sécurité(MATDS). Tous, pourtant, prétendent « lutter pour les intérêts et l’épanouissement du pays et des citoyens ».

Il est vrai qu’un adage populaire burkinabé stipule « si ta tante change de mari, il faut changer de beau-père». Certains opposants semblent l’avoir repris à leur compte et en politique, il devient : « si l’économie change de mains, il faut changer de partenaires ». A voir les comportements au début, leur évolution jusqu’à l’état actuel de la majorité des hommes politiques du « pays des hommes intègres », il nous revient en mémoire cette phrase célèbre du Pr Joseph Ky-Zerbo : « en Afrique on ne développe pas, on se développe ».

L’opposition Burkinabé se présente comme la plus virulente en critique, mais est peu riche en propositions. Le manque d’entente entre opposants, de stabilité idéologique, les scissions, souvent orchestrées par le pouvoir, compliquent bien souvent son travail. En témoignent : le « nomadisme politique » de Herman Yameogo, l’affaire du Dr Emile Paré et du Pr Laurent Bado, du P.A.I dont les querelles de paternité entre Philippe Ouedraogo et Soumane Touré ont tourné à l’avantage du premier ; et Soumane Touré viens d’alourdir encore le nombre de partis politiques en créant récemment le P.I.T (parti de l’Indépendance et du Travail). Chacun préfère donc être président d’un parti limité au bureau politique plutôt que d’être vice-président d’un parti assez représentatif sur le plan national.

Les élections présidentielles de 2005 ont été particulièrement marquantes. Le chef de file de l’opposition de l’époque, à savoir Julbert.N.Ouedraogo, président de l’ADF/RDA (l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération / Rassemblement Démocratique Africain) a fait un virage historique en soutenant la candidature du président Compaoré aux élections présidentielles, soutient qu’il a réaffirmé en 2010 et qui va sûrement continuer tant qu’il conservera son fauteuil de ministre des Transports, de la Poste et de l’Économie Numérique dans le gouvernement de Blaise Compaoré. Un terme nouveau est apparu dans l’univers politique burkinabé : les partis d’oppositions dans la mouvance présidentielle.

Actuellement, l’opposition a à sa tête Maitre Bénéwendé Stanislas Sankara, qui malgré le regroupement autour de lui à travers l’UNIR/PS, dont il est le président, a fini 3eme aux élections présidentielles de novembre 2010 avec un score de 6,34%. Hama Arba Diallo, pour sa première participation à une élection présidentielle a formé une coalition et fini 2eme avec 8,21%. Le président Compaoré, dont la victoire a été hautement contestée et bien que la requête de l’opposition fut validé par le Tribunal Administratif qui a reconnu la non-conformité de la carte d’électeur, a préservé son fauteuil avec 80,15%. Notons que le nombre d’inscrit à cette élection était de 3.234.246, avec 1.772.404 votants et 78.939 bulletins nuls, sur une population estimée à près de 14.000.000 d’habitants. Tous ces résultats sont ceux, définitifs, proclamés par le Conseil Constitutionnel le mardi 07 décembre 2010 à Ouagadougou.

Signalons également que l’opposition ne jouit pas d’une grande crédibilité au sein de la population burkinabé, situation confirmée durant la récente crise civile et militaire qu’a connue le pays. Peinant d’abord à organiser un meeting (puisque l’idée n’a pas fait l’unanimité au sein même de l’opposition) afin d’exiger le départ du président Compaoré le 30 avril dernier, Maitre Bénéwendé.S.Sankara et ses camarades se sont retrouvés à la place de la Nation avec moins de 500 participants, qui avaient comme slogan phare « Blaise Dégage ». L’opposition n’a donc pas su profiter de cette crise et a encore démontré ses incapacités à mobiliser largement.

A l’Assemblée Nationale, constituée de 111 députés de quatre groupes parlementaires dont le plus important est celui du parti au pouvoir CDP (71 députés), l’opposition peine également à trouver sa place. Le premier groupe parlementaire d’opposition, à savoir l’ADF/RDA qui comptabilise 15 députés, s’est engagé à accompagner le programme du président du Faso. Donc, il ne reste de fait qu’à peine 25 députés qui puissent se présenter comme « membres de l’opposition » à l’Assemblée, et ce chiffre pourrait être encore réduit, si l’on tenait compte de certaines habitudes de vote… Le CDP n’aurait donc pas de mal à faire passer une loi contraire aux valeurs démocratiques à l’Assemblée, si le peuple doit uniquement compter sur cette opposition.

Le Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP), qui a vu le jour comme solution à long terme de la crise, a encore divisé l’opposition et même la société civile. Etait-ce là un des objectifs du tout nouveau ministère de Bognéssa Arsène Bognéssa Yé? Ce qui est sûr, c’est que la loi sur l’article 37 de la constitution, qui interdit toute possibilité au président Compaoré de se représenter pour un nouveau mandat, n’a pas fait l’unanimité au sein de ce conseil tant décrié. Le président Compaoré nourrit-il le secret espoir de se représenter en 2015 ? Ses conseillers au CCRP ont déjà laissé apparaître cette ambition. Une partie de la société civile préconise donc un référendum. N’est ce pas précipité ou ont-ils déjà oublié l’exemple de notre voisin Nigérien Mamadou Tandja ? Mais pourquoi un référendum si l’article 37 est clair, sur l’impossibilité du Président de se représenter aux élections? La population burkinabé doit donc redoubler de vigilance et être prête à se mobiliser, surtout en ces périodes de réformes, pour ne pas se laisser surprendre par ce jeu politique auquel ceux qui prétendent parler en son nom semblent déjà sur la défensive.

 

Ismael Compaoré

Suivi de la crise au Burkina

Le Burkina Faso a encore une fois vibré au rythme des armes la nuit du 14 au 15 avril 2011 marquant l’aggravation d’une crise dont le Chef de l’Etat avait pourtant annoncé la fin quelques jours auparavant. Cette crise a surprit la plupart des observateurs et dévoile au grand jour les dessous et surtout les faiblesses d’une armée dont la compréhension des modes de fonctionnement n’est pas chose aisée. Elle a prit source au sein du Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) et la présidence fut transformée pendant plusieurs heures en champ de bataille, brisant la quiétude et activant l’instinct de survie du Chef de l’Etat qui s’est refugié tout d‘abord au centre ville avant de regagner Ziniaré, son village natal, localité située à environ 30 kms de Ouagadougou. Avec la participation d’autres camps de la ville, les mutineries se sont poursuivies jusqu’au lendemain 15 avril dans la soirée. Comme pour les précédentes, les civils ont encore payé un lourd tribut, mais cette fois-ci l’ampleur des dégâts a atteint un niveau jusque là inégalé. Des commerces de toutes sortes (alimentations, prêt-à-porter, véhicules, ordinateurs et téléphones portables, matériel électroménager…) en passant par les magasins de stockage, jusqu’aux hôtels et aux domiciles privés, tous ont été saccagés et d’autres même furent incendiés par ces hommes en arme. Emportant de préférence l’argent liquide en brisant à coup de balles les coffres forts, certains mutins ont oublié leurs munitions et même des armes à certains endroits.

Mais la surprise est venue de l’orphelinat Home Kisito où la porte de la pharmacie a été défoncée par les mutins qui ont vidé le coffre et emporté des médicaments en abandonnant quelques balles et laissant les pauvres enfants apeurés en pleurs. Plusieurs personnes se sont vues braquer par des armes à feu lors de la réquisition de leur véhicule, d’autres ont subi des sévices corporels dans la rue, dans les hôtels, dans les maquis…et plusieurs blessés par balles perdues et même des morts ont été recensés. D’autres régions militaires tels que Po, Gaoua, Fada, Kaya… ont également pris les armes sans que les raisons ne soient toujours connues et les militaires s'y sont adonnés également à des actes de brutalité et de pillages. Les armes sont-elles devenues un argument efficace de revendication et d’acquisition rapide de richesse?
C’est ce que semblent avoir compris certains militaires et plusieurs choses allaient basculer ce vendredi 15 avril. Dans la matinée du 15 avril le gouvernement dans un communiqué avait fait cas de la revendication du RSP qui reposait essentiellement sur deux points: le payement des indemnités de logements et des primes journalières d’alimentation. En rassurant comme d’habitude la population, celle-ci subissait toujours au même moment les pillages et les manœuvres des militaires. Ce qui suscita la méfiance des gens et confirma la présence d’autres revendications non clairement exprimées par les militaires ou par le gouvernement. Dans la nuit du 15 avril les choses ont commencé à clairement se définir. Le gouvernement fut dissout et le chef d’Etat major général des armées Dominique Diendiéré ainsi que le chef de corps du RSP Omer Bationo furent remplacé respectivement par Honoré Nabéré Traoré et Boureima Kéré. D’autres têtes sont également tombées dans l’armée les jours qui ont suivis donnant l’impression que ce sont désormais les militaires qui choisissent ceux qu’ ils veulent comme chefs, ce qui est explication de certains de leur actes comme les incendies des domiciles de certains de leurs supérieurs.
Dès le samedi 16 avril les commerçants sont descendus à leur tour dans les rues de Ouagadougou pour exprimer leur mécontentement et exiger la réparation de tous les dommages commis par les militaires, vu que les séquelles de la nuit du 22 au 23 mars restent gravées dans les mémoires et que les dédommagements promis se font toujours attendre. Sortis par centaines, ils s’en sont pris à leur ministère de tutelle, celui du commerce, et à un bus brulé. Un autre bus d’une compagnie semi-publique fut également brulé et le siège du parti au pouvoir CDP fut incendié. Les symboles de la nation n’ont pas été en reste : l’Assemblé Nationale a également été la cible des commerçants qui ont brulé quelques véhicules, des motos et brisé des vitres dont ceux de la façade de l’immeuble.

Une restriction des libertés à travers un couvre feu nocturne est instaurée depuis le samedi 16 avril sur toute l’étendue du territoire communal (Ouagadougou) et se poursuit jusqu’à ce jour. Pendant que les choses fonctionnent au ralenti surtout dans la capitale, les élèves et étudiants de la ville de Koudougou, capitale du centre ouest, ont choisi cette période pour se faire entendre et exiger encore une fois de plus la justice pour Justin Zongo et les six autres camarades assassinés. Ils s'en sont pris comme dans d’autres régions du pays au siège du parti au pouvoir, le CDP, et au domicile privé de l’ancien premier ministre Tertius Zongo, tous deux incendiés. Le 18 avril 2011, un nouveau Premier ministre a été nommé et présenté à la population en la personne de Luc Adolph Tiao, qui a pour mission première de trouver des solutions rapides de sortie de crise. Spécialiste de la communication, il a occupé plusieurs postes de responsabilités dont la présidence du Conseil Supérieur de la Communication(CSC) et était tout dernièrement ambassadeur du Burkina en France. Son gouvernement est formé de technocrates, avec moins de postes que le précédent, puisqu’il a fusionné certains ministères comme celui de la justice et des droits humains, celui de l’administration territoriale et de la sécurité. Le Chef de l’Etat occupe lui même le poste de ministre de la défense et des anciens combattants. Est-ce par manque de confiance ou de compétences ? Ou préfère-t-il assurer lui-même sa propre défense ?
L’alternance est la clé de voute pour un développement paisible et harmonieux d’une nation. C’est ce que feint d’ignorer certains Burkinabés par manque de courage ou par complicité. Plusieurs décennies passées à la tête d’une entreprise, d’une société publique, d’un régiment, d’une garnison militaire, d’un ministère, d’une nation…dans un pays dit démocratique entrainent inéluctablement des abus et violations des textes fondamentaux régissant les institutions du pays. Telle est la principale cause des crises de confiance actuelles, le dernier mot revenant toujours au peuple. Ce qui est sûr, c'est qu'un vrai défi attend cette nouvelle équipe gouvernementale et tant que des entrevues permanentes ne seront pas menées avec toutes les couches sociales, en vue de trouver des solutions définitives de sorties de crise, le mal demeurera et le danger peut survenir en tous temps et en tous lieux.

Ismaël Compaoré

Ces chefs d’Etat à qui il faut dire « Dégage! »

Blaise Compaoré, sous ses airs de médiateur et de faiseur de paix dans les crises africaines, est un assassin de grand chemin. Au palmarès de son régime, le Président burkinabé compte Thomas Sankara, Henri Zongo et Jean Baptiste Boukary Lingani, mais aussi le journaliste Norbert Zongo et tout dernièrement le jeune Justin Zongo. Cet ancien parrain politique de Charles Taylor a aussi soutenu l’Unita en Angola et la rébellion ivoirienne. Son pays est une base arrière pour tous les conflits d’Afrique de l’Ouest et ce fourbe fait office de sage en Afrique. Quel triste sort que celui de ce continent ! Arrivé au pouvoir par coup d’état en octobre 1987, ce militaire a réussi à se faire élire à 4 reprises avec des scores de 80%, à coups d’intimidations, de fraudes massives et de tripatouillages constitutionnels. Il fait aujourd’hui face à des mutineries, y compris au sein de sa propre garde personnelle, et à de vives protestations de la part des étudiants et d’autres couches de la société. Il ne faudrait pas que son régime y survive. Blaise dégage !

Paul Biya dirige de main de fer son pays depuis 1982 et l’essentiel des 19 millions de Camerounais n’ont connu que lui. Il a réussi la prouesse de faire passer le Cameroun du statut de pays à revenu intermédiaire à celui de pays très pauvre et son régime a institutionnalisé la corruption en mode de gouvernance. Mais c’est surtout au plan politique que Paul Biya donne toute la mesure de son autoritarisme. Au début des années 1990, l’homme n’a concédé un semblant d’ouverture démocratique qu’au prix d’un massacre de plusieurs centaines de personnes. A la suite de sa volonté de supprimer la limitation des mandats présidentiels telle qu’initialement prévue par l’article 6.2, le roi fainéant a encore autorisé l’armée à tirer à balles réelles sur ses propres concitoyens fin février 2008. Depuis cette constitutionnalisation unilatérale d’une présidence à vie, ce catholique formé à Louis-le-Grand, à la Sorbonne et à Sciences Po Paris est devenu Biya l’Eternel. 2011 est une année d’élection présidentielle au Cameroun et il faut que Biya aussi dégage !

Denis Sassou Nguesso occupe les devants de la scène politique congolaise depuis…1979. Il n’a donné de répit à son peuple que pendant un intermède de 5 ans, juste le temps de perdre les élections de 1992 et de revenir en 1997, par les armes et avec le soutien de l’Angola, à la suite d’une guerre civile post-électorale extrêmement violente. C’est dire à quel point cet homme est obnubilé par le pouvoir. Que 70% de sa population vivent avec moins d’un dollar par jour alors que la manne pétrolière est captée par une petite minorité, cet homme n’en a cure. Il préfère organiser des simulacres d’élections et dilapider à New York ou à Paris l’argent de son peuple. Il est l’un des principaux chefs d’Etat impliqués dans l’affaire des biens mal acquis. Après la mort de son beau fils Omar Bongo, Sassou Ngesso est devenu le symbole vivant et dégoutant de plusieurs décennies de Françafrique. Sassou Ngesso dégage !

Eduardo Dos Santos est sans doute le plus grand voleur d’Afrique, en concurrence avec son homologue Obiang Nguema. Il a érigé un détournement systématique de la manne pétrolière de l’Angola à son profit. Un rapport de l’ONU a ainsi prouvé que plus de 4,5 milliards de dollars de recettes liées aux ventes de pétrole n’étaient pas déclarées dans le budget de l’Etat. La clique du MPLA au pouvoir et de leurs affidés est une véritable mafia, un tique qui suce le sang du peuple angolais. Malgré les richesses minières et pétrolières du pays, 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Malgré les immeubles haut-standing qui se construisent à Luanda, la majeure partie de la population de la capitale angolaise vit dans des bidonvilles indignes. L’Angola mérite mieux que cette classe politique qui a gardé ses réflexes prédateurs du temps de la guerre civile. Pour toutes ces raisons, Dos Santos dégage !

Teodoro Obiang Nguéma : Cet homme est une caricature ambulante. L’incarnation de l’Afrique bananière des bande-dessinées. Le fantôme contemporain des Bokassa et autres Mobutu Sesse Seko, en plus intelligent peut-être. Arrivé au pouvoir en 1979 par un coup d’Etat contre son oncle dont il était le chef d’Etat-major, Teodoro n’a eu de cesse depuis de faire de son pays sa propre ferme, des puits de pétrole équato-guinéens ses propres vaches à lait. Ses fils jouent les stars américaines à Hollywood tandis que les à peine 650 000 d’habitants de la Guinée-Equatoriale vivent privés de tout confort et manquant pour beaucoup du minimum vital. La Guinée Equatoriale est un eldorado pour quelques privilégiés et investisseurs étrangers, un enfer pour tous les autres. C’est peut-être le plus gros gâchis d’Afrique en rapport à son potentiel. Pour le bien du peuple équato-guinéen, Teodoro dégage !

Robert Mugabe est un Nelson Mandela qui a très, très mal tourné. Secrétaire Général de la Zimbabwe African National Union au début des années 60, alors que le pays est sous le joug d’une minorité blanche dirigée par Ian Smith, Robert Mugabe sera emprisonné pendant dix ans, de 1964 à 1974. Libéré en 1975, il rejoint le Mozambique d’où il participe à la lutte de libération du pays. La guerre terminée, Mugabe l’ancien prisonnier, le héros est élu Premier Ministre en 1980. Il opte pour la réconciliation nationale et forme un gouvernement d’union auquel participent toutes les fractions/partis rivaux y compris l’ancienne minorité blanche. Et puis, il y aura l’exacerbation des rivalités entre la ZANU et la Zimbabwe African Peoples Union, autre mouvement de résistance. Puis la Gukurahundi, la répression sanglante dès 1982 par les troupes de Mugabe des partisans de la ZAPU, quelques milliers de morts, beaucoup lors d’exécutions publiques. Et puis la fusion des deux mouvements en 1987. Puis la réforme agraire ratée, l’échec de la socialisation de l’économie, l’invasion du Congo, la catastrophe économique, sociale, alimentaire. Après viendront parachever le désastre, le tripatouillage des élections législatives et présidentielles en 2008. La répression des partisans de Tsvangirai. Et enfin le Robert Mugabe, autocrate sanguinaire, despote spoliateur, que l’on connaît aujourd’hui. Vraiment, Robert Mugabe doit dégager !

Mswati III. Sa majesté Mswati III. Ingwenyama. Le Lion. Chef de la tribu des Dlamini. 43 ans. 14 épouses. 24 Enfants. 200 frères et sœurs. Mswati, troisième du nom. Roi du Swaziland. Monarque absolu, dirige par décret et nomme le Premier Ministre et les Juges. 10% de la population swazi – essentiellement, la très large famille royale, ses alliés et obligés – concentre 60% de la richesse du pays. 69% des sujets du bon Roi Mswati III vivent avec moins d’un dollar par jour. 300.000 d’entre eux ne survivent que grâce à l’aide alimentaire mondiale. Les heureux habitants du royaume de Swaziland meurent en moyenne à 38 ans, à cause du fort taux de prévalence du VIH. Mswati III, né Prince Makhosetive (« Roi des Nations ») Dlamini, 67e fils du Roi Sobhuza II, a une fortune personnelle estimée à 100 millions de dollars et s’est alloué 13 millions d’euros, en 2004, sur les fonds publics, pour la construction d’une résidence pour ses épouses. Mswati III réprime aujourd’hui dans le sang les opposants et simples citoyens protestant contre la cérémonie prévue pour célébrer, toujours dans le faste le plus abject, les vingt-cinq ans de son arrivée au pouvoir. Faut-il encore préciser que Mswati III doit dégager ?

Le Makhzen. Nous ne serons pas plus royaliste que le roi. Dans leur grande majorité, les manifestants marocains ne demandent pas tant le départ du roi Mohamed VI que la fin du système monarchique archaïque qui a fait de l’arbitraire et des passe-droits la règle, des Marocains des sujets passifs et non des citoyens responsables. Le mouvement du 20 février, mouvement des citoyens qui appellent au changement, veut la fin de ce système, le makhzen. Ils veulent faire du Maroc non pas un pays qu’il fait bon visiter, mais un pays où il fait bon vivre. Ils devront faire face aux pesanteurs du système, dont le personnel politique, à commencer par le roi lui-même, compte bien rester en place. Ils devront donner tort à la célèbre formule du Guépard : « tout changer pour que rien ne change ». Il faut que le makhzen dégage !

Abdellaziz Bouteflika : Ce n’est pas insulter le rôle historique qu’a pu jouer Bouteflika dans l’histoire contemporaine de l’Algérie que de dire que son troisième mandat est le mandat de trop. Un vieillard retranché dans son palais ne peut pas diriger un pays jeune, dynamique, sous tension économico-sociale, en pleine mutation. Il faut quelqu’un auquel les jeunes générations puissent s’identifier, quelqu’un qui soit au centre de l’action et au milieu de son peuple, quelqu’un qui insuffle de l’énergie. Bouteflika est un dinosaure d’un autre temps. Il aurait dû quitter la scène au bon moment. Réformer le système avant qu’il n’y soit contraint par le peuple. Un système sclérosé, gérontocratique, élitiste, militariste, corrompu, auquel il faudra s’attaquer et réformer de fond en comble pour améliorer la redistribution des richesses au-delà des seuls investissements en infrastructures. Pour que la nouvelle Algérie puisse prendre son envol, Bouteflika dégage !

Omar el-Béchir : Le président soudanais est accusé de crimes contre l’humanité par le Tribunal Pénal International. Sous sa présidence, son pays a connu des massacres terribles au Darfour et une guerre civile meurtrière au Sud-Soudan. Qu’il les ait personnellement guidés ou non, Omar el-Béchir est responsable. Responsable de la division interne au Soudan ; de la haine attisée entre les différentes composantes de sa population. Héritier d’une autre époque, celle de l’islamisme d’Etat triomphant, Béchir s’est reconverti depuis dans le développement à coups de pétrodollars chinois. Paria de la communauté internationale, acteur central des intrigues et exactions des années sombres du Soudan, il est aujourd’hui un boulet pour son pays qui cherche à aller de l’avant et à tourner la page. Suffisant pour dire, Omar dégage !

Isayas Afewerki. Le parcours d’Isayas Afewerki est typique du « Père » de l’indépendance Africain, lorsque celle-ci a été acquise par la voie des armes. Après une guerre de trente ans contre l’Éthiopie, en 1991, l’Érythrée obtient son indépendance (de facto, l’accession officielle se fera deux ans plus tard). Afewerki à la tête de l’Eritrean People's Liberation Front, accède au pouvoir. Son armée devient le People's Front for Democracy and Justice, parti unique. La constitution rédigée en 1998 n’a jamais été implémentée. Afewerki dirige seul, emprisonne les dissidents (chaque fois plus nombreux et plus proches de lui), interdit la presse indépendante, a chassé les ONG internationales du pays et se livre depuis une dizaine d’années à un aventurisme militaire dans la région. Isayas Afewerki déclarait en mai 2008 : « les élections polarisent la société ». C’est pour cette raison qu’il a décidé de les « repousser » de trois ou quatre décennies. Isayas Afewerki… Dégage !

Yoweri Museveni dirige l’Ouganda depuis 1986. Il fit partie, dans les années 1990, avec Paul Kagamé, Meles Zenawi et Isayas Afewerki de la… « Nouvelle génération de Leaders Africains ». Tous quatre sont arrivés au pouvoir par les armes. Museveni avait pourtant bien commencé. Hormis une première période marxiste-léniniste, sa première décennie au pouvoir le voit organiser un système politique avec restriction de la représentation politique – les partis politique sont autorisés, mais les candidats se présentent en tant qu’individus, hors parti – certes, mais un gouvernement élargi et à composante multiethnique et une relative restructuration de l’économie. Puis, dans cette région troublée des Grands Lacs, il y eut la seconde Guerre du Congo – 5 millions de morts – la répression des mouvements rebelles – dont la sinistre Armée de Libération du Seigneur – la réforme constitutionnelle suspendant la limite de deux mandats, l’intimidation et l’emprisonnement des opposants. Yoweri Museveni est au pouvoir depuis vingt-cinq ans. Les fleurs de la « nouvelle génération » ont fané. Museveni doit dégager !

Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis 2000 (seulement !), est un octogénaire sénile que sa mégalomanie a perdu. Après avoir fait rêver le Sénégal, il s’est attelé avec zèle à la dégradation de toutes les institutions publiques. Il a préféré humilier tous ceux que le pays comptait de compétents pour s’entourer d’ignares et de roublards de tous bords devenus les thuriféraires du régime. Il a ensuite confié la conduite du pays à son fils Karim pressenti pour lui succéder dans le cadre d’une dévolution monarchique du pouvoir. Au nom du père, du fils et du saint esprit ambiant, l’alternance politique est devenue une alternoce, cette course avide à qui s’enrichit le plus en un temps record. Malgré ses grandes idées pour l’Afrique, au Sénégal, sa stratégie de croissance accélérée est un échec patent. Ne pas arrêter ce vieillard et le clan qui l’entoure est un crime de non assistance à un pays en voie de sous-développement et de recul démocratique. Wade dégage !
 

Joel Té Léssia, Emmanuel Leroueil, Nicolas Simel Ndiaye

Crises de l’armée au Burkina

La nuit du 22 au 23 mars 2011, une peur et un calme de cimetière régnaient sur la ville de Ouagadougou. Des militaires sortis des casernes tiraient en l’air avec des armes de guerre, rappelant cette vague de coups d’Etat qu’a connu le pays au cours des années 1980. Le lendemain, le constat fut amer, surtout pour les commerçants : des magasins, des boutiques, des stations services…pillés. Cela a d’ailleurs conduit les commerçants à descendre dans la rue aux côtés des manifestants étudiants. Les militaires, craints et très respectés par la population civile pour leur sens de la discipline, avaient ainsi commis des actes risquant fort de faire tomber ce mythe. Qu’est ce qui a bien pu pousser la « grande muette » à commettre de tels actes ?

Ces émeutes en tenue venaient de soldats de rang qui étaient en colère à cause de l’emprisonnement de cinq des leurs, reconnus coupables dans une affaires de mœurs. Ces soldats sont allés libérer par la force des armes leurs camarades, laissant les magistrats dans une véritable impasse. Ces derniers ont par la suite observé un arrêt de travail (eux qui n’ont pas le droit de grève) avec d’autres acteurs du monde judiciaire (avocats, greffiers…) pour des raisons de sécurité et pour protester contre ces actes inadmissibles.
Suivant l’exemple de leurs frères d’armes de la capitale, les militaires de Fada N’Gourma, de Gaoua et de Banfora sont sortis à leur tour des casernes pour un festival de tirs d’armes de guerre. A Fada, ils se sont attaquer au palais de justice de la ville qui à reçu une roquette, pour ensuite libérer un des leurs emprisonné pour une affaire de mœurs également. Des pillages ont encore été constatés à ce niveau et ils ont mené des descentes musclées à Tenkodogo et à Dédougou qui sont des villes voisines. Cette propagation des émeutes militaires est devenue de plus en plus inquiétante, puisqu’elle a continué à Ouagadougou et d’autres régions ont également pris les armes. Cela a suscité d’énormes interrogations au sein de la population et créé des bouleversements en tout genre.

Cette attitude brusque et inhabituelle des militaires est difficile à comprendre et laisse croire à d’autres revendications non clairement formulées, surtout qu’après avoir libéré leurs camarades, les armes continuaient à tonner. Le mercredi 30 mars 2011, dans un discours très attendu par tous, le chef de l’Etat s’est adressé à la nation. Sans faire cas d’aucunes causes ni de décisions dissuasives, il a juste annoncé qu’un programme de rencontres allant des soldats de rang jusqu’aux militaires les plus gradés en passant par les magistrats était prévu à la présidence du Faso. Dès le lendemain, 145 soldats de rang issus de tous les camps militaires du pays ont été reçus par le chef de l’Etat. Initialement prévu pour une heure, la rencontre dura prêt du double et au peuple de comprendre après cette entrevue que les soldats avaient d’autres sources de mécontentement. Ils réclamaient entre autres une amélioration des conditions de vie et de travail, la prise en charge des frais des tenues militaires…et promesse fut donnée de revoir leur situation. D’autres rencontres furent programmées par la suite avec tous les acteurs des différentes crises. C’est ainsi que les délégués des élèves et ceux des étudiants ont été reçus par le Chef de l’Etat sur la crise scolaire et universitaire. Bien que les cours aient repris, d’autres revendications comme le jugement des assassins de Justin Zongo et des six autres camarades, le démantèlement de la police universitaire…restent en suspens et la patience des élèves et étudiants risque d’avoir des limites. Dès sa sortie des premières concertations, notamment avec les militaires, le chef de l’Etat Blaise Compaoré déclarait déjà que « la crise est terminée ». De quelle crise s’agit-il ? Quand on sait que d’autres foyers de tension demeurent, notamment avec les élèves, les étudiants et les commerçants, les résolutions définitives de ces concertations se font toujours attendre. Une restriction des libertés à travers l’instauration d’un couvre feu nocturne de 21H à 06H et allant du 30 mars au 03 avril fut décrétée.

Les deux premières nuits furent encore un périple pour les populations, surtout celles riveraines des camps. Des tirs d’armes légères et lourdes retentissaient dans la capitale et cette fois-ci accompagnés de chants martiaux dans certains endroits. Personne ne pouvait savoir ce qui se passait réellement et chacun restait enfermé chez lui de crainte qu’une balle perdue ne traverse son toit, comme l’ont déjà vécu certains. Madina Bouda, élève au lycée mixte de Gounghin de Ouagadougou, a été l’une des premières victimes de cette mutinerie des militaires. Blessé gravement à la tête par une balle perdue, elle sera transférée d’urgence à Paris pour des soins intensifs où elle perdra la vie le mercredi 06 avril 2011. Un crime de trop qui révolta encore une fois les élèves qui sont descendus dans les rues le lendemain 07 avril pour exprimer leur mécontentement et exiger justice pour tous les crimes commis.
Les autorités également n’ont pas été en reste durant cette crise, certains officiels ayant vécu un vrai cauchemar. C’est le cas du maire de la ville de Ouagadougou qui a été réveillé chez lui par un groupe de militaires qui lui ont infligé des sévices corporels et du chef d’Etat major général des armée qui a vu sa cour incendiée. La crise militaire révèle également une vraie crise de l’autorité au Burkina. Notons que le 11 avril, les magistrats ont repris le chemin des tribunaux car ils ont réussit à obtenir la réincarcération des militaires qui s’était évadés grâce au soutient de leurs frères d’armes. Ils sont toujours en attente de la satisfaction d’autres revendications. La crise quant à elle demeure et est loin d’être terminée, vue la détermination de toutes les couches sociales et professionnelles qui ont observé un arrêt de travail et ont répondu présents par milliers le vendredi 08 avril 2011 dans les rues de plusieurs localité du pays pour une grève générale de 24 heures, à l’appel de la Coalition Nationale de Lutte Contre la Vie Chère, la corruption, la Fraude, L’Impunité et pour les Libertés.
 

Ismael Compaoré