Enjeux climatiques et environnementaux et COP 21, l’Afrique à la croisée de ses responsabilités

solar energy panels and wind turbineDu  30  novembre  au  11  décembre  2015,  la  France  accueille  à  Paris  le  monde  et  la communauté  internationale  pour  réfléchir,  débattre  et  proposer  des  modes  d’actions durables pour lutter contre les bouleversements climatiques. Cet événement planétaire à vocation  diplomatique  est  la  21ème  Conférence    des  Parties  à  la  Convention-cadre  des Nations unies  sur  les  changements  climatiques, intitulée  « COP  21 ».  Cette  conférence diplomatique  a  pour  objectif  de  conclure  un  accord  international  sur  le  climat, contraignant pour tous les pays afin de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C.

Au moment où plusieurs pays en Europe et en Amérique se mobilisent pour faire de la COP 21  une  manifestation  porteuse  de  solutions  sur  la  réduction  des  gaz  à  effet  de  serre  et proposer des modes d’actions en faveur de l’atténuation et de l’adaptation climatique, le continent africain ne démontre pas encore, à la hauteur des enjeux,  une volonté unifiée de répondre aux urgences climatiques et environnementales. Quelles  sont  les  stratégies  efficaces  susceptibles  de  répondre  aux  attentes  à  la  fois environnementales,  économiques  et  politiques  d’un  continent  réputé  pour  être  moins pollueur mais qui subit plus qu’autre partie du monde les bouleversements climatiques ?

Au  final,  repenser  la  question  environnementale  et  climatique  au-delà  de  la  COP  21, reviendrait à faire de ces enjeux des normes intégrées dans la culture sociale et politique des Africains et les préparer non à subir les bouleversements mais à agir.

Des préoccupations environnementales inégalement traitées en Afrique…

Il serait inéquitable de consacrer définitivement l’inaction ou le manque de voix forte du continent sur la COP 21 et l’urgence climatique comme la marque dominante en Afrique. À cet effet, il importe de relever des initiatives prises par certains pays tels que le Maroc, le Gabon, et l’Éthiopie qui ont choisi de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Ils sont depuis rejoints par quatre autres nations : le Kenya, le Bénin, la République démocratique du Congo et Djibouti.

Pollution  atmosphérique,  éboulements  sismiques,  inondations  et  sécheresses  répétées, désertifications  exponentielles  constituent  tant  de  problèmes  cruciaux  dont  les  conséquences desservent  un  continent  déjà  en  proie  à  des  instabilités  politiques  et  des  régressions  socio- économiques.  La  perspective  qui  résiste  à  toute  tentation  de  retour  en  arrière,  est  d’en analyser froidement  les  causes  et  effets,  de  tirer  les  conclusions  et  de  repenser  l’ordre  environnemental africain comme partie intégrante du renouveau économique et politique. 

Pour  ce  faire,  il  est  impérieux  qu’à  l’échelle  du  continent,  l’Union  africaine  adapte  une  stratégie unifiée basée sur les constats d’échec et le décryptage des solutions. Aujourd’hui, parler d’écologie, c’est  aussi  croiser  les  répercussions  économiques  et  les  conséquences  environnementales  des activités  industrielles  et  humaines.  À  cet  effet,  l’intérêt  (au-delà  de  la  COP  21 !)  réside prioritairement- s’il en est- dans la capacité des organisations régionales africaines à retrouver du champ  et  de  l’utilité  voire  de  la  pertinence  en  s’appropriant  les  enjeux  climatiques  et environnementaux.  C’est  grâce  à  ces  impératifs  que  l’Afrique  pourra  évoluer  vers  un  ordre environnemental.

Ce vœu pieu ne sera justement atteint à condition d’un changement de paradigme : en politisant la question  environnementale,  c’est  en  démocratiser  les  enjeux.  Créer  une  culture  commune  en faveur de la préservation de l’environnement, de la promotion du développement durable et de la protection du climat, c’est faire de chacun un acteur de demain.

Accéder à la transition écologique, c’est aussi changer de changer de culture

L’Afrique  n’est certes  pas le  plus  gros  pollueur  du monde,  contrairement  à  l’Europe,  la  Chine,  les Etats-Unis  mais  paye  le  plus  gros  tribut  en  termes  de  conséquences  sur  la  couche  d’ozone.  Le continent produit à peine 2% de la masse mondiale des CO2. 

Ainsi,  en  2009,  en  prélude  au  précédent  sommet  de  Copenhague  (7-18  décembre)  et  pour  faire pression sur la communauté internationale du Nord, les pays africains à Ouagadougou (Burkina Faso) avaient cru bon de faire payer les pollueurs en exigeant des réparations et des dédommagements. Le « prix à payer » pour compenser la vulnérabilité du continent n’a jamais été clairement défini et les projets  qui  devraient  solliciter  cette  hypothétique  manne  n’ont  pu  faire  l’objet  d’un  consensus éclairé.

Au-delà  de  la  responsabilité  des  pays  industrialisés  et  pollueurs,  il  est  important  que  les  nations africaines,  spécifiquement  et  collectivement,  se  mobilisent  pour  prendre  en  charge  leur  propre destin  et  trouver  des  solutions  pour  le  climat.  La  COP  21  est  certes  un  sommet  international  qui évoquera  la  solidarité  climatique  mais  l’Afrique  a  davantage  besoin  de  justice  climatique.  Celle-ci passe  par  une  reconnaissance  internationale  des  impacts  négatifs  que  subit  le  continent  et  des compensations à hauteur des agressions climatiques.

La régulation climatique africaine est possible

L’organisation  de  sommets  régionaux  ou  nationaux  que  le  « East  Africa  Environment  Risk  and Opportunities » de Djibouti (2-4 mai 2015) ou le « Climate South Initiative du Gabon » (29 août 2015) sont  des  initiatives  intéressantes  qui  pourraient  inspirer  la  communauté  des  54  pays  africains  à définir une position différenciée à la COP 21.

Pour que la COP 21 soit véritablement internationale et rétablisse la justice climatique, elle doit au-delà du Fonds vert permettre que les grandes puissances et les nations émergentes s’en tiennent aux objectifs fixés. Décidé à Copenhague et défendu par le président français François Hollande, le  Fonds  Vert  garantit  100  milliards  d’euros  par  an  pour  des  programmes  de développement pour les pays du Sud. Il ne doit pour autant ne pas apparaître comme un droit à polluer. Les États-Unis, pour rassurer le monde, ont fait des annonces. Ainsi,  le  président  américain  Barack  Obama  a  annoncé  le  3  août  2015  un  plan  à  l’échelle  de  la puissance  économique  du  pays  pour  une  énergie  propre.  L’« America’s  Clean  Power  Plan »  est annoncé  comme  la  révolution  verte  qui  changera  les  règles  et  les  habitudes  des  Américains  en matière de santé et qualité de vie, d’économie et même de sécurité. Ce plan qui vise à limiter les émissions carbones induites par la production d’électricité de 32% en 2030 reste une promesse qui a le  mérite  d’infléchir  la  position  classique  d’un  pays  pollueur,  classiquement  cantonné  au surdéveloppement économique peu regardant sur l’environnement.

Au regard des différentes prises de positions pour permettre que le sommet climatique de décembre 2015 ne soit pas un échec retentissant comme le fut celui de Copenhague, le continent africain dans sa diversité a tout intérêt à puiser dans ses ressources pour accéder à la transition écologique et sociale. Une transition adaptée à sa réalité, à ses spécificités, avec ses limites et ses opportunités ! Quelques engagements sont possibles.

Avant  toute  mise  en  place  de  politiques  publiques,  il  est  urgent  de  repenser  l’éducation  des générations  futures  et  d’intégrer  dans  les  modules  de  formation  des  outils  de  base  sur  la préservation  de  l’environnement.  Les  usages  en  matière  de  salubrité  publique,  le  respect  des patrimoines naturels et de la biodiversité, l’intérêt pour une agriculture saine et les forêts sont des pistes simples à explorer. 

Les pays africains doivent également pouvoir compter sur les territoires, acteurs de proximité avec les  populations,  pour  sensibiliser  aux  pratiques  nuisibles  aux  forêts,  mers,  océans,  aires  marines.

L’urgence climatique marque aussi l’agriculture et donc l’alimentation : des mesures pour assainir les cultures et préserver les terres arables doivent être prises. Il est judicieux, en matière d’intégration africaine,  de  favoriser  la  coopération  sud-sud  entre  pays  africains  pour  valoriser  les  expériences locales  de  référence  qui  peuvent  générer  des  échanges  de  processus  innovants  et  d’outils méthodologiques pour lutter contre les bouleversements du climat.

Le développement de centres de ressources sur  le climat et l’énergie afin d’anticiper et d’analyser les  conséquences  de  la  vulnérabilité  climatique  telles  que  canicules,  inondations,  déforestation, biodiversité  menacée,  sècheresse,  compensation  carbone,  l’urbanisme,  bâtiments  et  construction, etc.…) est impérieux. À l’échelle des grandes régions, il est important que ces centres permettent de mieux cartographier les incidences climatiques et d’y répondre.

Au final, la croissance verte ne serait possible que si les outils comme les technologies vertes et les énergies renouvelables (solaire, éolienne, biomasse, hydraulique, géothermie) ne sont accessibles au plus grand nombre.

Du sursaut et de la responsabilisation dépend l’avenir

Face aux défis du développement économique et de la lutte contre la pauvreté, la préoccupation concernant le climat ne doit pas souffrir de manque de considération. Prioriser celle-ci propose une adaptation  des  mentalités  au  principe  suivant :  nous  sommes  individuellement  et  collectivement responsables de la terre qui nous porte ! Il ne peut avoir de divergence entre stratégie économique et exigence environnementale. 

La  question  climatique  et  environnementale  est  autant  essentielle  que  l’essor  économique,  la promotion  de  la  bonne  gouvernance,  l’avancée  des  droits  de  l’homme  ou  encore  l’ancrage  de  la démocratie.  Elle  est  même  urgente  au  regard  des  bouleversements  climatiques  qui  agressent  la biodiversité et le quotidien des Africains qu’ils soient au nord du continent, à l’est, à l’ouest et au sud. 

Aujourd’hui,  les  conséquences  des  bouleversements  climatiques  engendrent  des  déplacés environnementaux et des réfugiés climatiques. Les conflits frontaliers sur le continent naissent aussi de  l’appropriation  litigieuse  des  ressources  naturelles.  Il  n’est  pas  exagéré  de  penser  que  chaque courant  maritime  ou  bassin  d’eau  est  « crisogène »,  que  chaque  forêt  est  source  d’instabilités  ou qu’un  séisme,  une  inondation  pourraient  provoquer  des  remous  à  l’intérieur  d’un  pays  ou  à  ses frontières. 

Au-delà de la COP 21, l’Afrique doit se projeter vers une nouvelle conscience de son destin, celle qui responsabilise – et non culpabilise et victimise – à agir pour une planète saine, durable et verte. Les défis  du  prochain  siècle  pour  la  génération  d’Africains  qui  lutte  à  la  fois  pour  redonner  espoir  et dignité, mais aussi engouement économique sont à cette échelle : participer pleinement au sort du monde et tenir sa place dans le concert des nations et des puissances mondiales.

Régis HOUNKPE

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