Financer la recherche pour l’innovation en Afrique

L'Afrique est en retard dans le domaine de la recherche et de l'innovation. Pourtant, les théories modernes de la croissance économique et les efforts actuellement entrepris sur le continent plaident en faveur de plus d'investissements dans ce secteur. Les partenariats publics-privés pourraient participer au financement de ces investissements.


Le cadre de la recherche en Afrique est très peu propice à l’innovation. Deux raisons à cela : les laboratoires de recherche sont sous-équipés et la plupart des projets de recherche sont financés laboratoire recherchepar des institutions internationales ou des pays développés.

Cette situation est en partie expliquée par les théories de la croissance qui privilégient le financement de l’enseignement primaire (au plus secondaire) au détriment de l’enseignement supérieur. Si cette recommandation peut être justifiée sur la base des contraintes financières des pays en développement, elle ne concourt pas une croissance économique forte et stable, comme le suggèrent les récents travaux de Aghion et al. Dans cet article, nous mettrons en exergue les raisons sous jacentes  à l’importance de l’innovation pour un pays en développement avant de présenter un exemple qui illustre le potentiel d’innovation des laboratoires de recherche dans les pays en développement. Enfin, nous soutenons qu’un partenariat avec le secteur privé fait partie des pistes de solutions pour un financement effectif de la recherche en Afrique.

En effet, les travaux de Aghion et al. démontrent que la capacité d’un pays à dépasser le stade de sous-développement réside dans la distance qui le sépare de la frontière technologique. Autrement dit, les pays qui disposent de peu de technologies sont susceptibles de croître beaucoup plus vite dans un processus de rattrapage des pays développés. Ceci à condition que ces pays disposent des ressources humaines capables d’imiter les nouvelles technologies disponibles dans les pays développés. Cela implique déjà un développement de l’enseignement supérieur notamment les formations d’ingénieurs. Ce fût le cas de l’Europe après la seconde guerre mondiale ; et c’est aussi le cas actuellement de la Chine et plus généralement de tous les pays dits émergents. Cependant, ces mêmes travaux montrent qu’une fois le rattrapage achevé, le pays doit s’engager dans un financement accru de la recherche pour inciter les chercheurs à l’innovation. C’est précisément cette phase que l’Europe tarde à entamer et que la Chine a très tôt compris en confiant la gestion de ces universités et écoles phares à d’éminents chercheurs américains.[1]

Alors que les résultats de cette approche ne sont pas encore certains, nous observons que les innovations majeures (machine à vapeur, électricité, télécommunications, etc)  sont très rares et que les pays qui s’attèlent à rattraper la frontière technologique subisse une dominance perpétuelle contrairement à ceux qui s’engagent dans l’innovation. Les Etats-Unis sont dans ce dernier cas après la révolution industrielle au Royaume-Uni. Or, le potentiel d’innovation est plus fort dans les milieux où la recherche n’est pas encore avancée.

 

Malgré l'absence de moyens, d'importantes innovations sont déjà découvertes sur le continent

Ainsi, l’Afrique est en bonne position pour trouver des innovations radicales. Selon toute vraisemblance, elle dispose des chercheurs motivés par l’innovation. A titre d’exemple, des chercheurs de l’université du Bénin (UAC) ont entrepris des recherches sur les propriétés de l’argile. Selon les observations empiriques, les jarres en argile utilisées dans les milieux ruraux ont un effet positif sur la qualité de l’eau. Plus particulièrement, l’eau conservée dans les jarres devient plus potable par le biais des particules qui se déposent dans leur fond. Cette observation se confirme lorsqu’on compare l’eau des puits des milieux argileux à celle des milieux sablonneux.

Toutefois, les propriétés de l’argile à l’origine de ce processus d’épuration sont aujourd’hui méconnues. Or, le Bénin dispose d’énormes réserves d’argile inexploitées, alors que des millions de dollars sont dépensés chaque année pour assurer l’accès à l’eau potable aux populations. Une telle recherche, si elle s’avérait concluante pourrait servir à pallier aux difficultés de fourniture de l’eau potable surtout en milieu rural. Les résultats de cette recherche peuvent servir également dans le traitement des eaux usées industrielles. Cependant, les infrastructures de laboratoires ne sont pas en général suffisantes pour que la recherche soit conduite dans les meilleures conditions, gage de résultats concluants. C’est ainsi que plusieurs recherches ambitieuses entreprises dans les laboratoires de recherche africaines n’arrivent pas à terme. Cette situation n’est pas de nature à inciter de potentiels chercheurs à innover.

Compte tenu des moyens financiers colossaux que requiert la recherche et des incertitudes qui la caractérisent, la plupart des Etats africains n’est pas en mesure de prendre en charge le financement de la recherche. Les projets de recherche financés par des pays tiers ou des institutions internationales n’entrent pas dans le cadre de l’innovation, mais essentiellement de la recherche empirique. Il nous semble donc que seuls des partenariats d’intérêts avec le secteur privé sont à même d’assurer le financement de l’innovation. Par exemple, le projet de recherche sur les propriétés de l’argile peut être économiquement rentable pour un investisseur privé. En effet, des dérivés de l’argile peuvent être de bons substituts pour les produits chimiques qui sont actuellement utilisés pour l’épuration de l’eau. En plus, ces produits présentent peu de risques pour la santé et l’environnement du fait du caractère naturel de l’argile.

Somme toute, le potentiel d’innovation est très élevé en Afrique. Cependant, sa transformation est contrainte par les capacités de financement. La mise en place de partenariat avec de grands groupes industriels peut être une solution à envisager pour lever cette contrainte.


[1] Voir l’article du Financial Times au sujet des écoles de commerce.