Croissance : Arrêtons de compromettre la compétitivité des universités africaines

universiteSi les secteurs public et privé d'Afrique ne fournissent pas de manière proactive les biens et services de pointe dans le marché mondial, le continent sera transformé en un fournisseur net de matières premières et de services bon marché essentiels à la fabrication de biens et services à valeur ajoutée fournis par d'autres en retour.

Pour ce faire, les universités africaines doivent investir dans la recherche pour leur permettre de contribuer de manière significative dans le leadership mondial, au transfert de technologie et à participer de façon bénéfique aux affaires mondiales. Si les secteurs public et privé d'Afrique ne fournissent pas de manière proactive les biens et services de pointe dans le marché mondial, le continent sera transformé en un fournisseur net de matières premières et de services bon marché essentiels à la fabrication de biens et services à valeur ajoutés fournis par d'autres en retour.

En dépit d'être l'un des continents les mieux dotés en ressources naturelles, le PIB moyen par habitant (nominal) pour la période 1990-2010 était bien maigre, 1.560 dollars US contre 16.837 dollars US de moyenne mondiale, selon la Banque Mondiale. La consommation électrique du continent est extrêmement faible, à 3,1% de la consommation d'énergie mondiale.

Le classement mondial Times des Universités 2012-2013 montrent que parmi les 400 meilleures universités dans le monde, seules 4 sont africaines (toute situées en Afrique du Sud). 131 sont en Amérique du Nord, 3 sont sud-américaines, 57 sont asiatiques, 180 sont européennes et 25 sont en Océanie. En dehors de l'Afrique du Sud, aucune université africaine n'est parmi les 400 meilleures du monde. Cela signifie que la plupart des pays africains ne délivrent pas la compétence mondiale en leadership ou en technologies, ni l'expertise nécessaires pour maximiser la participation positive de l'Afrique dans l'économie mondiale du savoir.

Il est important que le continent puise dans la coopération régionale pour augmenter le capital de départ pour la mise en place d’universités de classe mondiale sur le continent africain, détenues et exploitées collectivement par les pays africains. Celles-ci attireraient les meilleurs formateurs de classe mondiale et / ou chercheurs et conduiraient à l’inscription des meilleur talents de tous les pays africains et du monde entier pour ensuite atteindre un meilleur niveau de compétitivité à l’échelle continentale et mondiale.

La détérioration de la compétitivité de nombreuses universités africaines est également attribuable à la retraite des formateurs et des chercheurs qui ont fait leurs études de premier cycle dans les universités de classe mondiale. Leurs places sont prises par leurs homologues fraîchement venus des universités locales qui ne sont pas de classe mondiale. La préférence des ressources humaines pour des formateurs et des chercheurs bon marché mais de qualité inférieure à leurs homologues plus chers, mais de classe mondiale devrait également être inversée. Les institutions africaines d'enseignement supérieur doivent penser à long terme et arrêter de compromettre leur compétitivité.

L'expansion continue des universités existantes et la création de nouveaux établissements au détriment de la prestation d'une éducation de qualité doit aussi être inversée. Ne pas le faire reviendrait à encourager la recrudescence des jeunes diplômés qui ne peuvent pas obtenir un emploi en rapport avec leurs études sur le marché mondial parce qu'ils ne sont pas suffisamment qualifiés.

Créer des mécanismes en vue d’identifier les meilleurs jeunes talents africains dans les écoles secondaires et leur permettre de faire leurs études de premier cycle dans des universités de classe mondiale en les aidant à obtenir des admissions et les bourses nécessaires stimuleront la tendance pour des apprenants compétitifs. Les parents qui en ont les moyens devraient également être encouragés à parrainer des élèves africains talentueux pour leur permettre de faire leurs études de premier cycle dans les plus grandes universités dans le monde. Les gouvernements et les universités africaines devraient aussi collaborer avec les principaux secteurs privés en Afrique pour définir la manière dont ils pourraient travailler ensemble pour évoluer vers des universités de classe mondiale.

 

Article initialement paru sur Next-Afrique, écrit par M.O. Kassy

L’Enseignement supérieur en Afrique (1) : Etats des lieux et défis

diplômés africainsL’éducation est l’un des moteurs de la croissance économique et du développement humain. Cette assertion est depuis longtemps reconnue par les experts et  organisations internationales. Si les niveaux primaire et secondaire font l’objet d’investissements pour le développement de l’Afrique, l’apport  du niveau supérieur à la croissance africaine a longtemps été négligé. Avec la nécessité d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) pour réduire la pauvreté, l’intérêt pour l’enseignement supérieur devient aujourd’hui incontournable pour assurer une croissance inclusive. Ne serait-ce que pour le rattrapage des pays avancés, les pays africains ont besoin d’ingénieurs, de cadres et de chercheurs capables de comprendre et de mettre en œuvre les nouvelles technologies inventées dans les pays développés. En présentant l’état des lieux et les défis de l’enseignement supérieur en Afrique, cet article introduit une série de publications sur l’analyse et la compréhension des différents modèles universitaires africains.

Etat des lieux : Un secteur en crise

Le système universitaire africain traverse une crise: deux constats amènent à cette conclusion. D’abord, le rayonnement international des établissements africains est à construire. D’après le classement mondial de Shanghai, une seule université africaine se positionne dans le top 300 alors qu’on y décompte 130 universités américaines, 123 universités européennes et 35 universités asiatiques. A l’échelle internationale, les universités africaines ont donc une place à conquérir.

Ensuite, les étudiants africains ont une mobilité importante. Pour beaucoup de pays africains, le taux de mobilité vers l’étranger  (rapport entre le nombre d’étudiants africains à l’étranger et celui des étudiants restés dans les établissements nationaux) était supérieur à 25% en 2008.  Celle-ci s’effectue à la fois au sein du continent et à l’extérieur de celui-ci. Le graphique ci-dessous montre les principales destinations prisées par les étudiants mobiles d’Afrique.

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Cette mobilité pourrait être envisagée de façon positive. En effet, elle est vectrice de gain de productivité pour le continent car les étudiants partis étudier à l’étranger gagnent en expertise. Cependant, pour que ces gains de productivité soient effectifs, il faudrait que les étudiants mobiles reviennent dans leur pays d’origine. Or, bien souvent l’effet inverse se produit, l’Afrique est victime d’une « fuite de cerveaux ». Cette mobilité est souvent le reflet d’un mal-être de l’enseignement supérieur africain. Les étudiants immigrent car ils trouvent des opportunités meilleures hors de leur pays.

Les défis : gérer les effectifs et accroître les ressources

Comment expliquer un tel retard de l’enseignement supérieur africain? Quelles sont les défis à relever ?

Les rapports de la Banque mondiale (*) et de l’Unesco (**) nous permettent de distinguer les problèmes majeurs qui entravent le rayonnement de l’enseignement supérieur en Afrique.

L’enjeu clé pour le continent africain est  de faire face à la croissance explosive des effectifs dans l’enseignement supérieur. Ainsi, les effectifs scolarisés en Afrique subsaharienne sont passés de 200 000 à 4,5 millions entre 1970 et 2008 selon le rapport de la Banque Mondiale. Cette augmentation fulgurante des effectifs a été soudaine et peut en partie s’expliquer par le développement de la scolarisation au niveau secondaire. Les universités, peu préparées aux répercussions d'un tel accroissement ont tenté d’accorder des places à cette nouvelle masse d’étudiants au détriment de la qualité de l’enseignement. Ce manque de places au sein des universités  est d’autant plus alarmant qu’on constate que la participation à l’enseignement supérieur des populations d’Afrique subsaharienne est très en dessous de la moyenne mondiale. En effet, leur taux brut de scolarisation (TBS) est de 6% en 2007 contre un taux brut mondial de 28%, selon les données statistiques de l’Unesco. Qu’arrivera-t-il alors lorsque la participation scolaire africaine aura rattrapé la moyenne mondiale ?

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Source: Institut Statistique de l’Unesco

On sait que la demande de scolarisation n’ira pas  en diminuant étant donné les perspectives démographiques des années à venir. Il est donc urgent pour les universités africaines d’apprendre à gérer la croissance des effectifs scolarisés tout en maintenant la qualité de leurs formations.

Pour résoudre ce premier problème, il faut en solutionner un second : l’insuffisance des ressources des universités africaines. Bien que la situation reste très contrastée à l’échelle continentale, on constate que de nombreux pays au bas taux de scolarisation brut souffrent d’un coût unitaire par étudiant très élevé. Selon le bulletin d’informations de l’Unesco,  Le Burkina Faso, le Burundi, l’Éthiopie, le Madagascar, le Niger, le Rwanda, l’Ouganda, la République Centrafricaine et le Tchad présentent des niveaux de dépenses publiques concernant l’éducation qui dépassent 100 % du PIB par tête, alors que leur TBS pour l’enseignement supérieur est inférieur à 5 %. Si à long-terme la réduction des coûts unitaires par étudiant est inévitable ;  à court-terme il est important pour les universités africaines  de réorganiser la répartition de leurs ressources, afin d’encourager la recherche et le renouvellement des outils pédagogiques. Ces deux défis passent par l’autonomisation financière de l’enseignement supérieur vis-à-vis de l’Etat.

Par ailleurs, pour contribuer à la croissance de demain, l’enseignement supérieur africain doit réussir à adapter son offre de formation à l’offre du marché de l’emploi. Il faut que les étudiants puissent être orientés vers les filières porteuses d’emplois et encouragés à se tourner vers des métiers créateurs d’emplois tels que l’entreprenariat, l’agriculture, les NTIC et les énergies renouvelables.

Le dernier enjeu n’est pas des moindres, l’enseignement supérieur africain devra réduire les inégalités entre les sexes. Malgré une évolution notable, les femmes sont toujours sous-représentées  en matière de scolarisation supérieure dans le continent africain. Le TBS dans l’enseignement supérieur des femmes en Afrique subsaharienne s’élève à 4,8 %, contre 7,3 % pour les hommes selon les données statistiques de l’Unesco.

C’est en gardant en mémoire ces différents enjeux que l’on s’intéressera aux universités d’Afrique. Comment s’adaptent-elles à ces différentes contraintes ? Quelles sont leurs atouts et leurs défauts ? Quel avenir réservent-t-elles à l’Afrique ? Comment peuvent-elles contribuer à une croissance inclusive en Afrique ?

Débora Lésel


(*)Document de travail de la Banque Mondiale n°103 : « Enseignement supérieur en Afrique francophone. Quels leviers pour des politiques financièrement soutenables »

(**) Bulletin d’informations de l’ISU. Décembre 2010.N°110 « Tendance dans l’enseignement supérieur : l’Afrique subsaharienne »