Les NTIC et la problématique de l’éducation en Afrique

tic-en-education-en-afrique-1440x564_cLe développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a révolutionné le monde entier dans divers domaines de la vie. Parmi ces domaines, on peut citer la médecine où les NTIC ont favorisé les dialyses, les échographies, les radiographies entre autres. Le commerce avec les achats et ventes en ligne, le système bancaire et l’éducation. Cet article s’intéresse à l’apport des NTIC dans le système éducatif en Afrique et propose quelques pistes  pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC seront proposées.

 

Les NTIC, un cadeau pour l’éducation

Les succès des Technologies de l’Information et de la Communication dans le système éducatif sont indénombrables. Tous les acteurs dans ce système liés aux ministères chargés de l’éducation pour les élèves et étudiants en passant par les enseignants et les parents d’élèves, profitent des NTIC. Les étudiants en sont les plus bénéficiaires. Grâce aux NTIC, l’État peut détecter rapidement des problèmes liés à l’éducation tels que la baisse des performances scolaires, le manque du personnel scolaire et d’enseignants dans une localité donnée pour procéder à des solutions rapides. De plus, les technologies favorisent la mise en place des cours en ligne qui peuvent pallier les problèmes d’infrastructures comme le manque d’amphithéâtres. Elles permettent également des projections vidéo pour une bonne visibilité des cours. La préparation des cours, la recherche de nouveaux exercices, devoirs et examens sont de plus en plus facile pour les enseignants grâce à l’internet. Dans cette optique, les NTIC permettent d’alléger la tâche des enseignants. Les parents, depuis la maison ou le lieu du travail, peuvent être au courant des activités de leurs enfants, de leurs performances courantes grâce à une bonne combinaison des NTIC avec les établissements scolaires. Les élèves et étudiants, ont de leur côté, une facilité dans la recherche. L’internet fournit une panoplie d’exercices corrigés et des cours pouvant améliorer la compréhension des leçons. Même si les ressources de l’internet ne peuvent aucunement remplacer les cours reçus en classe, elles peuvent aider les élèves à se mettre au jour. Les élèves n’ayant pas de professeurs disponibles peuvent recevoir des cours à distance grâce aux technologies. Plusieurs forums offrent des réponses et des discussions intéressantes entre étudiants et professeurs afin de trouver des solutions aux leçons non comprises. Les NTIC permettent un réseau plus large aux élèves et étudiants pour des questions réponses sur les incompréhensions et les difficultés.

 

Les NTIC, un piège pour les élèves

Si les Technologies de l’Information et de la Communication offrent beaucoup d’avantages au système éducatif, elles ont néanmoins quelques inconvénients notables sur l’éducation. En effet, elles ont entrainé une dépendance des enfants aux jeux vidéo. Même si ces jeux vidéo ont un effet stimulateur sur l’intelligence et les réflexes des enfants, ils ne peuvent pas remplacer les devoirs à domicile. Pourtant, les enfants consacrent de plus en plus de temps aux jeux vidéo qu’aux études. Certains enfants substituent des heures de sommeil et de repos aux jeux vidéo, ce qui fait que ces enfants arrivent souvent à l’école en étant fatigué. Le développement des ordinateurs, des logiciels et de l’internet n’a pas que des effets positifs à l’éducation ; il pourrait entrainer la baisse de l’effort intellectuel des acteurs du système éducatif, plus particulièrement des élèves et étudiants. La plupart des étudiants se limite aux ressources de l’internet tandis que les bibliothèques sont de plus en plus délaissées. Non seulement, il y’a plusieurs sites internet non fiables, mais aussi certains substituent la réflexion intellectuelle par des données de l’internet. L’effet pervers est le plagiat des travaux réalisés par les pionniers sur un sujet.  Et si les heures d'étude ne sont pas substituées pas par des jeux vidéo chez les jeunes élèves, elles sont substituées par les réseaux sociaux comme Facebook et autres…

 

Quelles pistes d’accélération pour repenser le système éducatif africain à travers les NTIC ?

L’utilisation des NTIC pour repenser l’éducation en Afrique passe par plusieurs niveaux dont l’inclusion de l’informatique au cœur du système éducatif africain, l’amélioration des  programmes télévisés pour l’insertion des enfants, l’adaptation du mobile et d’internet à l’éducation.

 

Mettre l’informatique au cœur du système éducatif africain

Au cours des vingt dernières années, de nombreux gouvernements ont adopté des politiques visant à encadrer l’intégration des NTIC dans l’éducation. Mais dans la mesure où l’intérêt pour l’apprentissage par ordinateur n’a grandi que récemment, il y a une absence totale de politique en matière d’informatisation du système éducatif africain. Si tous les pays africains avaient des politiques orientées vers l’intégration des NTIC à travers la mise en place des salles informatiques dans les établissements publics et privés, cela contribuerait à améliorer le niveau du système éducatif en africain. Il est donc nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des reformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper  de salles informatiques. En effet, il est impératif d’insérer dans les programmes au moins deux heures de cours d’informatique par semaine. L’enseignement automatisé dans les programmes permettra de remédier à l’insuffisance de professionnels qualifiés dans différents domaines surtout dans les disciplines scientifiques. En outre, l’envie des élèves à apprendre de nouvelles choses, et leur curiosité de manipuler un ordinateur est une motivation supplémentaire  à leur présence en cours. Cela contribuera également à diminuer le taux d’absentéisme et le taux d’échec scolaire dans les pays africains. Par ailleurs, les États doivent aussi remplir pleinement leur rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces mesures permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée.

 

Rendre le Mobile plus éducatif

Depuis plus d’une décennie, le marché de la téléphonie mobile a connu une expansion très forte à l’échelle mondiale. La vitesse de diffusion de cette technologie a été particulièrement rapide en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, plus de 350 millions de personnes en Afrique subsaharienne sans école ni accès à l’électricité vivent dans des zones couvertes par le réseau mobile. Ce qui signifie que le mobile pourrait être un facteur déterminent dans la nouvelle construction de l’éducation africaine. Dans ce cas, comment le rendre plus éducatif ?

En initiant des collaborations ou des partenariats entre les États africains et les opérateurs téléphoniques. Les opérateurs téléphoniques peuvent jouer un rôle important dans la promotion du système éducatif africain. Les États africains doivent les inciter à s’impliquer davantage dans le nouveau système de l’éducation par le mobile. Les efforts doivent se concentrer dans les zones urbaines déjà couvertes par le réseau Mobile et s’étendre progressivement vers les zones rurales pas toujours bien couvertes. Pour cela, le ministère de l’éducation en collaboration avec les enseignements, doit élaborer des programmes clairs et détaillés sous forme d’application Mobile. Il s’agit de mettre en place des cours enseignés à l’école via le téléphone Mobile en tenant compte des diversités linguistiques existant dans les pays africains. Par exemple, il est important de réaliser certaines matières en plusieurs langues/dialectes et en fonction des spécificités des territoires. Dans ce cas, l’enfant ne sera plus déconnecté de l’école surtout dans les milieux ruraux où les filles ont tendance à rester à la maison alors que  les garçons eux sont privilégies pour les études.. Ainsi, le Mobile éducatif permettra de contribuer au changement des mentalités que le continent a éperdument besoin pour son développement. Au final, il serait propice à la croissance de la productivité des agriculteurs, la sécurité sanitaire, l’accès à l’éducation pour les personnes qui en étaient jusqu’ici exclues, la formation continue des enseignants en zones rurales, l’inclusion financière, ou encore l’optimisation des infrastructures routières.

 

Rendre l’internet plus éducatif 

L’Afrique enregistre un retard notable dans l’utilisation de l’internet comme outil pour l’amélioration du système éducatif. Selon l’UIT en 2015, seuls 19 % des Africains ont accès à l’internet. Ce faible taux s’accompagne d’une pénétration d’internet dans les ménages de seulement 11 %, contre près de 36 % dans les pays arabes par exemple. Parallèlement, alors qu’en moyenne, 28 % des foyers sont équipés d’un ordinateur (portable/fixe ou tablette) dans les pays en voie de développement, ils ne sont que 8 % en Afrique subsaharienne.

Face à cette situation, les gouvernements africains doivent conjuguer leurs efforts afin d’investir dans les NTIC pour améliorer l’offre  d’internet dans les établissements publics avec un système wifi pour faciliter les déplacements au sein des établissements. Au niveau de l'enseignement supérieur, l’utilisation de l’internet pourrait être le plus efficace grâce à la mise en place des programmes à distance. La formation à distance dans l’enseignement supérieur a plusieurs avantages. Elle est d’abord une alternative à l’enseignement supérieur traditionnel. Elle permet d’améliorer la qualité de l’enseignement dans plusieurs domaines. Cependant, les universités africaines montrent un intérêt significatif pour cette nouvelle méthode d’apprentissage, notamment en raison de l’inefficacité du système éducatif africain. Ainsi, les pays africains doivent mettre en place des campus numériques avec des bibliothèques connectées à la disposition des étudiants. Cela permettra de donner un élan à la promotion de la recherche scientifique dont le continent a éperdument besoin aujourd’hui.

L'enseignement par Internet doit encore faire face dans de nombreux pays africains à des obstacles majeurs, le premier d'entre eux étant la faiblesse des infrastructures antérieures de télécommunication et le coût prohibitif des tarifs d'accès à l'Internet. Par exemple, les responsables pédagogiques au niveau des ministères et des facultés doivent améliorer les outils pédagogiques qui peuvent être adaptés à l'Internet. Les contenus de nos programmes aujourd'hui disponibles en ligne sont pour la plupart établis en occident et ne s’adaptent donc pas nécessairement à des étudiants africains. Nous devons être capables de réaliser des programmes inclusifs à nos valeurs ancestrales, culturelles, sociologiques et tout simplement en cohérence à notre identité. Toutefois, plusieurs universités ont conscience de l’importance de l’Internet dans les programmes et réorientent leurs programmes existants à l’enseignement par Internet. L'enseignement par Internet peut contribuer à oblitérer certaines difficultés auxquelles les pays africains doivent faire face aujourd'hui, c'est-à-dire celles liées à l’inefficacité de l’appareil éducatif.

 

Yedan Ali

Amadou Sy

Quatorze propositions pour repenser le système éducatif au Mali

maliDepuis l’indépendance du Mali le 22 septembre 1960, les différentes autorités successives ont toujours considéré que le système éducatif était un secteur prioritaire. Dès 1962, la première réforme fut adoptée pour rompre avec le système éducatif colonial avec un enseignement de masse et de qualité tout en préservant la culture et les valeurs maliennes. Mais au fil des années, cette réforme a été revue maintes fois, notamment lors des séminaires de 1964 et  1978,  des  Etats  généraux  de l’éducation en 1989, de la Table ronde sur l’éducation de base, du Débat national sur  l’éducation en 1991,…, et plus récemment, le Forum national tenu en octobre-novembre 2008. Aujourd’hui encore, l’État continue à investir dans l’éducation et d’ailleurs plus du tiers du budget national y est consacré. Malgré tous ces efforts, le système éducatif du Mali reste l’un des moins performants dans le monde avec un taux d’alphabétisation estimé à 38,7% pour les enfants qui commencent l'école primaire. Le rôle de l'éducation étant crucial pour le développement d'un pays, le Mali doit penser encore à améliorer son secteur de l'enseignement. C'est pourquoi, Nelson MANDELA disait : « L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde ». Cela nous ramène à poser les questions suivantes : Quelle éducation pour un enfant citoyen ? Quel système éducatif pour répondre aux défis du monde actuel et aux défis auxquels fait face la société malienne ? Cet article propose des pistes pour réformer le système éducatif malien en vue de le rendre plus performant et plus adapté aux défis de la société malienne.

Par Eloi TRAORE[1]

                                                                          

  1. Ecrire à ses enfants à la « Maison »

L’état des lieux se résumant le plus souvent par : « On ne peut pas leur parler » ; « Je leur parle ou j’essaye de leur parler, mais cela ne marche pas, ils n’écoutent pas » etc. L’adolescent normal dira qu’il n’en a rien à faire ! Mais ce n’est pas parce qu’il dit, qu’il n’en a rien à faire, qu’il n’en a rien à faire, et qu’il ne faut plus lui parler ! Et surtout parce qu’il ne veut pas écouter qu’il ne faut plus lui écrire. C’est justement là qu’il faut lui écrire ! Tenir la famille par le dialogue. Donc l’écriture comme alternative au discours oral. L’éducation, c’est travaillé avec nos enfants au quotidien. En parallèle, il faut redonner à la science, la littérature, l’histoire, leur pouvoir symbolique. La capacité à faire rêver et à faire comprendre l’enfant. Qu’elle renvoie l’enfant aux problèmes qu’il se pose, sans qu’elle ne soit pas un ensemble d’exercices sur un parcours du combattant pour vérifier qu’il peut passer en classe supérieure. Ex : Il n’y a pas un enfant qui ne sera pas animé ou intéressé si on y met un peu d’enthousiasme, de vivacité  devant « les Etoile Sirius des Dogons ou l’Orion des Touaregs», ou du jeu de « wôli » et qui ne dira pas qu’il se joue–là quelque chose qui le concerne directement, parce que c’est de l’humain dont il est question, c’est-à-dire de lui.

  1. Adopter la pratique du « Conseil en Classe »

Le conseil doit être est un moment ritualisé. Il s’agit de motiver d’une part l’enfant à écrire éventuellement sur le cahier de la classe, ou à mettre dans la boîte aux lettres un petit mot pour expliquer qu’il veut que l’on discute d’un sujet  en classe. Mais c’est uniquement au conseil que l’on en parlera, pas tout de suite. On va y réfléchir en se donnant le temps pour en parler. Donc un rituel de prise de parole, qui permet de s’écouter et d’entrer dans une discussion collective qui inclura d’autre part les préoccupations du personnel enseignant. En ce sens que le rituel doit permettre à cet effet à l’enseignant aussi de s’adresser directement et facilement aux différents responsables de l’éducation. Concrètement, il s’agira de rentrer dans un processus de dédramatisation des problèmes en les exposant dans un climat de confiance mutuelle.

  1. La création de « Classes vertes »

« L'abeille qu'on met de force dans une ruche ne fera pas de miel » dit un proverbe malien. En effet, vivre ensemble l’expérience du monde avec les éléments de la nature et évoquer après le vécu par écrit, pour que l’expérience du monde leur permette d’accéder à la littérature. Faire savoir aux enfants ce que c’est « une pirogue, un éclat, une ruche », parce que beaucoup n’ont jamais été en pique-nique au bord d’une rivière. Ce n’est pas parce qu’on ne leur a pas appris à lire le, la, les; ce qu’ils ne voient pas, c’est ce que c’est. Le rapport des enfants par rapport au moment, par rapport au monde étant un rapport questionnant,  « la littérature et les sciences » constituent à titre d’exemple des excipients dans ce principe innovateur que sont les « classes vertes ». Comment se fait-il que des gamins fascinés par la science-fiction tirent la gueule devant la loi de Joule ? Ou par les éléments de la nature (eau, feu, air, lumière) ont du mal à comprendre les propriétés chimiques des CO2 + H2O ? Travailler donc la littérature et les sciences en classes vertes revient á insuffler donc une dynamique aux programmes d’enseignements qui sensibilisent dans le primaire, se consolident dans le secondaire et responsabilisent dans le supérieur.

  1. Ré-institutionnaliser les lieux éducatifs

L’école est complètement dans une logique dans laquelle les intérêts individuels prennent le pas sur la cohérence du collectif. Une école où l’emploi du temps est une tranche napolitaine, qui juxtapose des cours au gré de la fantaisie du chef d’établissement et de ses adjoints, mais aussi des impératifs de l’institution, n’est pas véritablement institutionnalisée. Il s’agit et surtout de construire des institutions centrées autour d’un projet qui est celui de l’apprentissage à travers la prise en compte de la spécificité régionale, c’est-à-dire si le Kénédugu ou le Dogon ou encore le Gourma etc. doit rester à Sikasso, au Pays Dogon, à Gao, Tombouctou ou pas.

  1. La motivation des enfants face au laxisme généralisé 

On dit souvent, les élèves ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas motivés, mais on peut retourner l’affirmation : les élèves ne sont pas motivés parce qu’on ne leur transmet pas assez l’envie de réussir. Et rien ne démotive plus que l’échec. Il faut donc trouver les moyens de motiver les élèves afin de les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes. Et c’est seulement comme cela que l’évaluation aura  une vertu positive et permettra de déceler les véritables capacités des apprenants. Partir de l’évaluation de ce que chacun sait faire et par une exigence au coude à coude l’aider à ce qu’il peut faire le mieux.

 

Par Hermann DIARRA[2]

  1. Prôner une scolarisation massive des filles 

Le Mali est un pays où les femmes comme dans le reste du monde, passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants. Par conséquent, éduquer les filles dans une conjoncture de plus en plus difficile, serait une solution pour la maîtrise de notre croissance démographique. De plus, l’éducation des femmes apportera certainement la croissance économique car avec peu d’enfants et des femmes professionnellement actives, le revenu par habitant pourrait être plus élevé. Mais avant d’en arriver là, il serait indispensable de changer la vision des parents qui pensent que l’éducation de leurs filles est un investissement moins prometteur que celui des garçons à long terme. En effet, pour ces parents, l’avenir des filles serait réservé au mariage et à la maternité. Pour inciter les familles à envoyer leurs filles à l’école, les autorités pourraient prendre en charge la totalité de la scolarité des filles inscrites dans l'école publique ainsi que leurs soins et nourriture. Par ailleurs, concevoir des programmes de bourses et d’aides financières pour les filles scolarisées est une piste à étudier. Plus de promotion pour les filles !

  1. Une famille responsable dans l'éducation de ses enfants 

La famille doit prendre conscience de sa responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Éduquer ses enfants n’est pas uniquement les nourrir, les vêtir, les soigner et les protéger, mais c’est aussi leur transmettre les valeurs de la vie, notamment le courage, le respect. L'enfant a besoin d'être guidé : nul besoin de rappeler qu’il ignore ce qui est le mieux pour lui. Il incombe à la famille de préparer leurs enfants à être des adultes responsables, car le sens élevé de la responsabilité est une condition sine qua non de toute réussite. Parce qu’un étudiant responsable mis dans des conditions de travail adéquates a sans doute toutes les chances de réussir. Par ailleurs, dans le cadre de l’éducation de leurs enfants, certains foyers qui sont comme de véritables camps militaires où règne la terreur doivent plutôt privilégier la communication au châtiment corporel. Donc concrètement établir un dialogue permanent. L´Education, c’est de tenir le contact au quotidien avec l’enfant pour maintenir intacte la structure familiale. Sinon, l’enfant aura du mal à se confier à ceux qui sont censés être ses protecteurs. Par ailleurs, pour accompagner les parents, les écoles doivent convoquer les parents au moins une fois par an pour un dialogue sur les progrès,  les  difficultés et les efforts de leurs enfants.

  1. Une éducation civique et patriotique

Dans cette ère de mondialisation, vu la situation, si rien n’est fait, c’est l’âme du Mali qui sera vendu. Pour faire face aux enjeux et défis de la globalisation, le Mali a certes besoin de citoyens compétents mais surtout responsables et engagés. C’est pourquoi Thomas SANKARA disait : « Il faut que l’école nouvelle et l’enseignement nouveau concourent à la naissance de patriotes et non d’apatrides », car un patriote sera pour la justice, contre la corruption et pour un Mali un et indivisible. D’où l’intérêt de la mise en place d’actions concrètes comme l’instauration d’une journée de l’éducation civique et patriotique lors de laquelle, les enfants pourront intérioriser notamment l’amour de la patrie, le respect des biens publics, de la discipline et des aînés. Par ailleurs, les élèves doivent comprendre que les symboles ont un sens et que tout ce qui a un sens est important. C’est pour cela que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour que le drapeau du Mali flotte au-dessus ou au centre de chaque école en permanence, et l’hymne national joué avant chaque rentrée de classe. Il faudrait amener les élèves à réfléchir progressivement selon les cycles sur chaque ligne de l’hymne nationale et en débattre…

  1. Le parrainage des enfants de familles pauvres 

L’état devrait réfléchir à la mise en place d’un système de parrainage qui pourrait être un moyen efficace pour permettre aux élèves d’avoir accès à une scolarité souvent difficile, voire impossible pour les enfants de familles pauvres. Concrètement, chaque école aura la mission d’identifier les enfants nécessitant un appui financier pour la  poursuite de leur scolarité ou ceux en très grandes difficultés. Ainsi, la générosité de certains maliens pourra s’exprimer en faveur de cette noble cause nationale. Pour cela, on peut mettre en place de rencontres sous forme de soirées organisées par l’ORTM, ou dîner entre hommes d’affaires sélectionnés/invités pour la bonne cause : aider les familles défavorisées dans la réussite de l’éducation de leurs enfants. Cette soirée profitera à toutes les parties. D’un côté, financer les familles défavorisées et d’un autre, rencontre entre personnalités (tissage de nouvelles opportunités peut être…). Non seulement cette mesure serait un coup de pouce non négligeable à la stimulation de la scolarisation mais elle pourrait également être considéré comme un travail social, qui serait utile à la réduction des inégalités sociales criantes au Mali. Donc solidarité et le suivi de la générosité pour s’assurer que l’investissement a été utilisé à bon escient…

 

Par AMADOU SY[3]

  1. Appliquer le « numerus clausus » dans les facultés maliennes

L’université́ doit être réservée aux candidats ayant le baccalauréat avec la mention 11/20.  Le système de « numerus clausus » ou « nombre fermé » consiste à limiter les effectifs à l’entrée des facultés. Il faut impérativement désengorger les amphithéâtres qui sont pléthoriques. Il faut reconnaitre que tout le monde n’est pas apte à poursuivre des études universitaires. Dans ce cas, il serait plausible de définir les qualifications obligatoires pour tous depuis la dernière année du lycée. Chaque candidat devrait avoir un dossier dans lequel sont détaillés ses motivations et un choix sur 2 ou 3 universités. Selon les résultats de chaque lycéen au Bac, il reviendrait à l’Etat à travers son ministère de l’éducation d’orienter les candidats en fonction de leurs motivations et choix d’universités. Bien sûr, pour certains, cette qualification impliquera une formation universitaire. Pour d'autres, non ! Puisque certains se dirigent vers l'université parce que c'est "la façon" qu'on leur a indiqué de réussir dans la vie, sans autre réflexion… Alors que pour eux, pour les individus qu'ils sont, ce n'est pas le cas, la bonne formation à la bonne personne et non sans l'université, point de salut ! Grâce à ces mesures, les universités recruteront en fonction des besoins, des qualifications, des budgets pouvant assurer un enseignement supérieur de qualité́.

  1. Reformer en profondeur les programmes d’enseignements secondaire et supérieur

Le paysage du système éducatif du Mali montre aujourd’hui un décalage entre les programmes actuels surchargés et sans débouchés professionnels, et des secteurs économiques en carences de personnel qualifié pour aviver leur essor. Il faut dans un premier temps, revaloriser les métiers liés à l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Dans un deuxième temps, insérer des programmes plus adaptés à l’histoire du Mali et créer un programme de culture générale nécessaire afin de préparer les élèves et étudiants à  faire face une fois diplômés, aux exigences de la vie professionnelle malienne. Enfin dans un troisième temps (le plus important ?), il est nécessaire de promouvoir l'apprentissage assisté par ordinateur. Des réformes sont indéniablement nécessaires dans ce sens pour inciter (obliger ?) les établissements privés secondaires et supérieurs à s’équiper au moins d’une salle informatique. Par ailleurs, l’Etat malien doit aussi remplir pleinement son rôle en équipant davantage les écoles publiques du secondaire à l’université, de salles informatiques de qualité. Ces réformes permettront de réduire significativement les incartades entre les programmes scolaires et les besoins réels de l’économie en main d’œuvre qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche.

  1. La création de l’Université de l’agriculture, de l’élevage et de l’artisanat (UAEA)

Nos universités actuelles forment des futurs chômeurs qui basculeront très rapidement dans l’informel. C’est inconcevable de constater que les jeunes diplômés parfois même après un doctorat, sont obligés de travailler dans des métiers qui sont en décalage total avec leur domaine de qualifications. Pour remédier à ce problème majeur, la création de l’Université de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Artisanat (l’UAEA) est nécessaire pour former de véritables agents économiques en parfaite adéquation avec la configuration actuelle de l’économie malienne. L’UAEA permettra de former de nouveaux agents aptes de bien rentabiliser par exemple les terres agricoles, de bien maitriser l’eau, d’accroître la productivité et au final de contribuer significativement à la réduction du chômage surtout dans les zones rurales. D’après Moussa MARA, « la croissance de l’urbanisation du Mali est beaucoup plus rapide que sa croissance démographique. 60% de la population urbaine vie à Bamako ». Dans ce contexte, l’UAEA permettra aussi de baisser les flux d’émigration des zones rurales vers les zones urbaines.

  1. Mettre en place le système de l’alternance dans les formations techniques et professionnelles

En tenant compte des besoins de l’économie du pays, la réussite de l’éducation nationale passera aussi par le système d’alternance dans les formations techniques et professionnelles. Il s’agit d’établir un contrat tripartite entre l’élève, l’école professionnelle et l’entreprise. L’accès au monde du travail de l’élève se fait tout d'abord par une phase d'apprentissage dans l’entreprise d’une à deux semaines par mois. Cette phase est complétée par une formation parallèle d'une à deux semaines par mois dans une école technique ou professionnelle. Ce caractère dual de la formation professionnelle composée d'une phase en entreprise et d'une phase scolaire, est l’une des solutions pour redonner de l’élan au système éducatif malien. Grâce à l’alternance, les jeunes pourront faire le bilan sur leurs atouts et points faibles, et acquérir des aptitudes professionnelles complètes, directement axées sur l'entreprise et un métier précis bénéficiant à toutes les parties prenantes.

  1. Mettre les collectivités au cœur du système éducatif

Dans un contexte de décentralisation au Mali, l’objectif est de donner plus de pouvoir aux collectivités territoriales. Dans ce sens, la place de l’éducation est primordiale pour la réussite de cette décentralisation. Les collectivités territoriales à travers les communes, les cercles et les régions ont un rôle important à jouer. L’Etat malien doit privilégier des opérations de décentralisation des compétences qui exalteront le poids des collectivités territoriales pour le bon fonctionnement du système éducatif. Il faut la mise en place des lois pour définir et préciser la répartition des rôles et des compétences des collectivités locales en matière d’éducation. Pour les communes, l’accent doit être mis sur l'implantation, la construction, l'équipement, le fonctionnement et l'entretien des écoles maternelles et élémentaires. Elles sont responsables du personnel non enseignant (accueil, restauration, etc). Pour les cercles, l’accent doit être mis sur la construction et les travaux dans les écoles de l’enseignement secondaire. Enfin, les régions doivent se consacrer à la fois sur la définition de la politique régionale d’éducation et la bonne gestion de l’UAEA. Grâce aux collectivités, la décentralisation du système éducatif permettra d’apporter de l’authenticité et de l’efficacité dans le développement des territoires en impliquant l’élève à la fois au cœur du système éducatif et dans le développement de la collectivité.

 

L’école doit faire son auto critique, c’est-à-dire apprendre autre chose que ce qu’elle apprend actuellement, en permettant d’apprendre un certain nombre de valeurs comme le « civisme » sans tomber dans le discours politique. Par exemple la morale c’est l’enseignement de l’autre, d’autrui, donc on n’est pas tout seul. La morale, ce n’est pas de dire c’est ceci le bien ou le mal. Mais « autrui existe ».

 

Eloi TRAORE, Hermann DIARRA & AMADOU SY

 

 


[1] Conseiller Pédagogique Office de la Migration des Jeunes et Prof. des Universités Populaires Gießen / Lahn-Dill-Kreis Allemagne

 

[2] Membre du Centre d’études et de Réflexion du Mali (CERM), de L'Afrique des Idées, il est sympathisant de l’Union des fédéralistes africains (UFA). Titulaire d'un master en Réseaux et Télécommunications, il est aussi diplômé en management des systèmes d'information

 

[3] Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise/Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM) et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU). Il a publié de nombreux articles sur le développement de l’Afrique en général et le Mali en particulier notamment sur le champ de l’éducation

 

L’African School of Economics: un projet d’excellence

L’African School of Economics (l’école d’économie africaine, ASE) verra le jour à la rentrée de l’année scolaire 2014-2015. Son but est de répondre au manque d’écoles en Afrique où la formation et la recherche n’ont rien à envier à celles des meilleures universités du monde. ASE souhaite devenir une école de classe mondiale qui pourra contribuer au développement de l’Afrique à travers une formation excellente, des projets de recherche créatifs et des solutions innovantes et africaines pour éclairer les politiques et décisions économiques des pays africains.

Le projet de l’African School of Economics est porté et conduit par Léonard Wantchekon, professeur béninois d’économie politique à l’Université de Princeton. Il avait déjà créé en 2004 à Cotonou l’Institut de Recherche Empirique en Economie Politique (IREEP), un institut qui fournit une expertise en matière de gouvernance et de politiques publiques. L’ASE se veut un prolongement du succès de l’IREEP, qui incorporera tout ce qui fait le succès d’un grand département d’économie comme celui de l’université de Princeton ou de l’Ecole d’Economie de Toulouse.

A travers ses programmes de niveau Master : Master en business (MBA), Master en Administration Publique (MPA), Master en Mathématiques, Economie et Statistiques (MMES) et Master en développement (MDS), l’école préparera des professionnels africains à des postes managériaux importants dans les agences de développement ou les multinationales, de même que des entrepreneurs cherchant à monter leur propre entreprise. Elle réduira également la fameuse « fuite des cerveaux » en proposant à des étudiants de très grande qualité une formation du niveau des standards internationaux. L’école aura également deux programmes doctoraux (un doctorat en économie et un doctorat en management) à travers lesquels elle entend faire mieux entendre les voix et les avis africains les mieux informés dans les débats sur les questions qui touchent le continent.

Si comme on peut le voir dans un article paru sur TerangaWeb, des Masters MMES ou MBA de bonne qualité existent déjà dans la région au Sénégal (CESAG), au Cameroun (l’ISSEA), en Côte d’Ivoire (l’ENSEA) ou en Afrique du Sud (à l’université de Cape Town), l’African School of Economics entend se distinguer en proposant une formation plus complète et plus diversifiée : à la fois quantitative et qualitative, professionnalisante mais aussi académique, à forte composante managériale mais également encrée sur les sciences sociales, la recherche théorique et appliquée. L’école projette de recruter les meilleurs professeurs africains dans les disciplines qu’elle couvre et d’aligner leur rémunération sur les niveaux du marché mondial. A travers des partenariats avec de grandes universités et centres de recherche de par le monde (les universités de Princeton, Harvard, Yale, Columbia et New York aux Etats Unis, les universités de Laval et d'Ottawa au Canada, les Ecoles d’Economie de Paris et de Toulouse et l’Ecole Polytechnique en France, l’Ecole d’Economie de Londres et l’université d’Oxford au Royaume-Uni), l’école aura à sa disposition des professeurs affiliés provenant de ces institutions. Ces partenariats permettront également  aux étudiants de l'ASE d’interagir avec ces institutions académiques reconnues et d’avoir une ouverture internationale en Afrique et en dehors pour leur carrière, qu’elle soit en entreprise ou universitaire. ASE aura également trois centres consacrés à la recherche : l’IREEP qui existe déjà, l’Institut d’Etudes Africaines (IAS) et l’Institut pour le développement  du secteur privé (IPSD). En plus des opportunités de recherche que pourvoiront ces centres, ce seront également des véhicules qui assureront une partie du financement de l’école, qui engageront des partenariats avec des agences gouvernementales et des entreprises privées et qui donneront des emplois rémunérés aux étudiants désireux de financer en partie leurs études par ce canal.

Dans un récent article paru sur Terangaweb, Georges Vivien Houngbonon tout en se réjouissant de la mise en place imminente de cette grande école, posait la question de son accessibilité à tous et de sa représentativité à l’échelle du continent, sujette à caution par sa localisation géographique.

Il est vrai que le choix du Bénin pour implanter l’école peut susciter un débat. L’initiateur du projet invoque pour justifier ce choix le caractère démocratique du pays, sa relative stabilité politique de même que son bon classement en termes de respect des droits humains, son implantation géographique assez centrale et la relative qualité de son système éducatif. Le fait que ce petit pays qui était qualifié de «Quartier Latin de l’Afrique» soit francophone alors que les enseignements de l’école seront dispensés en anglais, permettra une attraction d’étudiants francophones et anglophones et facilitera les partenariats avec de grandes institutions académiques en France, au Canada et dans les pays anglo-saxons de premier plan. Mais l’attractivité de l’école viendra d’abord et avant tout de sa réputation d’excellence. Si elle arrive à remplir ses objectifs et à s’aligner sur les exigences internationales de qualité, de rigueur, de recherche et d’enseignements à la pointe de ce qui se fait dans le monde, elle attirera des étudiants africains de l’ensemble du continent. Ses partenariats ciblés avec des institutions dont la renommée n’est plus à faire ne feront qu’améliorer cette attractivité.

Quant au fait que l’école soit privée et donc payante avec des frais de scolarité qui seront vraisemblablement élevés, c’est en réalité un problème plus mineur qu’il n'en a l’air. D’abord de nombreux étudiants africains arrivent à trouver les moyens d’aller étudier en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, en quête d’une formation de qualité. Ils pourront la trouver, plus près d’eux et à des coûts relativement réduits. Quant aux étudiants brillants provenant de famille modeste, l’école proposera des bourses. Il y aura également des financements qu’ils pourront obtenir à travers la recherche dans les centres de l’école et des crédits dont l’obtention serait probablement facilitée par l'école.

Il est très important de noter que cette école fixera un standard et un exemple d’école de classe mondiale en Afrique. Ensuite, des écoles du même genre pourraient se multiplier sur le continent. Et comme le souhaite Georges Vivien Houngbonon dans son article, les Etats africains pourraient se saisir de cette initiative pour la répliquer. Il sera encore plus facile pour ces Etats d’octroyer des bourses aux meilleurs étudiants de leur pays pour aller y étudier, amoindrissant ainsi au passage les coûts de transport et le risque de faible attractivité de l’ASE pour les pays plus éloignés. L’African School of Economics a pour but de devenir une école du même niveau que les meilleures dans les disciplines qu'elle couvre et d'être un étendard de l’excellence africaine, c’est tout le mal que nous lui souhaitons.

Tite Yokossi

L’Enseignement supérieur en Afrique (1) : Etats des lieux et défis

diplômés africainsL’éducation est l’un des moteurs de la croissance économique et du développement humain. Cette assertion est depuis longtemps reconnue par les experts et  organisations internationales. Si les niveaux primaire et secondaire font l’objet d’investissements pour le développement de l’Afrique, l’apport  du niveau supérieur à la croissance africaine a longtemps été négligé. Avec la nécessité d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) pour réduire la pauvreté, l’intérêt pour l’enseignement supérieur devient aujourd’hui incontournable pour assurer une croissance inclusive. Ne serait-ce que pour le rattrapage des pays avancés, les pays africains ont besoin d’ingénieurs, de cadres et de chercheurs capables de comprendre et de mettre en œuvre les nouvelles technologies inventées dans les pays développés. En présentant l’état des lieux et les défis de l’enseignement supérieur en Afrique, cet article introduit une série de publications sur l’analyse et la compréhension des différents modèles universitaires africains.

Etat des lieux : Un secteur en crise

Le système universitaire africain traverse une crise: deux constats amènent à cette conclusion. D’abord, le rayonnement international des établissements africains est à construire. D’après le classement mondial de Shanghai, une seule université africaine se positionne dans le top 300 alors qu’on y décompte 130 universités américaines, 123 universités européennes et 35 universités asiatiques. A l’échelle internationale, les universités africaines ont donc une place à conquérir.

Ensuite, les étudiants africains ont une mobilité importante. Pour beaucoup de pays africains, le taux de mobilité vers l’étranger  (rapport entre le nombre d’étudiants africains à l’étranger et celui des étudiants restés dans les établissements nationaux) était supérieur à 25% en 2008.  Celle-ci s’effectue à la fois au sein du continent et à l’extérieur de celui-ci. Le graphique ci-dessous montre les principales destinations prisées par les étudiants mobiles d’Afrique.

graph3

Cette mobilité pourrait être envisagée de façon positive. En effet, elle est vectrice de gain de productivité pour le continent car les étudiants partis étudier à l’étranger gagnent en expertise. Cependant, pour que ces gains de productivité soient effectifs, il faudrait que les étudiants mobiles reviennent dans leur pays d’origine. Or, bien souvent l’effet inverse se produit, l’Afrique est victime d’une « fuite de cerveaux ». Cette mobilité est souvent le reflet d’un mal-être de l’enseignement supérieur africain. Les étudiants immigrent car ils trouvent des opportunités meilleures hors de leur pays.

Les défis : gérer les effectifs et accroître les ressources

Comment expliquer un tel retard de l’enseignement supérieur africain? Quelles sont les défis à relever ?

Les rapports de la Banque mondiale (*) et de l’Unesco (**) nous permettent de distinguer les problèmes majeurs qui entravent le rayonnement de l’enseignement supérieur en Afrique.

L’enjeu clé pour le continent africain est  de faire face à la croissance explosive des effectifs dans l’enseignement supérieur. Ainsi, les effectifs scolarisés en Afrique subsaharienne sont passés de 200 000 à 4,5 millions entre 1970 et 2008 selon le rapport de la Banque Mondiale. Cette augmentation fulgurante des effectifs a été soudaine et peut en partie s’expliquer par le développement de la scolarisation au niveau secondaire. Les universités, peu préparées aux répercussions d'un tel accroissement ont tenté d’accorder des places à cette nouvelle masse d’étudiants au détriment de la qualité de l’enseignement. Ce manque de places au sein des universités  est d’autant plus alarmant qu’on constate que la participation à l’enseignement supérieur des populations d’Afrique subsaharienne est très en dessous de la moyenne mondiale. En effet, leur taux brut de scolarisation (TBS) est de 6% en 2007 contre un taux brut mondial de 28%, selon les données statistiques de l’Unesco. Qu’arrivera-t-il alors lorsque la participation scolaire africaine aura rattrapé la moyenne mondiale ?

graph1
Source: Institut Statistique de l’Unesco

On sait que la demande de scolarisation n’ira pas  en diminuant étant donné les perspectives démographiques des années à venir. Il est donc urgent pour les universités africaines d’apprendre à gérer la croissance des effectifs scolarisés tout en maintenant la qualité de leurs formations.

Pour résoudre ce premier problème, il faut en solutionner un second : l’insuffisance des ressources des universités africaines. Bien que la situation reste très contrastée à l’échelle continentale, on constate que de nombreux pays au bas taux de scolarisation brut souffrent d’un coût unitaire par étudiant très élevé. Selon le bulletin d’informations de l’Unesco,  Le Burkina Faso, le Burundi, l’Éthiopie, le Madagascar, le Niger, le Rwanda, l’Ouganda, la République Centrafricaine et le Tchad présentent des niveaux de dépenses publiques concernant l’éducation qui dépassent 100 % du PIB par tête, alors que leur TBS pour l’enseignement supérieur est inférieur à 5 %. Si à long-terme la réduction des coûts unitaires par étudiant est inévitable ;  à court-terme il est important pour les universités africaines  de réorganiser la répartition de leurs ressources, afin d’encourager la recherche et le renouvellement des outils pédagogiques. Ces deux défis passent par l’autonomisation financière de l’enseignement supérieur vis-à-vis de l’Etat.

Par ailleurs, pour contribuer à la croissance de demain, l’enseignement supérieur africain doit réussir à adapter son offre de formation à l’offre du marché de l’emploi. Il faut que les étudiants puissent être orientés vers les filières porteuses d’emplois et encouragés à se tourner vers des métiers créateurs d’emplois tels que l’entreprenariat, l’agriculture, les NTIC et les énergies renouvelables.

Le dernier enjeu n’est pas des moindres, l’enseignement supérieur africain devra réduire les inégalités entre les sexes. Malgré une évolution notable, les femmes sont toujours sous-représentées  en matière de scolarisation supérieure dans le continent africain. Le TBS dans l’enseignement supérieur des femmes en Afrique subsaharienne s’élève à 4,8 %, contre 7,3 % pour les hommes selon les données statistiques de l’Unesco.

C’est en gardant en mémoire ces différents enjeux que l’on s’intéressera aux universités d’Afrique. Comment s’adaptent-elles à ces différentes contraintes ? Quelles sont leurs atouts et leurs défauts ? Quel avenir réservent-t-elles à l’Afrique ? Comment peuvent-elles contribuer à une croissance inclusive en Afrique ?

Débora Lésel


(*)Document de travail de la Banque Mondiale n°103 : « Enseignement supérieur en Afrique francophone. Quels leviers pour des politiques financièrement soutenables »

(**) Bulletin d’informations de l’ISU. Décembre 2010.N°110 « Tendance dans l’enseignement supérieur : l’Afrique subsaharienne »

La situation de l’éducation au Bénin (2)

Dans un précédent article, nous avons dressé l’état des lieux et analysé la situation de l’éducation au Bénin. Si des améliorations ont été constatées, notamment au niveau de l’accès – en termes quantitatifs – à l’éducation, de nombreux problèmes ont également été identifiés, notamment au niveau qualitatif. Ils nous indiquent les priorités d’action qui nous paraissent cruciales pour que l’éducation béninoise remplisse pleinement son rôle.

Rapprocher l'éducation des réalités et des besoins du pays

Pour que l’éducation réponde aux défis qui lui sont posés, l’accent doit être mis sur une formation qui conduise les jeunes à l’emploi ou à la création d’emplois et qui leur permette de s’épanouir et d’être de plein acteurs du développement de leur pays. C’est pourquoi il est important que l’organisation et les contenus de l’éducation se rapprochent des besoins et des réalités économiques du marché du travail. Pour ce faire, il est crucial de mieux orienter les étudiants vers les filières adaptées au marché du travail. C’est primordial si l’on veut lutter contre le chômage des jeunes et de multiples problèmes connexes comme l’insécurité. En effet, au Bénin comme dans plusieurs pays d’Afrique, l’enseignement général est plus valorisé dans les mentalités ; un trop grand nombre d’élèves et d’étudiants s’y accrochent et cela pose des problèmes. D’abord la rétention des élèves lors de leur cursus, en particulier dans l’enseignement secondaire général, est faible, allant jusqu’à un élève sur 6 par endroits, parfois pire. Ces jeunes qui sortent du système en 4ème, 3ème, 1ère se retrouvent en général sans aucune formation professionnalisante et sont désœuvrés. Ils ne veulent pas non plus retourner aux activités champêtres ou artisanales de leurs parents car cela serait perçu comme un échec. Leurs parents, pour beaucoup illettrés ou peu instruits, ont formé en les inscrivant à l’école de grands espoirs de réussite, des espoirs qui se résument souvent d’ailleurs à ce que leur enfant devienne un grand cadre dans l’administration publique.

La réussite par la voix de l’enseignement général et par l’embauche subséquente par l’Etat sont donc hautement présentes dans les esprits et tiennent non seulement à l’histoire récente du pays mais aussi à ses réalités palpables. Outre la période marxiste des années 70 et 80 où l’Etat avait essayé tant bien que mal d’embaucher systématiquement les jeunes étudiants fraîchement diplômés, le Bénin est également le théâtre d’une corruption généralisée qui se manifeste par un niveau de vie très élevé de nombreux agents de l’Etat. Ces facteurs ont entraîné une forte hausse du nombre d’étudiants dans l’enseignement général et par voie de conséquence, une hausse du chômage.

Il est important aujourd’hui de redonner toutes ses lettres de noblesse à l’enseignement technique, un enseignement qui doit être adapté à l’offre de travail du pays. Une meilleure orientation devrait être mise en place dès la fin de la 3ème pour orienter les élèves vers un enseignement de qualité agricole ou technique. Le Bénin a fortement besoin de talents dans l’agriculture pour la moderniser, la rendre plus efficace et plus productive. Les compétences techniques nécessaires à l’émergence d’une vraie industrie manquent cruellement. Au-delà des ingénieurs formés et qui ont des compétences pour dessiner les contours de cette industrie, il faut une main d’œuvre abondante et qualifiée pour faire tourner des usines, monter, assembler des composants et fabriquer des produits finis au lieu de les importer. En lieu et place, nous avons deux grandes universités publiques et plusieurs universités privées surpeuplées de jeunes qui vont en majorité étudier la géographie, la philosophie et les sciences économiques avec à la clé peu ou pas de débouchés.

Cette meilleure orientation des étudiants doit s’accompagner d’une adaptation des contenus des enseignements aux réalités du pays. C’est le plus grand intérêt de la nation que ces contenus ne soient pas dictés par des partenaires aux développements qui apporteraient des fonds. Les fameux « nouveaux programmes » développés avec le soutien de l’USAID ont été une pâle copie de programmes qui existent dans des pays aux réalités différentes et qui font l’éloge d’une certaine interactivité avec un mépris avéré pour des compétences de base pourtant essentielles. Il est important que le gouvernement béninois reprenne la main sur ces contenus et qu’il l’adapte au contexte historique, sociopolitique et économique du pays. Les jeunes étudiants devraient avoir en perspective l’histoire de leur pays, sa place dans le monde, ses succès et ses échecs, ses besoins réels et ses défis.

Améliorer la qualité des enseignements et des équipements éducatifs

Si la mise en application des priorités évoquées ci-dessus nécessite beaucoup plus de volonté politique que de moyens financiers, des efforts financiers sont également nécessaires notamment pour améliorer la qualité des enseignants et de tous les équipements éducatifs : salles de classe, matériel pédagogique, manuels scolaires. Les enseignants sont la pierre angulaire de la transmission du savoir. Il n’est pas possible de réformer les contenus et leur transmission à la génération montante sans mieux former et outiller les enseignants.

Réduire les inégalités d'accès à l'éducation

Il incombe également aux autorités en charge de l’éducation de réduire les disparités géographiques et d’assurer une meilleure parité filles/garçons. Il faut pour cela concentrer les efforts sur les zones défavorisées, inciter les professeurs de qualité à y enseigner et améliorer les conditions dans lesquelles les jeunes des localités concernées sont amenés à s’instruire.

Améliorer l'organisation de l'administration du secteur

Les institutions en charge de l’éducation doivent avoir une organisation et un leadership clairs qui facilitent la prise de décisions et leur mise en œuvre. Actuellement, le dispositif de pilotage du Plan Décennal de Développement du Secteur de l’Education du Bénin (PDDSE) comprend un comité de supervision (CSPD), un comité de pilotage (CPPD) et un comité de coordination (CCPD), dont les attributions sont opérationnalisées par un Secrétariat technique permanent (STP) avec des prérogatives mal définies, on comprend aisément que la mise en oeuvre du plan accuse des retards et un ralentissement conséquents. Un dernier défi réside dans la réduction des lourdeurs et l’amélioration de l’efficacité du financement du secteur. Le fait que pour tous les ordres d’enseignement sauf l’enseignement supérieur, le taux moyen d’exécution du budget atteigne rarement 80% montre bien que le problème se trouve moins dans l’allocation des ressources au budget de l’éducation que dans l’exécution de celui-ci.

Tite Yokossi